République Française Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 7 SECTION 2 ARRÊT DU 30/ 06/ 2011
*** No MINUTE : No RG : 10/ 08827 Jugement (No 10/ 04964) rendu le 09 Novembre 2010 par le Juge aux affaires familiales de LILLE
REF : CA/ LL
APPELANTE Madame Anne-Laure X...née le 24 Novembre 1972 à LESQUIN (59810) demeurant ...
représentée par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour assistée de Me Catherine LEMAIRE, avocat au barreau de LILLE (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178002/ 10/ 13320 du 18/ 01/ 2011)
INTIMÉ Monsieur Emmanuel Z...né le 14 Septembre 1970 à LILLE (59000) ...
représenté par la SCP CARLIER REGNIER, avoués à la Cour
DÉBATS à l'audience en chambre du Conseil du 26 Mai 2011, tenue par Madame Cécile ANDRE magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Karima HACHID
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ Patrick BIROLLEAU, Président de chambre Hervé ANSSENS, Conseiller Cécile ANDRE, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé, en Chambre du Conseil, par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2011, (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président et Madame Christine COMMANS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Du mariage de Monsieur Emmanuel Z...et de Madame Anne-Laure X...sont issus trois enfants :
- Mathilde, née le 4 juillet 1997 ;- Pauline, née le 17 novembre 1999 ;- Aurélien, né le 7 février 2003.
Selon jugement de divorce du 14 janvier 2010, le Juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de LILLE a fixé la résidence habituelle des enfants au domicile de leur mère, a organisé le droit de visite et d'hébergement du père selon des modalités dites habituelles et a condamné Monsieur Emmanuel Z...à verser des pensions alimentaires mensuelles de 270 Euros par enfant, au titre de sa contribution à leur entretien et à leur éducation.
Par requête enregistrée le 8 juin 2010, Monsieur Emmanuel Z...a sollicité la diminution des pensions alimentaires mises à sa charge.
Madame Anne-Laure X...s'est opposée à cette demande et par jugement du 9 novembre 2010, le Juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de LILLE a ramené à la somme mensuelle de 110 Euros par enfant les parts contributives à leur entretien et à leur éducation et laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.
Madame Anne-Laure X...a formé appel de cette décision le 13 décembre 2010 et par ses conclusions signifiées le 10 février 2011, elle demande à la Cour, par réformation, de débouter Monsieur Emmanuel Z...de sa demande de diminution des pensions alimentaires et de le condamner aux dépens de première instance et d'appel.
Au soutien de son appel, elle expose qu'elle n'a été destinataire que d'une partie des pièces justificatives de Monsieur Emmanuel Z...relatives à ses revenus et que le cumul imposable de ses salaires au 30 septembre 2010 permet de retenir un revenu moyen bien supérieur à celui repris par le premier juge ; qu'il n'inclut pas les primes de fin d'année ou treizième mois éventuel.
Enfin, elle précise que l'immeuble indivis a été vendu en décembre 2010 et qu'elle supporte depuis cette date un loyer.
Elle estime donc qu'en l'absence de modification notable de la situation de Monsieur Emmanuel Z..., il n'y a pas lieu de modifier le montant des pensions alimentaires mises à sa charge.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 26 mai 2011, Monsieur Emmanuel Z...sollicite la confirmation du jugement entrepris et subsidiairement, demande à la Cour de dire que sa contribution à l'entretien et à l'éducation de chacun des enfants ne pourra être supérieure à 150 Euros par mois.
Il réclame la condamnation de l'appelante aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à une indemnité de 1. 000 Euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Quant au respect du principe contradictoire, il rappelle que devant le premier juge, les parties ont toutes comparu personnellement, sans l'assistance d'un avocat, et qu'elles se sont données mutuellement connaissance des pièces produites aux débats ; que l'appelante se dispense elle-même de communiquer sa fiche de paie de décembre 2010, alors qu'elle travaillerait désormais à temps complet ; que deux des prêts qu'elle allègue sont soldés ;
Il expose que son contrat de travail a été modifié et qu'il subit une baisse de rémunération, notamment en raison de son état de santé qui ne lui permet plus la même capacité de travail ; qu'il n'a jamais soutenu percevoir 1. 300 Euros par mois comme l'a indiqué par erreur le premier juge, mais bien 2. 300 Euros ; que sa compagne participe pour un quart aux charges de leur vie commune ; que le prêt personnel a été contracté pour lui permettre de rembourser des charges contractées durant le mariage.
SUR CE
Attendu que conformément à l'article 371-2 du Code civil, les parents contribuent à l'entretien et à l'éducation de leurs enfants en fonction des besoins de ceux-ci et de leurs ressources respectives ;
Attendu que pour déterminer s'il y a lieu ou non de modifier la pension originaire, il appartient à la Cour d'examiner les changements qui ont pu survenir dans la situation respective des parties ou les besoins de l'enfant depuis la dernière décision définitive, la Cour devant se placer à la date de la demande en modification faite devant le premier juge ;
Attendu que la dernière décision définitive est en l'espèce le jugement de divorce du 14 janvier 2010 qui mentionnait que Madame Anne-Laure X...percevait un salaire mensuel de 850 Euros et remboursait un prêt immobilier par mensualités de 850 Euros ainsi qu'un crédit auto ; que Monsieur Emmanuel Z...disposait d'un revenu mensuel de 2. 505 Euros, vivait en concubinage, et que son loyer s'élevait à 437 Euros par mois et les mensualités de son crédit auto à 323Euros ;
Attendu qu'il ne résulte ni des pièces communiquées ni des motifs de la décision entreprise que le premier juge n'aurait pas fait respecter le principe contradictoire en ne contraignant pas l'une des parties à porter à la connaissance de l'autre les pièces qu'elle entendait soumettre au juge ; qu'il convient d'observer que l'une et l'autre n'étaient pas assistées d'un avocat mais comparaissaient en personne ; que cette irrégularité dont l'intimée ne tire au demeurant aucune conséquence juridique n'est pas établie ;
Attendu que Madame Anne-Laure X...perçoit un salaire net moyen de 850 Euros par mois selon ses bulletins de paie de septembre à décembre 2010, qui ne mentionne aucune prime de fin d'année, pour un emploi à temps partiel ; que ce niveau de revenus est confirmé par son avis d'impôt sur le revenu 2010 ;
Qu'elle a cependant obtenu un contrat à temps complet depuis janvier 2011 et dispose d'une rémunération imposable moyenne de 1. 311 Euros par mois, selon son bulletin de paie d'avril 2011 ; qu'elle bénéficie de remboursements de frais d'environ 150 Euros par mois ;
Attendu qu'elle perçoit les allocations familiales pour ses trois enfants et l'allocation de logement, pour un montant mensuel global de 541 Euros ;
Attendu que depuis janvier 2011, suite à la promesse de vente de l'immeuble indivis dont elle avait la jouissance depuis la séparation, elle a pris à bail un logement dont le loyer est de 850 Euros par mois, charges et location de parking incluses ; qu'elle doit naturellement s'acquitter de toutes les charges habituelles de la vie quotidienne (eau, électricité, assurances, téléphone...) ;
Qu'il n'est pas établi qu'elle rembourserait des crédits quelconques, le prêt immobilier relatif à l'ancien domicile conjugal ayant été très vraisemblablement soldé en début d'année 2011 avec le prix de vente de celui-ci ;
Attendu que s'agissant des besoins des enfants, Madame Anne-Laure X...justifie de frais de demi-pension et de garderie périscolaire (70 Euros par mois pour Pauline et Aurélien), de frais de cours de musique (254 Euros par an pour les trois enfants), et de natation (180 Euros par an) ;
Attendu que Monsieur Emmanuel Z...a déclaré des revenus imposables de 28. 526 Euros en 2009 soit 2. 377 Euros par mois en moyenne ; qu'au vu de son bulletin de paie de décembre 2010, son revenu est demeuré presque identique puisque le cumul annuel imposable est de 27. 455 Euros, soit une diminution d'une centaine d'euros par mois ; qu'il est manifeste que le premier juge a commis une erreur matérielle en retenant la somme de 1. 300 Euros au titre de ses revenus ;
Que sa mutation interne à l'entreprise remonte au 1er août 2008 de sorte qu'il connaissait les conditions financières de son poste bien avant les débats devant le juge du divorce ;
Qu'il ne verse pas la moindre pièce relative à son état de santé et aux conséquences qu'il aurait sur sa capacité de travail ;
Attendu qu'il vit en concubinage avec Madame B...; que concernant les ressources de celle-ci, il se contente de communiquer un unique bulletin de salaire d'une entreprise de restauration mentionnant un salaire net de 825 Euros, peu révélateur de ses revenus moyens sur l'année ; qu'il convient de considérer qu'ils partagent les charges de leur vie commune et notamment le loyer (595 Euros par mois) et la taxe d'habitation (426 Euros par an) ;
Attendu qu'il a souscrit en février 2011 un crédit affecté à l'acquisition d'un véhicule neuf de plus de 25. 000 Euros par mensualités de 475 Euros, ce qui tend à démontrer que sa situation financière n'est pas si dégradée qu'il le prétend ; qu'il rembourse un prêt personnel souscrit en 2009 par mensualités de 360 Euros, qui n'est pas prioritaire au regard de son obligation d'entretien envers ses enfants ;
Attendu qu'il est constant que Monsieur Emmanuel Z...ne démontre pas l'existence d'une modification significative des revenus et charges des parties au jour de la saisine du premier juge ; qu'il convient donc de réformer le jugement entrepris et de débouter le père de sa demande en diminution des pensions alimentaires ;
Attendu que cependant, les situations financières respectives des parties ont été sensiblement modifiées depuis le jugement entrepris, que l'augmentation des revenus professionnels de Madame Anne-Laure X...depuis son passage à temps complet en janvier 2011 et le solde du prêt affecté à l'acquisition d'un véhicule qu'elle remboursait justifient que par dispositions nouvelles, la contribution de Monsieur Emmanuel Z...à l'entretien et à l'éducation de chaque enfant soit fixée à la somme mensuelle de 200 Euros à compter du 1er février 2011 ;
Sur les dépens
Attendu qu'eu égard à la nature du litige qui concerne des enfants communs, il convient de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens engagés en cause d'appel et de confirmer le jugement entrepris du chef des dépens de première instance ;
Qu'il apparaît équitable de débouter Monsieur Emmanuel Z...de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Réforme le jugement entrepris ;
Déboute Monsieur Emmanuel Z...de sa demande tendant à la diminution de sa part contributive et à l'éducation de ses enfants ;
Et, statuant par voie de dispositions nouvelles ;
Condamne Monsieur Emmanuel Z...à verser à Madame Anne-Laure X...des pensions alimentaires mensuelles de 200 Euros par enfant, au titre de sa contribution à leur entretien et à leur éducation à compter du 1er février 2011 ;
Dit que ces pensions alimentaires seront indexées sur l'indice national des prix à la consommation des ménages urbains, série France entière, publié par l'INSEE et révisée chaque année en fonction de la variation de cet indice à la date anniversaire du présent arrêt ;
Déboute Monsieur Emmanuel Z...de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens engagés en cause d'appel et confirme le jugement entrepris du chef des dépens de première instance.
Le Greffier, Le Président,
C. COMMANS P. BIROLLEAU