COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 16/12/2010
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N° de MINUTE :
N° RG : 09/05178
Jugement (N° 08/000345)
rendu le 22 avril 2009
par le Tribunal de Commerce de DOUAI
REF : DC/CP
APPELANTE
SAS FINALER agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 1]
Représentée par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour
Assistée de Maître MINNE (SELARL LEMISTRE et ASSOCIES), avocats au barreau de LILLE
INTIMÉE
S.A.S. BISCUITERIE DUNKERQUOISE représentée par ses dirigeants légaux
ayant son siège social [Adresse 4]
Représentée par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour
Assistée de Me Jean-Pierre DELANNOY, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS à l'audience publique du 19 octobre 2010 tenue par Dominique CAGNARD magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marguerite-Marie HAINAUT
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Nicole OLIVIER, Président de chambre
Dominique CAGNARD, Conseiller
Véronique NEVE DE MEVERGNIES, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2010 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Nicole OLIVIER, Président et Marguerite-Marie HAINAUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 22 septembre 2010
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Vu le jugement rendu contradictoirement, avec exécution provisoire, le 22 avril 2009 par le tribunal de commerce de Douai qui a :
- déclaré recevable et fondée la demande de la BISCUITERIE DUNKERQUOISE CASSIOPÉE concernant le non-respect par FINALER du droit de préférence ;
- débouté la société FINALER de ses demandes ;
- condamné la société FINALER à payer à la BISCUITERIE DUNKERQUOISE CASSIOPÉE la somme de 150'000 €avec intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2008, ainsi que la somme de 1000 €au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu l'appel de la SAS FINALER enregistré au greffe de la Cour le 13 juillet 2009.
Vu les conclusions déposées le 23 février 2010 par la SAS FINALER sollicitant la Cour de :
- réformer le jugement ;
- débouter la SAS BISCUITERIE DUNKERQUOISE de ses demandes fins et conclusions, et la condamner à lui payer la somme de 20'000 € pour procédure abusive sur le fondement des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile et la somme de 15'000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du même code.
Vu les conclusions récapitulatives déposées le 3 mai 2010 par la SAS BISCUITERIE DUNKERQUOISE qui demande à la Cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et condamner la société FINALER à lui payer la somme de 10'000 €sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est expressément renvoyé à ces conclusions pour un plus ample exposé des faits, procédures, prétentions et moyens des parties, conformément à ce qu'autorisent les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 septembre 2010.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La société UNION BISCUITS, dont la totalité du capital est détenue par la société FINALER, a pour activité la fabrication de biscotterie, biscuiterie et pâtisserie sur un site se trouvant à [Localité 3].
La société BISCUITERIE DUNKERQUOISE exerce quant à elle une activité de biscuiterie et de pâtisserie à [Localité 2].
Alors qu'un courant d'affaires existait déjà entre elles, ces deux sociétés se sont rapprochées le 2 mai 2006 en signant :
- une convention de cession d'éléments de fonds de commerce appartenant à la société UNION BISCUITS portant sur les éléments attachés à la fabrication de pains d'amande, fines feuilles framboise et autres biscuits élaborés avec la même recette et comprenant les éléments incorporels (la clientèle, à l'exception de celle attachée à la marque PRENEEL, le droit de se dire seul successeur de la société UNION BISCUITS dans cette activité, les archives et documents commerciaux) ainsi que les éléments corporels (les matériels d'exploitation attachés à la ligne industrielle de fabrication de ces pains d'amande, le stock d'emballages, hors stock PRENEEL), au prix de 170'000 € ;
- une convention de fabrication par l'UNION BISCUITS des pains d'amande et assimilés précités sur la ligne de fabrication devenue propriété de la BISCUITERIE DUNKERQUOISE ;
- un droit de préférence consenti par UNION BISCUITS au profit de la BISCUITERIE DUNKERQUOISE en cas de cession de son activité de fabrication, par vente du fonds de commerce ou vente des titres.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 décembre 2006, UNION BISCUITS a informé la BISCUITERIE DUNKERQUOISE qu'elle avait reçu le 27 novembre 2006 une déclaration d'intérêts pour l'acquisition du fonds de commerce et des titres aux conditions suivantes :
- un prix de base pour 100 % des actions fixées à 1 million d'euros ,
- le remboursement partiel du compte courant à la signature soit 250'000 €, un complément de prix éventuel pouvant intervenir pour un montant maximum de 1'250'000 €sur la base du profit net moyen du site UNION BISCUITS au titre de deux exercices de 12 mois suivant la réalisation de la promesse d'achat,
- la reprise des engagements liés à la société et à son exploitation (leasing matériel et crédit bâtiment),
la société BISCUITERIE DUNKERQUOISE ayant un délai de 30 jours pour exercer son droit de préférence, conformément à l'engagement du 2 mai 2006.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en réponse, le 21 décembre 2006, la BISCUITERIE DUNKERQUOISE a notifié à la société FINALER qu'elle renonçait à son droit de préférence «compte tenu du prix qui vous a été proposé ».
La cession au groupe GRINGOIRE s'est finalement réalisée aux conditions suivantes (lettre du 5 avril 2007 ; compromis de cession - pièces 1 et 3 de FINALER) :
- achat des actions UNION BISCUITS : 1€
- rachat partiel du compte courant d'actionnaire à hauteur de 250'000 €à condition que le solde de ce compte courant s'élevant à 1'712'000 €serve à
réaliser une augmentation de capital afin de reconstituer les capitaux propres à hauteur de 1'462'000 €, compte tenu d'une situation au 31 décembre 2006 faisant apparaître des capitaux propres négatifs pour 1'182'516 €, un résultat d'exploitation déficitaire de 305'761 €, une perte pour l'exercice de 107'750 €
- rachat du bâtiment industriel : 1'600'000 €
- reprise des encours (stocks, compte fournisseurs, remises dues aux clients, passif social) : +/' 800'000 €dans la lettre du 5 avril 2007 ; 1'415'000 €dans le compromis, le poste clients et comptes rattachés devant s'élever au minimum à 654'000 €(soit un solde de 761'000 €)
- poursuite des contrats de leasing concernant l'outillage (évalués à 645'000 € dans la lettre du 5 avril 2007 et à 570'000 €dans le compromis).
La simple comparaison des conditions de l'offre proposée à la BISCUITERIE DUNKERQUOISE le 14 décembre 2006 avec celles auxquelles la cession s'est effectivement réalisée au profit du groupe GRINGOIRE permet aisément de relever qu'elles sont totalement différentes, comme l'admet d'ailleurs la société FINALER dans une lettre du 18 septembre 2007 reconnaissant qu'elles « ont été modifiées » (pièce 6 de la BISCUITERIE DUNKERQUOISE ).
Il convient en effet de relever principalement que le 14 décembre 2006 la cession de l'immeuble n'était pas envisagée, mais en outre que le prix des actions était fixé à un million d'euros alors que le montant des capitaux propres était négatif de 1'182'516 €et que la société FINALER, avant la cession au groupe GRINGOIRE, devait le rétablir en situation positive, en tenant compte de surcroît du résultat déficitaire de l'année 2006, ce qui correspond à une situation financière de la société cédée totalement différente.
Or, la société BISCUITERIE DUNKERQUOISE n'a pas reçu une nouvelle proposition pour l'exercice de son droit de préférence, conforme aux conditions modifiées en vue de la cession au groupe Gringoire. La société FINALER, qui le prétend, ne rapporte même pas la preuve de l'en avoir informée, l'existence d'un courant d'affaires avec la BISCUITERIE DUNKERQUOISE étant à cet égard inopérante.
Le fait que le groupe Gringoire ait par la suite offert à la BISCUITERIE DUNKERQUOISE, le 10 octobre 2007, par une lettre adressée à FINALER, le rachat de la société UNION BISCUITS aux conditions identiques à celles de son acquisition est indifférent, dès lors que la défaillance de FINALER est établie à une date nécessairement antérieure à l'acquisition par le groupe Gringoire, que, de surcroît, les conditions ne sont plus les mêmes puisque la société BISCUITERIE DUNKERQUOISE a dû déménager la ligne de fabrication qu'elle avait auparavant acquise le 1er août 2007 et se réorganiser en fonction de cette situation.
En conséquence, la société BISCUITERIE DUNKERQUOISE est fondée à solliciter la réparation du préjudice subi en relation directe avec la faute contractuelle commise à son égard par la société FINALER, conformément aux dispositions de l'article 1147 du Code civil.
Sur le montant du préjudice, la société BISCUITERIE DUNKERQUOISE ne peut sérieusement soutenir, d'autant qu'elle n'apporte aucun élément de preuve à l'appui de ses allégations, que la société UNION BISCUITS était une structure prospère initialement, d'autant qu'elle indique elle-même avoir acheté la ligne de fabrication en mai 2006 en raison des difficultés financières de l'UNION BISCUITS.
Comme elle ne donne aucune indication précise sur son organisation avant l'offre défaillante de la société FINALER, ni sur sa réorganisation ensuite, la société BISCUITERIE DUNKERQUOISE ne permet pas à la Cour d'apprécier l'importance alléguée de la rationalisation de sa production industrielle et des bénéfices provenant de la rationalisation des coûts qui auraient été tirés du rachat dont elle a été privée. Elle indique seulement, sans être contestée, avoir dû supporter un coût de travaux d'aménagement (extension de l'existant) et de déménagement supérieur à 600'000 €.
Dès lors, le préjudice réparable, représenté par la perte d'une chance de se réorganiser d'une manière profitable, avec les limites d'appréciation ci-dessus rappelées, rapporté aux conditions de la cession opérée en faveur du groupe Gringoire, même en excluant le montant du rachat de l'immeuble, qui laissent toutefois subsister une reprise du compte courant pour 250'000 €et des encours pour environ 800'000 €, conduit à constater que la perte de chance, au regard des coûts générés par la réorganisation de la BISCUITERIE DUNKERQUOISE, est nulle, donc le préjudice également.
En conséquence, il y a lieu de réformer le jugement et de rejeter la demande en dommages et intérêts de la société BISCUITERIE DUNKERQUOISE.
Les motifs qui précèdent conduisent à écarter tout caractère abusif de la procédure, d'autant que la SAS FINALER n'apporte aucune démonstration à l'appui de sa demande en dommages et intérêts à ce titre, qui doit donc être rejetée.
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties le montant de ses frais irrépétibles.
La société FINALER, qui, en définitive, a toutefois eu une attitude fautive supportera l'intégralité des dépens de première instance et d'appel avec, pour ceux-ci, application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré sur la faute de la SAS FINALER
Réformant pour le surplus et statuant à nouveau
Déboute la SAS BISCUITERIE DUNKERQUOISE de sa demande en dommages et intérêts
Déboute la SAS FINALER de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive
Déboute les parties de leur demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne la SAS FINALER aux dépens de première instance et d'appel avec, pour ceux-ci, application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP DELEFORGE-FRANCHI, avoués associés.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,
Marguerite Marie HAINAUTNicole OLIVIER