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20/10/2010 | FRANCE | N°10/03159

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 1, 20 octobre 2010, 10/03159


COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 1



ARRÊT DU 20/10/2010



***

N° de MINUTE :

N° RG : 10/03159 & 10/06296

(jonction)



Jugement (N° 09/1911)

rendu le 14 avril 2010

par le Tribunal de Commerce

de BOULOGNE SUR MER



REF : SVB/CPJour fixe



APPELANTE (RG N° 10/03159)

INTIMÉE (RG N° 10/06296)



Société MBS (MATÉRIAUX DE LA BAIE DE LA SOMME) BOULOGNE SUR MER agissant en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège>
ayant son siège social [Adresse 3]



Représentée par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour

Assistée de Me Aymeric DRUESNE, avocat au barreau de LILLE



APPELANTES (RG N° 10/06296)
...

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 20/10/2010

***

N° de MINUTE :

N° RG : 10/03159 & 10/06296

(jonction)

Jugement (N° 09/1911)

rendu le 14 avril 2010

par le Tribunal de Commerce

de BOULOGNE SUR MER

REF : SVB/CPJour fixe

APPELANTE (RG N° 10/03159)

INTIMÉE (RG N° 10/06296)

Société MBS (MATÉRIAUX DE LA BAIE DE LA SOMME) BOULOGNE SUR MER agissant en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 3]

Représentée par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour

Assistée de Me Aymeric DRUESNE, avocat au barreau de LILLE

APPELANTES (RG N° 10/06296)

SA CHRETIEN MATERIAUX DISTRIBUTION agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 1]

SAS BP - CHRETIEN MATERIAUX DISTRIBUTION (BP CMD) agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 4]

Représentées par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour

Assistées de Me Guy SIX, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE (RG N° 10/03159)

Société ETABLISSEMENTS [T]

ayant son siège social [Adresse 2]

Représentée par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour

Assistée de Me Guy SIX, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS à l'audience publique du 08 septembre 2010 tenue par Sophie VALAY-BRIERE magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Véronique DESMET

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Christine PARENTY, Président de chambre

Jean Michel DELENEUVILLE, Conseiller

Sophie VALAY-BRIERE, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 20 octobre 2010 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine PARENTY, Président et Véronique DESMET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

***

Vu le jugement contradictoire du 14 avril 2010 du tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer qui a condamné la société MATÉRIAUX DE LA BAIE DE SOMME (MBS) à payer à la société [T] la somme de 236 000€ ainsi que 5 000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, a ordonné la restitution des documents saisis et a débouté les sociétés CHRÉTIEN MATÉRIAUX et BP CHRÉTIEN MATÉRIAUX DISTRIBUTION de leurs autres demandes ;

Vu l'appel interjeté le 3 mai 2010 par la société MBS à l'encontre de la SAS ETABLISSEMENTS [T] ;

Vu l'appel interjeté le 2 septembre 2010 par les sociétés SA CHRÉTIEN MATÉRIAUX DISTRIBUTION (CMD) et SAS BP CHRÉTIEN MATÉRIAUX DISTRIBUTION (BP- CMD) ;

Vu l'ordonnance de Madame le Premier Président de la Cour d'Appel de Douai autorisant la SAS ETABLISSEMENTS [T] à assigner la SARL MBS à jour fixe à l'audience du 8 septembre 2010 ;

Vu l'assignation à jour fixe délivrée le 22 juillet 2010 à la SARL MBS à la requête de la SAS ETABLISSEMENTS [T] ;

Vu les conclusions déposées le 7 septembre 2010 pour la SARL MBS ;

Vu les conclusions déposées le 3 septembre 2010 pour la SAS ETABLISSEMENTS [T] ([T]), la SA CHRÉTIEN MATÉRIAUX DISTRIBUTION et la SAS BP-CMD ;

La SARL MBS a interjeté appel aux fins d'infirmation du jugement entrepris, restitution de tous les documents saisis par les huissiers de justice et remis par eux à la société ETS [T], interdiction à cette dernière d'utiliser de quelque manière que ce soit toute information issue de ces documents, d'irrecevabilité et de rejet de l'action des sociétés CMD et BP-CMD outre la condamnation de la SAS ETABLISSEMENTS [T] à lui payer 10 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle soutient que les procès-verbaux de constat dressés le 28 novembre 2008 sont illégaux comme constituant une violation des droits fondamentaux au respect du secret professionnel et du secret des affaires et une délégation illégale de souveraineté du juge au regard de la mission confiée à l'huissier de justice qui se traduit par un pillage des informations sociales, commerciales, financières et économiques de la société MBS ; qu'aucun membre du GIE MATNOR n'ayant été informé de la volonté de Monsieur [T] de céder sa société, il est faux de prétendre que la famille [P] ou elle-même aurait eu accès à la moindre information sur la société [T] ; que les demandes d'indemnisation formulées par les sociétés CMD et BP-CMD, associés de la SAS [T], sont irrecevables en application de l'article 122 du Code de procédure civile pour défaut de qualité et d'intérêt à agir ; qu'elle n'a commis aucun acte de concurrence déloyale ; que la désorganisation de la société [T] résulte de la politique de la nouvelle direction ; que la preuve de l'existence et du quantum du préjudice invoqué n'est pas rapportée pas plus que ne l'est le lien de causalité entre celui-ci et les prétendues manoeuvres déloyales.

La SAS [T], la SA CMD et la SAS BP-CMD sollicitent la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 10/06296 et 10/03159, la recevabilité de l'appel incident de [T] et de l'appel de CMD et BP-CMD, confirmation partielle du jugement, infirmation en ce qu'il a ordonné la restitution des documents saisis et évalué le préjudice subi à la somme forfaitaire de 236 000 €, condamnation de la société MBS à payer par provision 700 000€ à la société [T] et 800 000 € aux sociétés CMD et BP-CMD, désignation d'un expert aux fins de chiffrer les préjudices matériels et immatériels subis par chacune des trois sociétés en ce compris la perte d'exploitation, la perte de productivité et le préjudice commercial outre 10 000 € chacune pour la couverture de leurs frais irrépétibles.

Elles font valoir que l'appel principal régularisé le 2 septembre 2010 par les sociétés CMD et BP-CMD rend inopérant et sans objet la discussion relative à la prétendue irrecevabilité de leurs demandes ; que les sociétés CMD et BP-CMD ont intérêt à agir ; que le gérant de la société MBS ne s'est pas opposé à l'exécution par l'huissier de justice de sa mission, laquelle était légale et justifiée ; que la restitution ordonnée n'est pas justifiée ; que suite au débauchage courant 2007 de tous les salariés travaillant au sein de l'établissement secondaire de la société [T] par l'établissement secondaire de la société MBS et au détournement de clientèle qui en est résulté, le chiffre d'affaire réalisé par [T] a chuté considérablement ; que le préjudice subi par les sociétés CMD et BP-CMD est distinct de celui de la société [T].

SUR CE 

Il y a lieu au préalable, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de joindre les affaires enrôlées sous les numéros 10/06296 et 10/03159.

Le 14 décembre 2004, Monsieur [U] [T] et Madame [O] [C] ont cédé les parts sociales qu'ils détenaient dans la société ETABLISSEMENTS [T] aux sociétés BRUANT et CHRÉTIEN MATÉRIAUX, spécialisées dans le commerce en gros et au détail de bois et de matériaux de construction.

La société [P], spécialisée dans le commerce de gros de bois et de matériaux de construction, souhaitant créer un nouvel établissement a acquis en mai 2006 un terrain à [Localité 5]. Aux fins d'exploitation de l'ensemble immobilier en construction et d'une activité identique, la SARL MBS a été constituée le 26 juillet 2007, avec le même dirigeant et le même siège social.

Considérant qu'elles étaient victimes d'actes de concurrence déloyale, les sociétés [T], CMD et BP-CMD ont saisi le Président du Tribunal de Commerce de Boulogne sur Mer aux fins de désignation d'un huissier de justice, demande à laquelle il a été fait droit selon ordonnance du 5 novembre 2008.

Saisie d'une demande en rétractation, la juridiction des référés de Boulogne sur Mer a, par décision du 9 juin 2009, notamment considéré qu'elle 'n'avait pas qualité pour rétracter l'ordonnance nommant un huissier' et a renvoyé les parties à se pourvoir au fond. En dépit de cette motivation erronée, il n'a pas été interjeté appel de cette décision.

1- Sur la légalité des procès-verbaux

L'arrivée sur le même secteur d'un concurrent direct et le départ de salariés pouvant faire craindre des actes de concurrence déloyale, ces éléments constituaient un motif légitime d'établir avant tout procès au fond la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige opposant les sociétés [T] et MBS.

A cet effet, le président du Tribunal de Commerce de Boulogne sur Mer a désigné un huissier de justice aux fins de constat en rapport avec ces faits

Les 28 et 29 novembre 2008, Maître [D] et Maître [H], huissiers de justice, ont procédé à des constatations et à des saisies de documents au sein des établissements secondaires des sociétés [T] et MBS en exécution de leur mission.

Les procès-verbaux dressés en exécution d'une décision judiciaire rendue dans des conditions régulières, signifiée et non rétractée, ne peuvent être considérés comme violant des droits fondamentaux ou comme illégaux. Il appartenait, le cas échéant, à la société MBS, si elle estimait que tel n'était pas le cas, d'interjeter appel de la décision ayant statué sur sa demande de rétractation, faute de l'avoir fait, elle ne peut plus utilement les critiquer.

En revanche, le procès au fond ayant lieu, la détention par les sociétés [T], CMD et BP-CMD des documents saisis n'est plus justifiée par la nécessité d'établir des preuves.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a ordonné leur restitution.

Le demande d'interdiction d'utiliser de quelque façon que ce soit toute information issue de ces documents est trop générale pour qu'il puisse y être fait droit. Elle sera donc rejetée.

2- Sur la recevabilité de l'action des sociétés CMD et BP-CMD

Aux termes de l'article 122 du Code de procédure civile, 'constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt...'.

La société MBS soutient d'une part que les demandes formulées par la société [T] pour les sociétés CMD et BP-CMD sont irrecevables pour défaut de qualité à agir de la société [T] et d'autre part que les associés d'une société, qui se prétend victime de faits de concurrence déloyale, n'ont pas qualité ou intérêt à agir car ils ne subissent pas de préjudice direct.

Les sociétés CMD et BP-CMD sont intervenues à l'instance par l'appel interjeté le 2 septembre 2010 et ont formulé des demandes à titre personnel dans leurs conclusions, par suite ce n'est pas la société [T] qui agit pour leur compte et l'argument est inopérant. Leur qualité à agir n'est pas contestable.

En revanche, les associés d'une société qui se prétend victime d'actes de concurrence déloyale, et qui agit précisément en ce sens, n'ont pas d'intérêt à agir propre dès lors qu'ils ne sont pas eux-mêmes victimes de tels faits, la perte de valeur des titres invoquée, au demeurant non démontrée, n'étant pas la conséquence directe des agissements prétendument déloyaux.

En conséquence, les demandes des sociétés CMD et BP-CMD sont irrecevables. Le jugement sera donc réformé sur ce point.

3- Sur les actes de concurrence déloyale

Les sociétés [T] et MBS exercent la même activité et s'adressent à la même clientèle. Installées à 1,64 km de distance, elles sont en concurrence directe. L'établissement de la société MBS a été ouvert le 17 janvier 2008 pour une activité débutée quelques semaines auparavant.

Conformément au principe de la liberté du travail, l'embauche par un employeur d'un salarié ayant appartenu récemment à une entreprise exerçant une activité dans le même secteur ne fait pas présumer, par elle-même, l'existence d'un acte de concurrence déloyale.

Il appartient, par suite, aux sociétés [T], CMD et BP-CMD d'établir d'une part l'existence de manoeuvres déloyales, en l'espèce le débauchage de tous ses salariés, et d'autre part la désorganisation qui en est résultée.

Le débauchage consiste à inciter certains salariés d'un concurrent à quitter leur emploi pour les attirer dans sa propre entreprise.

Il est établi que la société [T] employait six salariés lesquels ont tous démissionné de la façon suivante :

* Monsieur [W] [K], chef d'agence employé depuis le 1er août 1992, a démissionné le 5 mai 2007,

* Monsieur [J] [N], magasinier, chauffeur livreur employé depuis le 20 avril 1998 a démissionné le 30 juin 2007,

*Monsieur [W] [M], commercial sédentaire employé depuis le 8 juin 1993 a démissionné le 29 septembre 2007,

* Monsieur [B] [F], magasinier embauché le 24 juin 2003 a démissionné le 31 octobre 2007,

* Monsieur [L] [A], agent technico-commercial employé depuis le 14 janvier 1985 a démissionné le 30 novembre 2007,

* Monsieur [S] [V], magasinier depuis le 21 mai 2004 a démissionné le 11 janvier 2008.

Ils ont ensuite été embauchés :

*Monsieur [W] [K] le 9 mai 2007 par la SAS [P] puis le 1er janvier 2008 par la société MBS,

* Monsieur [J] [N] le 2 juillet 2007 par la SAS [P] puis le 2 janvier 2008 par la société MBS,

*Monsieur [W] [M] le 1er octobre 2007 par la société MBS,

*Monsieur [L] [A] le 3 décembre 2007 par la société MBS,

* Monsieur [B] [F] le 5 novembre 2007 par Monsieur [X] [R], couverture plomberie, pour un contrat à durée déterminée jusqu'au 4 décembre 2007 puis le 14 janvier 2008 par la société MBS,

* Monsieur [S] [V] le 14 janvier 2008.

L'embauche par la société MBS, dans une période concomitante à son ouverture, d'un personnel qualifié et adapté à ses besoins est ainsi démontrée.

Néanmoins, aucun de ces salariés n'était soumis à une clause de non concurrence à l'égard de la société [T] lors de leur embauche, Monsieur [A] ayant été délié par la société [T] de la clause de non concurrence figurant dans son contrat de travail le 5 novembre 2007.

La preuve d'une concertation des salariés de la société [T] entre eux ou entre ceux-ci et la société MBS n'est pas rapportée.

S'agissant d'une éventuelle incitation au départ, il est démontré au vu des bulletins de salaire produits que :

* Monsieur [A] a été engagé comme agent technico-commercial avec le même coefficient de 350 et un salaire de base équivalent mais avec un 13ème mois en plus,

*Monsieur [K] qui était chef d'agence avec un salaire mensuel forfaitaire de 2843,70 € a été recruté comme conseiller de vente avec un salaire de base de 3 033,40 € et un 13ème mois supplémentaire,

*Monsieur [M] qui était commercial sédentaire avec un salaire mensuel de 1914,10 € a été embauché comme conseiller de vente avec le même coefficient de 350 et un salaire de base de 3 003,40 € et un 13ème mois supplémentaire,

*Monsieur [F], magasinier au salaire de 1290 €, coefficient 170, a été engagé comme magasinier avec un coefficient de 195 et un salaire de base de 1423,67 €,

*Monsieur [V], magasinier au salaire de 1330 €, coefficient 180, a été recruté comme magasinier avec un coefficient de 180 et un salaire de base de 1379 €,

*Monsieur [N], magasinier/chauffeur livreur, au salaire de 1275 €, coefficient 180, a été embauché comme chauffeur livreur avec un coefficient de 225 et un salaire de base de 1484,85 €.

S'ils ont tous bénéficié d'une augmentation de leurs revenus, laquelle peut compenser une ancienneté perdue, celle-ci n'est pas suffisamment substantielle pour constituer une manoeuvre déloyale. Seule celle de Monsieur [M] est importante.

La constitution le 10 novembre 2008 par Messieurs [A], [K] et [M] d'une SARL SOM GESTION entrée au capital de la société MBS le 27 janvier 2009 à hauteur de 2 400 parts sur 5 000, ne démontre pas l'existence d'actes déloyaux de la part de la société MBS pour attirer le personnel de la société [T] en raison du temps écoulé depuis leur embauche et de l'absence de clause de non concurrence les liant à la société [T].

Au contraire, il est démontré par les lettres de Messieurs [M], [A] et [K] datées du 26 mars et du 22 septembre 2006 que les conditions de travail de ces salariés s'étaient dégradées à la suite du changement de direction. En outre, l'attestation de Monsieur [E], directeur de Magasin de la société [T] de 2004 à 2007, en date du 7 octobre 2009 confirme la dégradation du climat social.

Ces documents, loin de démontrer 'le travail de sape des salariés' concomitant à l'installation de la société MBS témoignent de l'inquiétude des salariés et de l'existence de conflits de nature à justifier leur volonté de travailler ailleurs.

Au demeurant, au regard de la faible qualification professionnelle d'au moins trois salariés sur six, Messieurs [N], chauffeur livreur, [V] et [F], magasiniers, la société [T] était en mesure de les remplacer rapidement.

Contrairement à ce qui a été retenu par les premiers juges, c'est à la société [T] qui se prétend victime d'actes de concurrence déloyale de rapporter la preuve d'actes de débauchage et non à la société MBS de prouver qu'elle a procédé à 'une véritable politique d'embauche'.

En l'espèce, la preuve de manoeuvres déloyales dans les recrutements dénoncés n'est pas rapportée.

La société [T] soutient que le débauchage du personnel d'un des membres du GIE constitue une violation du règlement intérieur de ce GIE. Or la société MBS indique sans être critiquée sur ce point, alors que seule la lettre de démission de Monsieur [T] de ses fonctions au sein du GIE, datée du 14 décembre 2004, est produite, que la société [T] n'était plus adhérente du groupement GIE MATNOR depuis la cession de ses parts sociales. Si la société MBS, également adhérente du GIE MATNOR, en connaissait le règlement intérieur, il ne peut lui être reproché d'avoir recruté le personnel de la société [T] qui elle n'en faisait plus partie.

Il n'est pas plus démontré que les départs critiqués aient entraîné une véritable désorganisation de la société [T] dès lors que son rapport de gestion pour l'exercice clos au 31 décembre 2007 indique 'au cours de l'exercice écoulé clos le 31 décembre 2007, l'activité de la société s'est maintenue au même niveau que celle constatée au cours de l'exercice précédent' alors que cinq des six départs litigieux ont eu lieu durant cet exercice.

Enfin, la preuve n'est pas rapportée que le déplacement de clientèle constaté ait eu pour origine un comportement fautif des salariés en cause alors au contraire que les attestations de Messieurs [Z], [Y] et [I], bien que non régulières en la forme, expliquent leur changement de fournisseur par la qualité des produits.

Dans ces conditions, la société [T] sera déboutée de l'intégralité de ses demandes et le jugement réformé en ce qu'il a retenu l'existence d'actes de concurrence déloyale à la charge de la société MBS.

La société [T] qui succombe sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la SARL MBS les frais exposés par elle en première instance et en cause d'appel et non compris dans les dépens ; il lui sera alloué la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS 

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Ordonne la jonction des affaires enrôlées sous les numéros 10/06296 et 10/03159 sous le dernier de ces numéros ;

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné la restitution des documents saisis les 28 et 29 novembre 2008 par Maîtres [D] et [H], huissiers de justice ;

Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau,

Déclare irrecevables les demandes des sociétés SA CHRÉTIEN MATÉRIAUX DISTRIBUTION et SAS BP CHRÉTIEN MATÉRIAUX DISTRIBUTION ;

Déboute la SAS ETABLISSEMENTS [T] de l'intégralité de ses demandes ;

Y ajoutant,

Déboute la société MATÉRIAUX DE LA BAIE DE SOMME de sa demande d'interdiction ;

Condamne la SAS ETABLISSEMENTS [T] à payer à la SARL MATÉRIAUX DE LA BAIE DE SOMME la somme de 4 000 € au titre de ses frais irrépétibles ;

Condamne la SAS ETABLISSEMENTS [T] aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés, pour ceux d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

Véronique DESMETChristine PARENTY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 1
Numéro d'arrêt : 10/03159
Date de la décision : 20/10/2010

Références :

Cour d'appel de Douai 21, arrêt n°10/03159 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-10-20;10.03159 ?
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