République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 05/05/2011
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N° de MINUTE :
N° RG : 10/00237
Jugement (N° 08-262)
rendu le 09 décembre 2009
par le Tribunal de Commerce
de BOULOGNE SUR MER
REF : PB/CP
APPELANTE
CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE [Localité 6], Société coopérative de crédit, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 3]
Représentée par la SCP LEVASSEUR CASTILLE LEVASSEUR, avoués à la Cour
Assistée de Me FAUCQUEZ, avocat au Barreau de BOULOGNE SUR MER, substitué par Me ROBERT
INTIMÉE
Mademoiselle [N] [L]
née le [Date naissance 1]976 à [Localité 5]
demeurant [Adresse 2]
Représentée par la SCP COCHEME LABADIE COQUERELLE, avoués à la Cour
Assistée de Me DELBE substitué par Me BESSONNET, avocats au Barreau de LILLE
DÉBATS à l'audience publique du 02 mars 2011 tenue par Philippe BRUNEL magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Véronique DESMET
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Christine PARENTY, Président de chambre
Jean Michel DELENEUVILLE, Conseiller
Philippe BRUNEL, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 05 mai 2011 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine PARENTY, Président et Véronique DESMET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 3 février 2011
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Vu le jugement du tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer en date du 9 décembre 2009 qui, saisi par la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 6] (la banque)de différentes demande de condamnation à paiement de [N] [L] en remboursement du solde débiteur d'un compte courant professionnel et de trois prêts professionnels outre l'octroi d'une somme de 1400 euros au titre des frais irrépétibles, n'a fait droit à la demande de la banque qu'au titre du solde du compte courant en condamnant [N] [L] à lui payer la somme de 30 327,03 euros, a constaté que celle-ci était redevable envers la banque du solde impayé des trois prêts professionnels mais a considéré qu'il y avait eu de la part de la banque une faute dans l'octroi des trois prêts et a ordonné la compensation entre les créances de la banque au titre du solde de ces prêts et la créance de la débitrice résultant de la faute de la banque que le premier juge a évaluée à une somme identique à celle dont elle était redevable ;
Vu la déclaration d'appel de la banque en date du 12 janvier 2010 ;
Vu les conclusions récapitulatives de la banque signifiées le 8 septembre 2010 visant à la réformation du jugement, à la condamnation de [N] [L] à lui payer les sommes restant dues au titre du concours professionnel et des trois prêts qui lui ont été accordés pour les besoins de son activité commerciale outre sa condamnation à lui payer une somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles ; elle fait valoir qu'elle n'a pas manqué à son obligation de prudence en octroyant les prêts litigieux en l'état des documents prévisionnels qui lui avaient été produits par la débitrice ;
Vu les conclusions récapitulatives de [N] [L] signifiées le 1er décembre 2010 visant à la confirmation du jugement et à la condamnation de la banque à lui payer 1000 euros au titre des frais irrépétibles ; elle fait essentiellement valoir que les éléments comptables produits à la banque auraient dû lui démontrer le défaut de viabilité des financements octroyés et que la banque a manqué à son obligation de conseil et de mise en garde ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 3 février 2011 ;
SUR CE
Attendu que le jugement déféré contient un exposé des faits exact et complet ; que la Cour entend y renvoyer ;
Sur le manquement par la banque à son obligation de conseil
Attendu que la banque, pour contester le manquement à son devoir de conseil et de mise en garde retenu par le premier juge fait valoir qu'elle n'avait pas plus d'informations que [N] [L] ;
Mais attendu que la banque, en dehors même de toute vérification, qui ne lui incombait par, des éléments comptables qui lui étaient présentés, devait nécessairement s'interroger sur la présentation du compte d'exploitation du précédent propriétaire du fonds cédé, au titre de l'exercice 2004 ; qu'en effet, comme l'a relevé le premier juge à juste titre, les produits d'exploitation intégraient, sous la rubrique « autres produits » une somme de 80 903 euros correspondant, à hauteur de 78 530 euros à l'indemnité d'assurance perçue suite à un sinistre ayant affecté l'exploitation ; que, abstraction faite de ce produit à caractère exceptionnel, les produits d'exploitation s'élevaient à 129 146 euros alors que les charges était de 154 903 euros aboutissant ainsi à un résultat d'exploitation négatif de-25 757 euros ;
Que l'examen des chiffres d'affaires au titre des exercices 2002, 2003 et 2004 faisait apparaître les valeurs suivantes : 193 537 euros au titre de 2002, 207 024 euros au titre de 2003 et 126 773 euros au titre de 2004 ; que parallèlement, le bénéfice dégagé s'élevait sur la même période aux valeurs suivantes : 19 136 euros au titre de 2002, 11 195 euros au titre de 2003 et comme il à été dit ci-dessus - 25 757 euros au titre de 2004 ; qu'il importe peu à ce titre que, dans l'acte d'acquisition du fonds de commerce, [N] [L] ait déclarée s'engager en faisant abstraction des chiffres d'affaires et résultats commerciaux de l'exercice ayant commencé le 1er janvier 2005 ;
Que compte tenu du montant des deux prêts accordés pour l'acquisition du fonds de commerce, qui généraient une charge annuelle de remboursement de 28 360,76 euros et alors même que le montant total de l'opération financée s'élevait à 230 000 euros financés à 80 % par les emprunts accordés par la banque, celle-ci, qui avait certes fait garantir sa créance par le cautionnement solidaire des parents de [N] [L] et qui avait au surplus un intérêt direct à la réalisation de la vente du fonds de commerce dès lors que l'ancien propriétaire restait débiteur à son égard de sommes importantes contractées au titre de différents prêts, aurait dû attirer l'attention de celle-ci sur les risques encourus au regard des résultats de l'entreprise voire aurait du refuser le financement sollicité ;
Que le premier juge a également, à bon droit, rejeté l'argumentation de la banque concernant les comptes prévisionnels en observant que [N] [L] contestait en être l'auteur, pas plus que son cabinet comptable ; que devant la cour, il n'est pas plus établi que ce document ait été réalisé par elle pour son compte ; que le premier juge a également retenu que le bilan prévisionnel n'était qu'une projection ; qu'en toute hypothèse, le compte de résultat prévisionnel faisait apparaître au titre de l'exercice 2005 un bénéfice de l'ordre de 39 430,68 euros dégageant ainsi une capacité de financement très faible ; que l'exercice clôt le 20 septembre 2006, s'il a fait apparaître un chiffre d'affaires, en progression, de 178 992 €, a toutefois abouti à un résultat d'exploitation de 10 399 euros et à un bénéfice de 1864 euros ; que le fait que [N] [L] ait embauché, au titre de l'exercice 2006, un salarié à temps partiel, est sans incidence dès lors que la charge financière générée par cet emploi est restée très limitée ; que le fonds de commerce a finalement été revendu en 2009 pour la somme globale de 90 000 euros ;
Que la banque indique également que [N] [L] avait une parfaite connaissance du fonds de commerce dès lors qu'elle y avait travaillé à compter de 1998 et que, titulaire de diplômes en comptabilité, elle ne pouvait être considérée comme profane ; que toutefois, s'il est exact que [N] [L] avait été salariée du précédent propriétaire du fonds de commerce, elle y était employée en la simple qualité de vendeuse sans qu'il soit à aucun moment établi ni même véritablement allégué qu'elle ait pu avoir accès à la comptabilité de l'entreprise ; que les éléments tirés du « prévisionnel », dont l'origine n'est pas établie comme il à été indiqué ci-dessus, font seulement apparaître qu'elle disposait d'un CAP en comptabilité, d'un CAP et d'un BEP de secrétariat et d'un Bac professionnel en secrétariat ; que de tels diplômes ne sont pas de nature, dans les circonstances de l'espèce, à faire disparaître sa qualité de profane ;
Attendu dans ces conditions que c'est à juste titre que le premier juge a retenu qu'il y avait eu manquement de la part de la banque à son obligation de conseil et de mise en garde à l'égard de [N] [L] ;
Sur la demande de dommages-intérêts présentée par [N] [L] :
Attendu que c'est à juste titre que, eu égard aux circonstances de l'espèce ci-dessus développées, le premier juge a retenu que la valeur du préjudice subi par [N] [L] du fait du manquement de la banque à son devoir de conseil et de mise en garde était égale aux sommes réclamées au titre du solde des trois prêts professionnels, dont le principe et le montant ne sont pas contestés, incluant non seulement les deux prêts accordés au titre de l'acquisition du fonds de commerce mais également au titre du prêt de 15 000 euros accordé pour les besoins de l'exploitation le 21 avril 2006 ; qu'en effet, en l'absence des financements accordés par la banque, l'opération d'acquisition du fonds de commerce n'aurait pu être réalisée et l'emprunteur n'aurait pas été exposé à la situation d'endettement et de « situation catastrophique » relevée par le premier juge ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;
Sur les autres demandes :
Attendu que la demande formulée par la banque au titre du solde débiteur du compte professionnel de [N] [L] n'est pas contestée par celle-ci ; que le premier juge, qui n'a fait droit à la demande de la banque qu'au seul titre du compte professionnel, a condamné à juste titre celle-ci à payer à la banque la somme de 30 327,03 euros en indiquant que viendraient en déduction les fonds perçus, dans le cadre de la procédure d'opposition, sur le prix de cession du fonds de commerce à charge pour le Crédit Mutuel de se faire remettre les fonds bloqués ;
Que le premier juge a également, à bon droit, compte tenu de la situation financière de [N] [L], octroyé à celle-ci le délai maximum prévu par l'article 1244 - 1 du Code civil selon des modalités fixées avec le créancier et dit qu'à défaut de règlement d'une seule échéance, l'intégralité des sommes restant dues deviendrait immédiatement exigible ;
Attendu en conséquence que le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions ; que la banque sera condamnée à payer à [N] [L] la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la Cour ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Condamne la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 4] à payer à [N] [L] la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 4] aux dépens avec possibilité de recouvrement direct dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,
Véronique DESMETChristine PARENTY