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16/09/2010 | FRANCE | N°09/05120

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 16 septembre 2010, 09/05120


COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 2



ARRÊT DU 16/09/2010



***



N° de MINUTE :

N° RG : 09/05120



Jugement (N° 08/01176)

rendu le 09 Juin 2009

par le Tribunal de Commerce de LILLE



REF : VNDM/CD





APPELANTE



SASP Société STADE MALHERBE CAEN CALVADOS BASSE NORMANDIE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 3]

[Localité 4]

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Représentée par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour

Assistée de Me MOYERSOEN, avocat au barreau de PARIS



INTIMÉE



SASP LOSC LILLE METROPOLE prise en la personne de son représentant légal domicil...

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 16/09/2010

***

N° de MINUTE :

N° RG : 09/05120

Jugement (N° 08/01176)

rendu le 09 Juin 2009

par le Tribunal de Commerce de LILLE

REF : VNDM/CD

APPELANTE

SASP Société STADE MALHERBE CAEN CALVADOS BASSE NORMANDIE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour

Assistée de Me MOYERSOEN, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

SASP LOSC LILLE METROPOLE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Ayant son siège social [Adresse 5]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour

Assistée de Me Jean Christophe BREILLAT, avocat au Barreau de LIMOGES et de Me KARAQUILLOT, Avocat

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Nicole OLIVIER, Président de chambre

Dominique CAGNARD, Conseiller

Véronique NEVE DE MEVERGNIES, Conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marguerite-Marie HAINAUT

DÉBATS à l'audience publique du 17 Juin 2010 après rapport oral de l'affaire par Véronique NEVE DE MEVERGNIES

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 Septembre 2010 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Nicole OLIVIER, Président, et Marguerite-Marie HAINAUT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 5 mai 2010

***

La SASP STADE MALHERBE CAEN CALVADOS BASSE NORMANDIE dit "SM CAEN" gère et anime une équipe de football professionnel évoluant actuellement dans le championnat de France de Ligue 1. En juin 2003 alors que son club évoluait en Ligue 2, elle a convenu d'opérer le transfert d'un de ses joueurs [F] [V] au profit de la SASP LOSC LILLE METROPOLE -LOSC-, opération qui s'est concrétisée par la signature :

* le 18 juin 2003 d'une convention financière de mutation définitive entre les deux clubs SM CAEN et LOSC, prévoyant notamment une indemnité principale de 150 000 € et des indemnités complémentaires, mais aussi c'est l'objet du litige, un intéressement du SM CAEN à un futur transfert "si le joueur est transféré par le LOSC pendant la durée du contrat signé par le joueur avec le LOSC en juin 2003" ; dans ce dernier cas, il était convenu du versement d'une indemnité exceptionnelle au SM [Localité 4] de 150 000 € + "30 % de la plus-value nette réalisée", cette plus-value étant définie immédiatement après,

* le 19 juin 2003 d'un contrat de joueur professionnel entre le LOSC et le joueur [F] [V] "à dater du 1er juillet 2003 pendant une période de 4 année(s) expirant à la fin de la saison 2006/2007".

Le 13 mai 2004, le joueur [F] [V] et le LOSC ont signé un avenant prévoyant "la prolongation du contrat pour une durée maximum de 2 saisons, à dater du 1/07/2007 pour se terminer le 30/06/2009".

Enfin, le 2 juillet 2007, le LOSC a signé avec la SASP "L'OLYMPIQUE LYONNAIS" -OL- un contrat de mutation définitive du joueur [F] [V] moyennant une indemnité de transfert d'un montant de 6 500 000 €.

Par jugement du 9 juin 2009, le Tribunal de Commerce de LILLE a, notamment, débouté la SASP SM CAEN de sa demande principale en paiement de l'indemnité exceptionnelle et de sa demande subsidiaire en dommages-intérêts, et l'a condamnée à payer 15 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Par déclaration au Greffe en date du 9 juillet 2009, la SASP SM CAEN a interjeté appel de cette décision. Dans ses dernières conclusions déposées le 9 novembre 2009, elle demande l'infirmation du jugement et la condamnation de la SASP LOSC LILLE METROPOLE à lui payer la somme principale de 2 715 000 € HT (soit 150 000 € + 30 % de la plus-value réalisée) en règlement de l'indemnité exceptionnelle prévue par le contrat, en soutenant que l'intention des parties n'était pas de limiter dans le temps les effets de cette stipulation ; subsidiairement elle fait valoir qu'en toute hypothèse, la "durée du contrat" signé entre le joueur et le Club LOSC était constituée de l'ensemble de la période pour laquelle il a été engagé par ce dernier, en ce compris les durées résultant des avenants prorogeant ce contrat et qu'en l'espèce, le transfert du joueur au profit de l'OL a bien été réalisé pendant cette durée.

A titre encore plus subsidiaire, elle demande le paiement de l'indemnité exceptionnelle sur le fondement de l'article 1178 du Code Civil en soutenant que c'est de la seule volonté de la SASP LOSC que le transfert du joueur n'a été formalisé que le 2 juillet 2007 alors que l'accord en avait été obtenu avec l'OL dès le 12 juin précédent. Enfin, à titre encore plus subsidiaire, elle fonde sa réclamation sur la déloyauté de la SASP LOSC LILLE METROPOLE laquelle a, de ce fait, engagé sa responsabilité en application des articles 1134 alinéa 3 et 1147 du Code Civil.

Elle sollicite enfin condamnation de la SASP LOSC LILLE METROPOLE à lui payer la somme de 15 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

La SASP LOSC LILLE METROPOLE, dans ses dernières conclusions déposées le 6 janvier 2010, demande la confirmation du jugement déféré et, au principal, le rejet de toutes demandes adverses. Elle soutient, à cet égard, que la condition du paiement de l'indemnité exceptionnelle ne s'est pas réalisée pendant la période convenue c'est-à-dire la durée initiale de son contrat avec le joueur, la clause de la convention étant claire sur ce point ; elle ajoute que la lettre de la clause correspond à sa finalité, laquelle était l'intéressement du SM CAEN en cas de transfert rapide du joueur pour valoriser, dans ce cas, son rôle de club formateur. Elle ajoute que l'opération de transfert s'est bien opérée à effet au 2 juillet 2007 et que les pièces produites pour étayer l'existence d'un accord antérieur n'étaient que préparatoires ; au surplus, elle n'a été effective que le 6 juillet 2007 par son homologation par la Ligue de football professionnel. Elle réfute enfin l'argument de la mauvaise foi qui lui est imputée.

A titre éminemment subsidiaire, elle critique le montant d'indemnité réclamé, qui est calculé sur la base d'une indemnité de transfert LOSC-OL de 9 millions d'euros alors qu'elle n'a été que de 6,5 millions.

Elle demande enfin condamnation de la SASP SM CAEN à lui payer la somme de 15 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande principale

Celle-ci tend au paiement de l'indemnité exceptionnelle prévue dans la convention financière signée entre les parties le 18 juin 2003 par l'application pure et simple du contrat, et se fonde sur trois moyens successifs qu'il convient d'examiner maintenant.

# sur le moyen selon lequel la réalisation de la condition suspensive n'était pas limitée dans le temps

La SASP SM CAEN invoque, pour appuyer ce moyen, à la fois la lettre de la convention financière et son esprit.

Or, force est de constater que la lettre du contrat prévoit bien une limite dans le temps à la condition suspensive puisque la condition de sa réalisation est ainsi libellée 'si le joueur est transféré par le LOSC pendant la durée du contrat...' ; l'emploi des termes 'pendant' et 'durée' induit nécessairement un rapport au temps duquel la réalisation de la condition suspensive ne peut être, selon l'intention des parties révélée par le choix des mots du contrat, dissociée.

Si l'on en vient même à rechercher, au-delà du sens littéral des termes employés, quelle a été la commune intention des parties en application des dispositions de l'article 1156 du Code Civil, aucun des éléments mis en avant par la SASP SM CAEN ne vient corroborer son allégation selon laquelle il n'existait, dans l'esprit des parties au contrat, aucune limite dans le temps à l'application de cette indemnité exceptionnelle. En effet, elle invoque tout d'abord l'absence de rapport au temps dans les négociations pré-contractuelles, mais elle n'en justifie pas en se contentant sur ce point d'une affirmation, de sorte que ce moyen n'est pas opérant ; ensuite, elle se prévaut de son absence d'information et de maîtrise sur la durée du contrat de travail conclu entre le joueur et son nouveau club, contrat auquel elle était étrangère, mais en cela, elle fait bien référence à une durée, celle du contrat de travail, de sorte qu'elle discute, en fait, non pas le principe d'une durée et d'une limite contractuelle dans le temps à la condition suspensive mais l'objet même de cette limite c'est-à-dire la durée à laquelle les parties ont voulu se référer.

C'est ce qu'il convient d'examiner en second lieu, par l'étude de son premier moyen subsidiaire.

# sur le moyen selon lequel la condition suspensive s'est trouvée réalisée durant le délai prévu à la convention

* parce que la durée prévue à la convention serait celle du contrat de travail initial plus les avenants à ce dernier

La SASP SM CAEN se prévaut, à cette fin, du fait qu'un contrat de travail de joueur de football professionnel est unique et a une seule durée correspondant à son terme, les avenants éventuels ayant pour effet de prolonger cette durée sans faire naître un nouveau contrat. En cela, elle se réfère aux caractéristiques juridiques du contrat de travail, ce qui ne correspond pas nécessairement avec les intentions des parties au contrat telles qu'elles résultent des termes de ce dernier et de tous les éléments complémentaires à ces termes, tels que les énoncent les articles 1157 et suivants du Code Civil, qui peuvent servir à les éclairer toujours dans le but de rechercher cette commune volonté conformément à l'article 1156 du même code.

Or, en l'espèce, il existe au moins deux éléments concordants qui permettent de considérer que les parties au contrat ont entendu limiter le délai de réalisation de la condition suspensive, relative à l'indemnité exceptionnelle, à la durée initiale du contrat de travail 'expirant à la fin de la saison 2006/2007" ce qui signifie, d'après les écritures concordantes des parties sur ce point, le 30 juin 2007. D'une part, la lettre du contrat sur ce point, pour laquelle les parties ont choisi l'expression 'durée du contrat signé par le joueur avec le LOSC en juin 2003" (sic, seul le soulignement ayant été ajouté ici pour plus de clarté) et non pas une autre, plus générale, telle que par exemple 'durée du contrat de travail entre le joueur et le LOSC' ; le choix de mentionner la date de signature du contrat (juin 2003) et non pas sa nature (contrat de travail) incite à penser que les parties ont entendu se référer, quant à la durée, au contenu exact du contrat sur lequel le joueur et le club se sont mis d'accord en juin 2003 et non pas à sa durée finale, prolongée le cas échéant par des avenants postérieurs non encore intervenus. Cette lecture est corroborée par l'application à l'espèce des dispositions de l'article 1158 du Code Civil qui édicte que 'les termes (du contrat) susceptibles de deux sens doivent être pris dans le sens qui convient le plus à la matière du contrat'. Ainsi, à supposer que l'on puisse entendre 'durée du contrat signé par le joueur avec le LOSC en juin 2003" comme étant aussi celle du contrat de travail après prolongation par les avenants ce qui ajouterait un sens possible à cette expression, la matière du contrat incite à penser que les parties ont voulu limiter cette durée à celle initiale du contrat de travail c'est-à-dire 4 ans. En effet, conformément à ce qu'indiquent les deux parties dans leurs conclusions sur ce point, la convention financière signée entre elle avait pour objet, notamment par la clause litigieuse, de contribuer à indemniser le club initial du coût de la formation du joueur en l'intéressant à sa future progression ; cette pratique, officialisée par l'article 261 de la Charte du Football Professionnel créé le 26 juin 2008 donc après la convention signée en l'espèce, consiste à rémunérer le club formateur initial en cas de nouveau transfert dans un délai proche du premier transfert initial, pour la part que la formation prodiguée par ce club a prise dans la révélation des qualités professionnelles du joueur depuis le premier transfert ; plus le temps passe, plus cette part diminue au profit de celle de la formation du second club qui l'a distingué et fait évoluer, ainsi que des talents propres du joueur et de son ardeur à s'améliorer ; il s'en déduit qu'il n'existe aucun motif pour que les parties à cette convention aient voulu, comme le soutient la SASP SM CAEN, prévoir le paiement de cette indemnité quasiment sans limitation de durée puisque cette dernière devrait, alors, selon elle, s'étendre au fur et à mesure des avenants prolongeant le contrat initial.

En conséquence, c'est à bon droit que le premier juge a considéré que le terme fixé pour la réalisation de la condition suspensive était le 30 juin 2007.

* parce qu'en réalité, le transfert se serait trouvé réalisé avant le 30 juin 2007

Le 'transfert' d'un joueur de football professionnel d'un club à un autre est une opération complexe qui affecte les rapports juridiques de trois personnes engagées par des liens contractuels bipartites : les deux clubs de football chacun pour son compte, et le joueur lui-même ; l'un des deux clubs est lié au joueur par un contrat de travail et ce lien est appelé, dans l'opération, à cesser ; le second de ces clubs a, au contraire, vocation à conclure un contrat de travail avec le joueur et donc nouer un nouveau lien avec ce dernier ; enfin les deux clubs doivent convenir entre eux des modalités financières du transfert. Par conséquent, une telle opération ne peut être considérée comme réalisée qu'à compter du moment où les nouveaux rapports juridiques résultant du transfert sont établis, c'est-à-dire une fois qu'il a été mis fin au premier contrat de travail et que le second a pris effet, si et seulement si, à ce moment-là, les deux clubs ont ensemble convenu irrévocablement des modalités financières du transfert.

C'est à la SASP SM CAEN qui l'invoque, de rapporter la preuve de ce que cette opération s'est trouvée réalisée au plus tard le 30 juin 2007 date d'expiration du délai de la condition suspensive pour l'indemnité exceptionnelle, en application des dispositions de l'article 1315 du Code Civil. Il lui appartient en conséquence de rapporter la preuve, non pas de la seule intention commune des personnes concernées de réaliser l'opération même si les points essentiels en sont définis, mais, du fait de la coexistence de trois rapports bipartites interdépendants, que le premier contrat de travail ait pris fin, que le second soit né, enfin que la rencontre de volonté des deux clubs sur les modalités financières se soit réalisée, le tout au plus tard le 30 juin 2007.

En l'espèce, la SASP SM CAEN invoque, pour constituer la preuve qui lui incombe, tout d'abord des communiqués ou articles de presse datés du mois de juin 2007. Mais ces éléments ne peuvent suffire à cette fin dès lors que, s'ils font pour certains état d'un accord pour un transfert du joueur [F] [V] entre les deux clubs, ils cumulent les points faibles d'être unilatéraux comme émanant d'une seule des personnes concernées à la fois, et de ne pas mentionner la totalité des conditions précises du transfert, notamment les modalités financières convenues entre les clubs mais aussi avec le joueur. Ils ne peuvent, dès lors, constituer la preuve tant de la rupture du premier contrat de travail que de la formation du second. Ensuite, elle invoque deux conventions dont les copies sont versées au dossier, dont les caractéristiques sont les suivantes :

* l'une est un 'protocole d'accord' établi entre la SASP LOSC et l'Olympique Lyonnais, signé des deux parties, non daté mais établi au plus tard le 12 juin 2006 puisque portant cette date en télécopie, relatif au principe de transfert du joueur [V] et à ses modalités financières entre les deux clubs (pièce n° 10 de la SASP LOSC),

* l'autre est une convention établie entre l'Olympique Lyonnais et [F] [V], en date du 14 juin 2007, signée du joueur, non signée par l'OL mais établie sur papier à en-tête de ce dernier, portant sur le principe d'une embauche et ses modalités financières (pièce n° 11 de la SASP SM CAEN).

Si ces deux conventions peuvent être considérées, au vu de leur contenu, engager effectivement les deux parties entre lesquelles elles ont été établies chaque fois, la seconde constituant incontestablement une promesse synallagmatique d'embauche, en revanche elles ne peuvent produire aucun effet juridique tant que le contrat de travail liant la SASP LOSC et [F] [V] n'a pas cessé. Sur ce dernier point, c'est de manière abusive que, dans ses conclusions, la SASP SM CAEN affirme que '[F] [V] a donné son accord le 12 juin 2007 pour résilier son contrat de travail avec le LOSC', un tel 'accord', qui serait en toute hypothèse unilatéral, ne résultant pas des conventions qui viennent d'être décrites, seule la convention LOSC-OM faisant état, à cet égard, de ce que 'Monsieur [F] [V] a fait part (aux deux clubs) de son souhait d'obtenir la résiliation de son contrat de travail' ce qui confirme en toute hypothèse que cette résiliation n'est pas encore intervenue, et la convention OL-[V] précisant, sur ce point, que ce dernier est 'sous contrat avec le [Localité 7] OSC' et que les deux parties à la convention entendent fixer leur 'volonté réciproque d'établir un lien juridique' qui ne prendra effet qu'à compter de l'établissement des documents dégageant le joueur de tout lien avec le LOSC. Enfin, la SASP SM CAEN ne produit aucun autre élément pour établir que les liens contractuels entre [F] [V] est la SASP LOSC auraient cessé au plus tard le 30 juin 2007.

Il en résulte que la SASP SM CAEN ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que le transfert du joueur [F] [V], laquelle constitue la condition suspensive prévue à la convention financière, s'est réalisé dans le délai prévu à cette convention.

# subsidiairement, en application des dispositions de l'article 1178 du Code Civil

Cet article édicte que la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé par cette condition, qui en a empêché l'accomplissement. C'est à la SASP SM CAEN, qui l'invoque qu'il appartient de rapporter la preuve de la faute du débiteur d'obligation dans l'accomplissement de la condition. Or, sur ce point, elle se contente d'affirmer que 'si le transfert du joueur n'a été formalisé (...) que le 2 juillet 2007, c'est de toute évidence pour tenter de faire échec à la condition suspensive' et que la SASP LOSC a volontairement 'organisé ce décalage' mais sans en rapporter la preuve. A cet égard, en effet, les seuls éléments qu'elle avance pour étayer cette affirmation sont les suivants :

* l'intérêt financier qu'avait la SASP LOSC, dans ses relations avec elle, à retarder le transfert ; mais l'existence d'un mobile ne constitue pas, à elle seule, la preuve d'un méfait,

* une allusion à un protocole d'accord signé entre la SASP LOSC et [F] [V] le 1er décembre 2005, contenant une clause 'libératoire' qu'elle considère elle-même comme illicite, et qu'elle relie avec l'intention du LOSC de retarder le transfert par un raisonnement incompréhensible puisque, précisément, cette clause était censée favoriser le LOSC en cas de transfert intervenant durant la saison 2006/2007.

Par ailleurs, le protocole d'accord entre la SASP LOSC et l'OL, portant la date de télécopie du 12 juin 2007, mentionne que le transfert prendra effet à compter du 2 juillet 2007 'à la demande de L'OLYMPIQUE LYONNAIS' ; il en résulte que la prise d'effet du transfert a été fixée à l'initiative de l'OL et n'est donc pas, en soi, imputable à la SASP LOSC ce qui seul pourrait entraîner l'application de l'article 1178 du Code Civil. S'il a existé une collusion entre les deux clubs au détriment de la SASP SM CAEN, la preuve en incombe à cette dernière, et elle ne la rapporte pas, la différence avec l'indemnité de transfert d'un autre joueur [D] [E] ne suffisant pas à le démontrer dès lors qu'elle peut résulter de multiples autres facteurs.

Il en résulte que la SASP SM CAEN ne démontre pas que la non réalisation de la condition suspensive dans le délai prévu soit résultée de la seule volonté de la SASP LOSC ; l'article 1178 du Code Civil n'a donc pas vocation de s'appliquer en l'espèce.

Sur la demande subsidiaire

Cette demande est fondée sur les articles 1134 alinéa 3 et 1147 du Code Civil ; la SASP SM CAEN se prévaut, à ce titre, de ce que les conventions doivent être exécutées de bonne foi. Mais, à cet égard, c'est à elle-même, qui invoque la mauvaise foi de sa cocontractante, de rapporter la preuve de celle-ci en application des dispositions de l'article 1315 du même Code. Or, à nouveau, elle se contente d'affirmations liées à l'étude des dates et à l'intérêt qu'avait la SASP LOSC à retarder le transfert jusqu'après le 30 juin 2007 alors que :

* ainsi qu'il a déjà été évoqué plus haut, la simple existence d'un intérêt à une chose ne démontre pas que le but en a été poursuivi sciemment,

* ainsi qu'il a déjà été rappelé, le protocole signé entre la SASP LOSC et l'OL précise que la date de prise d'effet du transfert a été fixée à la demande de cette dernière et non pas de la première,

* la complexité même de l'opération de transfert, qui concerne deux personnes morales et une personne physique entre lesquelles des rapports bipartites doivent être modifiés ou créés, ce sous le contrôle de la Ligue de Football Professionnel nécessitant la mise en oeuvre d'une procédure spécifique, exclut que le simple décalage de quinze jours entre la rencontre des volontés et la réalisation effective du transfert suffise à en imputer l'origine à la seule SASP LOSC, à défaut d'autres éléments probants corroborant cette affirmation.

C'est donc à bon droit que le premier juge a écarté aussi la demande subsidiaire fondée sur la mauvaise foi, et le jugement sera, là encore confirmé.

Sur les demandes accessoires

La SASP SM CAEN, qui succombe en son appel, devra supporter les dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du Code de Procédure Civile. Pour les mêmes motifs, il ne peut être fait application de l'article 700 du Code de Procédure Civile en sa faveur.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la SASP LOSC tout ou partie des frais exposés dans le cadre de la présente et non compris dans les dépens ; il y a donc lieu de lui allouer la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile en sus de celle allouée par le premier juge à ce titre, qu'il apparaît équitable de confirmer.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire mis à disposition au Greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Y ajoutant,

CONDAMNE la SASP STADE MALHERBE CAEN CALVADOS BASSE NORMANDIE à payer à la SASP LOSC LILLE METROPOLE la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

REJETTE toutes les autres demandes.

CONDAMNE la SASP STADE MALHERBE CAEN CALVADOS BASSE NORMANDIE aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Le GreffierLe Président

Marguerite Marie HAINAUTNicole OLIVIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 2
Numéro d'arrêt : 09/05120
Date de la décision : 16/09/2010

Références :

Cour d'appel de Douai 22, arrêt n°09/05120 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-09-16;09.05120 ?
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