République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 26/05/2011
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N° de MINUTE :
N° RG : 09/08160
Jugement (N° 08/01263)
rendu le 06 juillet 2009
par le Tribunal de Grande Instance de VALENCIENNES
REF : CP/CP
APPELANT
Monsieur [S] [J]
né le [Date naissance 4] 1949 à [Localité 8]
demeurant [Adresse 5]
Représenté par la SCP COCHEME LABADIE COQUERELLE, avoués à la Cour
Assisté de Me DUSSART, avocat au barreau de VALENCIENNES
INTIMÉS
Monsieur [X] [P]
né le [Date naissance 3] 1955 à [Localité 7]
demeurant [Adresse 2]
Madame [B] [E] épouse [P]
née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 2]
Représenté par la SCP LEVASSEUR CASTILLE LEVASSEUR, avoués à la Cour
Ayant pour conseil Me Thibaut CRASNAULT, avocat au barreau de VALENCIENNES
DÉBATS à l'audience publique du 23 Mars 2011 tenue par Jean Michel DELENEUVILLE magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Véronique DESMET
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Christine PARENTY, Président de chambre
Jean Michel DELENEUVILLE, Conseiller
Philippe BRUNEL, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 26 mai 2011 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine PARENTY, Président et Véronique DESMET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 3 février 2011
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Vu le jugement contradictoire du 6 juillet 2009 du tribunal de grande instance de VALENCIENNES ayant condamné in solidum M. et Mme [P] à payer à M. [J] la somme de 7317,55€ à titre de dommages et intérêts, débouté M. [J] de ses autres demandes, condamné M. [J] à payer à M. et Mme [P] la somme de 4116,12€ correspondant au dépôt de garantie avec intérêts à compter de la décision, ordonné la capitalisation des intérêts sur ladite somme, débouté M. et Mme [P] de leurs autres demandes, condamné in solidum M. et Mme [P] à payer à M. [J] 1800€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les appels interjetés le 17 novembre 2009 et 14 décembre 2009 par M. [J] ;
Vu l'ordonnance de jonction du 20 mai 2010 ;
Vu les conclusions déposées le 2 décembre 2010 pour M. et Mme [P] ;
Vu les conclusions déposées le 5 novembre 2010 pour M. [J] ;
Vu l'ordonnance de clôture du 3 février 2011 ;
M. [J] a interjeté appel aux fins de voir confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité contractuelle des locataires au titre des dégradations du bien, infirmer en ce qu'il a rejeté sa demande en réparation de la perte de la valeur vénale de l'immeuble : il réclame au titre de la moins value subie par l'immeuble à la suite de sa vente 50 000€, ou au moins 17 523,94€ ; il sollicite la condamnation de M. et Mme [P] à lui payer 10 976,32€ au titre de la perte locative supportée ou au moins la confirmation de la somme allouée par le tribunal sur ce point ; il sollicite la confirmation du jugement sur le surplus.
Les intimés sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté M. [J] de sa demande en réparation de la perte de valeur vénale de l'immeuble, en ce qu'il l'a condamné à leur payer 4116,12€ ; ils sollicitent son infirmation en ce qu'il a retenu leur responsabilité contractuelle pour dégradations locatives et demandent le débouté de M. [J] ; ils réclament la capitalisation des intérêts et 5000€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 2 août 2004, M. [J] a donné à bail pour 23 mois un immeuble à usage commercial sis à [Localité 9] aux époux [P] ; aucun état des lieux d'entrée n'a été effectué. Le bail prévoyait que le local serait exclusivement réservé à l'activité de centre de contrôle technique automobile ; ce bail a été prorogé deux fois jusqu'au 31 décembre 2006.
Au départ des locataires, M. [J] s'est plaint d'une dégradation des installations et des installations électriques, constatée par huissier les 27 décembre 2006 et 2 janvier 2007, et les a assignés en référé expertise.
Sur leur responsabilité en ce qui concerne les dégradations, répertoriées dans le rapport de l'expert, il souligne qu'il n'y a aucun doute sur le fait qu'elles leur sont imputables, comme l'établit l'attestation du précédent locataire qui a rendu les lieux en parfait état, que Monsieur [P] s'était engagé à rendre l'immeuble propre et révision éclairage complet, ce qui n'a pas été fait, qu'il a subi une moins value au moment de la revente de l'immeuble du fait de ces dégradations, la vente s'étant faite à 150 000€ pour une valeur estimée à 200 000€ et l'immeuble ayant été décrit comme impropre à la location par l'expert ; il conteste le jugement sur ce point qui n'a pas retenu l'évolution des prix de l'immobilier entre 2003 et 2006 et écarté à tort la dévaluation de son immeuble du fait des dégradations, son préjudice étant au moins égal au montant des réparations.
Il se base sur le rapport de l'expert qui affirme qu'en raison de son état, l'immeuble ne peut plus être mis en location et conteste la décision qui n'a retenu qu'une perte de chance à hauteur de 2/3 des loyers de janvier à août 2007 sans s'expliquer sur cette décote.
M. et Mme [P] affirment qu'il existe un doute certain sur l'état réel du bâtiment en 2004, les attestations versées sur ce point étant inopérantes et parce qu'elles sont sujettes à caution dans leur contenu et parce que les locaux sont restés libres de tout occupation entre mars et août 2004 ; ils estiment que M. [J] ne rapporte pas la preuve d'une moins value de l'immeuble, d'autant qu'à l'époque de son achat par la commune de VIEUX CONDÉ, il a été clair que l'état de l'immeuble était indifférent à l'acquéreuse qui comptait faire d'importants travaux de rénovation sur l'ensemble, que l'incidence entre les travaux de remise en état invoqués et la valeur de l'immeuble n'est pas établie ; sur la perte locative, ils plaident qu'aucune preuve n'est rapportée de l'absence de relocation, si tant est que le propriétaire ait réellement eu l'intention de relouer, le mandat produit étant un mandat de vente, excluant toute volonté du propriétaire de relouer, que 7 mois est un délai raisonnable entre la libération des lieux et la vente de l'immeuble, sachant que l'acte authentique de vente a nécessairement été précédé de la signature d'un compromis.
Reconventionnellement, ils réclament de ne pas être condamnés à la taxe foncière 2007et la restitution du dépôt de garantie.
SUR CE
Sur la responsabilité contractuelle des locataires au titre des dégradations
Il n'est pas contesté qu'il s'agit d'un bail dérogatoire soumis aux dispositions du code civil et notamment aux articles 1728, 1732 et 1731 qui imposent au locataire d'user du bien en bon père de famille, de répondre des dégradations sauf preuve qu'elles ne sont pas de son fait, sachant qu'en l'absence d'état des lieux, il est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives.
Monsieur [P], par lettre recommandée avec accusé de réception du mois de décembre 2006 a annoncé son départ pour le 31 du même mois s'engageant à rendre les lieux propres et révision éclairage complet.
De nombreux désordres ont été constatés par l'huissier après le départ des preneurs, que l'expert a très exactement repris en décrivant leur nature de sorte de les attribuer à l'obligation d'entretien des locataires ou à celle du bailleur et force est de constater que pour la plus grande part, ils sont du ressort des obligations du preneur. L'expert a très précisément défini le coût de remise en état des lieux.
Les époux [P] n'apportent aucune preuve contraire au fait qu'ils ont reçu les lieux en bon état de réparations locatives, état confirmé par le témoignage des précédents occupants. Outre le mauvais état général des lieux non entretenus, ne peuvent être imputés qu'à leur occupation les dégradations électriques importantes, M. [J] ayant admis quelques désordres mineurs qui n'ont pu empêcher la jouissance des preneurs.
Sur la perte de la valeur vénale
L'immeuble a trouvé preneur durant les opérations d'expertise au prix de 150 000 € ; M. [J] argue d'une perte de valeur vénale qu'il estime à 50 000€ du fait des pièces qu'il verse qui fixeraient la valeur vénale de l'immeuble à 200 000 € ; le tribunal a rejeté son argument estimant les pièces peu probantes puisque relatant cette valeur qui tenait compte de l'état de l'immeuble après les dégradations. S'il est exact que l'attestation des services des domaines est peu probante comme concernant trois sections cadastrales et non les deux objets de la vente, et que les autres attestations du notaire et des agences prennent en compte le mauvais état des lieux dans leur évaluation, si la Cour reprend en partie le raisonnement du premier juge sur l'aléa accompagnant toujours une vente et l'absence de lien total entre cette vente à un prix inférieur et les dégradations, il est à noter que le tribunal a éliminé une partie du raisonnement : en effet, il est tout de même évident que M. [J] aurait tiré un meilleur parti de son immeuble s'il n'avait pas été dégradé puisque l'acquéreur, d'une part a dû entamer des travaux et d'autre part a dû de toute évidence différer le début de son activité ; il en a forcément tenu compte dans le prix proposé de même que le vendeur a cédé à un prix inférieur, conscient du mauvais état de son bien. Il est illégitime de débouter M. [J] sur ce point et juste de considérer que, du moins en partie, les dégradations ont provoqué une vente à moindre prix. Il parait légitime à la cour d'estimer ce préjudice du chef de la perte de valeur vénale de l'immeuble au montant des travaux à entreprendre, soit à la somme estimée par l'expert à 17 523,94€ : la décision sera réformée en ce sens.
Sur la perte locative
L'expert a estimé que l'immeuble ne pouvait être reloué sans faire les travaux ; il a repris les huit mois séparant le départ des époux [P] de la date de revente de l'immeuble pour évaluer la perte. Le tribunal a reconnu l'intention de louer du bailleur mais a estimé que le manquement du locataire n'a entraîné qu'une majoration du risque de ne pas parvenir à relouer ;
La cour confirme que l'intention de relouer n'est pas douteuse et parce que M. [J] avait bien recommandé à ses locataires le maintien de tous les aménagements et parce que le mandat donné à l'agence immobilière incluait cette possibilité ; elle ne rentrera pas dans le raisonnement du premier juge relatif à l'aléa de la conclusion d'un nouveau bail. Il s'agit d'un empêchement majeur de relocation puisque les lieux ne sont pas en état de permettre leur exploitation ; il s'agit donc d'une perte sèche de loyers telle que l'a évaluée l'expert. La cour retient donc le chiffre de 10 976,32 € et réforme la décision sur le montant alloué à ce titre.
M. [J] ne s'opposant pas à la restitution du dépôt de garantie et ne contestant pas la décision sur le rejet de sa demande relative à la taxe foncière, la Cour confirme le jugement sur ces deux points ainsi que sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile. Succombant pou l'essentiel, M. et Mme [P] seront déboutés de la demande qu'ils ont formulée sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe
Confirme le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité contractuelle de M. et Mme [P], en ce qu'il les a condamnés pour réparation de la perte locative mais pas sur le montant, en ce qu'il a condamné M. [J] à payer à M. et Mme [P] 4116,12€ et ordonné la capitalisation des intérêts échus sur cette somme, en ce qu'il a fait application de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il a débouté M. [J] de sa demande relative à la taxe foncière 2007 ;
Le réforme pour le surplus :
Condamne solidairement M. et Mme [P] à payer à M. [J] la somme de 17 523,94€ au titre de la perte de valeur vénale de l'immeuble ;
Condamne solidairement M. et Mme [P] à payer à M. [J] 10 976,32€ au titre de la perte locative ;
Déboute les époux [P] de leur demande sur la base de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne solidairement les époux [P] aux entiers dépens en ce compris frais de référé et d'expertise dont distraction au profit de la SCP COCHEME LABADIE COQUERELLE, avoués associés, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,
Véronique DESMETChristine PARENTY