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17/03/2011 | FRANCE | N°09/01806

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 17 mars 2011, 09/01806


COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 2



ARRÊT DU 17/03/2011



***



N° de MINUTE :

N° RG : 09/01806



Jugement (N° 08/01753)

rendu le 12 Février 2009

par le Tribunal de Commerce de LILLE



REF : SVB/CD





APPELANTE



S.A.R.L. MARKETING DIAGNOSTIC TEST CONSO MDTC (ayant pour ancienne dénomination DTC MARKETING) prise en la personne de ses représentants légaux

Ayant son siège social [Adresse 2]



Représentée par la SCP CARLIER R

EGNIER, avoués à la Cour

Assistée de Me Servane SQUEDIN-PAROLA, avocat au barreau de LILLE



INTIMÉE



S.A.R.L. TOP ON LINE prise en la personne de ses représentants légaux

Ayant son siège soc...

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 17/03/2011

***

N° de MINUTE :

N° RG : 09/01806

Jugement (N° 08/01753)

rendu le 12 Février 2009

par le Tribunal de Commerce de LILLE

REF : SVB/CD

APPELANTE

S.A.R.L. MARKETING DIAGNOSTIC TEST CONSO MDTC (ayant pour ancienne dénomination DTC MARKETING) prise en la personne de ses représentants légaux

Ayant son siège social [Adresse 2]

Représentée par la SCP CARLIER REGNIER, avoués à la Cour

Assistée de Me Servane SQUEDIN-PAROLA, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE

S.A.R.L. TOP ON LINE prise en la personne de ses représentants légaux

Ayant son siège social [Adresse 1]

Représentée par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour

Assistée de Me René DESPIEGHELAERE, substitué par Me GUILMAIN avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE

Nicole OLIVIER, Président de chambre

Dominique CAGNARD, Conseiller

Sophie VALAY-BRIERE, Conseiller

--------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marguerite-Marie HAINAUT

DÉBATS à l'audience publique du 20 Janvier 2011 après rapport oral de l'affaire par Sophie VALAY-BRIERE

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 17 Mars 2011 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Nicole OLIVIER, Président, et Marguerite-Marie HAINAUT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 7 janvier 2011

***

Courant 2000, les dirigeants des sociétés PRESENCE et CEGMA TOPO créaient la SARL TOP ON LINE, laquelle constituait selon eux le prolongement et le complément sur le web de leurs activités en matière d'enquête de consommation et de marketing.

Après avoir connu des pertes, la SARL TOP ON LINE parvenait à l'équilibre fin 2005 début 2006 et se positionnait alors exclusivement sur des études en ligne.

A compter de mars 2006, trois salariés de TOP ON LINE, Messieurs [P], [M] et [J], et une de CEGMA TOPO, Madame [C], démissionnaient puis créaient entre eux la société DTC MARKETING (MDTC), immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés le 16 juin 2006.

A la requête de la SARL TOP ON LINE, le juge des référés puis le Tribunal de Commerce de LILLE étaient saisis. Si le premier rejetait la demande en l'absence d'urgence, le second a, par jugement contradictoire en date du 12 février 2009 :

- débouté la société TOP ON LINE de sa demande de sursis à statuer,

- dit que la SARL DTC MARKETING a commis des actes de concurrence déloyale,

- ordonné une expertise quant à l'évaluation du préjudice,

- condamné la SARL DTC MARKETING à consigner la somme de 30 000 € à titre de provision sur l'indemnisation,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- réservé les dépens.

Par déclaration au greffe en date du 11 mars 2009, la SARL MARKETING DIAGNOSTIC TEST CONSO 'MDTC', anciennement dénommée DTC MARKETING, a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance en date du 17 décembre 2009, le conseiller de la mise en état a débouté la SARL TOP ON LINE de sa demande tendant à voir ordonner l'exécution provisoire du jugement critiqué.

Dans ses dernières conclusions en date du 21 septembre 2010, la SARL MDTC demande à la Cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter la société TOP ON LINE de l'ensemble de ses demandes et de condamner cette dernière à lui payer la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle conteste l'existence d'actes de concurrence déloyale et fait valoir qu'il ne peut être fait grief aux ex-salariés de la société TOP ON LINE d'avoir violé les clauses de respect de clientèle ou de non concurrence comprises dans leur contrat de travail dès lors que la société TOP ON LINE en a reconnu la nullité. Elle soutient que la jurisprudence permet à des salariés de préparer leur activité future et même de constituer une société avant même la cessation de leurs fonctions tant que son exploitation ne commence qu'après. Elle ajoute que ses clients sont venus travailler avec elle spontanément sans avoir fait l'objet d'un démarchage ou d'un détournement déloyal ; qu'elle a connu des difficultés financières lors de sa création ; qu'elle ne s'est pas inscrite dans le sillage de la société TOP ON LINE puisque celle-ci n'est qu'un prestataire informatique alors qu'elle-même s'est spécialisée dans les études en ligne avec analyses et recommandations ; qu'il n'y a pas eu de désorganisation des relations commerciales d'une entreprise rivale par détournement de fichiers, listes de clients ou de documents techniques ; que le test cadeau n'est pas une méthodologie inventée par l'intimée ; qu'en l'absence de démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité, les conditions d'exercice de l'action en concurrence déloyale ne sont pas réunies.

Dans ses conclusions en date du 25 juin 2010, la SARL TOP ON LINE demande à la Cour de confirmer le jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer, a reconnu que la société MDTC a commis des actes de concurrence déloyale et commis un expert mais de le réformer pour le surplus, de condamner la société DTC MARKETING à lui payer la somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts à valoir sur son préjudice outre 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile puis de renvoyer les parties devant le tribunal pour qu'il statue au vu du rapport d'expertise à venir.

Elle fait valoir que la société MDTC a été créée, par ses anciens salariés alors qu'ils étaient encore en poste en son sein, en faisant expressément référence au panel en ligne et à l'assistant personnel numérique, deux concepts qui lui sont propres, et ce pour capter ses anciens clients. Elle explique que la société MDTC, qui exerce les activités de CEGMA TOPO et de TOP ON LINE, s'est immiscée dans son sillage en pillant son système de fonctionnement afin de profiter de son expérience sans rien dépenser et a détourné sa clientèle comme le démontre le mail échangé entre Monsieur [P] et la société EXTRAFILM et rappelle que même si les clauses de non concurrence ou de non sollicitation de clientèle sont nulles cela n'autorisaient pas ses anciens salariés à commettre des actes de concurrence déloyale.

Elle prétend que son préjudice est démontré puisque le départ brutal de ses salariés l'a contrainte à investir massivement et à embaucher un salarié.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 janvier 2011.

SUR CE 

1-Sur le parasitisme économique

Le comportement parasitaire est un acte de concurrence déloyale lorsqu'il concerne des entreprises en situation de concurrence.

Selon l'extrait du Registre du Commerce et des Sociétés versé aux débats, la SARL TOP ON LINE a une activité de conseil pour les affaires et la gestion. La plaquette 'TOPOnline 2006-2007-2008", pour le TOPO MARKETING GROUPE, indique que cette filiale a vocation à 'compléter l'offre d'études de TOPO MARKETING GROUP avec un positionnement Institut d'Etudes On LINE Spécialisé' ce pour quoi, elle 'crée, conçoit et commercialise auprès des entreprises clientes des outils d'études simples et déclinables utilisant Internet et les nouvelles technologies, qui ne demandent pas d'analyse de chargés d'études ni de présentations orales particulières'.Elle peut également intervenir comme sous-traitant du chef de projet Groupe TOPO de l'opération.

L'activité de la SARL DTC MARKETING est, selon l'extrait du Registre du Commerce et des Sociétés produit, 'études de marché et sondages, études marketing, études économiques et sociologiques, études et conseils marketing, instituts de sondage'.

Même si leurs prestations ne sont pas identiques, la SARL MDTC réalisant le travail fait à la fois par les sociétés TOP ON LINE et CEGMA TOPO, il n'est pas sérieusement contestable que les parties sont en situation de concurrence.

Selon la jurisprudence, le parasitisme économiques se définit comme l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir faire.

Pour la doctrine, il est caractérisé par la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique s'inspire ou copie une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel ou d'investissements (Cf. Professeur [L] ; CA Paris, 4ème ch, section A, 26 mars 2008).

En l'espèce, la société TOP ON LINE soutient que la société MDTC se serait emparée de concepts tels le panel en LINE, l'assistant personnel numérique PDA ou d'un produit innovant comme le test cadeau qui lui seraient propres.

Néanmoins, il est justifié que le 'test cadeau' est proposé par d'autres cabinets d'études tels que TOLUNA ou AREYOUNET, que le panel en LINE est proposé par NETETUDES, TOLUNA, PANELONTHEWEB enfin que SURVEYSTORE, QUALIWEB et MARKETAUDIT offrent un assistant personnel PDA.

Dans ces conditions, il est démontré que la société MDTC ne s'est pas immiscée dans le sillage de la société TOP ON LINE et qu'elle n'a pas pillé le savoir faire de cette dernière mais qu'elle utilise les mêmes outils que les différents intervenants sur ce créneau.

2- Sur l'attitude des salariés

Il ressort de la comparaison entre les dates des démissions des salariés de la sociétés TOP ON LINE, de l'immatriculation de la SARL MDTC et du 'dossier de financement DTC Marketing' daté du 12 janvier 2006 que MM [P], [J], [M] ainsi que Madame [C] ont réfléchi à la création de cette société alors qu'ils étaient toujours liés par leur contrat de travail à la société TOP ON LINE. Toutefois, l'obligation de loyauté qui pèse sur le salarié ne lui interdit pas en principe de concevoir et de préparer une future activité concurrente de celle de son employeur à la condition que cette concurrence ne devienne effective qu'après l'expiration du contrat de travail et qu'il ne soit pas lié par une clause de non concurrence.

En l'absence de clauses de non concurrence ou de respect de clientèle régulières, le principe de la liberté du commerce autorise quiconque à créer sa propre entreprise et il est permis à un employeur de proposer un nouvel emploi à une personne salariée dans une autre entreprise.

En l'espèce, l'activité concurrente n'ayant débuté que courant juin 2006, soit postérieurement à l'expiration des contrats de travail du fait des démissions intervenues, aucune faute ne peut être reprochée à la société MDTC de ce chef.

La société TOP ON LINE prétend que la création de la société MDTC a eu pour effet de la priver de ses salariés. C'est une réalité pourtant non constitutive d'une faute dès lors qu'elle n'est pas propriétaire de ses salariés qui peuvent librement décider de changer d'employeur.

3- Sur le détournement de clientèle

Il n'est pas contesté que les parties interviennent sur un marché restreint en nombre d'acteurs et de clients.

Le procès-verbal de constat dressé le 1er février 2007 par Maître [Z], huissier de justice, assisté de Monsieur [X], expert en informatique, montre que :

* figurent parmi les clients de la société MDTC : 3 SUISSES, DEVIANNE, BOULANGER, LA REDOUTE, TOURISSIMA, PHILDAR, CASTORAMA, CYRILLUS, SMOBY MAJORETTE, EXTRA FILM, BLANCHE PORTE',

* la plupart des bases interrogées sont sans intérêt,

* la base panel comporte 173 noms, un contrôle sur 35 d'entre eux a permis de trouver 2 tirages coïncidents,

* sur un tirage d'environ trente noms figurant dans le cahier clients-prospects, 7 coïncidences ont été trouvées.

L'expert a précisé que ces coïncidences ne sont pas significatives d'une part parce que 'nombre de consommateurs s'inscrivent à plusieurs panels pour obtenir plus de cadeaux' et d'autre part en raison de l'étroitesse du marché pour ce type de services marketing.

La seule circonstance que 7 clients aient suivi dans la nouvelle société, les personnes au contact desquelles ils avaient été antérieurement dans la société concurrencée ne caractérise pas la faute en l'absence de toute manoeuvre déloyale.

S'agissant de la société EXTRA FILM, il ressort de l'échange de mails produit que la société DTC MARKETING a contacté celle-ci courant novembre 2006 pour se présenter et de l'attestation de Madame [S], responsable web marketing, que celle-ci a décidé de son propre chef de travailler avec la SARL DTC MARKETING. Contrairement à ce qui est soutenu, l'erreur d'adresse mail en date du 9 décembre 2006, ne prouve pas que Monsieur [P] aurait commencé à démarcher la société EXTRA FILM alors que celui-ci était toujours salarié de la société TOP ON LINE. Cela démontre simplement que sa correspondante chez EXTRA FILM, avec laquelle il était en contact dans sa précédente activité, avait conservé son ancienne adresse mail.

Enfin, si la lecture du grand livre des tiers montre que la SARL TOP ON LINE a perdu certains clients entre les périodes du 1er avril 2005 au 31 mars 2006 et du 1er avril 2006 au 31 mars 2007, cela ne prouve pas pour autant l'existence d'un détournement de fichier ou de clientèle, laquelle n'est pas captive.

La société TOP ON LINE ne rapporte pas la preuve d'un démarchage déloyal de la part de la SARL MDTC.

Par suite, le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions.

La société TOP ON LINE qui succombe sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la SARL MDTC les frais exposés par elle en cause d'appel et non compris dans les dépens ; il lui sera alloué la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civil.

PAR CES MOTIFS 

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Déboute la SARL TOP ON LINE de l'ensemble de ses demandes ;

Condamne la SARL TOP ON LINE à payer à la SARL MDTC la somme de 1 500€ au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;

Rejette la demande de frais irrépétibles d'appel de la SARL TOP ON LINE ;

Condamne la SARL TOP ON LINE aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés par la SCP CARLIER REGNIER, avoué, pour ceux d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Le GreffierLe Président

Marguerite Marie HAINAUTNicole OLIVIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 2
Numéro d'arrêt : 09/01806
Date de la décision : 17/03/2011

Références :

Cour d'appel de Douai 22, arrêt n°09/01806 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-03-17;09.01806 ?
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