République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 17/05/2011
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N° de MINUTE :
N° RG : 10/04541
Jugement (N° 07/08881)
rendu le 07 Mai 2010
par le Tribunal de Grande Instance de LILLE
REF : GG/AMD
APPELANTE
LA CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE PICARDIE S.A.
ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par son représentant légal
Représentée par la SCP DELEFORGE ET FRANCHI, avoués à la Cour
Assistée de Maître Stéphanie LEBEGUE, avocat au barreau d'AMIENS
INTIMÉ
Monsieur [V] [H]
né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par la SCP CARLIER REGNIER, avoués à la Cour
Ayant pour conseil Maître Stanislas PANON, avocat au barreau de PARIS
DÉBATS à l'audience publique du 15 Février 2011 tenue par Gisèle GOSSELIN magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Claudine POPEK
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Gisèle GOSSELIN, Président de chambre
Dominique DUPERRIER, Conseiller
Véronique MULLER, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 17 Mai 2011 après prorogation du délibéré en date du 12 Avril 2011 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Gisèle GOSSELIN, Président et Claudine POPEK, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 02 février 2011
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Par jugement rendu le 7 mai 2010, le Tribunal de Grande Instance de Lille a :
- condamné Monsieur [V] [H] à payer à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Picardie la somme de 21 324,84 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2005,
- condamné la Caisse d'Epargne de Picardie à payer à Monsieur [H] la somme de 210 000 euros et la contre-valeur en euros à la date du présent jugement de la somme de 117 000 dollars américains, avec intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2009,
- débouté les parties de leurs autres demandes ;
Par déclaration du 21 juin 2010, la Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Picardie a fait appel de cette décision ;
Par conclusions déposées le 28 janvier 2011, la Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Picardie sollicite l'infirmation du jugement déféré en ses dispositions portant condamnation à son encontre au profit de Monsieur [H] ;
Subsidiairement elle réclame la réduction dans de très larges proportions du montant des sommes à allouer à Monsieur [H] à titre de dommages-intérêts;
D'autre part elle sollicite la confirmation du jugement en ses dispositions portant condamnation de Monsieur [H] à son profit ;
Y ajoutant elle réclame la condamnation de Monsieur [H] au paiement de la somme de 126,14 euros correspondant aux intérêts de retard au taux légal;
Enfin elle sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [H] de sa demande de condamnation à son encontre à lui payer la somme de 210 000 livres sterling correspondant au chèque déposé le 19 mai 2005 ;
Dans tous les cas elle réclame la condamnation de Monsieur [H] au paiement de la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée au paiement, de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Par conclusions déposées le 1er décembre 2010, Monsieur [H] forme appel incident, sollicite le rejet des demandes formées par la Caisse d'Epargne, l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a rejeté sa demande tendant au règlement par la Caisse d'Epargne de la somme de 210 000 livres sterling ;
Y faisant droit il réclame la condamnation de la Caisse d'Epargne au paiement de la somme de 210 000 livres sterling avec intérêts au taux légal à compter du mois de mai 2005 ;
Il sollicite la confirmation du jugement déféré en ses dispositions portant condamnation de la Caisse d'Epargne à son profit, son infirmation en ce qu'il l'a condamné à payer à la Caisse d'Epargne la somme de 21 324,84 euros outre intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2005 ;
Enfin il demande de condamner la Caisse d'Epargne au paiement de la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi au regard des nombreuses fautes de la banque, de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
SUR CE :
Sur la demande en paiement formée par Monsieur [H] de la somme de 210 000 livres sterling
Il est constant que Monsieur [H] a déposé le 19 mai 2005 un chèque de 210 000 livres sterling pour encaissement immédiat sur son compte de dépôt à vue ouvert auprès de la Caisse d'Epargne ;
Il ressort des mentions figurant sur la pièce n° 13 du bordereau de communication de la Caisse d'Epargne que ce chèque a été enregistré et traité par la Caisse d'Epargne le 20 mai 2005 ;
Que le chèque a été rejeté (cf. mention 'Payment stopped) ;
Que le chèque a été retourné impayé à la Caisse d'Epargne par la banque émettrice ;
Le motif du rejet n'est pas connu ;
Monsieur [H] affirme que la Caisse d'Epargne a tardé pour l'encaissement du chèque sans le démontrer ;
Il met en cause, sans être formel puisqu'il écrit dans ses conclusions
'Il semblerait que...', la négligence de la Caisse d'Epargne qui selon lui n'a pas appliqué les procédures applicables aux transferts internationaux de fonds, sans en justifier ;
En conséquence aucune faute dans le traitement du chèque n'est établie à l'encontre de la Caisse d'Epargne ; Monsieur [H] doit être débouté de sa demande de remboursement du chèque en question ;
Monsieur [H] soutient que la Caisse d'Epargne, en omettant de lui remettre le chèque litigieux, l'a privé d'un élément probant et donc de la possibilité de faire valoir ses droits dans le cadre de la succession du tireur décédé peu après l'émission dudit chèque, alors que le tireur était milliardaire et qu'il aurait eu sans aucun doute gain de cause ;
Toutefois Monsieur [H] se contente encore de simples affirmations qui ne permettent pas à la Cour de vérifier si la chance perdue de recouvrer sa créance était réelle et sérieuse ;
En conséquence Monsieur [H] doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts ;
Sur la demande en paiement de la somme de 210 000 euros formée par Monsieur [H]
Monsieur [H] a remis à la Caisse d'Epargne un chèque de
210 000 euros daté du 17 mai 2005 dont Monsieur [W] était bénéficiaire mais que Monsieur [H] a endossé à son profit ;
La Caisse d'Epargne ne le conteste pas mais soutient que ce chèque a fait l'objet d'un rejet de la part de la banque émettrice, 'au motif', selon ses écritures, de 'PAYMENT STOPPED', cette mention signifiant au demeurant que le chèque a bien été rejeté mais n'indiquant pas la raison d'un tel rejet ;
Mais la Caisse d'Epargne ne verse aux débats aucune pièce à l'appui de ses affirmations, alors qu'aux termes de ses conclusions, elle précise ne pas avoir retourné ce chèque à Monsieur [H] dans l'éventualité d'une fraude ou d'un chèque falsifié ou volé ;
En conséquence pas plus devant la Cour que devant le Tribunal, la Caisse d'Epargne ne rapporte la preuve du rejet allégué ;
Aussi le jugement doit-il être confirmé en ce qu'il a condamné la Caisse d'Epargne à payer à Monsieur [H] le montant correspondant à ce chèque soit
210 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice soit à compter du 15 avril 2009.
Sur la demande en paiement de la somme de 117 000 dollars américains formée par Monsieur [H]
Il est constant que Monsieur [H] a déposé à sa banque un chèque de 117 000 dollars américains le 3 février 2005 ;
La Caisse d'Epargne indique que ce chèque a été rejeté 'au motif de chèque surchargé' ;
Il résulte des écritures de Monsieur [H] qu'il a été remis en possession de ce chèque ;
Il s'ensuit que ce chèque n'a pas été payé à la compensation et a été rejeté;
Le motif de ce rejet n'est pas établi ;
Monsieur [H] ne démontre pas que la Caisse d'Epargne soit à l'origine de ce rejet, ne caractérise aucune faute imputable à la Caisse d'Epargne ;
En conséquence il doit être débouté de sa demande en paiement de la somme de 117 000 dollars américains et le jugement déféré infirmé de ce chef ;
Sur la demande en paiement du solde débiteur au 30 septembre 2005 du compte de dépôt à vue dont Monsieur [H] dispose auprès de la Caisse d'Epargne
La Caisse d'Epargne réclame à ce titre la somme de 21 324,84 euros ;
Le 29 mars 2005 la Caisse d'Epargne accordait à Monsieur [H] sur le compte en question un découvert de 15 000 euros du 29 mars 2005 au 30 avril 2005 ;
Le 4 mai 2005 la Caisse d'Epargne rappelait à Monsieur [H] que cette facilité de caisse lui avait été accordée à titre exceptionnel et ce dans l'attente du virement annoncé pour la somme de 117 000 dollars américains ; qu'à ce jour son compte présentait un solde débiteur de 19 004,41 euros ; et la banque l'informait que le virement annoncé n'étant toujours pas porté au crédit de son compte, elle ne pourrait plus honorer ses chèques ;
Il résulte des développements précédents que le chèque de 117 000 dollars américains à l'ordre de Monsieur [H] était rejeté ;
Monsieur [H] soutient qu'il a immédiatement régularisé son découvert autorisé par la remise au guichet le 9 juin 2005 de la somme de 19 240,66 euros ;
Toutefois il ressort des documents fournis par la Caisse d'Epargne que le 9 juin 2005 un virement de 19 240,66 euros a été effectué par le service contentieux de la Caisse d'Epargne sur un compte contentieux, (cf. pièce n° 20 du bordereau de communication de la Caisse d'Epargne) ;
Il convient d'observer que le montant de cette opération correspond exactement au montant du solde débiteur du compte de Monsieur [H] au 9 juin 2005 ;
De même le 24 août 2005 un virement de 1 826,73 euros correspondant également au montant du solde débiteur du compte initial de Monsieur [H] à cette date était effectué sur le compte contentieux, ramenant le solde du compte initial à 0 ; il en était de même pour les opérations suivantes figurant sur l'ancien compte, qui étaient annulées par une opération mouvement contentieux ;
Ceci vient conforter les éléments produits par la Caisse d'Epargne, d'autant plus que Monsieur [H] ne rapporte pas la preuve du versement de
19 240,66 euros qu'il dit avoir effectué en espèces au guichet ;
Il s'ensuit que le virement de 19 240,66 euros ne correspond pas à une remise d'argent opérée par Monsieur [H] ; que son compte initial a été ramené à un solde nul par des opérations mouvements contentieux ;
Monsieur [H] qui n'a pas régularisé le montant du découvert sur son compte doit en régler le montant y compris les frais et les intérêts de retard prévus contractuellement ;
En conséquence il sera condamné à payer la somme de 21 324,84 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2005, ainsi que la somme de 126,14 euros correspondant aux intérêts au taux légal au 30 septembre 2005 ;
Sur la demande de dommages-intérêts formée par Monsieur [H]
Ce dernier sollicite la réparation du préjudice subi en rapport de cause à effet avec les fautes commises par la Caisse d'Epargne ; il invoque une situation débitrice inextricable et son inscription sur le registre des incidents de paiement de la Banque de France ;
Il résulte des développements précédents que la responsabilité de la Caisse d'Epargne est retenue quant au défaut de paiement du chèque de 210 000 euros émis le 17 mai 2005 à l'ordre de Monsieur [H] ;
Or si son compte de dépôt avait été crédité du montant de ce chèque, il n'aurait pas connu de solde débiteur en juin 2005, période au cours de laquelle Monsieur [H] était mis en demeure de ramener son compte à un niveau créditeur et que le compte de Monsieur [H] était transféré au contentieux ;
Cette situation a engendré un préjudice moral et financier pour Monsieur [H], qui sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 3 000 euros ;
Par contre Monsieur [H] ne justifie pas de son inscription au registre des incidents de paiement de la Banque de France ;
Sur la demande de dommages-intérêts formée par la Caisse d'Epargne
La Caisse d'Epargne ne démontre pas avoir subi un préjudice distinct de celui réparé par les intérêts de retard sur le solde débiteur du compte de dépôt à vue ;
Elle sera donc déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive ;
Sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Chaque partie voit ses demandes partiellement rejetées, et est déboutée de partie de son appel ;
Aussi chacune d'entre elles supportera la charge de ses dépens tant d'instance que d'appel et il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné Monsieur [H] à payer à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Picardie la somme de 21 324,84 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2005, en ce qu'il a condamné la Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Picardie à payer à Monsieur [H] la somme de 210 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2009, en ce qu'il a débouté Monsieur [H] de sa demande en paiement de la somme de 210 000 livres sterlings, en ce qu'il a débouté la Caisse d'Epargne de sa demande de dommages-intérêts, en ce qu'il a débouté chaque partie de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en ses dispositions relatives aux dépens ;
L'infirmant pour le surplus,
Déboute Monsieur [H] de sa demande en paiement de la contre valeur en euros de la somme de 117 000 dollars américains,
Condamne la Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Picardie à payer à Monsieur [H] la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts,
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [H] à payer à la Caisse d'Epargne la somme de 126,14 euros correspondant aux intérêts de retard dûs sur la somme de
21 324,84 euros au 30 septembre 2005,
Rejette toutes demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.
Le Greffier,Le Président,
Claudine POPEK.Gisèle GOSSELIN.