COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 7 SECTION 2 ARRÊT DU 26/ 05/ 2011 *** No MINUTE : No RG : 10/ 04677 Ordonnance (No) rendue le 18 Juin 2010 par le Juge aux affaires familiales de LILLE
REF : HA/ LL
APPELANT Monsieur Jean Claude X... né le 21 Janvier 1939 à LYS LES LANNOY (59390) demeurant Résidence ...
représenté par la SCP CARLIER REGNIER, avoués à la Cour assisté de Me Isabelle MERVAILLE-GUEMGHAR, avocat au barreau de LILLE substituée par Me SUTTER
INTIMÉE Madame Henriette A... née le 26 Février 1939 à WATTRELOS (59150) demeurant ...
représentée par la SCP COCHEME LABADIE COQUERELLE, avoués à la Cour assistée de Me Fabienne BOUILLON, avocat au barreau de LILLE (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/ 002/ 10/ 08385 du 14/ 09/ 2010)
DÉBATS à l'audience en chambre du Conseil du 06 Avril 2011, tenue par Hervé ANSSENS magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maryline MERLIN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ Patrick BIROLLEAU, Président de chambre Hervé ANSSENS, Conseiller Cécile ANDRE, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé, en Chambre du Conseil, par mise à disposition au greffe le 26 Mai 2011, (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Hervé ANSSENS, conseiller conformément aux dispositions de l'article 452 du code de procédure civile et Maryline MERLIN, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Jean-Claude X... et Henriette A... se sont mariés le 24 juin 1961 à Lys Lez Lannoy après avoir passé contrat en l'étude de Maître D..., notaire à Lannoy le 18 juillet 1961 instituant un régime de séparation des biens et trois enfants aujourd'hui devenus majeurs sont issus de leur union : Laurence née le 20 septembre 1964, Franck né le 28 mars 1968 et Christophe né le 17 mars 1969.
Sur requête en séparation de corps de l'épouse, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Lille a rendu une ordonnance de non conciliation le 18 juin 2010 aux termes de laquelle il a notamment :
- dit que la jouissance du domicile conjugal " sera partagée entre les époux à titre gratuit ",
- attribué la jouissance du véhicule PEUGEOT à Henriette A...,
- débouté Jean-Claude X... de sa demande fondée sur l'article 220-1 du code civil,
- condamné Jean-Claude X... à payer à Henriette A... une pension alimentaire mensuelle indexée de 600 euros au titre du devoir de secours entre époux.
Jean-Claude X... a interjeté appel de cette décision le 2 juillet 2010 et aux termes de ses conclusions signifiées le 3 février 2011 soit 7 mois plus tard, il demande à la Cour, par réformation :
- d'interdire à son épouse de faire sans son consentement express " tout acte de disposition sur ses biens ainsi que ceux de l'indivision existante entre eux... ",
- d'enjoindre à son épouse de produire et de justifier de divers prêts...,
- d'enjoindre encore à celle-ci de verser aux débats divers relevés de comptes bancaires,
- de fixer la pension alimentaire dont il se reconnaît redevable au titre du devoir de secours entre époux à la somme mensuelle de 450 euros,
- de dire que son épouse s'acquittera personnellement des dépenses liées au véhicule dont elle a la jouissance (PEUGEOT)
- de déclarer irrecevable la demande de provision formulée par son épouse à valoir sur la liquidation du régime matrimonial et subsidiairement de la dire mal fondée,
- de débouter également son épouse de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions en réponse signifiées le 14 mars 2011, Henriette A... s'oppose aux prétentions de son époux et demande la confirmation de la décision entreprise sauf en ce qui concerne la pension alimentaire.
Formant elle-même appel incident de ce chef, elle demande à la Cour, par réformation, de condamner Jean-Claude X... à lui payer une pension alimentaire mensuelle de 800 euros.
A titre subsidiaire à cet égard elle demande la confirmation de la décision déférée.
Elle demande par ailleurs à la Cour, statuant par disposition nouvelle, de condamner Jean-Claude X... à lui payer une provision de 58. 044, 23 euros à valoir sur ses droits dans la liquidation du régime matrimonial.
Elle réclame enfin une indemnité de 1. 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction initialement prononcée le 20 janvier 2011 a été reportée une première fois au 9 février 2011 à la demande des deux parties puis une seconde fois au 24 mars 2011.
Le 1er avril 2011 soit postérieurement à cette clôture ainsi reportée dans les conditions sus évoquées Jean-Claude X... a signifié de nouvelles conclusions ainsi que 4 pièces numérotées 22 à 25.
Les dites conclusions et pièces doivent donc être écartées des débats, aucune cause suffisamment grave justifiant une troisième révocation de clôture dont il y a lieu de souligner qu'elle entraînerait une réouverture des débats si elle était prononcée au terme du présent arrêt.
Il n'y a pas lieu par ailleurs de rejeter les pièces signifiées par Henriette A... le 14 mars 2011 soit 10 jours avant l'ordonnance de clôture.
SUR CE
Attendu qu'il y a lieu tout d'abord de relever qu'il appartiendra à chacune des parties de produire toutes les pièces justificatives de leurs situations respectives et susceptibles de permettre au juge du divorce de statuer en toute connaissance de cause,
Qu'au besoin Jean-Claude X... pourrait le cas échéant saisir le juge de la mise en état de demandes tendant à ce que certaines injonctions soient faites à son épouse à cet égard,
Qu'il n'appartient pas à la Cour à ce stade de la procédure d'appel de procéder à de telles injonctions et qu'il sera statué au regard des pièces qui ont été produites au cours de cette instance d'appel,
Attendu que ne sont pas contestées les dispositions de l'ordonnance déférée autres que celles relatives à la pension alimentaire au titre du devoir de secours, à la demande fondée sur l'article 220-1 du code civil et à la prise en charge des dépenses liées à la jouissance du véhicule " PEUGEOT " de sorte que les dites dispositions non critiquées doivent être en tant que de besoin confirmées,
Attendu qu'il y a lieu tout d'abord de souligner que la jouissance par l'épouse du véhicule " PEUGEOT 206 " implique à l'évidence que celle-ci assume les dépenses liées à cette jouissance à savoir notamment l'assurance du dit véhicule,
Attendu qu'aux termes de l'article 220-1 du code civil, si l'un des époux manque gravement à ses devoirs et met ainsi en péril les intérêts de la famille, le juge aux affaires familiales peut prescrire toutes les mesures urgentes que requièrent ces intérêts et notamment interdire à cet époux de faire, sans le consentement de l'autre, des actes de disposition sur ses biens propres ou sur ceux de la communauté, meubles ou immeubles...,
Attendu qu'il y a lieu de souligner que les époux X...-A... sont mariés sous le régime de la séparation des biens,
Que l'immeuble dont ils étaient propriétaires indivis a été vendu,
Attendu que la Cour ignore l'existence éventuelle de biens propres au mari ou d'autres biens indivis que l'immeuble sus évoqué aujourd'hui vendu qui seraient susceptibles d'acte de disposition de la part d ‘ Henriette A...,
Attendu par ailleurs qu'en l'état actuel des pièces produites, il n'est pas déterminé que l'épouse ait gravement manqué à ses devoirs et mis ainsi en péril les intérêts de la famille,
Que c'est en des motifs pertinents que la Cour adopte que le premier juge a rejeté la demande formulée par Jean-Claude X... sur le fondement de l'article 220-1 du code civil et qu'il convient de confirmer de ce chef la décision entreprise,
Attendu que fondée sur le devoir de secours entre époux et édictée à l'article 212 du code civil, la pension alimentaire qui peut être allouée à l'un d'eux au titre des mesures provisoires prévues à l'article 255 du code civil est fonction des besoins de celui qui la réclame et des ressources de celui qui doit la fournir, la situation respective des parties devant être appréciée à la date de l'ordonnance de non conciliation,
Attendu Henriette A... est actuellement âgée de 72 ans,
Qu'elle perçoit une pension de retraite de la CRAM ainsi qu'une retraite complémentaire de VAUBAN HUMANIS d'un montant mensuel global de 300 euros,
Qu'au vu d'un contrat de location elle assume un loyer mensuel (provision sur charges comprises) de 750 euros,
Qu'au vu d'un avis de la CAF de ROUBAIX-TOURCOING en date du 6 janvier 2011, elle perçoit cependant une allocation logement d'un montant mensuel de 259 euros,
Qu'elle doit faire face bien évidemment par ailleurs à toutes les dépenses habituelles de la vie courante et qu'elle se trouve en conséquence dans une situation matérielle fort problématique,
Attendu que Jean-Claude X... actuellement également âgé de 72 ans est lui aussi retraité et qu'au vu des pièces produites il perçoit des pensions de retraite d'un montant mensuel global de 1. 675 euros (de la CRAM et l'IRNEO),
Qu'il y a lieu par ailleurs de souligner, même si celle-ci ne peut être prise en considération dans la détermination des ressources des parties pour apprécier une éventuelle prestation compensatoire, qu'il perçoit également une rente d'accident du travail d'un montant trimestriel de 557 euros (soit une somme mensuelle de 186 euros),
Attendu qu'il assume la location d'un studio moyennant un loyer mensuel de 470 euros,
Qu'il doit par ailleurs lui aussi faire face à toutes les dépenses habituelles de la vie courantes,
Attendu qu'au vu des éléments ci-dessus analysés, la Cour estime que le premier juge a fait une juste appréciation de la pension alimentaire dont se trouve redevable Jean-Claude X... au titre du devoir de secours entre époux,
Qu'il convient donc de confirmer de ce chef encore la décision entreprise,
Attendu qu'Henriette A... réclame en cause d'appel une provision à valoir sur la liquidation des droits respectifs des parties,
Que cette demande trouve sa cause dans le fait que l'immeuble indivis ayant constitué le domicile conjugal a été vendu en cours de procédure sans que les fonds n'aient été mis à la disposition des parties,
Que cette demande se trouve parfaitement recevable,
Attendu qu'il apparaît des pièces produites et des allégations concordantes des parties que le dit immeuble indivis a été vendu pour une somme de 200. 000 euros et que reste actuellement disponible en l'étude du notaire après règlement des frais et d'un acompte de 15. 000 euros versés à chacun des deux époux une somme globale de 161. 620 euros pour laquelle les époux ont des droits équivalents,
Attendu qu'eu égard à la situation matérielle très problématique d'Henriette A..., il convient de faire partiellement droit à sa demande et de lui allouer une somme de 20. 000 euros à valoir sur la liquidation de ses droits,
Attendu qu'eu égard à la nature de l'espèce et aux circonstances de la cause, il convient de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens d'appel, les dépens éventuels de première instance étant joints au principal et de rejeter par ailleurs les demandes respectives d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Ecarte des débats les conclusions et pièces signifiées le 1er avril 2011 ;
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise du 18 juin 2010 ;
Dit en tant que de besoin que Henriette A... assumera l'assurance du véhicule automobile PEUGEOT dont elle a la jouissance ;
Statuant par ailleurs par disposition nouvelle,
Alloue à Henriette A... une provision à valoir sur la liquidation de ses droits une provision de 20. 000 euros par prélèvement sur les fonds actuellement détenus par Maître F...notaire à ROUBAIX ;
Déboute les parties de toute demande plus ample distincte ou contraire
Rejette les demandes respectives d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens d'appel, les dépens éventuels de première instance étant joints au principal.
Le Greffier, P/ Le Président empêché, l'un des conseillers ayant délibéré (article 456 du code de procédure civile)
M. MERLIN H. ANSSENS