COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 20/01/2011
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N° de MINUTE :
N° RG : 09/07806
Jugement (N° 06/303)
rendu le 10 septembre 2009
par le Tribunal de Grande Instance d'ARRAS
REF : DC/CP
APPELANTE
Madame [M] [K] [E]
née le [Date naissance 3] 1950 à [Localité 7] (59490)
demeurant [Adresse 6]
Représentée par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour
Assistée de Me Danièle LAMORIL LAUDE, avocat au barreau d'ARRAS
INTIMÉE
Madame [V] [N] épouse [H]
née le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 5]
demeurant [Adresse 4]
Représentée par Me QUIGNON, avoué à la Cour
Assistée de Me Antoine VAAST, avocat au barreau d'ARRAS
DÉBATS à l'audience publique du 23 novembre 2010 tenue par Dominique CAGNARD magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Véronique DESMET
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Nicole OLIVIER, Président de chambre
Dominique CAGNARD, Conseiller
Véronique NEVE DE MEVERGNIES, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 20 janvier 2011 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Nicole OLIVIER, Président et Marguerite-Marie HAINAUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 13 octobre 2010
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Vu le jugement rendu contradictoirement le 10 septembre 2009 par le tribunal de grande instance d'Arras qui, après avoir débouté Mme [H] de sa demande de jonction de procédures et déclaré irrecevable l'exception d'incompétence qu'elle avait soulevée, a débouté Mme [E] de ses demandes en réduction de loyer et d'expertise, a débouté Mme [H] de ses demandes d'expertise, d'opposabilité du jugement et de constat et débouté Me [C] de ses demandes principales accessoires, a rejeté les demandes en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu l'appel de Mme [E] enregistré au greffe de la Cour le 5 novembre 2009.
Vu les conclusions déposées le 22 septembre 2010 par Mme [E] qui sollicite la Cour, au visa des dispositions des articles 1719, 1720, 1184, 1382 du Code civil, du contrat de bail commercial, de :
- dire que Mme [H] n'a pas rempli ses obligations légales et contractuelles envers elle telles qu'elles ont été énoncées par le contrat du 31 mars 1995 expressément acceptées par elle le 15 mai 1998, les jugements du TGI d'Arras du 11 juillet 2000 et du 31 décembre 2002, l'arrêt de la cour d'appel du 28 juin 2004 ;
- constater et dire que l'inexécution des obligations de Mme [H] a entraîné la baisse de la surface exploitable de l'immeuble ;
- dire que cette baisse de la surface exploitable justifie la réduction du loyer payé pour cet immeuble à la somme de 160 € par mois à compter du mois de mai 2004 ;
- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de Mme [H] ;
- la condamner à lui payer la somme de 3000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et la somme de 3000 €sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions déposées le 31 mai 2010 par Mme [N] épouse [H] [V] qui demande à la Cour, au visa des articles 606, 1719 1720 du Code civil, de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
subsidiairement,
vu les dispositions de l'article R. 312-3 du code de l'organisation judiciaire :
- déclarer Mme [E] irrecevable en ses demandes ;
- ou la déclarer mal fondée en sa demande en réduction de loyer et l'en débouter
plus subsidiairement,
- désigner un architecte expert ;
en tout état de cause,
- condamner Mme [E] à lui payer la somme de 1500 €en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est expressément renvoyé à ces conclusions pour un plus ample exposé des faits, procédures, prétentions et moyens des parties, conformément à ce qu'autorisent les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 13 octobre 2010.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Par acte du 31 mars 1995, Mme [E] a acquis de M. [U] [L] un fonds de commerce de café hôtel restaurant à [Localité 8]. Aux termes de cet acte, Mme [W], propriétaire des lieux et bailleresse, intervenue à l'acte, s'est engagée à effectuer les travaux de mise aux normes de sécurité de l'immeuble dans lequel est exploité le fonds, conformément au règlement actuellement en vigueur, dans le délai de quatre ans.
Mme [W], décédée le [Date décès 2] 1998 sans avoir achevé l'intégralité des travaux de mise aux normes de sécurité, ses héritiers ont vendu l'immeuble en cause à Mme [V] [N] épouse [H] par acte du 15 mai 1998 aux termes duquel l'acquéreur reconnaît avoir été informé par les vendeurs du rapport de la visite de sécurité du 6 septembre 1994, et celui-ci s'engage à effectuer les travaux incombant au propriétaire des murs.
Les travaux demandés par la commission d'arrondissement de sécurité le 6 septembre 1994 n'ayant pas été réalisés, cette commission l'a constaté le 4 novembre 1999 en conseillant la fermeture de l'établissement.
Suite à une nouvelle visite le 17 février 2004, constatant que toutes les prescriptions émises précédemment n'avaient pas été réalisées, la commission de sécurité a émis un avis défavorable à l'exploitation et proposé la fermeture de l'établissement. La fermeture de la partie hôtel a été ordonnée par arrêté municipal du 7 mai 2004.
Par arrêt rendu le 28 juin 2004, devenu définitif, cette Cour, après avoir rappelé qu'un précédent jugement du 11 juillet 2000, également devenu définitif, avait mis à la charge de Mme [V] [H] les travaux de mise aux normes de sécurité de l'immeuble, a :
- autorisé Mme [M] [E] à faire exécuter aux frais de Mme [H] les travaux préconisés par l'expert (M. [J], rapport du 4 mars 2002) à l'exception des postes écartés (rampe d'accès, création de blocs sanitaires, création d'exutoire dans les étages, création d'escalier et d'issue de secours, vérification des installations techniques, isolation du sous-sol), sous la maîtrise d'oeuvre de son choix ;
- réduit à 208'396,18 € HT la somme que Mme [V] [H] doit consigner auprès du compte CARPA du bâtonnier de l'ordre des avocats d'Arras et autorisé le déblocage des fonds au fur et à mesure de l'avancement des travaux, étant observé que le jugement déféré, rendu le 31 décembre 2002 avec exécution provisoire, dont la suspension a été refusée le 10 avril 2003, avait mis à la charge de Mme [H] la somme de 300'569,39 € TTC soit 251'312,20 €au titre des travaux de mise en conformité et la somme de 29'476,02 € pour des travaux ne concernant pas les mises aux normes de sécurité ;
- condamné Mme [H] à payer 5'000 € à titre de dommages et intérêts à Mme [E].
Il convient de souligner que l'arrêt précité du 28 juin 2004 qui, sur la demande de Mme [E] en réparation du préjudice « particulièrement important », sans autre précision, résultant de la non-exécution des travaux, a attribué à celle-ci la somme de 5'000 €en estimant que le seul préjudice réellement subi depuis 1998 résidait dans le retard pris du fait de la résistance de Mme [V] [H] à exécuter son obligation et les tracas liés tant à la procédure qu'au risque de fermeture de l'établissement non conforme.
Il est constant que Mme [H] a consigné à la CARPA la somme de 200'000 €le 26 novembre 2007 et y a déposé le même jour la somme de 40'000 € sur un compte d'attente. Toutefois, concomitamment, Mme [H] a engagé une procédure en référé pour s'opposer à l'exécution des travaux (assignation du 28 décembre 2007, ordonnance de référé du 24 avril 2008 rejetant la demande, appel de M. et Mme [H] du 5 mai 2008, arrêt confirmatif du 18 février 2009 et condamnant les appelants au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive). Dès lors, Mme [E] peut effectivement faire exécuter les travaux visés à l'arrêt du 28 juin 2004 depuis le 18 février 2009.
Il est également constant que par jugement du 7 novembre 2005 le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Arras a condamné Mme [H] à exécuter l'arrêt précité sous astreinte. Cette décision a été confirmée par arrêt du 11 janvier 2007, et l'astreinte a été liquidée par le juge de l'exécution, le 3 mai 2007, à la somme de 40'000 €.
Enfin, en exécution du jugement rendu le 31 décembre 2002, Mme [E] a fait procéder à diverses saisies attribution sur les comptes de Mme [H] qui, au regard des pièces produites, se sont élevées au moins à 24'926,35 €.
Aux termes du contrat de bail liant les parties, en date du 30 avril 1991, le preneur prend les lieux loués dans l'état où ils se trouvent au moment de l'entrée en jouissance sans pouvoir exiger du bailleur aucune réparation d'aucune sorte sauve celles prévues à l'article 606 du Code civil, toutes les autres dites « de menu ou de gros entretien » restant à la charge du preneur.
Il en résulte que Mme [H], outre les réparations prévues à l'article 606 du Code civil, est tenue des travaux de mise en conformité des lieux tels que définis au procès-verbal de la commission de sécurité du 6 septembre 1994, dans les limites fixées par l'arrêt de cette Cour du 28 juin 2004.
Or Mme [H], postérieurement à l'arrêt rendu le 28 juin 2004, a persisté dans sa résistance au paiement des sommes qu'elle était définitivement condamnée à payer afin de permettre à Mme [E] de mettre en oeuvre les travaux de mise en conformité, auxquels elle s'était pourtant engagée lors de la signature de l'acte du 15 mai 1998 et qu'elle avait déjà été condamnée à réaliser par un jugement définitif du 11 juillet 2000.
Cependant, Mme [E] a pris les lieux en l'état lors de l'achat du fonds de commerce comprenant le droit au bail, et en connaissance des travaux de mise aux normes à effectuer par le bailleur. Si Mme [H] est défaillante dans le respect de cette obligation d'effectuer lesdits travaux, cette obligation est distincte de celle de délivrance, qui a été remplie lors de la prise de possession des lieux par la locataire.
Mme [E] n'est donc pas fondée à soutenir que la fermeture de la partie hôtel des lieux loués depuis le 7 mai 2004 constitue un défaut de délivrance partiel.
En outre, l'expert judiciaire, M. [J], dans son rapport du 4 mars 2002 relève à plusieurs reprises (pages 10, 12,13, 39) l'inaction de l'une et l'autre des parties à faire intervenir un maître d'oeuvre et un contrôleur technique afin d'obtenir les avis nécessaires à la constitution du dossier sur la mise aux normes de l'établissement. Cette inaction est également de la responsabilité de Mme [E], concernée personnellement, en tant qu'exploitante, par certains travaux de remise aux normes qui lui incombent, et non pas à Mme [H], comme l'a définitivement jugé l'arrêt du 28 juin 2004. Or Mme [E] n'a véritablement chargé un architecte des travaux de mise aux normes de l'établissement, en la personne de Mme [O], qu'en juillet 2010, alors qu'elle disposait avant mai 2004 des sommes déjà saisies auparavant.
En conséquence, aucune réduction de loyer n'est justifiée, et la demande doit être rejetée, en confirmation du jugement.
La résistance abusive de Mme [H] a déjà été sanctionnée par l'attribution de dommages et intérêts et le prononcé d'une astreinte qui a été liquidée. Au stade actuel de la procédure il n'est justifié d'aucun préjudice supplémentaire lié à la résistance abusive de Mme [H]. La demande en dommages et intérêts à ce titre de Mme [E] doit donc être rejetée.
Aucune considération d'équité justifie de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.
Mme [E], succombante, supportera les dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré
Y ajoutant
Déboute Mme [E] de sa demande en dommages et intérêts pour résistance abusive.
Déboute les parties de leur demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne Mme [M] [E] aux dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me QUIGNON, avoué.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,
Marguerite Marie HAINAUTNicole OLIVIER