République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 7 SECTION 2
ARRÊT DU 30/ 06/ 2011
JOUR FIXE
No MINUTE :
No RG : 11/ 03195
Jugement (No 10/ 03466)
rendu le 05 Avril 2011
par le Juge aux affaires familiales de VALENCIENNES
REF : CP/ VV
APPELANTE
Madame Fatiha X...
née le 08 Mai 1973 à DENAIN (59220)
demeurant ...
représentée par la SCP CARLIER REGNIER, avoués à la Cour
assistée de Me Vincent DUSART HAVET, avocat au barreau de VALENCIENNES
bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/ 002/ 11/ 05120 du 17/ 05/ 2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI
INTIMÉ
Monsieur Christian A...
né le 17 Décembre 1967 à CAMBRAI (59400)
demeurant ...
représenté par la SCP DELEFORGE ET FRANCHI, avoués à la Cour
assisté de Me Hugo VAN CAUWENBERGE, avocat au barreau de VALENCIENNES
DÉBATS à l'audience en chambre du Conseil du 16 Juin 2011, tenue par Charles PINAREL magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Christine COMMANS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Patrick BIROLLEAU, Président de chambre
Charles PINAREL, Conseiller
Cécile ANDRE, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé, en Chambre du Conseil, par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2011, (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Patrick BIROLLEAU, Président et Christine COMMANS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL de la PROCÉDURE
Du mariage de Fatiha X... et de Christian A...célébré le 27. 06. 1998 naissaient :
- Florian le 22. 10. 1996,
- Fabien le 10. 02. 1998,
- Aurélien le 11. 11. 1999.
Par jugement en date du 14. 12. 2005, le Juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Valenciennes a prononcé le divorce des époux aux torts partagés et avait notamment :
- constaté l'exercice conjoint de l'autorité parentale,
- fixé chez la mère la résidence des enfants,
- accordé au père un droit de visite en lieu neutre pour une durée de huit mois,
- fixé à 25 € la pension alimentaire mensuelle par enfant mise à la charge du père.
Par jugement du 26. 09. 2006 (non communiqué), le Juge aux affaires familiales avait homologué l'accord des parties fixant les modalités du droit de visite et d'hébergement du père selon des modalités usuelles étendues à deux milieux de semaine par mois.
Par jugement du 10. 01. 2008 (non communiqué), le Juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d'Avesnes sur Helpe avait supprimé le droit de visite et d'hébergement du père les milieux de semaine.
Par arrêt du 12. 11. 2009, la Cour d'Appel de ce siège avait notamment :
- débouté Christian A...de sa demande de transfert de la résidence des enfants à son domicile,
- confirmé le jugement rendu le 18. 09. 2008 par le Juge aux affaires familiales d'Avesnes sur Helpe en toutes ses dispositions, à l'exception de celles relatives à la pension alimentaire et au droit de visite et d'hébergement paternel du milieu de semaine,
et par infirmation de ces chefs l'arrêt avait :
- fixé à 100 € la pension alimentaire mensuelle par enfant mise à la charge du père,
- accordé à celui-ci un droit de visite et d'hébergement étendu à deux milieux de semaine par mois.
Par assignation délivrée le 7. 10. 2010, Christian A...saisissait le Juge aux affaires familiales de Valenciennes aux fins de :
- transférer la résidence des trois enfants à son domicile,
- supprimer les pensions alimentaires mises à sa charge,
- dire que la mère exercera son droit de visite en lieu neutre deux fois par mois,
- condamner Fatiha X... à lui verser une pension alimentaire de 100 € par mois et par enfant,
- subsidiairement et avant-dire-droit, ordonner l'audition des enfants, diligenter une enquête sociale, fixer chez le père la résidence des enfants et attribuer à la mère un droit de visite en lieu neutre.
L'audition de Fabien et Aurélien a eu lieu le 7. 01. 2011.
Par jugement du 11. 01. 2011, le Juge aux affaires familiales de Valenciennes a notamment :
- transféré la résidence de Florian chez son père à compter de la décision,
- dit que la mère exercera sur Florian un droit de visite deux samedi ou dimanche par mois de 10 h à 18 h, hors vacances scolaires,
- supprimé la pension alimentaire mise à la charge du père pour Florian,
- constaté l'état d'impécuniosité de Fatiha X... et l'a dispensée de toute pension alimentaire pour Florian,
- ordonné la réouverture des débats sur les demandes relatives à Aurélien et Fabien à l'audience du 25. 01. 2011.
Par jugement en date du 05. 04. 2011, le Juge a :
- constaté qu'un jugement du Juge aux affaires familiales de Valenciennes du 11. 01. 2011 a été rendu pour organiser les modalités d'exercice de l'autorité parentale sur l'enfant Florian,
- précisé que les modalités du dit jugement continuent de recevoir application,
- rappelé que les dispositions de l'arrêt rendu le 12. 11. 2009 par la Cour d'Appel de Douai relatives à l'exercice conjoint de l'autorité parentale continuent de recevoir application,
- débouté Christian A...de sa demande de transfert à son domicile de la résidence d'Aurélien et Fabien,
- instauré jusqu'au 01. 09. 2011 une résidence en alternance de Fabien et Aurélien selon les modalités suivantes :
* hors vacances scolaires d'été, à la semaine du dimanche 18 h au dimanche 18 h, les semaines paires chez le père, les semaines impaires chez la mère,
* pendant les vacances scolaires d'été : la 1ère partie des vacances scolaires les années paires chez le père, la 2ème moitié des vacances scolaires les années paires chez la mère, soit le mois de vacances scolaires de juillet 2011 chez la mère, le mois d'août 2011 chez le père,
- dit que, pendant cette résidence alternée, les prestations sociales auxquelles Fabien et Aurélien donnent droit seront versées à la mère,
- dit que, pendant la résidence alternée, les enfants Fabien et Aurélien seront rattachés fiscalement et au regard de tout sur-salaire familial au père,
- enjoint à Christian A...et Fatiha X... de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l'objet et le déroulement de la médiation, ce médiateur pouvant être notamment à leur choix l'association La Pose, l'ADSSEAD, ou Beffrois Médiations,
- fixé à compter du jugement à 70 € la pension alimentaire mensuelle par enfant mise à la charge du père soit 140 € au total,
- dit que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens.
Par déclaration en date du 09. 05. 2011, Fatiha X... a interjeté appel général de cette décision.
Par requête du 16. 05. 2011 adressée à Mme le Premier Président de la Cour d'Appel, Fatiha X... sollicitait l'autorisation d'assigner à jour fixe Christian A...devant la Cour d'Appel. Par ordonnance du 18. 05. 2011 le Premier Président accordait l'autorisation pour l'audience du 16. 06. 2011.
L'assignation était signifiée à la personne de Christian A...le 30. 05. 2011 et déposée au greffe le 06. 06. 2011.
PRÉTENTIONS des PARTIES
Vu les dernières conclusions déposées au greffe le 16. 06. 2011, aux termes desquelles Fatiha X... demande à la Cour par réformation de :
- de maintenir la résidence de Fabien et Aurélien au domicile de leur mère,
- dire que les droits de visite du père en milieu de semaine s'exerceront " la 2ème et 4ème fin de semaine de chaque mois ", du mardi sortie des classes au jeudi rentrée des classes et non plus à la fantaisie de M. A...,
- dire n'y avoir lieu à enjoindre aux parties de mettre en place une médiation pénale,
- condamner Christian A...à verser une pension alimentaire de 220 € par mois et par enfant pour Fabien et Aurélien,
- débouter Christian A...de toutes ses demandes,
- à titre subsidiaire, si la décision était confirmée, le condamner à verser à Fatiha X... une pension alimentaire de 180 € par mois et par enfant,
- le condamner aux dépens de première instance et d'appel.
Dans les motifs de ses conclusions, Fatiha X... sollicite aussi à titre subsidiaire, si la résidence alternée était maintenue, le bénéfice des prestations familiales auxquelles ouvrent droit Fabien et Aurélien.
Vu les dernières conclusions déposées au greffe le 15. 06. 2011, aux termes desquelles Christian A...demande la confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a fixé la résidence de Fabien et Aurélien en alternance.
Par son appel incident, il demande à la Cour de :
- dire que cette résidence alternée vaudra à titre définitif et donc au delà du 01. 09. 2011,
- supprimer la pension alimentaire mise à sa charge.
A titre infiniment subsidiaire, il demande à la Cour :
- d'ordonner l'audition de Fabien et Aurélien,
- débouter Fatiha X... de sa demande de fixation d'un droit de visite et d'hébergement paternel en milieu de semaine,
- la condamner aux entiers dépens.
Il est expressément renvoyé à ces conclusions pour un plus ample exposé des faits, procédure, prétentions et moyens des parties comme l'autorisent les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
L'appel principal et l'appel incident remettent en cause les dispositions relatives à la résidence des enfants Fabien et Aurélien, aux pensions alimentaires mises à la charge du père et à l'injonction de rencontrer un médiateur familial ; toutes les autres dispositions non contestées seront donc confirmées.
Sur l'audition des mineurs
Bien que formulée à titre subsidiaire par le père, cette demande doit être examinée par la Cour préalablement à l'examen des autres demandes tant au regard des dispositions des articles 388-1 du code civil que de celles des articles 388-1 à 388-5 du code de procédure civile.
Le premier juge qui a déjà procédé, à la demande de Christian A..., à l'audition des mineurs Fabien et Aurélien le 7. 01. 2011 précise dans le jugement déféré que " craignant les réactions intempestives de leurs parents, ils ont tenu à ce que leurs propos lors de l'audition ne soient pas actés. "
Dans ces conditions, l'intérêt des enfants s'oppose à une nouvelle audition, le conflit de loyauté dans lequel sont placés ces mineurs ne pouvant que s'aggraver par une telle initiative à laquelle ils ont clairement manifesté leur opposition.
La demande d'audition de Fabien et d'Aurélien présentée par leur père sera ainsi rejetée.
Sur la résidence de Fabien et d'Aurélien
L'article 373-2-9 du code civil dispose que " la résidence de l'enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l'un d'eux.
A la demande de l'un des parents ou en cas de désaccord entre eux sur le mode de résidence de l'enfant, le juge peut ordonner à titre provisoire une résidence en alternance dont il détermine la durée. Au terme de celle-ci, le juge statue définitivement sur la résidence de l'enfant en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l'un d'eux. "
Le juge statue en veillant spécialement à la sauvegarde des intérêts de l'enfant.
* Les enfants Fabien et Aurélien sont âgés de 13 ans et 11 ans.
Ils ont résidé chez leur mère depuis le début de la procédure de divorce en 2002. Leur frère Florian, âgé de 14 ans demeure chez son père depuis septembre 2010, situation officialisée par le jugement précité du 11 janvier 2011.
Les parties demeurent dans le Nord à Denain et Haveluy à quelques kilomètres de distance.
Les trois enfants sont scolarisés à Denain.
Depuis la dernière décision judiciaire définitive réglementant la résidence des enfants et le droit de visite et d'hébergement paternel, soit l'arrêt précité du 12. 11. 2009, sont intervenus des faits nouveaux, notamment le transfert de la résidence de Florian et le déménagement de la mère qui ont modifié la situation des parties et autorisent la Cour à ré-examiner la fixation de la résidence d'Aurélien et de Fabien.
* Les enfants de la famille sont suivis depuis 2003 par le Juge des Enfants dans une procédure d'Assistance Educative dont les parties ont produit les pièces utiles à la Cour, sans que celle-ci n'use de la possibilité de se faire communiquer l'intégralité du dossier ouvert chez le Juge des Enfants.
La Cour note que depuis la procédure de divorce, toutes les pièces produites par les parties comme les décisions judiciaires rendues, décrivent le conflit exacerbé qui oppose Fatiha X... et Christian A...dont les enfants sont devenus les enjeux et les otages sans considération de leur intérêt personnel qui demeure le seul critère déterminant de la décision que prendra la Cour. Chacune des parties, depuis de nombreuses années alimente le conflit et renvoie sur l'autre parent la responsabilité de la dégradation de la situation des enfants, les engagements de modifier le fonctionnement parental ne sont pas tenus.
Chacun des enfants, selon qu'il est avec son père ou avec sa mère exprime un souhait de résidence conforme à celui de ce parent.
* La dernière décision du Juge des Enfants rendue le 01. 02. 2011 renouvelle pour un an, jusqu'au 01. 02. 2010 la mesure d'Assistance Educative en milieu ouvert concernant les trois mineurs et considère qu'il importe de désigner un administrateur ad hoc pour les représenter dans la procédure pendante devant lui.
Ce Juge expose que le rapport d'I. O. E du 25. 11. 2010 décrit la dégradation de la situation de Florian au plan scolaire et du comportement et que l'expertise psychiatrique démontre sa grande fragilité psychique pour un mineur manifestement enfermé dans un conflit de loyauté, qui devrait avoir accès aux soins pour pouvoir exprimer ses angoisses et pour lequel une solution d'éloignement pourrait même être envisagée si les troubles persistaient faute d'une modification profonde de l'attitude des parents.
Le Juge des Enfants considère que Fabien et Aurélien sont enfermés dans le même conflit de loyauté ne voulant pas avoir à choisir entre leur père et leur mère comme ceux-ci le leur demandent de manière plus ou moins déguisée. La mesure d'Assistance Educative en milieu ouvert se voit impartir les objectifs " de donner un espace d'expression aux mineurs loin des pressions parentales ainsi qu'à Mme Fatiha X... qui se voit souvent comme une mauvaise mère ".
Le rapport d'I. O. E. décrivait en novembre 2010 un comportement de Christian A...peu conforme à l'intérêt des enfants :
- surveillant pénitentiaire depuis deux ans il évoquait le projet de demander une mutation s'il n'obtenait pas la résidence des enfants, projet qui angoisse les enfants,
- il reconnaissait laisser beaucoup de liberté aux enfants dans le domaine éducatif et l'absentéisme scolaire de Florian du 02. 09. 2010 au 14. 10. 2010 n'a pas diminué totalisant 23 demie-journées (fiche scolaire). 25 demie-journées d'absences sont comptabilisées au 2ème trimestre, ses résultats scolaires demeurent modestes et ses difficultés sont toujours mentionnées (bulletin scolaire),
- le père soutenait sans réserve Florian à l'occasion des problèmes de comportement survenus au collège,
- très dépréciatif sur leur mère qu'il critiquait en permanence, il lui reprochait tous les maux des enfants, induisant un comportement identique chez Florian,
- il dénonçait l'incompétence de tous les professionnels chargés de protéger ses enfants mais n'avait aucune capacité de remise en cause et alimentait la saisine des divers intervenants,
- il avait pour objectif de récupérer la résidence principale des trois enfants et de restreindre la place de la mère,
- il n'avait pas tenu son engagement de conduire au CMP ses enfants, estimant que Florian n'en avait plus besoin ; il a repris le suivi psychologique de Florian en 2011 ainsi que ses soins en orthhoptie (convocations CMP, feuille de soins).
De même, il confie à son frère Bernard qui demeure à Villeneuve d'Ascq (attestation) la sécurité des enfants lorsqu'il est de service de nuit et alors que certains sont énurétiques (certificats médicaux).
Il ne justifie pas de ses cycles de travail en 2011 ni de leur compatibilité avec l'accueil de trois enfants (attestation ancienne du Centre Pénitentiaire Maubeuge du 17. 09. 2010).
* L'absentéisme scolaire de Fabien et d'Aurélien au 1er trimestre 2010-2011 alors qu'ils résident chez la mère est très faible, ils totalisent deux et trois demie-journées et leurs résultats sont très satisfaisants (fiches scolaires).
Le rapport d'IOE note que le comportement de la mère sait être valorisant pour ses enfants et que l'AEMO a contribué à améliorer sa parentalité ; il souligne cependant les conséquences négatives pour les enfants de ses déménagements successifs, de l'envahissement psychologique suscité par les intentions prêtées à Christian A..., de son exigence affirmée de réussite scolaire et sociale, de son incapacité à maîtriser des sentiments négatifs lorsque les enfants remettent en cause ses capacités maternelles.
Fabien pour se protéger, a pris du recul par rapport au conflit familial, il se montre aussi neutre que possible entre ses parents et a appris à composer avec ces difficultés.
Désireux de maintenir le lien avec ses deux parents, il perçoit que son père ne peut garantir ce maintien en cas de résidence chez lui tant la pression paternelle comporte de chantage affectif. Le départ de l'aîné, avec qui il conserve une bonne entente, lui a permis de se rapprocher de sa mère avec qui il entretient une relation de qualité. Fabien est aussi très attaché à Aurélien et seule la relation fraternelle lui apparaît sécurisante même si les temps partagés avec chaque parent lui procurent du plaisir. Il se prive de toute autre intégration sociale.
Aurélien s'impose de ne prendre parti pour aucun de ses parents et souhaite pouvoir accéder aux deux. Il s'identifie plus facilement à sa mère mais insiste sur l'affection portée à son père.
Il vit très douloureusement le conflit de ses parents et leur manque de communication ; il intériorise cette souffrance et se raccroche essentiellement à son frère Fabien. Ce lien fort le rassure sans jamais le décevoir. Son intégration sociale est trés faible.
Christian A...n'établit ni les violences physiques ni le danger qui pourrait résulter pour Fabien et Aurélien à demeurer chez leur mère et le Juge des Enfants depuis 2003 n'a pas non plus critiqué cette résidence chez Fatiha X....
* Comme le rapport d'IOE, la Cour considère que, tiraillés entre leurs parents les enfants Fabien et Aurélien ne parviennent pas à les dissocier et ont besoin de garder des liens avec les deux pour ne pas sombrer ; très insécurisés, le divorce et ses suites constituent pour eux une véritable maltraitance psychologique.
Alors qu'ils auraient pu être réunificateurs, les troubles et les souffrances manifestés par les trois enfants sont devenus autant d'armes utilisées par chaque parent pour parvenir à ses fins.
La situation antérieure d'une résidence habituelle chez la mère n'a pas permis de constater une amélioration de la situation des deux derniers enfants depuis des années.
Christian A...a renoncé à solliciter la résidence de ses deux enfants et accepte une résidence alternée qui laisse à la mère une place identique à la sienne.
Confier Fabien et Aurélien en partie à chacun de leurs parents au moyen d'une résidence alternée est pour la Cour, le moyen de mettre un terme à l'enjeu dont ils sont l'objet mais aussi à leur souhait, toujours déçu de voir à nouveau leurs parents réunis.
Cette solution qui permet à Fabien et Aurélien en outre, de retrouver leur aîné plus régulièrement est de nature à conforter et valoriser leur lien fraternel ; elle leur permet d'accéder équitablement à leurs deux parents, obligeant ceux-ci à conjuguer leurs efforts et leurs soins au service de leurs enfants sans que persiste la rivalité artificielle entre celui qui se voit attribuer la résidence des enfants et celui qui en est privé.
Cette solution autorise les enfants à sortir de l'instrumentalisation dans laquelle ils sont placés depuis plusieurs années et à reprendre une place mieux adaptée entre leur père et leur mère.
Une telle mesure s'avère donc conforme à l'intérêt des enfants et le principe d'une résidence alternée sera confirmé par la Cour.
Cependant, les effets sur les enfants de cette modification de résidence ne peuvent se produire dans le bref délai imposé par le premier juge, alors même que, prise en avril 2011, la mesure est suspendue pendant les vacances d'été durant lesquelles les parents bénéficient chacun d'un mois avec les enfants.
Le jugement sera donc réformé en ce qu'il instaurait seulement une résidence alternée à caractère provisoire, s'achevant le 01. 09. 2011.
La résidence alternée sera ainsi ordonnée sans être limitée dans sa durée et ses modalités seront rappelées dans le dispositif de l'arrêt.
Le jugement déféré sera réformé sur ce point.
Sur la contribution à l'éducation et à l'entretien d'Aurélien et Fabien
Conformément aux dispositions de l'article 371-2, Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant.
Cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l'enfant est majeur.
En cas de séparation des parents la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant prend la forme d'une pension alimentaire versée par l'un des parents à l'autre (article 373-2-2 code civil).
Pour déterminer s'il y a lieu ou non de modifier la pension alimentaire originaire, il appartient à la Cour d'examiner les changements qui ont pu survenir dans la situation des parties ou les besoins des enfants depuis la dernière décision définitive.
La dernière décision définitive est l'arrêt précité du 12. 11. 2009, qui avait retenu les situations suivantes pour les parties :
- Fatiha X...
ses revenus mensuels étaient constitués par un salaire moyen de 1 478 € jusqu'au 01. 06. 2009, amputé de 148 € à compter de cette date par un chômage partiel ; elle percevait 317 € d'allocations familiales outre 161 € de Complément Familial et 300 € d'APL.
ses charges mensuelles comprenaient 900 € d'un prêt immobilier, 192 € d'un prêt travaux et 69 € d'un prêt automobile se terminant en février 2010.
- Christian A...
ses revenus mensuels étaient constitués par un salaire moyen de 1 597 €
ses charges mensuelles comprenaient un loyer de 170 € déduction faite de l'APL, les mensualités du crédit automobile de 209 € et 640 € de frais de déplacement.
La situation matérielle actuelle des parties s'établit ainsi :
- Pour Fatiha X...
Ses revenus mensuels sont constitués par les prestations familiales qui s'élevaient pour mars 2011 à 858 € soit 322 € d'allocations familiales, 237 € d'APL, 163 € de Complément Familial et 135 € de RSA (attestation CAF du 18. 04. 2011).
Elle dirige un restaurant à Denain sous forme d'EURL sur les comptes de laquelle l'expert comptable certifie, le 13. 09. 2010 que Fatiha X... n'a pas prélevé de rémunération en juin, juillet et août 2010.
Aucune pièce n'établit ni la totalité des revenus perçus par Fatiha X... pour 2010 ni ceux qu'elle a pu percevoir de son restaurant en 2011.
Ses charges mensuelles ne sont pas non plus communiquées.
Fatiha X... n'établit pas quelle est l'incidence de la résidence alternée sur l'ensemble de ses prestations familiales, alors même que le jugement déféré lui attribuait l'intégralité des allocations familiales relatives à Aurélien et Fabien.
Le transfert de la résidence de Florian, non pris en compte dans le relevé du 18. 04. 2011, va cependant venir diminuer certaines des allocations versées par la CAF à la mère.
Le rapport d'IOE de novembre 2010 précise que si Fatiha X... a repris le restaurant de Denain avec un ami, ils n'ont pas de vie commune.
Rien n'établit qu'ils cohabitent depuis cette date ni que Fatiha X... partagerait avec son ami les charges de la vie courante comme prétendu par Christian A....
- Pour Christian A...
Ses revenus mensuels sont constitués par son traitement de surveillant principal soit 1 815 € selon son bulletin de paie de mars 2011.
Ses charges mensuelles incompressibles comportent le remboursement des échéances de divers prêts soit :
-313 € au Crédit Mutuel (tableau d'amortissement du 29. 07. 2009),
-68 € à la Mutuelle du Ministère de la Justice (tableau d'amortissement du 22. 03. 2011),
-77 € à la Banque Accord (offre de prêt), ce crédit se terminant en janvier 2012,
ainsi qu'un loyer de 185 €, déduction faite de son APL de 262 € (quittance d'avril 2011).
L'intéressé justifie d'une partie de ses charges courantes 2011.
Depuis la dernière décision définitive sont intervenu des faits nouveaux, tels le transfert de la résidence de Florian, la suppression de la pension alimentaire versée pour lui par Christian A..., le déménagement et le changement d'emploi de Fatiha X..., l'augmentation du salaire du père et la diminution de ses charges, qui autorisent le ré-examen des pensions alimentaires versées par le père pour Fabien et Aurélien.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, de la résidence alternée des deux enfants, de la carence dans la production d'informations précises relatives aux revenus et aux charges de Fatiha X... et des besoins des enfants, la Cour considère que c'est à juste titre que le premier juge a fixé à 70 € par mois le montant de la contribution due par Christian A...pour l'éducation et l'entretien de chacun des enfants Aurélien et Fabien soit au total 140 €.
Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur la médiation familiale
Fatiha X... conclut à l'infirmation des dispositions relatives à l'injonction de rencontrer un médiateur prise par le premier juge ; elle la considère comme illusoire compte tenu de l'ancienneté du conflit et de la complexité des relations familiales.
Une telle mesure prévue par l'alinéa 2 de l'article 373-2-10 du code civil ne peut prospérer sans le consentement des parties.
Il conviendra donc d'infirmer cette disposition à laquelle s'oppose la mère.
Sur les dépens
La nature familiale du litige commande de laisser à la charge de chacune des parties les dépens exposés par elles en cause d'appel, les dispositions relatives aux dépens de première instance étant par ailleurs confirmées.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Rejette la demande présentée par Christian A...tendant à l'audition des mineurs Fabien et Aurélien A...,
Confirme le jugement du 05 avril 2011 rendu par le Juge aux affaires familiales de Valenciennes en toutes ses dispositions à l'exception de celles relatives au caractère provisoire de la résidence des enfants Aurélien et Fabien et à l'injonction de rencontrer un médiateur familial,
Par infirmation de ces chefs et statuant à nouveau :
Dit n'y avoir lieu à enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur familial,
Fixe la résidence des enfants Aurélien et Fabien en alternance au domicile de chacun de leurs parents à compter du 05. 04. 2011,
Dit que cette résidence alternée s'exerce selon les modalités suivantes :
* hors vacances scolaires d'été, à la semaine du dimanche 18 h au dimanche 18 h, les semaines paires chez le père, les semaines impaires chez la mère,
* pendant les vacances scolaires d'été :
- les années paires, la 1ère moitié des vacances scolaires chez le père, la 2ème moitié chez la mère,
- les années impaires, la 1ère moitié des vacances chez la mère, la 2ème moitié chez le père,
soit le mois de vacances scolaires de juillet 2011 chez la mère, le mois d'août 2011 chez le père,
- à charge pour le parent chez qui les enfants doivent s'installer le dimanche soir ou chez qui les enfants doivent se rendre pour les vacances d'été, de les prendre ou faire prendre au domicile de l'autre parent,
Dit que tout jour férié suivant immédiatement le dimanche durant lequel s'achève une période de résidence s'ajoutera à cette période,
Dit que par dérogation à ce calendrier, les enfants Aurélien et Fabien résideront chez leur père le dimanche de la fête des Pères et chez leur mère le dimanche de la fête des Mères,
Dit que si le parent bénéficiaire d'une période de résidence n'est pas venu chercher les enfants dans l'heure fixée les dimanches ou dans la première demie-journée pour les vacances d'été, il sera, sauf accord des parties, considéré comme ayant renoncé à son droit pour toute la période concernée,
Dit que les dates de congés scolaires à prendre en considération sont celles de l'académie dans le ressort de laquelle les enfants d'âge scolaire sont inscrits,
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens d'appel,
Constate que Fatiha X... bénéficie de l'aide juridictionnelle.
Le Greffier, Le Président,
C. COMMANSP. BIROLLEAU