La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/06/2010 | FRANCE | N°07/05614

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 8 section 1, 17 juin 2010, 07/05614


COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 8 SECTION 1



ARRÊT DU 17/06/2010

***



N° MINUTE :

N° RG : 07/05614

Jugement (N° 04/4588)

rendu le 27 Mars 2007

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : PC/VC

APPELANT



Monsieur [K] [S]

né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 5] LIBAN

demeurant : [Adresse 2]

Représenté par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour

Assisté de Me Christine SEGHERS, avocat au barreau de DOUAI



INTIMÉEr>


SA DUBUS agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social : [Adresse 4]

Représentée par la SCP THERY-LAURENT, avoués...

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 17/06/2010

***

N° MINUTE :

N° RG : 07/05614

Jugement (N° 04/4588)

rendu le 27 Mars 2007

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : PC/VC

APPELANT

Monsieur [K] [S]

né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 5] LIBAN

demeurant : [Adresse 2]

Représenté par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour

Assisté de Me Christine SEGHERS, avocat au barreau de DOUAI

INTIMÉE

SA DUBUS agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social : [Adresse 4]

Représentée par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour

Assistée de Me Eric DELFLY, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS à l'audience publique du 17 Mars 2010 tenue par Pierre CHARBONNIER magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Annie DESBUISSONS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pierre CHARBONNIER, Président de chambre

Catherine PAOLI, Conseiller

Sophie VEJUX, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 17 Juin 2010 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pierre CHARBONNIER, Président et Annie DESBUISSONS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

*****

LA COUR ;

Attendu que [K] [S] a interjeté appel d'un jugement du tribunal de grande instance de LILLE du 27 mars 2007 qui a pris acte qu'il avait versé en cours d'instance à la société de bourse DUBUS une somme de 13.000 € représentative de l'insuffisance de couverture de son compte portefeuille n°[XXXXXXXXXX03] arrêtée à la somme de 12.597,09 € au 26 mai

2004 ; qui l'a débouté de sa demande reconventionnelle en paiement par la Société DUBUS, d'une part, de la somme de 11.557,72 € de dommages-intérêts, montant du débit du compte provisoirement arrêté au 10 mars 2004, et, d'autre part, d'un trop-versé de 1.442,28 € représentant le solde non remboursé du règlement précité de 13.000 € après compensation de cette somme avec l'indemnité réclamée de 11.557,72 € ; et qui a condamné [K] [S] à verser à la Société DUBUS une somme de 1.000 € du chef de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que [K] [S], assimilant le solde débiteur de son compte, dont le paiement lui est réclamé, à un crédit que la Société DUBUS lui aurait consenti pendant toute la durée de sa dette, soutient que l'action exercée par cet établissement est irrecevable comme atteinte par la forclusion biennale édictée en matière de crédit à la consommation par l'article L.311-37 du code de la consommation ; qu'au fond, il sollicite subsidiairement le sursis à statuer « dans l'attente de l'issue de la procédure pénale actuellement pendante devant le doyen des juges d'instruction de LILLE » ; qu'il invoque la nullité de la convention d'ouverture du compte au motif que la teneur de cet acte ne correspondrait pas aux mentions apposées sur la « fiche d'identité client » ; qu'il demande à titre reconventionnel la condamnation de la Société DUBUS à lui restituer la somme de 18.048,56 € reçue par cet intermédiaire de bourse entre le 15 mars 2000 et le 3 février 2004 pour réduire le déficit du compte et celle de 13.000 € décaissée le 26 mai 2004, à l'aide de laquelle le débit de ce compte, postérieurement à l'assignation introductive de la première instance, du 29 avril 2004, a été définitivement apuré, outre le montant de la condamnation, assortie de l'exécution provisoire, au paiement des frais non répétibles engagés par la partie adverse ; qu'il réclame encore l'allocation, à la charge de la société DUBUS, d'une indemnité de 50.000 € pour procédure abusive et d'une somme de 4.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'« avant dire droit » il demande à la Cour d'ordonner l'intervention en la cause, pour y être entendus, du président de l'Autorité des Marchés Financiers et de la FICOBA conformément aux articles L.621-20 du Code Monétaire et Financier et L.143 du livre des procédures fiscales ;

Attendu que la Société DUBUS conclut à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation de [K] [S] à lui verser une somme de 3.000 € de dommages-intérêts pour résistance abusive ainsi que 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que le 17 février 2010, veille de la date prévue pour la clôture de l'instruction de la cause, la Société DUBUS a, en réponse aux écritures que [K] [S] avait déposées le 1er août 2008, signifié un nouveau jeu de conclusions ; que [K] [S] demande que ces dernières écritures auxquelles il n'a pu répliquer en raison de leur caractère tardif, soient rejetées des débats ;

Mais attendu que les conclusions critiquées, qui font suite à la production par [K] [S] d'un arrêt de la chambre de l'instruction de cette Cour du 10 novembre 2009 communiqué à la Société DUBUS le 1er février 2010 n'énoncent aucun moyen de fait ou de droit qui n'aurait pas été antérieurement dans le débat aux termes des précédentes écritures de cette société du 5 mai 2008 ; qu'elles se bornent à développer la défense de la société de bourse en tant que celle-ci a été l'objet d'une décision de sanction du 21 avril 2005 de la part de la commission des sanctions de l'Autorité des Marchés Financiers, confirmée par un arrêt du Conseil d'Etat du 30 mai 2007, et à recomposer les écritures antérieures de cette partie en explicitant, sans les modifier, les prétentions énoncées dans leur dispositif ; que [K] [S] ne prétend d'ailleurs pas que le contenu de ces dernières écritures ait ajouté à la discussion des éléments jusque là ignorés de lui, sur lesquels il ne lui aurait pas été loisible de s'expliquer ;

Attendu que dès lors, il n'y a lieu, en l'absence d'atteinte portée au principe de la contradiction posé par l'article 16 du code de procédure civile, d'écarter du dossier les dernières conclusions signifiées par la Société DUBUS avant l'ordonnance de clôture ;

Attendu qu'à l'appui de sa demande de sursis à statuer, [K] [S] se borne à fournir un procès-verbal de police du 26 avril 2006 dans lequel, entendu sur les rapports de son mandataire [G] [U] avec la Société DUBUS et sur ses propres engagements vis-à-vis de la société de bourse, il déclarait porter plainte contre celle-ci aux motifs qu'elle avait exigé de lui le versement de la somme de 13.000 € avant de lui communiquer son dossier, et s'était abstenue de le prévenir du déficit de son compte avant que ses pertes aient pris de l'ampleur ;

Mais attendu que, comme le relève le premier juge, [K] [S] ne justifie en tout état de cause pas de la mise en mouvement de l'action publique consécutivement à sa plainte ; que l'arrêt de la chambre de l'instruction du 10 novembre 2009 confirmatif d'une ordonnance de non-lieu prise par le juge d'instruction du tribunal de grande instance de LILLE du 19 juin 2009 dont il se prévaut à l'appui de ses griefs contre la Société DUBUS, a été rendu sur la constitution de partie civile d'[G] [U] qui dénonçait en l'occurrence les agissements de cette société à l'égard d'un autre client, [R] [L] dont il était également mandataire, cette affaire étant étrangère au litige présentement soumis à la Cour ;

Attendu qu'il n'y a lieu, partant, de surseoir à statuer ;

Attendu qu'il ressort des éléments du dossier que [K] [S], par acte sous seing privé du 11 février 2000, a souscrit auprès de la Société DUBUS une convention d'ouverture de compte de dépôt ordinaire n°[XXXXXXXXXX03] ; que cette convention lui offrait la possibilité de passer des ordres sur le marché à règlement mensuel devenu depuis, à partir de septembre 2000, le marché à règlement différé et d'y conclure des ventes de titre dites "à découvert", régis par la Décision Générale du Conseil des Marchés Financiers (C.M.F.) n°2000-04 qui fixe les seuils minimaux de couverture exigibles pour ce type d'opérations ; qu'aux termes dudit contrat il donnait mandat à [G] [U] d'accomplir tous actes de disposition, d'administration et de gestion de son portefeuille ; qu'il a ainsi, du 11 février 2000 au 21 juillet 2000, passé des ordres fréquents, souvent plusieurs dans la même journée, pour acquérir ou vendre diverses valeurs mobilières sur le marché du règlement mensuel telles qu'UBISOFT, BUSINESS OBJECTS, FRANCE TELECOM, EQUANT, INGENICO, LYCOS FRANCE, LIBERTY SURF, SELF TRADE, BOURSORAMA, HIMALAYA, INFOGRAMES, SELF TRADE ; que postérieurement au mois de juillet 2000, il n'a plus effectué que quelques opérations isolées, notamment d'achats ou ventes au comptant, les 11 mars et 29 juillet 2004 ; qu'à la date du 11 mars il opérait encore en règlement différé la vente de quatre cent quarante titres INFOGRAMES, UBISOFT et

INGENIO ; que, parallèlement, son portefeuille se dégradait de manière sensible au point que ses positions, reportées de mois en mois avec l'accord de la Société DUBUS qui acceptait de différer la liquidation des opérations laissées en suspens, n'étaient dès lors plus couvertes dans les proportions prescrites par la décision C.M.F. N°2000-04, de 20 % en espèces, 25 % en obligations ou 40 % en titres de capital ;

Attendu que l'insuffisance de couverture des engagements pris par [K] [S] a été définitivement constituée à une date indéterminée au dossier mais antérieure ou concomitante au 29 novembre 2000 où la Société DUBUS, comme il ressort de la fiche de suivi du compte versée au dossier, a adressé à son client une lettre de relance faisant état d'un avoir réalisable négatif de 1.548,64 € ; que ce découvert s'est graduellement élevé à la somme de 12.597,09 € au 26 mai 2004, montant sur lequel le premier juge s'est fondé pour débouter [K] [S] de sa demande en remboursement des 13.000 € réglés en cours d'instance ;

Attendu que la Société DUBUS, pendant la période des reports successifs des opérations effectuées par [K] [S], s'est trouvée temporairement propriétaire des titres achetés par son donneur d'ordre

et détentrice du prix de vente des titres cédés donc celui-ci repoussait la livraison ; que la situation de l'entreprise d'investissement, quand même elle attendait que son client reconstituât la couverture pour dénouer les opérations en cours, n'était donc pas celle d'un établissement dispensant un crédit à son cocontractant ; que le délai de forclusion biennale auquel l'article L.311-37 du code de la consommation assujettit les actions en paiement nées de la défaillance de l'emprunteur dans le remboursement d'un crédit à la consommation, ne lui est, par suite, pas applicable ;

Attendu que [K] [S], lorsqu'il a souscrit la convention d'ouverture du compte du 11 février 2000 sous l'intitulé "La Charte DUBUS SA", a opté pour la possibilité de passer lui-même des ordres à la société de bourse plutôt que de confier à celle-ci la gestion de son portefeuille ; qu'il a, sous l'article 6 du contrat et au pied de l'annexe 1, apposé deux mentions distinctes aux termes desquelles il déclarait avoir des connaissances suffisantes, boursières et techniques, pour pratiquer la vente à découvert et

« passer des ordres en direct avec ou sans fil sur les marchés boursiers » ; que par deux autres mentions de sa main, il a sous l'article 18 et en conclusion de la convention, certifié avoir pris connaissance des règles relatives à la couverture des positions qu'il était susceptible de prendre sur les différents marchés et, plus généralement, de la totalité de la charte et de ses trois

annexes ; que la Société DUBUS, à l'article 6 de la convention, exposait à son client les obligations auxquelles il devrait se soumettre ;

Mais attendu qu'il n'est pas prétendu que [K] [S], au moment de l'ouverture du compte, ait exercé une activité professionnelle qui l'aurait mis en rapport avec le monde des affaires en l'assurant d'une culture financière minimale ; que la "fiche d'identité client" jointe au contrat et remplie par lui le même jour, 11 février 2000, le présente comme

« médecin » ; qu'[G] [U] signataire de cette même fiche en raison du pouvoir qui lui était conféré de gérer les actifs déposés sur le compte de [K] [S], s'y déclare, quant à lui, sans profession ; que sur le contrat [K] [S], s'il qualifiait de « suffisante » sa connaissance de certains instruments financiers, négligeait de définir les objectifs prioritaires qu'il se fixait d'atteindre et ne fournissait à la société de bourse aucun élément susceptible de l'éclairer sur sa situation financière ; que la convention, qui le renvoyait dans son annexe 1 à consulter la rubrique « Evaluez vos aptitudes » sur le site Internet ou le service Minitel de l'établissement, ne lui proposait pour le reste qu'un rappel des caractéristiques et risques des différents modes d'investissement et techniques du marché, parmi lesquelles l'effet de levier du Règlement Mensuel et la vente à découverte ; que cette information rédigée en termes généraux à l'intention de toute espèce de clientèle, ne comportait aucune mise en garde spécifique répondant aux besoins particuliers de l'investisseur signataire ;

Attendu qu'il n'apparaît par suite pas que la Société DUBUS ait, lors de l'ouverture du compte, ainsi que le lui prescrivaient les articles L.533-4 du Code Monétaire et Financier et 3-3-5 du règlement général du Conseil des Marchés Financiers, alors applicables, procédé à l'évaluation de la compétence de son client, s'agissant de la maîtrise des opérations spéculatives envisagées et des risques courus dans ces opérations, ni qu'elle lui ait fourni une information adaptée en fonction de cette évaluation ;

Attendu que le manquement de la Société DUBUS à son devoir d'information, quand aucun élément objectif ne désignait [K] [S] comme un opérateur averti, a privé celui-ci d'une chance de renoncer au projet d'effectuer des opérations à terme et d'échapper ainsi au risque de perte qui s'est finalement réalisé et a provoqué son appauvrissement ;

Attendu que le fait qu'[G] [U], désigné comme le mandataire de [K] [S] par la convention d'ouverture du compte, ait aux côtés de son mandant souscrit la « fiche d'identité client » en y apposant divers renseignements sous la rubrique « seconde personne (éventuellement) » ne crée aucune équivoque sur la qualité de mandataire du second signataire ; qu'il en va ainsi quand bien même [G] [U] a signé cette fiche dans un cadre contenant, imprimée, la mention : « signature du titulaire » ; que [K] [S] n'est par conséquent pas fondé à se prévaloir d'une contradiction existant entre le contrat établi à son seul nom et la fiche d'identité remplie pour partie par son mandataire, qui serait, selon lui, de nature à vicier de nullité la convention conclue avec la société de

bourse ;

Attendu que par trois lettres recommandées des 15 et 29 novembre et 27 décembre 2000, la Société DUBUS attirait l'attention de son client sur la quotité de ses engagements qui excédait les limites autorisées eu égard à l'actif en dépôt ; que [K] [S] signait le 4 janvier 2001 l'avis de réception du courrier du 27 décembre précédent ; que la Société DUBUS renouvelait ses rappels les 4 avril 2002, 10 février 2003 et 14 janvier 2004 où elle invitait [K] [S] à résorber son déficit par des apports en espèces ou en titres ; qu'entre temps le mandataire de [K] [S], [G] [U], avait, dans un courrier du 4 janvier 2001, proposé à la Société DUBUS de redresser la situation du compte de son mandant au moyen d'un versement en espèces ; que par un fax du 19 mars 2004 [G] [U] insistait auprès de la société de bourse pour que les termes de leurs accords soient respectés et qu'elle lui permette ainsi de tenir ses engagements envers elle ; que [K] [S] écrivait dans ce même sens au conseil de la Société DUBUS « je réitère la position de Monsieur [U] que j'approuve, à savoir prendre connaissance des éléments comptables pour la remise du montant réellement dû avant le 6 juin 2004 » ; qu'il s'adressait le même jour à la Société DUBUS pour lui confirmer que le « mandat de

pouvoir » donné par ses soins à [G] [U] demeurait valable et que

« Monsieur [U] est habilité à agir en mon nom, régler le problème qui est en cours, procéder aux vérifications nécessaires et indispensables afin d'arrêter le montant dû et assurer le règlement par la remise d'un chèque avant le 6 juin 2004 » ; que, de fait, il n'est pas contesté que les versements effectués par [K] [S], de 31.048,56 € au total, en ce compris le dernier règlement de 13.000 €, se sont étendus entre le 14 mars 2000 et le 26 mai 2004 à des dates où son compte se trouvait en insuffisance de couverture ; que [K] [S], dès lors qu'il avait approuvé cette façon de procéder, n'est pas fondé à prétendre qu'[G] [U], en effectuant des paiements, serait sorti du champ du mandat de gestion dont il était investi et aurait de la sorte accompli des actes auxquels l'intermédiaire financier aurait dû opposer un refus ;

Attendu que ces versements ont été opérés sans réserve ; qu'ils se sont imputés en déduction du débit du compte portefeuille dont le montant, dans ses modalités de calcul, ne fait pas l'objet de critiques de la part de [K] [S] ; que la position négative du compte a été de la sorte valablement soldée sans que son titulaire puisse à ce propos se prévaloir de la répétition d'un indu ; qu'en revanche [K] [S], en apurant le déficit de son compte dont il était en tout état de cause débiteur, n'a nullement renoncé à invoquer, comme il le fait, la responsabilité de la Société DUBUS en tant qu'elle aurait causé ou aggravé les pertes subies ;

Attendu que l'article 8 de la décision du C.M.F. n°2000-04 dispose que la couverture des ordres avec service de règlement et de livraison différés initialement constituée est réajustée en cas de besoin en fonction de la réévaluation quotidienne de la position elle-même et des actifs admis en couverture de cette position de telle sorte qu'elle corresponde en permanence au minimum réglementaire requis ; que dans cette hypothèse, le prestataire met en demeure par tous moyens le client de compléter ou reconstituer sa couverture de marché ; qu'à défaut de complément ou de reconstitution de la couverture dans le délai requis, le prestataire commence par réduire la position du client avant de réaliser tout ou partie de la couverture ;

Attendu que [K] [S] relève que si sa position, à partir du moment où elle était insuffisamment couverte, avait été aussitôt liquidée par la Société DUBUS, il n'aurait pas laissé s'accumuler l'important solde négatif dont il a dû répondre ; que la société de bourse lui doit donc réparation de la dette qu'elle a laissé s'accumuler contre lui ;

Attendu, en premier lieu, que si l'article 6 de la convention d'ouverture de compte énonce que « la société de bourse se réserve le droit de liquider d'office les positions du client et de vendre les instruments financiers remis en couverture au terme de trois jours francs après un appel de marge par lettre recommandée avec avis de réception non suivi d'exécution intégrale par le titulaire », cette faculté reconnue à l'intermédiaire de bourse pour lui permettre de se protéger le cas échéant de l'insolvabilité du donneur d'ordre ne saurait s'interpréter comme une stipulation impérative dont l'inexécution par le prestataire constituerait un manquement à ses engagements écrits ;

Attendu en second lieu que [K] [S], informé en permanence de la situation de son compte et de la répartition de son portefeuille par le truchement du serveur "BOURSE DUBUS on line" auquel il lui était loisible de se connecter à tout instant, et destinataire de courriers épistolaires par lesquels l'intermédiaire de bourse, dès le 15 novembre 2000, a insisté auprès de lui pour qu'il remédie au débit de son compte, avait lui-même le pouvoir, dès lors que le solde négatif de son compte révélait des pertes, de liquider de son propre chef ses positions, sans que cette décision l'expose à une mise de fonds dont il n'aurait pas eu la disponibilité ; que c'est donc délibérément que [K] [S], après avoir passé néanmoins ses derniers ordres en juillet 2004, a choisi, en opposant aux exhortations de la société de bourse le versement d'acomptes effectué par son mandataire, de reporter la liquidation de ses engagements dans l'attente d'une conjoncture boursière plus favorable à leur dénouement ;

Attendu, toutefois, que la Société DUBUS, en s'abstenant de liquider les positions de son client comme les règles du marché le lui commandaient au cas où l'intéressé omettrait de régulariser sa situation, a elle-même commis une faute dont elle doit répondre dans la mesure de l'aggravation du solde débiteur qui en est résulté ; qu'à cet égard l'article L.533-4 du code monétaire et financier dans sa rédaction applicable lui faisait obligation de respecter les règles de bonne conduite destinées à garantir la protection des investisseurs en même temps que l'intégrité du marché ;

Attendu que, contrairement à ce que soutient [K] [S], le manquement de la Société DUBUS à l'obligation de liquider les positions de son client, si cette inaction a provoqué de mois en mois le report des engagements insuffisamment couverts, ne saurait néanmoins s'analyser comme un fait d'immixtion abusive de la société de bourse dans la gestion du portefeuille intéressé ;

Attendu qu'il suit de ce qui précède que la responsabilité du débit du compte doit, à proportion de la faute imputable à la Société DUBUS, peser sur celle-ci pour moitié, soit à sa charge la somme de 15.254,26 € ;

Attendu que le défaut d'une information appropriée dispensée par la Société DUBUS à son client lors de l'ouverture du compte s'est traduite, pour [K] [S], par la perte d'une chance d'échapper par une décision peut être plus judicieuse au risque qui s'est finalement réalisé ; que, le reliquat du débit supporté par l'intéressé ressortant après compensation avec les dommages intérêts dont la Société DUBUS lui est redevable à ce titre à la somme de 15.524,26 €, l'indemnité réparatrice de la chance perdue de choisir un placement financier plus prudent doit être évaluée au vu de l'ensemble des éléments de la cause à la somme de 776,21 € ;

Attendu que le dédommagement global dû par la Société DUBUS s'élève donc dans ces conditions à la somme de 16.300,47 € ;

Attendu que [K] [S] et la Société DUBUS obtenant chacun partiellement gain de cause, leurs demandes en dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi que leurs demandes formées par application de l'article 700 du code de procédure civile doivent être écartées ;

Attendu que le présent arrêt constitue le titre ouvrant droit à la restitution des frais non répétibles versés par [K] [S] en vertu du jugement de première instance, assorti de l'exécution provisoire, sans qu'il soit nécessaire de mentionner la restitution sollicitée au dispositif de cet

arrêt ;

Attendu que l'instance étant de l'intérêt des deux parties, chacune d'elles conservera la charge de ses propres dépens ;

PAR CES MOTIFS ;

Statuant publiquement et contradictoirement ;

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a pris acte du paiement de la somme de 13.000 € effectué en cours d'instance par [K] [S] entre les mains de la Société DUBUS, et rejeté la demande en restitution formée par [K] [S] ;

Réformant pour le surplus ;

Condamne la Société DUBUS à payer à [K] [S] une somme de 16.300,47 € de dommages-intérêts ;

Déboute la Société DUBUS et [K] [S], comme non fondés, de leurs demandes réciproques en dommages-intérêts pour procédure abusive et en paiement de frais non répétibles ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

A. DESBUISSONSP. CHARBONNIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 8 section 1
Numéro d'arrêt : 07/05614
Date de la décision : 17/06/2010

Références :

Cour d'appel de Douai 81, arrêt n°07/05614 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-06-17;07.05614 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award