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23/06/2011 | FRANCE | N°08/09645

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 1, 23 juin 2011, 08/09645


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 1



ARRÊT DU 23/06/2011



***



N° de MINUTE :

N° RG : 08/09645



Jugement (N° 08/272)

rendu le 04 novembre 2008

par le Tribunal de Commerce de LILLE



REF : PB/CP



APPELANTE



E.U.R.L. NIKKO INVEST agissant en la personne de son représentant légal domicilié audit siège

ayant son siège social [Adresse 1]



Représentée par la S

CP THERY - LAURENT, avoués à la Cour

Assistée de Me Thierry HOCHET, avocat au Barreau de PARIS



INTIMÉES



S.A.R.L. VALEURS & CONSEILS agissant en la personne de son représentant légal domicilié audit siège
...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 23/06/2011

***

N° de MINUTE :

N° RG : 08/09645

Jugement (N° 08/272)

rendu le 04 novembre 2008

par le Tribunal de Commerce de LILLE

REF : PB/CP

APPELANTE

E.U.R.L. NIKKO INVEST agissant en la personne de son représentant légal domicilié audit siège

ayant son siège social [Adresse 1]

Représentée par la SCP THERY - LAURENT, avoués à la Cour

Assistée de Me Thierry HOCHET, avocat au Barreau de PARIS

INTIMÉES

S.A.R.L. VALEURS & CONSEILS agissant en la personne de son représentant légal domicilié audit siège

ayant son siège social [Adresse 2]

Représentée par la SCP DELEFORGE ET FRANCHI, avoués à la Cour

Assistée de Me Jean-François CORMONT, avocat au barreau de LILLE

Société ALLIANZ IARD anciennement dénommée AGF IART prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 3]

Représentée par Me QUIGNON, avoué à la Cour

Assistée de Me Eric MANDIN, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Christine PARENTY, Président de chambre

Jean Michel DELENEUVILLE, Conseiller

Philippe BRUNEL, Conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Véronique DESMET

DÉBATS à l'audience publique du 14 avril 2011 après rapport oral de l'affaire par Philippe BRUNEL

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 23 juin 2011 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine PARENTY, Président, et Véronique DESMET, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 7 avril 2011

***

Vu le jugement du tribunal de commerce de Lille en date du 4 novembre 2008 qui, saisi par l'EURL NIKKO INVEST de différentes demandes de condamnation à l'égard de la société VALEURS ET CONSEILS, société spécialisée en gestion de patrimoine et en défiscalisation avec laquelle elle avait contracté pour la mise en place et la gestion d'une opération de défiscalisation dans le cadre de la loi dite Girardin et consistant à acquérir divers véhicules qu'elle donnait ensuite en location à des loueurs présentés par VALEURS ET CONSEILS situés sur l'île de [Localité 4] au motif que la société VALEURS ET CONSEILS avait manqué à ses obligations contractuelles, a rejeté l'ensemble des demandes de l'EURL et l'a condamnée à payer à la société VALEURS ET CONSEILS la somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles ; le tribunal a estimé que la société VALEURS ET CONSEILS n'avait pas méconnu ses obligations en matière de contrôle de la bonne santé financière des sociétés de location et que la société NIKKO INVEST ne pouvait ignorer le risque inhérent à toute opération d'investissement réalisée sur l'île de [Localité 4] compte tenu de la situation économique de l'île ; il a estimé par ailleurs que la convention liant les parties n'engageait la société VALEURS ET CONSEILS qu'à opérer l'encaissement des loyers mais qu'aucune obligation de recouvrement n'avait été mise à la charge de celle-ci, le tribunal relevant d'ailleurs que la société VALEURS ET CONSEILS était allée au-delà de la mission d'encaissement qui lui avait été confiée en diligentant notamment une procédure de référé pour le compte de l'EURL NIKKO INVEST à l'égard de la société de location Small Service ; le tribunal a enfin considéré qu'il n'était pas établi que la société VALEURS ET CONSEILS ait manqué aux obligations qui étaient les siennes dans le cadre de l'achat de véhicules faits pour le compte de l'EURL et des démarches subséquentes visant à l'obtention du certificat d'immatriculation ;

Vu la déclaration d'appel de la société NIKKO INVEST en date du 24 décembre 2008 ;

Vu l'assignation en garantie délivrée le 8 mars 2010 par la société VALEURS ET CONSEILS à la société ALLIANZ IARD, son assureur ;

Vu les conclusions récapitulatives de la société NIKKO INVEST signifiées le 31 décembre 2010 demandant la réformation du jugement déféré et la condamnation solidaire de VALEURS ET CONSEILS et de son assureur ; elle fait valoir que la société VALEURS ET CONSEILS a gravement manqué à ses obligations contractuelles résultant d'un contrat de mission du 27 mai 2005 et que, en conséquence elle était fondée à lui opposer l'exception d'inexécution ; la résolution du contrat est demandée aux torts de la société VALEURS ET CONSEILS ainsi que la condamnation solidaire de la société VALEURS ET CONSEILS et de son assureur à rembourser à la société NIKKO INVEST la somme de 2528,39 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 août 2007 correspondant aux honoraires de la société VALEURS ET CONSEILS facturés et payés par la société NIKKO INVEST ainsi qu'au paiement des sommes de 20 000 euros en réparation de son préjudice financier, 3000 euros en réparation de l'atteinte à son image et 10 000 euros en réparation de la faute dolosive de VALEURS ET CONSEILS ; une somme de 6000 euros est demandée au titre des frais irrépétibles ;

La société NIKKO INVEST fait essentiellement valoir que le contrat de mission du 20 mai 2005 obligeait la société VALEURS ET CONSEILS à s'assurer de la santé financière de la société Small Service à laquelle certains des véhicules acquis par elle devaient être loués ce qu'elle n'a pas fait, la société Small Service s'étant montrée défaillante, que ce même contrat l'obligeait également à opérer des diligences pour recouvrer des loyers dus à la société NIKKO INVEST ce qu'elle n'a fait qu'insuffisamment, une ordonnance de référé en date du 15 mars 2007, favorable à la société NIKKO INVEST, étant demeurée inexécutée et qu'elle a également manqué à son obligation d'achat et de paiement des véhicules pour le compte de la société NIKKO INVEST de telle sorte que celle-ci a reçu une mise en demeure du vendeur d'un véhicule aux fins de règlement du prix et qu'enfin elle a également manqué ses obligations en n'effectuant pas correctement les démarches administratives pour l'obtention du certificat d'immatriculation d'un des véhicules qui est demeuré erroné pendant une période de deux ans ;

Vu les conclusions récapitulatives de la société ALLIANZ IARD signifiées le 4 janvier 2011 demandant à titre principal la confirmation du jugement déféré et le rejet subséquent des demandes présentées à son encontre ; quant à sa garantie, elle fait valoir qu'elle n'est pas due dès lors que l'activité de la société VALEURS ET CONSEILS visée par la présente instance n'est pas garantie par les conditions particulières du contrat d'assurance, la qualification de démarchage bancaire ou de démarchage financier ne pouvant être retenue ; elle conteste par ailleurs que les dispositions de l'article L. 113-17 du code des assurances qui prévoient que l'assureur qui prend la direction du procès perd le droit de soulever les exceptions dont il avait connaissance soient applicables en l'espèce d'une part parce qu'elle conteste avoir pris la direction du procès et, d'autre part, parce que les exceptions visées par l'article L. 113 - 17 du code des assurances ne concernent pas la nature des risques garantis ; elle soutient encore que les demandes de condamnation à paiement présentées par la société demanderesse ne peuvent être garanties par elle compte tenu des clauses d'exclusion spécifiques relatives, d'une part, aux conséquences des obligations de résultat ou de performance prévues par les dispositions générales du contrat d'assurance, et d'autre part, à la faute dolosive ou au moins intentionnelle de l'assuré, les dommages intérêts prononcés à titre de sanction étant aussi exclus et ces clauses opposables étant à l'assuré et aux tiers en vertu de l'article L. 112 - 6 du code des assurances ; une somme de 4000 euros est demandée au titre des frais irrépétibles ;

Vu les dernières conclusions de la société VALEURS ET CONSEILS signifiées le 8 février 2011 demandant la confirmation du jugement et la condamnation la société NIKKO INVEST à lui payer 3000 euros au titre des frais irrépétibles ; elle fait essentiellement valoir que les opérations d'investissement effectuées avec son concours par la société NIKKO INVEST avaient pour objet l'obtention d'un avantage fiscal qui a effectivement été obtenu, qu'elle a effectué les diligences nécessaires pour s'assurer de la bonne santé financière des sociétés de location notamment de la société Small Service, qui n'a jamais fait l'objet d'une procédure collective, en se procurant un extrait K bis de cette société ainsi que le casier judiciaire du gérant outre différents documents ainsi que le montant des chiffres d'affaires réalisées de 2002 à 2005 ; elle fait encore valoir qu'elle avait une simple mission d'encaissement des loyers et non pas une obligation de recouvrement et que, si elle est allée au-delà de cette stricte mission en contactant un avocat au barreau de Lille afin de procéder au recouvrement contentieux d'un certain nombre de loyers, ceci s'était fait en accord avec NIKKO INVEST qui avait directement mandaté cet avocat de telle sorte qu'aucune novation du contrat ne pourrait être déduit du comportement adopté par la société VALEURS ET CONSEILS au-delà de la stricte application des missions qui lui étaient confiées, que cet avocat a obtenu une ordonnance de référé favorable à NIKKO INVEST le 16 mars 2007 et que cette ordonnance a été transmise à un huissier pour exécution ; elle fait enfin valoir que le prix du véhicule pour lequel la société NIKKO INVEST indique avoir fait l'objet d'une mise en demeure a bien été payé par elle et que le certificat d'immatriculation de ce véhicule a été rectifié dans des conditions telles qu'il n'en est résulté aucun grief pour la société NIKKO INVEST ; elle conteste pour le surplus, les demandes de dommages intérêts présentées par NIKKO INVEST en faisant valoir notamment que le paiement des loyers par les sociétés de location était certes irrégulier mais réel et que rien n'établissait que la société NIKKO INVEST se trouverait définitivement dans l'impossibilité de recouvrer des loyers qui lui reviennent seul le préjudice résultant d'une perte de chance de recouvrer les loyers impayés pouvant en définitive être envisagé ;

À l'égard à son assureur, la société VALEURS ET CONSEILS fait valoir que l'activité de conseil en gestion de patrimoine et défiscalisation relève des prévisions du contrat d'assurance dont les conditions particulières visent le démarchage bancaire et le démarchage financier compte tenu notamment des dispositions de l'article L311-2 du code monétaire et financier, que l'assureur a indiqué le six août 2008 accepter d'octroyer sa garantie concernant la procédure opposant VALEURS ET CONSEIL à NIKKO INVEST et qu'il ne saurait dès lors la contester ultérieurement, que les demandes présentées par la société NIKKO INVEST, si elles devaient être retenues, ne relèvent pas de l'exécution d'une obligation de résultat de telle sorte que la clause d'exclusion prévue au contrat d'assurance à ce titre est inopérante et qu'enfin aucune faute dolosive excluant la garantie de l'assureur ne peut être retenue à son encontre ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 7 avril 2011 ;

SUR CE

Attendu que les circonstances de fait ont été complètement et exactement rappelées dans le jugement déféré auquel la cour entend en séquences renvoyer à ce titre ;

Attendu que les obligations contractuelles la société VALEURS ET CONSEILS résultent des énonciations apparaissant sur l'ensemble des factures émises pour le paiement des honoraires relatifs aux opérations d'investissement mises en places pour le compte de la société LOISIRS ET MOBILITÉ ; qu'il y est indiqué : « pendant les quatre années, ma mission consiste à assumer le suivi total de la gestion et de la fiscalité découlant de cet investissement ... de l'encaissement des loyers ainsi que le contrôle de la bonne santé financière du locataire et du contrôle du matériel sur place... et enfin l'application pure et stricte du contrat de location. » ; que ses obligations ont également été rappelées dans un document intitulé contrat de mission en date du 20 mai 2005 indiquant qu'il était convenu que le prestataire VALEURS ET CONSEILS assumait pendant les quatre années de l'opération une mission consistant notamment en l'encaissement mensuel des loyers et leur remise aux bailleurs, à s'assurer du contrôle et de la bonne santé financière du locataire et à contrôler l'application la plus respectueuse du contrat de location ; qu'il est patent, au regard de ces documents que la société VALEURS ET CONSEILS, au-delà de l'obligation de mise en oeuvre d'une opération de défiscalisation qui constituait l'essentiel de sa mission, s'était également engagée à assurer le recouvrement des loyers dus par les sociétés locataires, cette obligation constituant une obligation de moyens et ne devant pas être confondue avec une obligation de garantie dont les éléments font défaut en l'espèce ; que cette obligation résulte non seulement de la lettre des documents contractuels ci dessus évoqués mais également du comportement adopté par la société VALEURS ET CONSEILS qui, en l'espèce, a demandé à un avocat choisi et rémunéré par elle ou par son assureur de procéder à des mises en demeure et d'obtenir la condamnation de la société de location défaillante au paiement des loyers après résolution du contrat ; qu'au surplus, dans une lettre du 9 juillet 2007 adressée à NIKKO INVEST comme à d'autres investisseurs, le dirigeant de VALEURS ET CONSEIL, après avoir déploré le fait que la régularité des loyers "laissait à désirer" et imputé cette situation à la baisse de la fréquentation touristique et à la parité euro-dollar, indiquait qu'il "s'efforcerait avec tous mes moyens à ce que vous récupériez vos 48 loyers prévus au contrat"; que la cour n'interprète pas cet engagement comme le signe d'un comportement bienveillant de VALEURS ET CONSEILS mais comme la démonstration qu'elle avait une lecture de ses obligations contractuelles emportant une mission de recouvrement à titre d'obligation de moyen ; qu'ainsi, si la société VALEURS ET CONSEILS n'avait, comme elle le soutient justement, aucune obligation de garantie de paiement des loyers dus par les sociétés de location, elle avait par contre clairement contracté l'obligation de mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires pour que ces loyers soient effectivement perçus par son client; qu'il importe peu à cet égard que l'avocat choisi par elle ait été directement mandaté par la société NIKKO INVEST, le choix de celui-ci et le paiement de ses honoraires ayant été le fait de la société VALEURS ET CONSEILS; que, par ailleurs, au titre du "contrôle de la bonne santé financière du locataire" et de son obligation relative à la mise en place d'une opération de défiscalisation efficace en termes fiscaux mais aussi financiers, il entrait dans les obligations de la société VALEURS ET CONSEILS de s'assurer au préalable de la bonne viabilité ou, à tout le moins, de l'absence de risque des sociétés locataires qu'elle proposait elle-même à ses clients ;

Attendu que, s'agissant du contrôle de la viabilité financière de la société Small Service qui s'est trouvée défaillante dans le paiement des loyers dus à la société NIKKO INVEST dès le premier terme de location, la société VALEURS ET CONSEILS fait valoir qu'elle avait procédé à un certain nombre de recherches relatives notamment à l'inscription au registre du commerce et des sociétés, au casier judiciaire de son dirigeant, au paiement de la taxe sur la location de véhicules, à l'évolution de son chiffre d'affaires ; que toutefois, force est de constater que les comptes de la société Small Service n'étaient pas publiés alors qu'il s'agit-là d'une obligation légale ; que cette obligation n'avait jamais été respectée depuis la création de la société au cours de l'année 2000 ; que la société VALEURS ET CONSEILS a produit un document présenté comme retraçant l'évolution des chiffres d'affaires de la société de 2001 à 2005 ; que, toutefois, les conditions d'établissement de ce document ne sont pas connues et ces chiffres ne sont certifiés par aucun expert-comptable, présentant ainsi des garanties de fiabilité très limitées voire nulles ; que la société VALEURS ET CONSEILS produit également un ordre de services établi par le président de la commission communale des transports scolaires de la commune de [Localité 4] désignant la sociétés Small Service comme concessionnaire de transport scolaire pour une durée de six mois à compter du 16 septembre 2002 ; que, toutefois, les allégations de la société VALEURS ET CONSEILS expliquant que cette concession avait été régulièrement renouvelée chaque année au bénéfice de la société ne son étayées par aucun élément de preuve ; que les recherches menées quant à la viabilité financière de la société Small Service apparaissent ainsi insuffisantes ; que la société VALEURS ET CONSEILS ne saurait se prévaloir, de façon générale, des difficultés relatives à l'évolution de la différence de change entre l'euro et le dollar dès lors que l'écart entre l'euro et le dollar s'est creusé de façon importante dans le courant l'année 2007 alors que les difficultés de paiement de Small Service sont apparues auparavant ; que la société VALEURS ET CONSEILS n'est pas plus fondée à se prévaloir d'une façon générale et abstraite de la mauvaise conjoncture économique ayant affecté l'île de [Localité 4] dès lors que, sur la même période, l'opération d'investissement menée auprès de la société Morena n'a présenté aucune difficulté et que la situation économique délicate alléguée renforçait l'obligation de la société VALEURS ET CONSEILS quant à une sélection prudente des sociétés de location ; qu'elle a ainsi manqué à ses obligations contractuelles ;

Attendu que, comme il a été indiqué ci-dessus, la société VALEURS ET CONSEILS avait contracté au profit de la société NIKKO INVEST une obligation de moyens relative au recouvrement des loyers dus par les sociétés de location, en particulier, par la société Small Service qui s'est montré défaillante ; que cette obligation s'entend non seulement comme la mise en oeuvre amiable ou contentieuse du recouvrement mais également, en cas de recouvrement contentieux, de l'exécution de la décision judiciaire obtenue ; que, s'il n'est pas établi que la société VALEURS ET CONSEILS ait été insuffisamment diligente dans les mises en demeure qu'elle-même ou l'avocat choisi par elle a envoyé à cette société ou dans la mise en oeuvre de la procédure ayant abouti à une ordonnance de référé du 15 mars 2007 portant condamnation à paiement des loyers impayés, force est de constater que la société VALEURS ET CONSEILS n'établit en rien avoir effectué des diligences quelconques quant à la mise à exécution de cette ordonnance ; qu'en effet, un courrier de l'avocat de la société VALEURS ET CONSEILS à la société NIKKO INVEST indiquait qu'il n'était pas missionné à ce titre par la société VALEURS ET CONSEILS ; qu'il invitait en conséquence la société NIKKO INVEST à contacter directement l'huissier de justice compétent pour la mise exécution ; que la société VALEURS ET CONSEILS n'établit pas, ni même n'allègue, avoir mis en oeuvre des diligences particulières pour l'exécution de l'ordonnance du 15 mars 2007 ; qu'elle a ainsi manqué à ses obligations contractuelles ;

Attendu en troisième lieu que, au-delà de l'obligation de prudence en matière de vérification de la fiabilité des sociétés locataires proposées à ses clients et de diligence en matière de recouvrement des loyers restant dus par celles-ci, il apparaît en l'espèce que le prix d'un véhicule donné en location à la société Morena a été remis par la société NIKKO INVEST entre les mains de VALEURS ET CONSEILS à charge pour celle-ci de payer la société Motor World, vendeur du véhicule ; qu'il n'est pas contesté par la société VALEURS ET CONSEILS que la somme correspondant au prix du véhicule lui a été remise par versements des 30 janvier et 7 février 2006 ; que le 19 mai 2006, la société NIKKO INVEST a reçu une mise en demeure de la société Motor World relative au paiement du prix du véhicule ; que VALEURS ET CONSEILS produit une attestation de la gérante de la société Motor World indiquant avoir perçu de VALEURS ET CONSEILS la somme correspondant au prix du véhicule ; que toutefois, cette attestation ne précise pas à quelle date le paiement a été effectué ; que la preuve de la date de ce paiement était pourtant facile à apporter de la part de VALEURS ET CONSEILS par la production de tout élément pertinent tiré de sa comptabilité ; qu'à défaut d'une telle preuve, la cour ne peut que retenir que VALEURS ET CONSEILS a retenu indûment pendant plusieurs mois, au moins jusqu'au 19 mai 2006, la somme qui lui avait été remise par son client dans le but exclusif de la transmettre à la société Motor World ; qu'il s'agit là d'un manquement par VALEURS ET CONSEILS à son obligation de loyauté à l'égard de son client NIKKO INVEST ; que par contre, l'erreur ponctuelle affectant le certificat d'immatriculation de ce véhicule dont il n'est pas contesté qu'il fut effectivement neuf, pour malheureuse qu'elle soit, a été rectifiée à l'initiative de VALEURS ET CONSEILS ; qu'en conséquence en l'état des pièces et explications produites par les parties, aucune conséquence préjudiciable à la société NIKKO INVEST n'est établie ;

Attendu enfin que la société VALEURS ET CONSEILS reconnaît elle-même avoir prélevé sur le montant des loyers revenant à NIKKO INVEST le montant de ses propres honoraires que NIKKO INVEST refusait de lui payer compte tenu de la faible qualité de ses prestations ; que la société VALEURS ET CONSEILS ne peut utilement se prévaloir d'une compensation entre la créance d'honoraires qu'elle détenait sur NIKKO INVEST et la créance que NIKKO INVEST détenait non pas sur la société VALEURS ET CONSEILS mais sur la société Small Service au titre des loyers ; qu'en réalité, la société VALEURS ET CONSEILS aurait du, si elle l'estimait légitime, se faire autoriser à pratiquer une saisie conservatoire des loyers versés par la société Small Service entre ses propres mains et correspondant au montant de ses honoraires impayés et obtenir ensuite un titre exécutoire ; qu'en procédant elle-même au prélèvement de ses honoraires sur le paiement des loyers alors qu'aucune clause contractuelle ne l'y autorisait, elle a manqué à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat ;

Attendu qu'il résulte de l'ensemble des observations ci-dessus développées que la société NIKKO INVEST est fondée à se prévaloir à l'égard de la société VALEURS ET CONSEILS d'une exception d'inexécution ; qu'elle est fondée à demander la résolution du contrat aux torts de VALEURS ET CONSEILS, la restitution de la somme de 2528,39 euros versée à titre d'honoraires assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 août 2007, date de l'assignation et la réparation de son préjudice ;

Sur le préjudice ;

Attendu que le préjudice subi par la société NIKKO INVEST s'analyse en une perte de chance de recouvrer le montant des loyers qui lui étaient dus qui s'élève à 15694 euros ; que cette perte de chance doit tenir compte de la proposition faite par VALEURS ET CONSEILS de transférer le bail à une nouvelle société de location ; que cette proposition n'a pas reçu l'accord de NIKKO INVEST ; que sa viabilité n'est pas totalement démontrée ; que le préjudice résultant de la perte de chance sera évalué à la somme de 6000 euros ; que les manquements de la société VALEURS ET CONSEILS à son obligation d'exécution de bonne foi de la convention seront réparés par l'allocation d'une somme de 4000 euros ; que, pour le surplus, NIKKO INVEST n'établit pas l'existence d'un préjudice relatif à son « image » et les manquements retenus à l'égard de VALEURS ET CONSEILS ne revêtent pas un caractère dolosif ; qu'au total, VALEURS ET CONSEILS sera condamnée à payer à NIKKO INVEST la somme de 10000 euros qui portera intérêt au taux légal à compter de la date du présent arrêt ;

Sur la garantie de l'assureur ;

Attendu en premier lieu que la société ALLIANZ conteste sa garantie au motif que l'activité à l'occasion de laquelle la responsabilité de VALEURS ET CONSEILS a été engagée ne serait pas garantie par le contrat d'assurance ; que toutefois, à supposer même que les dispositions de l'article L. 113 - 17 du code des assurances en vertu desquelles l'assureur qui prend la direction d'un procès intenté à l'assuré est censé aussi renoncer à toutes les exceptions dont il avait connaissance lorsqu'il a pris la direction du procès ne soient pas applicables en l'espèce au motif que cet article ne vise pas, au titre des exceptions, la définition de la nature du risque, force est de constater que les conditions particulières du contrat souscrit par VALEURS ET CONSEILS prévoient au titre des activités garanties le démarchage bancaire et le démarchage financier ; que la réalité d'une opération de démarchage n'est pas en l'espèce contestée par l'assureur ; que, en application de l'article 1.3.1. des conditions particulières du contrat d'assurance, sont couvertes les activités de démarchage bancaire telles que définies par l'article 50 de la loi du premier août 2003 ; que cet article 50 précise que l'acte de démarchage en matière bancaire et financière a pour objet d'obtenir d'une personne physique ou morale un accord sur la réalisation d'opérations de banque ou d'opérations connexes telles que définies aux articles L311-1 et L311-2 du code monétaire et financier ; que l'article 311-2 de ce code précise qu'est considéré comme une opération de banque connexe le conseil et d'assistance en matière de gestion de patrimoine ; qu'en l'espèce, la responsabilité de VALEURS ET CONSEILS telle que retenue dans les motifs ci-dessus développés a précisément pour cadre le défaut de prudence dans la sélection d'une société de location auprès de laquelle VALEURS ET CONSEILS avait obtenu que son client contracte pour la réalisation d'une opération d'investissements défiscalisés ainsi qu'un manque de diligence dans le recouvrement des sommes dues par cette société ainsi enfin qu'un manquement à l'exécution de bonne foi de ses obligations contractuelles ; qu'ainsi, VALEURS ET CONSEILS établit qu'il s'agit là d'une opération de conseil et d'assistance en matière de gestion de patrimoine qui relève des garanties de contrat d'assurance ;

Attendu que par lettre en date du six août 2008, la compagnie AGF, aux droits de laquelle est venue ultérieurement ALLIANZ, écrivait à son assurée VALEURS ET CONSEILS que, après que son inspecteur spécialisé lui ait communiqué des pièces complémentaires, elle acceptait d'octroyer sa garantie concernant la procédure qui l'opposait à NIKKO INVEST ; que, contrairement à ce que soutient l'assureur, il n'a été porté ultérieurement à sa connaissance aucun élément de nature à remettre en cause son appréciation, la lettre visée par l'assureur dans ses conclusions, en date du 7 octobre 2009, procédant à une nouvelle analyse juridique des faits de l'espèce au regard des circonstances de fait dont il n'établit pas qu'elles n'étaient pas déjà connues de lui ; qu'il en résulte que, en application des dispositions de l'article L. 113 - 17 du code des assurances, celui-ci est censé avoir renoncé à toutes les exceptions dont il avait connaissance lorsqu'il a pris la direction du procès ; que, à ce titre, l'assureur ne peut utilement contester avoir assuré la direction du procès alors que, par lettre du six août 2008, il écrivait à VALEURS ET CONSEILS que, compte tenu de l'état d'avancement de la procédure, il acceptait, à titre exceptionnel, que l'avocat initialement choisi par son assurée continue à se charger de la défense des intérêts de celle-ci et qu'il rembourserait ses frais et honoraires sur présentation du justificatif du paiement ; que l'assureur demandait enfin que les projets de conclusions lui soient soumis avant leur signification, pour accord ; qu'il en résulte que l'assureur n'est pas recevable à opposer à VALEURS ET CONSEILS les clauses d'exclusion de garantie relatives aux conséquences de toute obligation de résultat ou de performance ou réclamation provenant de l'insuffisance ou de la non obtention de performances promises en matière de rendement ou d'équilibre financier ou économique ou encore à la garantie des dommages causés par l'absence ou le retard d'exécution de la prestation de l'assuré ; qu'en toute hypothèse, la responsabilité retenue en l'espèce à l'égard de VALEURS ET CONSEILS ne relève pas d'un manquement à une obligation de performance ou de résultat mais d'un manquement à l'obligation de prudence dans le choix d'une société de location proposée à son client investisseur, de diligence quant au recouvrement des loyers dus et d'exécution de bonne foi du contrat ; qu'enfin, il n'est pas établi que VALEURS ET CONSEILS ait eu une connaissance préalable de la mauvaise santé financière de la société Small Service et les manquements à son obligation d'exécution de bonne foi de ses obligations ne relèvent pas d'une faute intentionnelle ; qu'aucune faute dolosive, dont la garantie est exclue par l'article L. 113 -1 du code des assurances ne saurait donc être retenue en l'espèce ; qu'il ne saurait non plus être soutenu que le comportement reproché à VALEURS ET CONSEILS démontrerait que celle-ci était consciente de la nécessité de la réalisation du dommage et que le risque garanti avait perdu son caractère aléatoire au sens de l'article 1164 du Code Civil ;

Attendu dans ces conditions que la société ALLIANZ sera tenue de garantir la société VALEURS ET CONSEILS de la condamnation prononcée à son encontre au titre de sa responsabilité contractuelle et d'indemniser à due concurrence la société NIKKO INVEST ; qu'elle ne sera en revanche pas tenue au titre du remboursement des honoraires ;

Attendu qu'il serait inéquitable que l'EURL NIKKO INVEST conserve à sa charge le montant des frais irrépétibles engagés pour les besoins de la présente instance ; que VALEURS ET CONSEILS sera condamnée à lui payer la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

la cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Réforme le jugement déféré,

Prononce la résolution, aux torts de VALEURS ET CONSEILS des contrats conclus entre cette société et l'EURL NIKKO INVEST pour la réalisation d'investissements défiscalisés par le biais de sociétés Small Service et Morena,

Condamne la société VALEURS ET CONSEILS à payer à l'EURL NIKKO INVEST la somme de 2528,39 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 août 2007 au titre de la restitution du prix de ses prestations,

Condamne la société VALEURS ET CONSEILS solidairement avec la société ALLIANZ IARD à payer à l'EURL NIKKO INVEST la somme de 10000 euros outre les intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt en réparation du préjudice né de la mauvaise exécution de ses obligations contractuelles,

Condamne la société ALLIANZ IARD à garantir la société VALEURS ET CONSEILS du paiement des sommes mises à sa charge au titre de l'inexécution contractuelle, des frais irrépétibles et des dépens,

Condamne la société VALEURS ET CONSEILS solidairement avec la société ALLIANZ IARD à payer à l'EURL NIKKO INVEST la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles,

Déboute les parties de leurs plus amples demandes.

Condamne la société VALEURS ET CONSEILS solidairement avec la société ALLIANZ IARD aux dépens avec possibilité de recouvrement direct dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

Véronique DESMETChristine PARENTY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 1
Numéro d'arrêt : 08/09645
Date de la décision : 23/06/2011

Références :

Cour d'appel de Douai 21, arrêt n°08/09645 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-06-23;08.09645 ?
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