COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 3
ARRÊT DU 01/07/2010
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N° MINUTE :
N° RG : 10/01580
Jugement (N° 09/00021)
rendu le 11 Février 2010
par le Tribunal de Grande Instance d'ARRAS
REF : PC/VC
APPELANTE
SCI JULIE agissant poursuites et diligences de son représentant légal
ayant son siège social : [Adresse 1]
Représentée par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour
Assistée de Me Danièle LAMORIL LAUDE, avocat au barreau d'ARRAS
INTIMÉE
CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL PROVENCE COTE D'AZUR
ayant son siège social : [Adresse 3]
Représentée par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour
Assistée de Me Philippe MEILLIER, avocat au barreau d'ARRAS
DÉBATS à l'audience publique du 03 Juin 2010 tenue par Pierre CHARBONNIER magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Annie DESBUISSONS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Pierre CHARBONNIER, Président de chambre
Catherine CONVAIN, Conseiller
Catherine PAOLI, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 01 Juillet 2010 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pierre CHARBONNIER, Président et Patricia PAUCHET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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LA COUR ;
Attendu que la Société Civile Immobilière (S.C.I.) JULIE a interjeté appel d'un jugement rendu le 11 février 2010 par le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance d'ARRAS qui, statuant à l'audience d'orientation, a évalué à la somme de 140.616,38 € avec les intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2009 la créance dont la [Adresse 4] est titulaire contre elle en vertu d'un contrat de prêt notarié du 16 juillet 1992 ; qui a donné acte aux parties de leur accord pour cantonner l'assiette de la saisie immobilière au seul lot n°147 de la Résidence [Adresse 2] comprenant des locaux à caractère commercial et professionnel en front de rue ; et qui a autorisé la S.C.I. JULIE à conclure la vente amiable de ce bien pour un prix d'au moins 170.000 € ;
Attendu que la S.C.I. JULIE se prévaut de la prescription de l'action exercée contre elle par la Caisse de CRÉDIT AGRICOLE ; qu'elle réclame en conséquence la mainlevée de la procédure de saisie immobilière en même temps que celle de la saisie-attribution à laquelle la Caisse de CRÉDIT AGRICOLE a fait procéder, à son préjudice et entre les mains de la Société SUPPLAY, locataire de l'immeuble sus désigné, suivant un procès-verbal du 3 juillet 2008 ; que subsidiairement, elle demande que la banque poursuivante soit tenue, en l'état des paiements effectués postérieurement au 3 juillet 2009, de lui restituer un trop-perçu de 24.983,76 € ; qu'elle sollicite enfin la condamnation de la Caisse de CRÉDIT AGRICOLE à lui verser une somme de 5.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que la Caisse de CRÉDIT AGRICOLE demande à la Cour de constater que la créance dont elle est titulaire sur la S.C.I. JULIE, de 100.912,50 € au 22 avril 2010, a été presque intégralement soldée par un versement de 100.857,45 € effectué entre ses mains pour le compte de la débitrice par Me [I], notaire à [Localité 5] ; qu'elle conclut, partant, au débouté des prétentions adverses et à l'allocation, à la charge de la S.C.I. JULIE, d'une somme de 5.000 € du chef de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu qu'au soutien de son moyen d'irrecevabilité, la S.C.I. JULIE expose que la Caisse de CRÉDIT MUTUEL a prononcé la déchéance du terme du contrat de prêt sur lequel elle fonde ses poursuites, le 28 septembre
1994 ; que postérieurement à cette date l'organisme de crédit s'est abstenu de toute demande en paiement contre sa débitrice jusqu'à la saisie-attribution des loyers commerciaux dus à celle-ci par la Société SUPPLAY, pratiquée le 3 juillet 2008 ; que le délai de prescription décennal de l'article L.110-4 du code de commerce pris dans son ancienne rédaction applicable aux faits de la cause était alors expiré depuis le 29 septembre 2004 ; que si pendant cette période de dix ans la Caisse de CRÉDIT AGRICOLE a poursuivi le gérant de la société emprunteuse, [S] [U], qui s'était constitué caution de la personne morale pour garantir le remboursement du prêt litigieux, néanmoins cette action n'a pu interrompre la prescription courue relativement à la dette de la société emprunteuse dès lors que, le cautionnement n'étant pas solidaire, les actes dirigés contre la caution ne pouvaient produire d'effet interruptif à l'égard de la débitrice principale ;
Attendu que l'acte de cautionnement souscrit par [S] [U] précisait dans sa partie dactylographiée que l'intéressé se constituait caution solidaire de l'emprunteur et que le CRÉDIT AGRICOLE n'aurait pas à poursuivre préalablement l'emprunteur ni à diviser son action en cas de pluralité de cautions ; que si la stipulation de solidarité doit être expresse, il n'est en revanche pas nécessaire que cette modalité de l'engagement de la caution soit rédigée de la main de celle-ci ; que la mention manuscrite dont [S] [U] a fait précéder sa signature, bien qu'elle ne contienne pas de stipulation de solidarité, reproduit exactement le modèle de mention proposé par le texte dactylographié du contrat ; qu'il ne peut donc être déduit de la rédaction de la formule apposée par [S] [U] que les parties seraient convenues de ne pas soumettre l'engagement de la caution aux règles établies pour les dettes solidaires ;
Attendu que selon l'article 2249 ancien du code civil, applicable à l'espèce, l'interpellation faite à l'un des débiteurs solidaires ou la reconnaissance par celui-ci du droit contre lequel il prescrivait, interrompt la prescription à l'égard de tous les autres ;
Attendu que la Caisse de CRÉDIT AGRICOLE a, le 29 décembre 1994, fait assigner [S] [U] en sa qualité de caution devant le Tribunal de grande instance de GRASSE afin de l'entendre condamner à lui régler le solde du prêt consenti à la S.C.I. JULIE le 16 juillet 1992 ; que cette citation a interrompu le délai de prescription de dix ans prévu à l'article L.110-4 précité du code de commerce qui avait commencé de courir trois mois auparavant à la date de la déchéance du terme ; que l'effet interruptif de la prescription résultant de l'action portée en justice par la Caisse de CRÉDIT AGRICOLE s'est prolongé, conformément à l'article 2244 ancien du code civil, jusqu'à ce que le litige ait trouvé sa solution ; que la Cour d'appel d'AIX EN PROVENCE désignée comme juridiction de renvoi par un arrêt de la Cour de Cassation du 6 décembre 2007 ayant partiellement cassé un précédent arrêt de la même Cour d'appel du 10 février 2005, a mis fin à la procédure par un arrêt du 15 octobre 2009 confirmatif du jugement initial du Tribunal de grande instance de GRASSE du 22 février 1999 qui avait déclaré exigible la créance de la Caisse de CRÉDIT AGRICOLE contre la S.C.I. JULIE ;
Attendu que la S.C.I. JULIE à l'égard de qui l'interruption de la prescription s'est produite consécutivement aux poursuites exercées contre la caution solidaire, n'est dès lors pas fondée à arguer de l'extinction de la
dette ;
Attendu que l'interruption de la prescription opposable à la S.C.I. JULIE vaut pour l'ensemble de la créance tant en principal qu'en intérêts ; que si les intérêts relèvent de la prescription quinquennale de l'article 2277 ancien du code civil, il n'en demeure pas moins que le délai de cinq ans prévu par ce texte n'était pas écoulé lorsque, trois mois après s'être prévalue de l'exigibilité immédiate du solde du prêt, la Caisse de CRÉDIT AGRICOLE a engagé son action en recouvrement contre la caution le 29 décembre 1994 ;
Attendu, sur le décompte de la créance, que le prêt consenti par la Caisse de CRÉDIT AGRICOLE à la S.C.I. JULIE portait sur une somme de 3.500.000 F remboursable sur douze années avec un taux d'intérêt annuel de 11 % ; que le jugement du Tribunal de grande instance de GRASSE du 22 février 1999, constatant le caractère erroné du taux effectif global énoncé à l'acte de prêt en a déduit que la stipulation d'intérêt était nulle et que seul le taux d'intérêt légal s'appliquerait ; que confirmant ce jugement, la Cour d'appel d'AIX EN PROVENCE a, dans les dispositions de son arrêt du 10 février 2005 qui n'ont pas été atteintes par la cassation, prononcé « la déchéance des intérêts » et précisé que le taux de l'intérêt légal se substituerait au taux contractuel à compter de la date du prêt ;
Attendu que pour satisfaire aux prescriptions de la Cour d'AIX EN PROVENCE, la Caisse de CRÉDIT AGRICOLE a recalculé sa créance en décomptant les intérêts au taux légal depuis l'origine de celle-ci et en imputant sur le capital les acomptes reçus avant le jugement du Tribunal de grande instance de GRASSE du 22 février 1999 par lequel a été décidée la déchéance du droit de l'emprunteur aux intérêts conventionnels ; qu'elle a, pour la période postérieure, appliqué aux paiements partiels la règle de l'article 1254 du code civil qui prévoit que les paiements s'imputent sur les arrérages ou intérêts par préférence au capital ;
Attendu que, comme l'a exactement relevé le premier juge, la Caisse de CRÉDIT AGRICOLE, après avoir réajusté le montant de sa créance en considération de la suppression du droit aux intérêts au taux conventionnel dont elle était déchue, a fait une juste application des règles d'imputation des paiements posées par le code civil ; que bien que contestant les modalités du compte établi par la Caisse de CRÉDIT AGRICOLE, la S.C.I. JULIE n'en a pas moins, par divers versements, réglé peu à peu la quasi totalité de sa dette telle que chiffrée par la banque ; qu'elle ne prétend pas que la Caisse de CRÉDIT AGRICOLE aurait reçu d'elle des paiements dont il ne lui aurait pas été tenu compte ;
Attendu que le recours à une expertise comptable n'apparaît, au vu de ce qui précède, nullement justifié ;
Attendu que l'évaluation de la créance de la Caisse de CRÉDIT AGRICOLE doit donc être confirmée sous réserve de son actualisation au jour du présent arrêt ;
Attendu que les autres dispositions du jugement entrepris ne sont pas remises en cause ;
Attendu qu'il s'avère équitable de faire supporter par la S.C.I. JULIE, au titre des frais exposés par la Caisse de CRÉDIT AGRICOLE et non compris dans les dépens d'appel, la somme de 1.000 € ;
PAR CES MOTIFS ;
Statuant publiquement et contradictoirement ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions autres que celles relatives au montant de la créance ;
Emendant de ce chef et y ajoutant ;
Fixe la créance résiduelle de la [Adresse 4] contre la Société Civile Immobilière (S.C.I.) JULIE à la somme de 100.912,50 € en capital au 22 avril 2010 ;
Constate que cette créance a été presque intégralement soldée par un versement effectué le 22 avril 2010 pour le compte de la S.C.I. JULIE par Me [I], notaire à [Adresse 6], entre les mains de la Caisse de CRÉDIT AGRICOLE à hauteur de 100.857,45 € ;
Renvoie la Caisse de CRÉDIT AGRICOLE à poursuivre sa procédure de saisie immobilière devant le premier juge ;
Condamne la S.C.I. JULIE à payer à la Caisse de CRÉDIT AGRICOLE une somme de 1.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la S.C.I. JULIE aux dépens de première instance et
d'appel ; dit que ces derniers seront recouvrés par la S.C.P. THERY/LAURENT, avoué, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,
P. PAUCHETP. CHARBONNIER