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28/10/2010 | FRANCE | N°08/07552

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 28 octobre 2010, 08/07552


COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 2



ARRÊT DU 28/10/2010



***



N° de MINUTE :

N° RG : 08/07552



Jugement (N° 2008/1873)

rendu le 10 septembre 2008

par le Tribunal de Commerce de LILLE



REF : SVB/CP





APPELANTES



S.A.R.L. RELAIS SUPPLEANCE TRAVAUX 'RST' prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 4]

S.A.R.L. RIGHT COPY prise en la personne de ses rep

résentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 4]

S.A.R.L. FORMATIO prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité...

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 28/10/2010

***

N° de MINUTE :

N° RG : 08/07552

Jugement (N° 2008/1873)

rendu le 10 septembre 2008

par le Tribunal de Commerce de LILLE

REF : SVB/CP

APPELANTES

S.A.R.L. RELAIS SUPPLEANCE TRAVAUX 'RST' prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 4]

S.A.R.L. RIGHT COPY prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 4]

S.A.R.L. FORMATIO prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 6]

S.A.R.L. RÉALISATIONS TECHNOLOGIQUES INDUSTRIES

RTI prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 4]

S.A.S. GESTION INFORMATIQUE ET ADMINISTRATIVE

GIA prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 4]

S.A.R.L. SOCIÉTÉ D'ETUDES TECHNIQUES ET APPLICATIONS INDUSTRIELLES DU NORD 'SETINOR' prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 4]

Représentées par la SELARL ERIC LAFORCE, avoués à la Cour

Assistées de Me Bernard MEURICE, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE

S.A.S. CUIR CORRUGATED MACHINERY prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 7]

Représentée par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour

Assistée de Me Cédric FISCHER, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Nicole OLIVIER, Président de chambre

Dominique CAGNARD, Conseiller

Sophie VALAY-BRIERE, Conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marguerite-Marie HAINAUT

DÉBATS à l'audience publique du 16 septembre 2010 après rapport oral de l'affaire par Sophie VALAY-BRIERE

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 28 octobre 2010 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Nicole OLIVIER, Président, et Marguerite-Marie HAINAUT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 7 septembre 2010

***

La SARL SETINOR est un bureau d'études techniques, ingénierie.

La SARL RELAIS SUPPLEANCE TRAVAUX (RST) a pour activité l'étude et la réalisation de mécanismes industriels.

La SARL RÉALISATIONS TECHNIQUES INDUSTRIES (RTI) est un atelier de mécanique générale.

La SAS GIA a pour activité les services administratifs combinés de bureau (secrétariat, comptabilité, gestion, informatique).

La SARL FORMATIO assure des prestations de formation aux adultes.

La SARL RIGHT COPY exploite une activité de photocopies-reprographies.

La SAS CUIR CORRUGATED MACHINERY (CUIR) avait pour objet la fabrication de machines pour le cartonnage, la fabrication d'outillage, la réparation de machines pour l'imprimerie et le cartonnage. Elle continue à concevoir des machines au moyen d'outils et de programmes informatiques qu'elle développe elle-même et effectue la maintenance des machines de sa conception.

Considérant qu'elle faisait l'objet d'actes de concurrence déloyale, la société CUIR a saisi le Président du Tribunal de Commerce de Lille qui par ordonnance du 20 février 2008 a désigné la SCP DHONTE, huissier de justice, afin de se rendre dans les locaux des sociétés SETINOR, GIA, RST, RTI, FORMATIO et RIGHT COPY et d'y effectuer diverses recherches en lien avec les faits dénoncés.

Un constat a été dressé par Maître [D], huissier de justice, le 13 mars 2008.

Vu le jugement contradictoire du 10 septembre 2008 du tribunal de commerce de Lille qui a, avec exécution provisoire,

- dit que les sociétés SETINOR, GIA, RST, RTI, FORMATIO et RIGHT COPY (les SOCIÉTÉS) ont commis au préjudice de la SAS CUIR des actes de concurrence déloyale ;

- ordonné la remise de documents émanant ou provenant de la société CUIR, ou interdit leur possession par les SOCIÉTÉS, sous astreinte ;

- maintenu toutes les sociétés en la cause ;

- débouté la société CUIR de sa demande d'indemnisation à titre provisionnel ;

- ordonné avant dire droit une expertise,

- réservé les droits, moyens et dépens.

Vu l'appel interjeté le 3 octobre 2008 par les SOCIÉTÉS ;

Vu l'arrêt de la présente Cour en date du 27 octobre 2009 ayant rejeté la demande de sursis à statuer formulée par les SOCIÉTÉS et rouvert les débats pour conclusions au fond pour l'audience de mise en état du 8 décembre 2009 ;

Vu les conclusions déposées le 31 août 2010 pour les SOCIÉTÉS ;

Vu les conclusions déposées le 27 août 2010 pour la SAS CUIR ;

Vu l'ordonnance de clôture du 7 septembre 2010 ;

Les SOCIÉTÉS ont interjeté appel aux fins d'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a maintenu en la cause les sociétés GIA, FORMATIO et RIGHT COPY et dit que les SOCIÉTÉS avaient commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société CUIR. Elles demandent à la Cour de mettre hors de cause les sociétés GIA, FORMATIO et RIGHT COPY et de condamner la société CUIR à payer à chacune d'elle la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté cette dernière de sa demande de condamnation provisionnelle et ordonné une expertise sauf à modifier la mission de l'expert. Elles sollicitent enfin de la Cour qu'elle constate qu'elles ont déféré aux injonctions du tribunal relatives à la restitution et à la détention d'éléments portant la mention 'CUIR CCM, [Adresse 3]', qu'elle rejette la demande tendant à leur interdire de poursuivre le développement de la machine FLEXOMASTER et qu'elle ordonne le renvoi au grand rôle.

Elles soutiennent au préalable qu'aucun acte de concurrence déloyale ne pouvant être retenu à l'encontre des sociétés GIA, RIGHT COPY et FORMATIO au regard de leur activité leur mise hors de cause est justifiée. Sur le fond, elles font valoir pour l'essentiel que la société CUIR ne rapporte pas la preuve de l'existence de manoeuvres frauduleuses commises par les SOCIÉTÉS pour détourner de manière illégale sa clientèle ni le détournement effectif de cette dernière, que le tribunal n'a relevé ni trouble du jeu normal du marché ni aucun trouble commercial causé à la société CUIR alors que ce sont là des constats préliminaires à la reconnaissance de la concurrence parasitaire, que l'embauche de six anciens salariés de la société CUIR ne constitue pas un acte de concurrence déloyale dès lors qu'ils étaient libres de tout engagement, qu'il ne s'agit pas d'un débauchage massif et que la preuve de la désorganisation de la société CUIR n'est pas apportée. Elles ajoutent que l'intimée ne justifie pas d'un préjudice et que l'expertise ordonnée pallie cette carence.

La SAS CUIR sollicite le rejet des demandes tendant à obtenir un sursis à statuer et un arrêt avant dire droit, la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a notamment dit que les SOCIÉTÉS avaient commis des actes de concurrence déloyale à son préjudice, ordonné sous astreinte provisoire la remise par les SOCIÉTÉS de documents détenus par elles et émanant de la société CUIR, fait interdiction aux SOCIÉTÉS de conserver tout document provenant de la société CUIR et ce sous astreinte de 100 000 € par infraction constatée, maintenu toutes les sociétés dans la cause, ordonné une expertise, sa réformation pour le surplus, la condamnation in solidum des SOCIÉTÉS à lui payer la somme de 500 000 € à titre provisionnel outre 51 435 € pour la couverture de ses frais irrépétibles et les dépens en ce compris divers actes tels que repris dans ses écritures, l'interdiction aux SOCIÉTÉS sous astreinte de 1 000 000 € par infraction constatée de poursuivre l'élaboration d'une machine d'impression sur carton, dénommé FLEXOMASTER ou toute autre dénomination et de procéder à la commercialisation d'une telle machine.

Elle prétend que le rapport d'expertise déposé le 9 avril 2010 confirme, si besoin en était, les fautes commises par les SOCIÉTÉS et le préjudice subi.

Elle fait valoir que les appelantes ayant le même dirigeant, le même siège social, les mêmes locaux et le même système d'information sur lequel les fichiers dérobés ont été stockés, il est nécessaire de toutes les maintenir dans la cause ; qu'elles ont commis des actes parasitaires et adopté des comportements visant à la désorganiser tel le débauchage massif de six salariés dont deux d'entre eux ont par ailleurs été reconnus auteur de faute lourde au préjudice de la société CUIR par la chambre sociale de la présente Cour, la possession et l'utilisation de ses plans, fichiers clients et connaissances accumulées constituant la valeur de son fonds de commerce dans l'intention frauduleuse de concevoir une machine à un coût nettement inférieur à ce qu'il aurait été sans ce pillage ; qu'en se plaçant ainsi dans son sillage les SOCIÉTÉS lui ont causé un préjudice certain lequel est évalué à 15 millions d'euros montant de la condamnation demandée devant le tribunal auquel s'ajoutent les frais engagés et justifiant l'allocation d'une provision.

SUR CE 

1. Sur la demande de mise hors de cause des sociétés GIA, FORMATIO et RIGHT COPY

Selon la société CUIR qui a assigné les sociétés SETINOR, GIA, RST, RTI, FORMATIO et RIGHT COPY, celles-ci constituent un groupe : le 'groupe GIA'.

Un groupe de sociétés est un ensemble constitué par plusieurs sociétés ayant chacune leur existence juridique propre, mais unies entre elles par des liens divers en vertu desquels l'une d'elles, dite société mère, qui tient les autres sous sa dépendance exerce un contrôle sur l'ensemble et fait prévaloir une unité de décision.

En l'absence d'élément sur la détention du capital de chacune d'entre elles et leurs participations éventuelles entre elles, les documents produits démontrant que ces sociétés se présentent sur le site internet comme ayant des 'activités indépendantes et complémentaires' ne permettent pas de justifier de l'existence d'un groupe au sens juridique et économique.

Toutefois, les extraits Kbis de ces sociétés établissent d'une part, une quasi identité de dirigeants puisque Messieurs [M] [R] et [L] sont co-gérants des SARL SETINOR et RTI, que Monsieur [M] [L] est le Président de la SAS GIA et que Monsieur [M] [R] est le gérant des SARL FORMATIO, RIGHT COPY et RST, d'autre part, qu'elles ont toutes leur siège social à la même adresse : [Adresse 5].

Il ressort, en outre, du procès-verbal dressé par Maître [D], huissier de justice, le 13 mars 2008, que messieurs [Y], [E], [N], [T], et [S], tous anciens salariés de la société CUIR, sont désormais employés respectivement par les sociétés RST, SETINOR, RTI et GIA et que les deux premiers 'travaillent sur des ordinateurs qui accèdent notamment à un disque dur partagé où figure le répertoire dénommé BACK UP C'.

Ces liens étroits et la nécessité de voir menée à bien l'expertise ordonnée sans dissimulation possible, justifient la décision du tribunal de maintenir dans la cause les sociétés GIA, RIGHT COPY et FORMATIO dont la mise hors de cause était sollicitée.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

2- Sur la concurrence déloyale

La société CUIR soutient que les SOCIÉTÉS ont commis des actes de concurrence déloyale en débauchant massivement six de ses salariés et en détenant frauduleusement des fichiers et des documents lui appartenant.

Monsieur [R] [M], a reconnu au cours des opérations effectuées par Maître [D], que la société SETINOR, qui exploite une activité de bureau d'études industrielles, procédait actuellement à l'élaboration d'une machine d'impression sur carton bien que sans prestation de découpe pour l'instant.

Cette activité est directement concurrentielle de celle exercée par la société CUIR.

* Le débauchage massif de salariés

Le débauchage consiste à inciter certains salariés d'un concurrent à quitter leur emploi pour les attirer dans sa propre entreprise.

En l'espèce, Monsieur [H] (décédé) a démissionné le 6 décembre 2000 et a été embauché par la société GIA le 1er mars 2004, Monsieur [E] a démissionné le 22 septembre 2003 et a été embauché le 1er janvier 2004 par la société SETINOR, Monsieur [N] a démissionné le 11 octobre 2005 et a été embauché le 12 décembre 2005 par la société RTI, Monsieur [T] a démissionné le 21 novembre 2005 et a été embauché le 23 janvier 2006 par la société RTI, Monsieur [S] a démissionné le 11 octobre 2006 et a été embauché le 18 décembre 2006 par la société GIA, Monsieur [Y] a démissionné le 5 mai 2007 et a été embauché le 3 septembre 2007 par la société RST, enfin Monsieur [A] a démissionné le 19 novembre 2007.

S'il est établi que ces départs ont tous à l'exception du dernier été suivis à l'expiration du délai de préavis d'une embauche par l'une des sociétés dirigées par Messieurs [M], la preuve de manoeuvres effectuées par ces derniers pour parvenir à cette fin n'est pas rapportée alors au demeurant que ceux-ci se sont déroulés sur plusieurs années, qu'aucun salarié n'était tenu d'une obligation de non concurrence lors de son embauche pas plus que ne l'est celle de la désorganisation qui en aurait résulté pour la société CUIR.

Par suite, ce premier grief sera écarté.

* Le parasitisme économique

Le parasitisme économique se définit comme l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire (Cass.Com.26 janvier 1999).

Selon la doctrine, il est caractérisé par la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique s'inspire sensiblement ou copie sans nécessité absolue une valeur économique d'autrui, individualisée, apportant une valeur ajoutée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un effort intellectuel ou d'investissements (Cf. Professeur [I]).

Lors de ses constatations, Maître [D] a retrouvé dans un sachet qu'un employé tentait de dissimuler 'des photos en noir et blanc de machines ainsi qu'un dossier reprenant divers plans et nomenclatures portant la mention 'CUIR CCM [Adresse 2] est et reste notre propriété. En aucun cas il ne peut être divulgué à un tiers sans un accord écrit de CUIR CCM sous peine de poursuites'.

Lors de la recherche sur le disque dur, il a été retrouvé un répertoire 'BACK UP C' dont Monsieur [Y] a indiqué qu'il constituait 'une copie des données qui figuraient localement sur son disque au temps où il a travaillé à la société CUIR ainsi que des répertoires issus de la zone partagée du réseau de la société CUIR'.

Les sous répertoires ont fait apparaître les fichiers suivants : 'devis clients, devis fournisseurs, stocks CUIR' ainsi que des photos de diverses machines sur site portant la marque CUIR, et divers documents à entête 'CUIR' dont un en date du 12 juin 2006 portant en pied de page le nom de [C] [Y] constituant une offre de prix, un courrier de CUIR à MONDI SAVOIE en date du 14 mars 2005 'objet : complément au devis joint', un état des stocks, un dossier reprenant les caractéristiques générales d'une machine ROTOPLATINE MR, une proposition de prix adressée à Monsieur [Y] en date du 1er mars 2007, un planning d'avancement d'un projet dénommé 'planning MARKY étude 2003"...etc... .

Parmi les éléments supprimés l'expert accompagnant l'huissier a également retrouvé un document supprimé en décembre 2007 intitulé 'Table de calcul des synthèses-nomenclature FLEXOMASTER 2100" avec la mention 'création de ce fichier à partir d'une machine SA CUIR'.

Depuis, les experts désignés par le tribunal ont déposé leur rapport le 19 avril 2010.

Il ressort de l'étude du disque qui leur a été remis par Maître [D] et de leurs conclusions que les SOCIÉTÉS détenaient grâce à ce disque de nombreux fichiers en relation directe avec l'activité de la société CUIR de nature à faciliter l'étude de la machine FLEXOMASTER mais également une multitude de connaissances sur la société CUIR et l'ensemble du marché des machines d'impression du carton ondulé.

Ils concluent en substance que c'est la conjonction de l'embauche d'anciens salariés expérimentés de la société CUIR et de la possession, sur disque dur, de l'activité quasi totale de cette dernière qui a permis aux SOCIÉTÉS de développer la machine FLEXOMASTER, laquelle n'aurait pu être développée à partir de rien 'tellement le process requiert une très très longue expérience et une connaissance parfaite du milieu de l'impression sur carton ondulé'.

En outre, l'utilisation des données provenant de la société CUIR ne fait aucun doute dès lors que Monsieur [Y], embauché le 3 septembre 2007 et Monsieur [E], embauché le 1er janvier 2004, recevaient dès le 1er octobre 2007 une première société pour lui présenter le projet SETINOR

Par ailleurs, par arrêts du 28 mai 2010, la Chambre sociale de cette Cour a confirmé les jugements ayant reconnu Messieurs [Y] et [E] coupables de faute lourde à l'égard de la société CUIR pour avoir copié des données qui leur avaient été données par leur employeur ou auxquelles ils avaient eu accès au cours de leur contrat de travail et les avoir transmises à leur nouvel employeur dans l'intention de nuire à la société CUIR.

S'il n'est évidemment pas possible de déterminer avec précision chacun des actes positifs commis par chacune des six sociétés appelantes, il est néanmoins certain que toutes en raison de leur proximité ont participé à la conception et au financement (page 21 de l'expertise) d'une machine FLEXOMASTER à partir des documents de la société CUIR, ainsi qu'à la détention, la diffusion et à la reproduction de ceux-ci.

Ces éléments démontrent l'appropriation par les SOCIÉTÉS du travail, du savoir-faire et des investissements de la société CUIR et ce quelque soit le nombre d'heures effectivement passées par ses employés pour l'élaboration de cette machine, leur travail réel n'étant pas exclusif du pillage relevé par les experts.

Il s'agit à l'évidence d'agissements fautifs commis par les SOCIÉTÉS, lesquelles en se plaçant dans le sillage de la société CUIR ont faussé le jeu normal du marché et de la concurrence provoquant ainsi un trouble commercial constitutif d'un préjudice certain.

Le jugement sera donc également confirmé en ce qu'il a dit que les SOCIÉTÉS avaient commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société CUIR et fait droit aux mesures de remise de documents et d'interdiction sous astreinte destinées à les faire cesser.

Même si les constats dressés par Maître [D], le 6 octobre 2008 et par Maître [Z], également huissier de justice, le 9 février 2009, attestent de la remise par le conseil des sociétés SETINOR, RST et RTI de plans, photos et nomenclatures (cf. liste annexée au procès-verbal) appartenant à la société CUIR comme de l'absence dans les locaux des SOCIÉTÉS, à sa date, de support, papier, plan ou dessin faisant référence à la société CUIR, il convient, de donner acte aux SOCIÉTÉS de ce qu'elles ont exécuté le jugement sur ce point mais eu égard aux possibilités modernes de reproduction de tout document quelque soit son support, de maintenir les interdictions prononcées.

S'agissant de l'expertise sollicitée en première instance et déjà réalisée, la Cour observe qu'elle n'est pas critiquée.

3- Sur la demande de provision

La société CUIR sollicite la condamnation in solidum des SOCIÉTÉS à lui payer une provision de 500 000 €.

A l'appui de sa demande, elle produit un rapport dressé par la société d'expertise comptable EQUATION qui conclut que 'si la société CUIR valait 15 millions d'euros en 2002/2003, en toute circonstance, sa valeur est aujourd'hui proche de zéro ou de sa valeur liquidative (peu élevée)'.

A l'inverse, les rapports de gestion produits pour les exercices 2005 à 2008 démontrent que la société CUIR n'a engagé aucune dépense dans les domaines de la recherche et du développement durant ces quatre années.

Selon les termes des experts, 'il est impossible de quantifier l'économie en temps et en argent réalisée par les sociétés défenderesses dans l'élaboration de la machine. Cependant et malgré les milliers d'heures d'étude déjà passées sur le projet par le personnel des sociétés, il est évident que l'économie doit être considérable...Compte tenu de l'ampleur du pillage, dont a été victime cette société, l'estimation du préjudice dépasse le cadre de nos compétences et de notre mission'.

Toutefois, en l'absence de demande d'évocation, il n'appartient pas à la Cour à ce stade de la procédure de se prononcer sur le quantum du préjudice subi par la société CUIR, qui sera débattu devant le Tribunal de Commerce.

Le principe de celui-ci étant néanmoins établi et au vu des conclusions des experts comme des justificatifs de frais engagés, il y a lieu de faire droit à la demande à hauteur de 300 000 €.

Les SOCIÉTÉS doivent toutes réparation du préjudice causé par leurs fautes. La condamnation sera donc prononcée in solidum conformément à la demande.

4- Sur l'interdiction sollicitée

La société CUIR demande qu'il soit fait interdiction aux SOCIÉTÉS sous astreinte de 1 000 000 € par infraction constatée, de poursuivre l'élaboration d'une machine d'impression sur carton, dénommée FLEXOMASTER ou toute autre dénomination et de procéder à la commercialisation d'une telle machine.

S'il est justifié de refuser aux SOCIÉTÉS de profiter d'une technologie obtenue de manière déloyale, la généralité de l'interdiction sollicitée aboutirait en revanche à évincer les SOCIÉTÉS de ce marché.

Il y a lieu par suite de faire droit à la demande mais de la limiter conformément au dispositif ci-après.

5- Sur les autres demandes

Le tribunal ayant réservé les indemnités procédurales et les dépens reste saisi de ce chef.

Par suite, les SOCIÉTÉS qui succombent en leur appel seront condamnées in solidum aux dépens d'appel uniquement et déboutées de leur demande formulée en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la SAS CUIR les frais exposés par elle en cause d'appel et non compris dans les dépens ; il lui sera alloué la somme de 20.000 € (cf factures pièces 160, 163, 165, 168) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS 

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mixte mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté la SAS CUIR de sa demande d'indemnisation à titre provisionnel ;

Le réforme de ce chef,

Condamne in solidum les sociétés SETINOR, GIA, RST, RTI, FORMATIO et RIGHT COPY à payer à la SAS CUIR CORRUGATED MACHINERY une provision à valoir sur son préjudice d'un montant de 300 000 € ;

Y ajoutant,

Donne acte aux sociétés SETINOR, GIA, RST, RTI, FORMATIO et RIGHT COPY que le 6 octobre 2008 elles ont restitué à la SAS CUIR des éléments portant la mention 'CUIR CCM, [Adresse 1]' ;

Fait interdiction aux sociétés SETINOR, GIA, RST, RTI, FORMATIO et RIGHT sous astreinte de 300 000 € par infraction constatée, de poursuivre l'élaboration d'une machine d'impression sur carton, dénommée FLEXOMASTER ou toute autre dénomination, présentant une technologie similaire à ROTAFLEXO MARK II de la SAS CUIR et de procéder à la commercialisation d'une telle machine ;

Condamne in solidum les sociétés SETINOR, GIA, RST, RTI, FORMATIO et RIGHT COPY à payer à la SAS CUIR CORRUGATED MACHINERY la somme de 20.000 € au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;

Condamne in solidum les appelantes aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

Marguerite Marie HAINAUTNicole OLIVIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 2
Numéro d'arrêt : 08/07552
Date de la décision : 28/10/2010

Références :

Cour d'appel de Douai 22, arrêt n°08/07552 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-10-28;08.07552 ?
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