COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 18/11/2010
***
N° de MINUTE :
N° RG : 09/04963
Ordonnance (N° 09/1520)
rendue le 04 juin 2009
par le Tribunal de Commerce
de LILLE
REF : CP/CP
APPELANTE
S.A. DAFY MOTO agissant en la personne de son représentant légal domicilié audit siège
ayant son siège social [Adresse 1]
Représentée par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour
Assistée de Me Jérôme JAMARD, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
S.C.I. DE LA WEPPE agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 2]
Représentée par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour
Assistée de Me Philippe TALLEUX, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS à l'audience publique du 15 septembre 2010 tenue par Christine PARENTY magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Véronique DESMET
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Christine PARENTY, Président de chambre
Jean Michel DELENEUVILLE, Conseiller
Sophie VALAY-BRIERE, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 18 novembre 2010 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine PARENTY, Président et Véronique DESMET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Vu l'ordonnance de référé contradictoire rendue par le président du tribunal de commerce de Lille en date du 4juin 2009 ayant condamné la société DAFY MOTO à payer à la SCI DE LA WEPPE 48000€ à titre provisionnel et 1000€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu l'appel interjeté le 3 juillet 2009 par la société DAFY MOTO ;
Vu les conclusions déposées le 17 mai 2010 pour la société DAFY MOTO ;
Vu les conclusions déposées le 2 juillet 2010 pour la SCI DE LA WEPPE ;
La société DAFY MOTO a interjeté appel aux fins d'infirmation de l'ordonnance pour cause de contestation sérieuse ; elle demande 3000€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.
L'intimée sollicite la confirmation et 3000€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.
Par acte sous seing privé du 15 mai 2003, la SCI DE LA WEPPE a donné à bail commercial un local à [Localité 3] pour une durée de 9 années ; la société DAFY MOTO a donné congé pour le 14 mai 2009 ; l'article 31-1 du bail prévoyait que le preneur s'engageait à réaliser des travaux dont le descriptif était joint en compensation d'une baisse de loyer sur les six premières années.
La société DAFY n'ayant pas effectué tous les travaux, la SCI la mettait en demeure de s'exécuter puis faisait faire un constat des lieux le 20 janvier 2009.
Estimant qu'elle avait manqué à ses obligations contractuelles, la SCI a assigné la société DAFY MOTO afin de la voir condamnée à une provision de 48000€.
La société DAFY fait valoir que les articles L145-37, L145-38, L145-39 du code de commerce relatifs à la révision du loyer des baux commerciaux sont des textes d'ordre public auxquels l'article 26 du bail fait offense, qui fixe un loyer constant pendant 6 ans puis par avance et forfaitairement le montant du loyer à l'issue de la deuxième période triennale, que cette clause est nulle et par dépendance l'article 31-1 qui met les travaux litigieux à la charge du preneur.
L'obligation de réaliser les travaux étant sans cause, elle n'y est pas tenue et cette contestation étant sérieuse, le juge des référés n'est pas compétent.
Elle critique l'ordonnance en ce que le juge a confondu la révision du loyer par une clause d'échelle mobile et la révision du loyer prévue par l'article L 145-37 du code de commerce, négligeant en outre l'article L145-9 du même code qui ne permet pas la prédétermination forfaitaire du loyer révisé, en ce qu'il a dénaturé les termes du contrat en interprétant l'article 26, qualifiant le bail de bail avec franchise, et outrepassant sa compétence.
Elle plaide que la SCI soutient à tort que le bail est un bail avec franchise, laquelle ne figure pas au contrat, que le loyer est un loyer constant puis prédéterminé, qu'on ne peut lui opposer la prescription biennale puisque son exception est un argument de défense.
En subsidiaire, elle ajoute que le bail est déséquilibré puisque le bailleur dit avoir renoncé à 40308 € de loyers tandis que le coût des travaux stipulés sont sans proportion, s'élevant à 84000€HT au premier trimestre 2009, que ce déséquilibre qui existait dès l'origine constitue une absence de cause ou à défaut une erreur commune des parties sur la consistance de l'obligation du preneur.
La SCI lui oppose qu'il n'y a aucune contestation sérieuse puisqu'elle s'était engagée à réaliser un certain nombre de travaux en contrepartie d'une franchise de loyers pendant six ans, qu'elle a bénéficié de la franchise mais n'a pas effectué les travaux, ce qu'elle ne conteste pas, qu'il s'agit de l'application d'une clause claire et précise.
Elle réplique que l'article 26 est parfaitement valable, que le bail prévoit une clause d'échelle mobile permettant l'indexation annuelle du loyer sur l'indice INSEE du coût de la construction conforme à l'article L145-39 du code de commerce, qu'il ne fait pas échec à l'application des articles L 145-38 et L 145-39 du code de commerce non plus que l'article 26 qui fixe simplement le loyer initial d'un commun accord, le bail à paliers ou à franchise étant parfaitement légal ; elle précise que la clause ne serait nulle que si elle empêchait la révision du loyer, ce qui n'est pas le cas, qu'en outre l'action en nullité de la clause d'un bail se prescrit par deux ans.
Elle demande l'application de l'article 1134 du code civil et indique que la société DAFY, groupe national, ne saurait se prévaloir d'un prétendu déséquilibre pour se soustraire à des obligations librement consenties ou d'une lésion qui ne vicie les contrats que dans des conditions spécifiques.
SUR CE
Il résulte de la lecture du bail et de son article 26 que le bailleur et le preneur ont convenu en contrepartie de travaux parfaitement définis à exécuter par le preneur d'une baisse de loyer pendant les six premières années ; cette clause qui fixait le prix initial du loyer et un palier au delà duquel un nouveau prix était fixé est parfaitement licite ; le bail peut prévoir une évolution prédéterminée et progressive du loyer en totale indépendance avec l'application des règles de la révision légale ou d'une éventuelle indexation du loyer. Cette clause intrinsèquement valable et parfaitement précise n'a pas empêché l'application de l'article 7 du bail qui contenait, comme l'article L 145-39 du code de commerce en prévoit la possibilité, une clause d'échelle mobile. Ainsi, elle n'a pas empêché l'application de la révision du loyer. Elle ne serait nulle que si elle prévoyait un engagement des parties à ne pas demander en cours de bail la révision du loyer fixé initialement d'un commun accord. Tel n'est pas le cas et la société DAFY ne peut plaider que le bail est nul pour ne pas avoir respecté les articles L145-37, 38, 39 du code de commerce.
Il n'y a donc pas là de contestation sérieuse, et il est superflu de répondre sur l'argument de procédure.
En ce qui concerne le déséquilibre des obligations réciproques plaidé en second lieu, la cour remarque que la société DAFY MOTO, qui n'en est sûrement pas à sa première signature en matière de baux commerciaux, a signé en connaissance de cause une clause qui reprenait dans le détail les travaux à effectuer, dont elle pouvait faire évaluer le coût, qui dans son esprit de l'époque ne lui ont pas paru disproportionnés vis à vis de son engagement et de l'allégement du loyer, d'autant qu'il est évident que le coût en aurait été moindre que leur évaluation faite 5 ans plus tard, qu'il n'est pas douteux qu'elle n'aurait pas signé le bail litigieux si elle avait eu le moindre soupçon d'un quelconque déséquilibre, qu'elle cherche à se soustraire à un engagement qu'elle a pris librement et qu'elle n'a pas assumé ; en outre, la SCI ne demande qu'une provision à hauteur de l'avantage consenti, soit 48000€. À l'instar du premier juge, la Cour n'est pas convaincue par l'argument et l'article 1134 du code civil trouve ici sa pleine application.
Il s'en suit que la simple application d'une clause claire et précise, qui ne souffre aucune interprétation, est bien de la compétence du juge des référés, que la société appelante ne nie pas avoir bénéficié d'un allégement de loyers en contrepartie de travaux qu'elle n'a exécutés que pour la partie de l'équipement électrique. Dès lors, la demande ne se heurtant à aucune contestation et le montant en ayant été limité par le bailleur, il y a lieu d'y faire droit et de confirmer l'ordonnance entreprise.
Il convient de condamner la société DAFY MOTO à payer 3000 € à la SCI DE LA WEPPE sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Succombant, la société DAFY MOTO sera déboutée de la demande qu'elle a formulée sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, sur appel d'une ordonnance de référé, par arrêt mis à disposition au greffe
Dit n'y a voir lieu à contestation sérieuse ;
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la société DAFY MOTO à payer 3000€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile à la SCI DE LA WEPPE ;
Déboute la société DAFY MOTO de l'ensemble de ses demandes ;
Condamne la société DAFY MOTO aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP LEVASSEUR CASTILLE LEVASSEUR, avoués associés, conformément à l'article 699 du code de procédure civile
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,
Véronique DESMETChristine PARENTY