République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 7 SECTION 2
ARRÊT DU 24/ 03/ 2011
***
No MINUTE :
No RG : 09/ 05012
Jugement (No 342/ 09)
rendu le 17 Juin 2009
par le Juge aux affaires familiales de BETHUNE
REF : CA/ LL
APPELANT
Monsieur Loïc X...
né le 12 Juin 1989 à AURILLAC (15000)
Demeurant ...
représenté par la SCP DELEFORGE ET FRANCHI, avoués à la Cour
assisté de Me Nathalie EROUART, avocat au barreau de BETHUNE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/ 002/ 09/ 8130 du 08/ 09/ 2009 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)
INTIMÉE
Madame Amandine Z...
née le 28 Août 1989 à BETHUNE (62400)
Demeurant ...
62700 BRUAY LA BUISSIERE
représentée par la SELARL ERIC LAFORCE, avoués à la Cour
assistée de Me Thierry LEJEUNE, avocat au barreau de BETHUNE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/ 002/ 09/ 7565 du 01/ 09/ 2009 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)
DÉBATS à l'audience en chambre du Conseil du 03 Février 2011, tenue par Cécile ANDRE magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Christine COMMANS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Patrick BIROLLEAU, Président de chambre
Hervé ANSSENS, Conseiller
Cécile ANDRE, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé, en Chambre du Conseil, par mise à disposition au greffe le 24 Mars 2011, après prorogation du 17 mars 2011 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Patrick BIROLLEAU, Président et Christine COMMANS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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Des relations de Monsieur Loïc X...et de Madame Amandine Z...est née Louna, le 10 décembre 2008, reconnue par ses deux parents.
Madame Z...a saisi le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de BETHUNE, par requête en date du 27 janvier 2009, pour voir fixer les mesures relatives à l'enfant.
Par jugement en date du 17 juin 2009, le juge aux affaires familiales a :
- constaté que l'autorité parentale était exercée en commun par les deux parents,
- fixé la résidence habituelle de l'enfant chez sa mère,
- dit qu'à défaut d'accord entre les parents sur la fréquence et la durée des périodes au cours desquelles Monsieur X...pourrait accueillir son enfant, celui-ci pourrait visiter l'enfant une fois par mois pendant deux heures au domicile de la mère, à charge pour lui de prévenir de sa visite au moins une semaine à l'avance,
- dit n'y avoir lieu à fixer une contribution aux frais d'entretien et d'éducation de l'enfant, compte-tenu des faibles ressources de Monsieur X...,
- rappelé que la décision était exécutoire de plein droit par provision,
- dit que chaque partie conserverait la charge des dépens par elle exposés.
Monsieur X...a interjeté appel général de ce jugement, par déclaration du 6 juillet 2009, et par ses conclusions signifiées le 1er février 2010, limitant sa contestation à son droit de visite, il a demandé à la Cour, par réformation, de lui accorder un droit de visite et d'hébergement la première moitié de toutes les vacances scolaires les années paires et la seconde moitié les années impaires.
Aux termes de ses conclusions en date du 19 mars 2010, Madame Amandine Z..., formant appel incident, a demandé à la Cour de fixer la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant à la somme de 40 euros par mois avec indexation, et de débouter Monsieur X...de ses demandes.
Par arrêt du 1er juillet 2010, la Cour a confirmé le jugement en ses dispositions relatives à l'exercice de l'autorité parentale, à la résidence de l'enfant et à l'absence de contribution alimentaire du père pour sa fille, et avant dire droit sur le droit de visite et d'hébergement du père, a ordonné une enquête sociale.
Le rapport d'enquête sociale a été déposé le 1er octobre 2010.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 21 janvier 2011,
Monsieur X...a maintenu ses dernières demandes.
Il fait valoir au soutien de ses prétentions :
* qu'en raison de salaire, il ne peut assumer le paiement d'une contribution alimentaire de 120 euros par mois, qu'il doit en outre supporter les frais de transport pour un trajet aller-retour de 1700 km en raison de l'éloignement géographique ;
* que Madame Z...et lui ont vécu ensemble du 17 mars 2008 au
10 janvier 2009, date à laquelle elle a quitté l'appartement où ils vivaient, du jour au lendemain, sans donner d'explication ;
* Que ni violent, ni alcoolique, il est parfaitement apte à s'occuper de sa
fille en dépit du jeune âge de celle-ci ;
* Que son impulsivité et sa colère sont liées à la situation et à l'absence de nouvelles de sa filles ;
* Qu'il souhaite pouvoir rencontrer sa fille ailleurs qu'au domicile de la mère et hors la surveillance constante de la famille maternelle ;
* Que les conclusions de l'enquête sociale ne peuvent être entérinées, un droit de visite simple n'étant pas matériellement réalisable en l'espèce ;
*Qu'il n'est pas démontré que l'enfant est dans l'impossibilité de supporter le déplacement.
Par ses dernières conclusions signifiées le 22 octobre 2010, Madame Z...demande à la Cour d'homologuer le rapport d'enquête sociale et d'accorder à Monsieur X...un droit de visite en lieu médiatisé deux fois par mois, en présence d'une tierce personne, et de le condamner aux dépens de première instance et d'appel.
Elle fait observer que le rapport d'enquête sociale relève l'impulsivité et l'immaturité de l'appelant et que sa violence est clairement démontrée par les éléments qu'elle apporte.
Elle rappelle que l'appelant ne dispose d'aucune aide à AURILLAC en-dehors de la présence de sa mère qui tient un débit de boissons fréquenté assidûment par celui-ci ; que Louna n'a vu qu'une fois son père, lequel ne dispose pas des conditions d'hébergement adéquates pour accueillir sa fille.
SUR CE :
Attendu que l'exercice du droit de visite et d'hébergement ne peut être refusé au parent chez qui l'enfant ne réside pas que pour des motifs graves ;
Attendu que Monsieur X...et Madame Z...sont de très jeunes parents puisqu'ils avaient l'un et l'autre 19 ans à la naissance de leur enfant ; que la vie commune a à peine duré un an, Monsieur X...n'ayant en définitive vécu avec son enfant que durant le mois suivant sa naissance ;
Attendu que Madame Z...a en janvier 2009 pris la décision de regagner BRUAY-LA-BUSSIERE où vivent ses parents, au domicile desquels elle réside toujours ;
Attendu qu'il ne résulte pas des pièces produites que Monsieur X...serait alcoolique ainsi que le soutient l'intimée ; que s'agissant de sa violence à son égard, il convient d'observer que les suites de la plainte qu'elle a déposée au moment de la séparation ne sont pas précisées ; que plusieurs témoignages affirment qu'il n'a jamais été constaté d'agressivité chez lui envers sa compagne ou son enfant ;
Attendu que cependant aucun de ces témoins n'a partagé l'intimé du couple et leur brève vie de famille ;
Attendu que le rapport d'enquête sociale mentionne que Monsieur X...est décrit unanimement par ses parents, grands-parents et par son actuelle compagne comme à la fois généreux, attentionné, nerveux, hostile aux contraintes mais aussi excessif et impulsif en cas de contrariété, voire violent ;
Qu'il est apparu à l'enquêteuse sociale immature, tourmenté et peu enclin à se remettre en cause ; que les propos (menace de suicide si les modalités de son droit de visite étaient maintenues …) qu'il a en effet tenus devant elle ne peuvent que conduire à de telles conclusions ; qu'il n'a pas dissimulé les sentiments inchangés qu'il portait toujours à la mère de sa fille, au point qu'il convient de se questionner sur ses motivations profondes par rapport à sa demande à l'égard de Louna ;
Attendu que ces observations tendent à confirmer les allégations de Madame Z..., qui affirme qu'elle a très vite choisi de quitter son compagnon après la naissance de l'enfant, en constatant son incapacité à prendre en compte les besoins d'un nouveau-né et sa fragilité ;
Attendu que l'appelant n'a pas contesté n'avoir effectué le trajet entre Aurillac et le Pas-de-Calais qu'à deux reprises depuis la séparation, faute de moyens financiers ;
Attendu qu'en conclusion, l'enquêtrice sociale observe qu'un droit de visite et d'hébergement tel que le sollicite le père est prématuré en raison du jeune âge de l'enfant, de l'immaturité de Monsieur X...et de l'ambivalence de ses attentes ; qu'un droit de visite limité à un après-midi tous les deux mois, en lieu neutre et en présence d'une tierce personne apparait souhaitable avant d'envisager un élargissement très progressif de ce droit ;
Attendu que Monsieur X...n'établit pas s'être manifesté de quelque façon que ce soit pour prendre des nouvelles de son enfant, ou à l'occasion de l'anniversaire, de Noël etc … à l'exception d'un courrier envoyé à sa mère en décembre 2009 dans le but d'exercer son droit de visite ;
Attendu que plusieurs pages extraites du profil « facebook » de Monsieur X...font apparaître des propos très agressifs voire menaçants envers la mère de l'enfant et ses proches, en lien avec ce litige ;
Attendu que si Louna est désormais âgée de deux ans, elle ne connait pas son père ; qu'il n'est pas envisageable de lui imposer d'emblée un séjour de plusieurs jours au domicile paternel, à des centaines de kilomètres de tous ses repères familiers, dans ces circonstances ;
Attendu que s'il n'est pas contestable que Monsieur X...soit profondément affecté d'être séparé de sa fille, il n'en demeure pas moins que ses propos et son attitude générale, tels que relatés par l'enquêteuse sociale et les personnes qui l'ont côtoyé durant la vie commune avec Madame Z..., puis après la séparation, ne permet pas de s'assurer de ses capacités éducatives et affectives à l'égard de ce très jeune enfant qu'il ne connait pas ;
Attendu que les conclusions du rapport d'enquête sociale apparaissent donc entièrement appropriées aux circonstances ; que leur homologation est toutefois sans intérêt, d'autant qu'elle n'est pas sollicitée par l'appelant ;
Attendu que les attestations de Monsieur et Madame C...faisant état du déroulement très tendu du dernier droit de visite de Monsieur X...au domicile maternel ne permettent pas d'envisager que celui-ci se déroule ailleurs que dans un lieu neutre, dans un premier temps ;
Attendu qu'il convient donc de réformer le jugement entrepris et de dire que Monsieur X...exercera un simple droit de visite en lieu médiatisé (et par voie de conséquence en présence d'un tiers), une fois par mois ; que ces modalités sont seules susceptibles de mettre en place un lien affectif entre le père et son enfant, dans des conditions rassurantes pour Louna ;
Attendu qu'il appartiendra aux parties, à défaut de trouver par la suite un accord amiable sur de nouvelles modalités de droit de visite et d'hébergement, de saisir à nouveau le Juge aux affaires familiales sur ce point ;
Attendu qu'eu égard à la nature de l'affaire qui concerne un enfant commun, chaque partie conservera la charge des dépens exposés par elle en cause d'appel, les frais d'enquête sociale étant partagés par moitié entre les parties et la décision déférée confirmée du chef des dépens de première instance.
PAR CES MOTIFS :
Vu l'arrêt du 1er juillet 2010 ;
Vu le rapport d'enquête sociale déposé le 1er octobre 2010 ;
Réforme le jugement entrepris du chef du droit de visite du père ;
Dit que, sauf accord des parents sur d'autres dispositions, Monsieur Loïc X...exercera un simple droit de visite à l'égard de sa fille Louna au sein de l'association
E. P. D. E. F
49, rue Jean Baptiste DEFERNEZ
BP 402
62804 LIEVIN Cedex
une fois par mois selon les modalités définies par les responsables de ce lieu ;
Dit qu'il incombe à chacune des parties de se mettre en relation avec l'association désignée aux fins d'organiser le droit de visite ;
Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires ;
Dit que chaque partie conservera la charge des dépens exposés par elle en cause d'appel, les frais d'enquête sociale étant partagés par moitié entre elles et la décision déférée confirmée du chef des dépens de première instance.
Le Greffier, Le Président,
C. COMMANSP. BIROLLEAU