République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 12/04/2011
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DEFERE
N° de MINUTE :
N° RG : 10/07597
Ordonnance d'incident (N° 10/01965)
rendue le 12 Octobre 2010
par le Cour d'Appel de DOUAI
REF : VM/AMD
DEMANDERESSE AU DEFERE
S.A. AXA FRANCE IARD prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 4]
[Localité 11]
Représentée par la SCP CONGOS ET VANDENDAELE, avoués à la Cour
Assistée de Maître Marie-Christine DUTAT, avocat au barreau de LILLE
DEFENDEURS
Maître [G] [O] es qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de Monsieur [V]
demeurant [Adresse 3]
[Localité 7]
Madame [P] [T] épouse [V]
née le [Date naissance 5] 1962 à [Localité 13]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentés par la SCP DELEFORGE ET FRANCHI, avoués à la Cour
Assistés de Maître Jacques ORLIAC, avocat au barreau de PARIS
Monsieur [H] [L]
demeurant [Adresse 12]
[Localité 9]
Partie non assignée
S.E.L.A.R.L. SOINNE es qualité de mandataire au redressement judiciaire de la SOCIETE EURO
ayant son siège social [Adresse 6]
[Localité 8]
Partie non assignée
EURO SYSTEME PRODUCTS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 10]
Partie non assignée
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Gisèle GOSSELIN, Président de chambre
Dominique DUPERRIER, Conseiller
Véronique MULLER, Conseiller
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Claudine POPEK
DÉBATS à l'audience publique du 07 Mars 2011 après rapport oral de l'affaire par Véronique MULLER
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 12 Avril 2011 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Gisèle GOSSELIN, Président, et Claudine POPEK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCEDURE
Par jugement du 19 novembre 2009, le Tribunal de grande instance de Dunkerque a déclaré [H] [L] et la société Eurosystem Products responsables, sur le fondement des articles 1792 et 1792-1 du code civil, de la cessation d'exploitation du fonds de commerce des époux [V], condamnant solidairement M. [L], la société SOINNE en sa qualité de mandataire au redressement judiciaire de la société Eurosystem Products et la compagnie AXA, assureur de cette dernière, à verser à Maître [O], mandataire à la liquidation judiciaire de M. [V] et à son épouse une provision de 50.000 euros à valoir sur l'indemnisation du préjudice financier, outre une indemnité de procédure de 800 euros.
La société AXA a relevé appel de ce jugement le 18 mars 2010.
Par conclusions des 12 mai et 1° septembre 2010, Maître [O] es qualité et Mme [V] ont saisi le conseiller de la mise en état d'un incident tendant à voir déclarer irrecevable comme tardif l'appel interjeté par la société AXA.
Par ordonnance du 12 octobre 2010, le conseiller de la mise en état a :
' rejeté la demande de nullité de la signification du jugement du 19 novembre 2009,
' dit irrecevable, comme étant tardif, l'appel interjeté par la société AXA le 18 mars 2010,
' débouté Maître [O] es qualité et Mme [V] de leur demande accessoire,
' condamné la société AXA aux dépens.
Par requête enregistrée au greffe le 27 octobre 2010, la société AXA a déféré cette ordonnance à la connaissance de la cour.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions signifiées le 27 octobre 2010, la société AXA demande à la Cour de :
- réformer l'ordonnance déférée,
' dire nulle et de nul effet la signification faite à M. [C], agent général d'assurances, du jugement rendu le 13 novembre 2009 par le tribunal de Lille (en réalité jugement du 19 novembre 2009 du tribunal de Dunkerque),
' déclarer son appel recevable,
' débouter Maître [O] es qualité et Mme [V] de leurs demandes.
Par conclusions signifiées le 6 décembre 2010, Maître [O] es qualité et Mme [V] demandent à la Cour de :
' confirmer l'ordonnance déférée,
' condamner la société AXA au paiement de la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles.
* la société AXA reprend son argumentation initiale tendant à la nullité de la signification du 19 janvier 2010 pour non-respect, d'une part des dispositions de l'article 690 du code de procédure civile, à savoir remise de l'acte de signification dans un lieu autre que son siège social, ainsi qu' à un agent général qui n'est pas une personne habilitée à représenter la société, d'autre part de l'article 648 du même code pour défaut de mention sur l'acte de son siège social. Elle soutient qu'il s'agit d'un vice de fond entraînant la nullité de l'acte sans qu'il soit nécessaire de justifier d'un grief, faisant toutefois observer que l'existence d'un grief résulte suffisamment du fait qu'elle n'a eu connaissance de cette signification que par la communication qui lui a été faite en cause d'appel par la voie de son avoué, ce qui l'a privée de la possibilité de régulariser l'appel dans le mois suivant cet acte.
* Maître [O] es qualité et Mme [V] admettent qu'ils : « ne sont pas en mesure de démontrer que M. [C], agent général d'assurances, est un établissement AXA », arguant toutefois que ce dernier est bien une personne habilitée à recevoir l'acte de signification, ainsi qu'il l'a lui-même déclaré à trois reprises. Ils soutiennent également que la société AXA n'apporte pas la preuve du grief qu'elle invoque, son agent général n'ayant pu commettre aucune confusion quant au destinataire réel de l'acte.
DISCUSSION
* sur l'application des articles 690 et 648 du code de procédure civile
Il résulte de l'article 690 du code de procédure civile que la notification destinée à une personne morale est faite au lieu de son établissement. A défaut d'un tel lieu, elle l'est en la personne de l'un de ses membres habile à la recevoir.
Aux termes de l'ordonnance déférée, le conseiller de la mise en état a retenu, d'une part que l'existence d'un établissement de la compagnie d'assurance au bureau de son agent général n'était pas démontrée, d'autre part que les intimés avaient connaissance du lieu de l'établissement régional où la signification pouvait être effectuée (Direction Sinistres à [Localité 15]) à défaut de signification au siège social de [Localité 14], puisqu'ils avaient eux-mêmes délivré l'assignation introductive d'instance à cet établissement de [Localité 15].
Devant la cour, les intimés admettent désormais qu'ils ne sont pas : « en mesure de démontrer que M. [C], agent général d'assurances, est un établissement AXA », et ne forment aucune observation sur le fait qu'ils avaient connaissance du lieu de l'établissement régional d'AXA situé à [Localité 15].
Aux termes de l'article 690 précité, la signification à une personne habilitée n'est possible qu'à défaut d'existence d'un établissement dans lequel la personne morale est établie.
Dès lors que la société AXA était établie, d'une part dans son établissement de [Localité 15] connu des intimés, d'autre part en son siège social de [Localité 14] mentionné dans ses écritures de première instance, les intimés n'étaient pas fondés à lui signifier le jugement à une « personne habilitée », peu important de savoir si M. [C] avait cette qualité.
C'est donc à bon droit que le conseiller a retenu la violation des dispositions de l'article 690 du code de procédure civile.
Ainsi que le fait observer la société AXA, la signification est également irrégulière en ce que son siège social n'est pas mentionné sur l'acte du 19 janvier 2010, alors que cette mention est prescrite à peine de nullité aux termes de l'article 648 du code de procédure civile.
' Sur l'existence d'un grief
Seuls constituent des irrégularités de fond les défauts de capacité ou de pouvoir d'une partie ou d'un représentant d'une partie. En l'espèce, la nullité invoquée ne met en cause qu'une erreur sur le lieu de signification de l'acte, outre l'absence de mention du
siège social de la société AXA, de sorte que ' contrairement à ce qui est soutenu ' il s'agit d'une irrégularité de forme qui ne peut être accueillie qu'à condition, pour celui qui l'invoque, de prouver le grief que lui cause cette irrégularité.
Devant le conseiller de la mise en état, la société AXA alléguait l'existence d'une confusion, commise par son agent général quant au véritable destinataire de la signification, ayant empêché la transmission de l'information à ses services. Cette confusion quant au destinataire de l'acte n'étant pas établie, le conseiller de la mise en état a considéré que le grief n'était pas prouvé.
Devant la cour, la société AXA fait désormais valoir qu'elle n'a eu connaissance de la signification du jugement que par la communication tardive de ce document, en cause d'appel, ce qui l'a privée de la possibilité de régulariser l'appel dans le délai utile.
Ce faisant, la société AXA argue toujours d'un défaut de transmission de la signification, invoquant désormais également l'existence d'un préjudice en ce qu'elle a été privée de la possibilité de régulariser son recours dans le délai utile.
Il est impossible à la société AXA d'apporter la preuve négative du défaut de transmission de la notification du jugement à ses services. Le préjudice résultant de l'impossibilité de régulariser le recours dans le délai est directement impliqué dans ce défaut de transmission, ce qui est suffisant à caractériser le grief causé par l'irrégularité de la notification.
La société AXA justifiant désormais du grief occasionné par la signification irrégulière du jugement, il convient de réformer l'ordonnance déférée en prononçant la nullité de la signification du jugement régularisée le 19 janvier 2010, ainsi que la recevabilité de l'appel interjeté par la société AXA.
PAR CES MOTIFS
Réforme l'ordonnance déférée,
Statuant à nouveau,
Constate la nullité de l'acte de signification - notifié le 19 janvier 2010 à M. [C], agent général AXA - du jugement du Tribunal de Dunkerque du 19 novembre 2009,
En conséquence, déclare recevable l'appel interjeté par la société AXA le 18 mars 2010,
Dit que les dépens de l'incident et de la procédure de déféré suivront le sort des dépens de l'instance principale.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,
C.POPEKG. GOSSELIN