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20/05/2010 | FRANCE | N°09/01003

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 20 mai 2010, 09/01003


COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 2



ARRÊT DU 20/05/2010



***



N° de MINUTE :

N° RG : 09/01003



Jugement (N° 07/1399)

rendu le 16 décembre 2008

par le Tribunal de Grande Instance

de BOULOGNE SUR MER



REF : VNDM/CP





APPELANTS



Monsieur [Y] [F]

né le [Date naissance 2] 1946 à [Localité 7]

demeurant [Adresse 5]

Madame [R] [B] épouse [F]

née le [Date naissance 4] 1947 à [Localité 6]

demeurant [Adre

sse 5]



Représenté par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour

Assisté de Me MONS substituant Me Sylvain GAGNEUX, avocat au barreau de LILLE



INTIMÉE



Madame [D] [M] [K]

née le [Date naissance ...

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 20/05/2010

***

N° de MINUTE :

N° RG : 09/01003

Jugement (N° 07/1399)

rendu le 16 décembre 2008

par le Tribunal de Grande Instance

de BOULOGNE SUR MER

REF : VNDM/CP

APPELANTS

Monsieur [Y] [F]

né le [Date naissance 2] 1946 à [Localité 7]

demeurant [Adresse 5]

Madame [R] [B] épouse [F]

née le [Date naissance 4] 1947 à [Localité 6]

demeurant [Adresse 5]

Représenté par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour

Assisté de Me MONS substituant Me Sylvain GAGNEUX, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE

Madame [D] [M] [K]

née le [Date naissance 3] 1956 à [Localité 9]

demeurant [Adresse 1]

Représentée par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour

Assistée de Me Hugues FEBVAY, avocat au barreau de HAZEBROUCK

DÉBATS à l'audience publique du 30 mars 2010 tenue par Véronique NEVE DE MEVERGNIES magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marguerite-Marie HAINAUT

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Nicole OLIVIER, Président de chambre

Dominique CAGNARD, Conseiller

Véronique NEVE DE MEVERGNIES, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 20 mai 2010 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Nicole OLIVIER, Président et Marguerite-Marie HAINAUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 18 mars 2010

***

Par acte du 12 octobre 1999, les époux [Y] [F] et [R] [B] ont cédé à Madame [D] [M] [K] un fonds de restaurant débit de boissons et tabacs et location de chambres et donné à bail commercial à cette dernière les locaux dans lesquels ce fonds était exploité, situés à [Localité 8] (Pas-de-Calais).

Sur demande de la locataire, par arrêt du 11 mars 2004, la Cour d'Appel de DOUAI a désigné un expert avec pour mission d'examiner les désordres allégués par la locataire au regard des obligations du bailleur d'une part de délivrer un immeuble conforme à la destination du commerce qui devait y être exploité, d'autre part d'assurer les réparations touchant au clos et au couvert.

Alors que les opérations d'expertise étaient en cours, Madame [D] [M] [K] a assigné les bailleurs pour leur voir ordonner d'exécuter les travaux nécessaires, et se voir autoriser à consigner les loyers dans l'attente. Le Tribunal a sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport.

L'expert a déposé son rapport le 2 juillet 2008.

Sur cette base le Tribunal de Grande Instance de BOULOGNE-SUR-MER a, par jugement du 16 décembre 2008 assorti de l'exécution provisoire et aujourd'hui déféré, notamment, prononcé la résiliation du bail aux torts des bailleurs pour défaut d'exécution des travaux leur incombant dès la conclusion du bail et défaut de délivrance de la chose louée, et condamné les époux [Y] [F] à payer en conséquence à Madame [D] [M] [K] la somme principale de 300 000 € à titre de dommages-intérêts correspondant à la valeur du fonds et aux pertes d'exploitation, outre intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2007 date de l'assignation. Il a encore condamné les époux [Y] [F] à payer à Madame [D] [M] [K] une indemnité de 15 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Par déclaration au Greffe en date du 10 février 2009, les époux [Y] [F] ont interjeté appel de cette décision. Dans leurs dernières conclusions déposées le 15 mars 2010, ils demandent l'infirmation du jugement et soulèvent, au principal, l'irrecevabilité des demandes de Madame [D] [M] [K] au moyen qu'elle ne peut plus se prévaloir du statut des baux commerciaux, ayant cessé toute activité et étant radiée du Registre du Commerce et des Sociétés depuis le 12 février 2009. Sur le moyen soulevé par Madame [D] [M] [K] quant à l'irrecevabilité de leur moyen et à la compétence du Conseiller de la Mise en Etat, ils font valoir que les textes invoqués ne concernent pas les fins de non-recevoir.

Sur le fond, ils concluent au rejet des prétentions adverses, en critiquant le rapport d'expertise, soutenant ou bien que les désordres résultent de défauts d'entretien de la locataire, ou bien qu'ils ont cessé, ou encore que Madame [D] [M] [K] s'est opposée à la réalisation des travaux nécessaires. Sur le défaut de conformité des locaux, ils relèvent que l'état de l'immeuble n'a pas empêché Madame [D] [M] [K] d'exploiter durant près de dix années, et qu'aucune administration n'a ordonné la fermeture des lieux. Ils ajoutent que le fonds a disparu et que, dès lors, le bail a cessé de plein droit. Subsidiairement, ils contestent la valeur du fonds invoqué pour estimer le préjudice.

Ils demandent reconventionnellement condamnation de Madame [D] [M] [K] à leur payer les sommes de :

* 1 795,52 € au titre des taxes d'ordures ménagères pour 2006, 2007 et 2008,

* 100 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

* 35 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Madame [D] [M] [K], dans ses dernières conclusions déposées le 27 janvier 2010, soulève l'irrecevabilité du moyen d'irrecevabilité invoqué par les époux [Y] [F] qui auraient dû, selon elle, en saisir le Conseiller de la Mise en Etat ; sur le fond de ce moyen, elle fait valoir qu'elle a restitué les lieux en exécution du jugement assorti de l'exécution provisoire ce qui ne peut lui avoir fait perdre son intérêt et sa qualité pour agir.

Sur l'appel, elle demande la confirmation du jugement déféré sur le principe, mais son infirmation sur l'indemnisation de son préjudice. Elle demande, de ce chef, condamnation solidaire des époux [F] à lui payer les sommes de :

* 460 152 € en réparation de ses pertes d'exploitation et de son trouble de jouissance,

* 233 000 € pour la perte du fonds de commerce,

* 35 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 mars 2010.

Par conclusions procédurales du 19 mars 2010, Madame [D] [M] [K] demande le rejet des conclusions communiquées par les époux [Y] [F] le 15 mars 2010, et des pièces communiquées par les mêmes personnes le 17 mars 2010 en application des dispositions des articles 15 et 16 du Code de Procédure Civile, au motif qu'il est matériellement impossible d'y répondre.

Les époux [Y] [F] ont conclu le 30 mars 2010 au rejet de cette demande en faisant valoir qu'il n'y a aucune violation du principe du contradictoire, que leurs conclusions ont été signifiées trois jours avant la clôture, que Madame [D] [M] [K] n'a pas usé de la faculté de demander la révocation de l'ordonnance de clôture, et que cette dernière avait, quant à elle, communiqué 800 pièces nouvelles le 12 février 2010.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande tendant à voir écarter des débats les dernières conclusions et pièces des époux [Y] [F]

Madame [D] [M] [K] fonde cette demande sur les dispositions des articles 15 et 16 du code de procédure civile. Ces articles édictent que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait et de droit qu'elles invoquent ainsi que les éléments de preuve qu'elles produisent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense, et que le juge doit, en toute circonstance, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction en ne retenant, dans sa décision, les moyens et documents invoqués produits que si les parties ont été à même d'en débattre contradictoirement.

Par ailleurs, en application des dispositions des articles 783 et 784 du Code de Procédure Civile, le prononcé de l'ordonnance de clôture met fin à l'échange, entre les parties, des pièces et conclusions à l'appui de leurs positions respectives, si ce n'est dans des circonstances particulières qui ne sont pas réunies ici ; mais les parties peuvent demander que cette ordonnance soit révoquée.

En l'espèce, lorsque les époux [Y] [F] ont communiqué leurs dernières conclusions le 15 mars et leurs dernières pièces le 17 mars 2010, l'affaire était fixée pour être plaidée à l'audience du 30 mars et l'ordonnance de clôture annoncée comme devant être rendue le 18 mars. À ce moment-là, Madame [D] [M] [K] avait le loisir de demander au Magistrat de la Mise en Etat que le prononcé de la clôture soit reporté de manière à lui permettre de répondre, le cas échéant, à ces dernières communications ; or elle n'a pas formulé une telle demande. En effet, seuls les époux [Y] [F] ont demandé ce report du prononcé de l'ordonnance de clôture, mais ils l'ont fait par lettre datée du 19 mars 2010 transmise par télécopie du même jour soit après le prononcé de cette ordonnance. Dans ses conclusions procédurales, Madame [D] [M] [K] ne précise pas pourquoi elle n'a pas formulé cette demande de report de l'ordonnance de clôture, ni davantage la raison pour laquelle elle est dans l'impossibilité, dans ces conditions de répondre aux dernières conclusions et pièces, se contentant sur ce point d'indiquer qu'il est matériellement impossible, pour son conseil, de recueillir en temps utile ses observations et instructions, alors qu'elle disposait d'une possibilité de se ménager davantage de temps à cette fin en demandant le report de la clôture, ou bien encore en demandant la révocation de cette ordonnance de clôture une fois cette dernière rendue, et qu'elle n'a exercé aucune de ces possibilités.

Dans ces conditions, il doit être considéré que Madame [D] [M] [K] ne démontre pas que le comportement des autres parties ait été contraire à la loyauté des débats, ni qu'il a existé des circonstances particulières de nature à empêcher le respect de la contradiction en l'espèce, la simple communication de conclusions et de pièces à une date proche du prononcé de l'ordonnance de clôture n'étant pas suffisante à cette fin.

Sur la demande principale

# sur le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande de Madame [D] [M] [K]

* sur la recevabilité de ce moyen

Madame [D] [M] [K] invoque les dispositions de l'article 910 du code de procédure civile qui renvoie à l'article 771 du même code. En application de ce texte, le Conseiller de la mise en état est seul compétent pour statuer sur les exceptions de procédure et sur les incidents mettant fin à l'instance. Or, le moyen, invoqué par les époux [Y] [F] et tenant à l'impossibilité pour Madame [D] [M] [K] de se prévaloir du statut des baux commerciaux, ne constitue pas une exception de procédure dont traite le Chapitre II du Titre Cinquième du Code de Procédure Civile ; en effet, l'article 73 du Code de Procédure Civile édicte que 'constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours'. Tel n'est pas le cas du moyen invoqué en l'espèce, qui ne concerne pas la régularité de la procédure on encore son extinction ou sa suspension, mais touche au droit applicable entre les parties.

Par ailleurs, l'article 771 auquel renvoie l'article 910 vise aussi 'les incidents mettant fin à l'instance' qui sont traités par le chapitre IV du titre déjà cité, et limitativement énumérés par les articles 384 et 385 du Code de Procédure Civile lesquels ne comportent pas mention du moyen soulevé en l'espèce.

Enfin, si le Magistrat de la Mise en Etat est compétent pour statuer sur la recevabilité de l'appel, c'est en vertu du pouvoir que lui confère spécialement, à cet égard, l'article 911 du Code de Procédure Civile.

Il en résulte qu'en l'espèce, le moyen soulevé par les époux [Y] [F] ne relevait pas de la compétence du Conseiller de la Mise en Etat ; l'irrecevabilité de ce moyen doit donc être écartée.

* sur le bien-fondé de ce moyen

La recevabilité d'une demande est régie par les articles 122 et suivants du Code de Procédure Civile. Ce texte édicte que la fin de non-recevoir est constituée par tout moyen tendant à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, et il contient une énumération des cas possibles, mais cette énumération n'est pas limitative.

En l'espèce, les époux [Y] [F] soutiennent à cet égard qu'à défaut d'immatriculation actuelle au Registre du Commerce et des Sociétés, Madame [D] [M] [K] n'est pas fondée à se prévaloir du statut des baux commerciaux en application des dispositions de l'article L. 145-1 du Code de Commerce. Or, en cela, ils contestent à Madame [D] [M] [K] le bénéfice de dispositions légales protectrices du commerçant locataire, mais, pour autant, n'élèvent aucun moyen qui priverait cette dernière de toute possibilité d'action ; leur moyen tend ainsi à voir, en fonction du texte sur lequel Madame [D] [M] [K] fonde ses demandes, vérifier si ce texte est bien applicable aux relations entre les parties à la présente instance et, dans le cas contraire, voir rejeter les demandes ainsi fondées ; il touche donc au fond du droit, et non pas à la recevabilité, et c'est donc à ce titre qu'il conviendra de l'examiner.

Le moyen ainsi soulevé ne peut, en conséquence, qu'être écarté.

# sur le fond

* sur le fondement de la demande

Madame [D] [M] [K] fonde tout d'abord sa demande sur les obligations légales du vendeur, en ce que les époux [Y] [F] lui ont, en octobre 1999, cédé le fonds de commerce exploité dans les locaux dont ils sont propriétaires à [Localité 8]. En cela, elle reproche aux vendeurs un défaut d'information sans lequel elle n'aurait pas conclu en l'état la cession du fonds de commerce et le bail des murs, et se plaint à cet égard d'un dol ou en tout cas d'une réticence dolosive. Or le dol ne peut être invoqué, en application des dispositions des articles 1116 et suivants du Code Civil, qu'à l'appui d'une action en nullité d'une convention ou, le cas échéant, en rescision tels que les régissent les articles 1304 à 1314 du même code ; or l'action engagée par Madame [D] [M] [K] ne tend ni à la nullité, ni à la rescision mais à la résiliation du bail et à l'indemnisation de son préjudice. Les moyens relatifs aux obligations du vendeur, ainsi qu'elle les invoque, ne sont donc pas de nature à servir de fondement à sa demande.

Elle invoque ensuite les obligations du bailleur prévues par les articles 1719 et 1720 du Code Civil. En cela, elle ne se prévaut pas des dispositions protectrices du statut spécial des baux commerciaux contenues dans les articles L. 145-1 et suivants du Code de Commerce, mais du droit commun du bail ; dès lors, son absence actuelle d'inscription au Registre du Commerce et des Sociétés, invoquée par les époux [Y] [F], est sans incidence sur ce point.

En application de ces deux articles et par le simple effet de la loi, le bailleur a l'obligation de délivrer la chose louée au preneur dans un état conforme à l'usage auquel elle est destinée, en bon état de réparations de toute espèce, de l'entretenir en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée et d'y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autre que celles revenant au locataire.

Les époux [Y] [F] invoquent, à cet égard, les clauses du bail en soutenant qu'ils n'ont pas manqué à leur obligation de délivrance dès lors que Madame [D] [M] [K] a, dans ce bail page 3 au paragraphe 'CHARGES ET CONDITIONS', déclaré prendre 'les lieux loués dans leur état actuel sans pouvoir exiger aucune réparation'. Aucune autre clause du bail, contrairement à ce que soutiennent les époux [Y] [F], ne fait supporter au locataire d'autres réparations que celles lui revenant de droit, à l'exception de celle figurant en premier alinéa de la page 4 du bail qui prévoit, à la charge du locataire 'l'entretien complet de la devanture et des fermetures des locaux d'exploitation (y compris) toutes les réparations, grosses et menues et même les réfections et remplacements.' Mais la même clause précise immédiatement après que ces fermetures s'entendent des 'devantures, vitrines, glaces et vitres, volets ou rideaux de fermeture des locaux d'exploitation'. Il s'agit donc là d'une extension de charge limitée, l'article précédent, au bas de la page 3 du bail prévoyant quant à lui que 'le preneur entretiendra les lieux loués en bon état de réparations locatives ou de menu entretien.'

Enfin, toute clause dérogeant aux obligations légales du bailleur telles qu'elles viennent d'être rappelées doit être interprétée de façon restrictive ; ainsi en l'espèce, la clause par laquelle les parties ont convenu que 'le preneur prendra les lieux loués dans leur état actuel sans pouvoir exiger aucune réparation' ne peut concerner que l'état dont le locataire a pu alors se convaincre, ce dernier n'ayant pu déclarer accepter des défauts alors non apparents ou bien apparus postérieurement même s'ils sont résultés d'une vétusté qui préexistait à la conclusion du bail ; sur ce point, il n'est pas expressément convenu que le locataire devra supporter les conséquences de la vétusté ; la clause invoquée n'exonère pas davantage le bailleur de son obligation de délivrer la chose dans un état conforme à l'usage auquel elle est destinée, et de l'entretenir en ce sens en supportant, notamment, les réparations nécessaires pour assurer le clos et le couvert.

Madame [D] [M] [K] se plaint de divers désordres qu'elle dit avoir été mis en évidence notamment par l'expert judiciaire, et c'est ce qu'il convient d'examiner maintenant.

* sur la preuve des manquements du bailleur à ses obligations

Les époux [Y] [F] ne contestent pas, sur le principe, la véracité et la fiabilité des constatations contenues dans le rapport de l'expert Monsieur [T]. Ce dernier a déposé son rapport le 2 juillet 2008. Il décrit et analyse les désordres allégués en pages 41 à 51 de ce rapport.

I - désordres affectant la couverture

I-1 corps principal du bâtiment

L'expert a relevé des désordres dans la chambre n° 7 (traces d'infiltration d'eau au plafond de la salle de bains) ainsi qu'au plafond du couloir et du sas d'accès aux WC communs (fuites en toiture et infiltrations d'eau par le réseau VMC).

Il situe leur origine dans des vices préexistant au bail (défaut d'étanchéité, rives faîtières posées en sens contraire par rapport à la norme) ou accidentels (plaque fibro ciment cassée) mais aussi dans une vétusté de l'ensemble de la toiture en fibro ciment pour les infiltrations en toiture. Pour les venues d'eau par VMC, contrairement à ce que soutiennent les époux [Y] [F], l'expert n'a pas 'été incapable de déterminer d'où elles provenaient', puisqu'il énumère les causes cumulatives de ces désordres en point B.2 page 50, lesquelles sont un défaut de branchement et d'installation laissant apparaître de nombreux points de condensation et un défaut d'étanchéité de la gaine d'extraction ; quant au défaut d'utilisation (ventilation arrêtée par erreur en confondant l'interrupteur avec celui du système d'éclairage), il relève d'une simple supposition et n'a en rien été confirmé dans les faits.

L'expert a préconisé, pour remédier aux désordres, une réfection totale de la toiture en fibro ciment ou tout au moins une mise en conformité avec révision très sérieuse et remplacement des plaques détériorées, ainsi que la réfection de l'étanchéité.

Les époux [Y] [F] soutiennent avoir fait réaliser les travaux nécessaires dès que le rapport d'expertise a été déposé et avant que le Tribunal de Grande Instance ne statue, et ce par une entreprise DEBLOCK. Or, les pièces présentées comme 'Factures de l'entreprise DEBLOCK' qu'ils versent aux débats (ses pièces 19 et 21) pour l'une concerne des travaux sur une chaudière, pour l'autre est en réalité un devis en date du 28 février 2008 lequel, même s'il comporte une signature et mentionne le paiement de deux acomptes, ne constitue pas la preuve de la réalisation effective et intégrale des travaux mentionnés

I-2 extension latérale, cuisine de la salle de réception

L'expert a constaté des traces d'infiltration d'eau et la présence de moisissure au plafond de cette cuisine en de nombreux points. Les causes en sont pour lui la vétusté de la couverture, des défauts multiples (pente de toit insuffisante, absence ou insuffisance d'étanchéité aux points de fixation, en rives latérales et au faîtage) ainsi que la présence de mousse sur les plaques et localement entre plaques.

Il préconise pour y remédier, outre la reprise des embellissements détériorés, un remplacement complet de la couverture.

Les époux [Y] [F] soutiennent que ces désordres sont imputables à la locataire pour défaut d'entretien des plaques de couverture s'agissant de la présence de mousse. Or lorsque l'on examine les photographies jointes par l'expert à son rapport (annexe n° 1 notamment les pages 3, 6 et 8), il apparaît de façon évidente que l'ensemble de la couverture présente un état de vétusté très avancé entraînant une dégradation du matériau même constituant les plaques et que la présence de mousse, dans ces conditions, ne revêt qu'un caractère accessoire ; ainsi, l'enlèvement de la mousse, qu'il est reproché à la locataire de n'avoir pas réalisé, ne pouvait en toute hypothèse avoir qu'un effet très relatif eu égard à l'altération de la matière des éléments de la couverture.

I-3 couverture de la véranda

Il s'agit d'une partie affectée à l'exploitation, la véranda couvrant, en partie, la cuisine. L'expert a constaté des traces d'écoulement d'eau au droit d'une conduite de descente d'eau pluviale ainsi que le long de la structure alu de la couverture, et la présence de mousse dans l'épaisseur de la plaque polycarbonate située au droit de la pénétration de la conduite. Il en impute l'origine à une étanchéité non conforme (notamment absence de relevé des solins et défauts des raccords de chéneau) avec un risque d'infiltration à l'intérieur de la véranda et inondation possible en cas d'orage.

Sur ces points, la présence de mousse dans l'épaisseur de la plaque ne peut être imputée à la locataire, cette anomalie ne révélant pas un manque d'entretien mais l'existence d'un défaut d'étanchéité caractérisé par l'expert et qui a permis la survenue de mousse en un tel endroit. Par ailleurs, les époux [Y] [F] ne contestent pas formellement l'existence des défauts et les désordres qu'ils entraînent, leur allusion à l'absence de constatation de dégâts lors de constats effectués en 2009 étant inopérante puisque l'expert lui-même a bien constaté des venues d'eau, et que celles-ci ont en outre été constatées par un huissier le 16 juillet 2003 (pièce n° 33 de l'annexe 3 du rapport d'expertise, page 5).

Les époux [Y] [F] se retranchent en outre derrière la garantie décennale due par le vendeur et installateur de la véranda la société ZALUCCO ; mais cette garantie ne les exonère pas de leur propre obligation à l'égard de la locataire ; enfin, Madame [D] [M] [K] dénie avoir été informée de la venue de cette société sur les lieux et a fortiori avoir refusé cette intervention en septembre 2006 et les époux [Y] [F] n'en rapportent pas la preuve contraire.

I-4 couverture dépendance-chaufferie

Là encore, l'expert a constaté des traces nombreuses d'écoulement d'eau au plafond de la chaufferie qu'il impute encore à des défauts d'étanchéité d'une part et à une vétusté de la couverture et une absence d'entretien correct de cette dernière (réparations sommaires). Contrairement à ce que soutiennent les époux [Y] [F], les causes des désordres sont bien, en cela, précisées par l'homme de l'art. En outre, le terme d'«absence d'entretien correct» est par eux sorti de son contexte pour laisser entendre que cela relèverait du locataire alors qu'il s'agit en fait (ainsi que l'expert le précise immédiatement page 45 et qu'il est visible sur les photographies de la page 14 du rapport) de réparations de fortune pour couvrir des ouvertures dans les plaques, ce qui relève non pas de l'entretien mais de la réparation et du remplacement de plaques de couvertures et donc de l'obligation du bailleur d'assurer le clos et le couvert.

L'ensemble de ces désordres affectant la couverture des bâtiments donc le couvert de la chose louée et la vétusté y ayant par ailleurs concouru, il revient en conséquence au bailleur d'en assurer la réparation au regard de ses obligations rappelées au paragraphe précédent.

Par ailleurs, compte-tenu du siège et de la nature des défauts (plaques cassées et réparées sommairement, défauts d'étanchéité, rives faîtières posées en sens contraire de la norme, pente insuffisante, vétusté générale etc...), il n'est pas démontré que toutes ces causes ait préexisté à la conclusion du bail, et qu'en outre elles aient été visibles à un non professionnel au cours d'un état des lieux normalement diligent ; dès lors la clause du bail par laquelle la locataire prend les lieux en l'état n'est pas de nature, sur ce point, à exonérer le bailleur de ses obligations.

II- venues d'eau par la façade rue de la cuisine et salle de réception

L'expert a constaté un décollement important des faïences situées sur le mur intérieur, avec une très forte humidité dans la paroi (page 46 de son rapport avec photographies pages 18 et 19). Il en impute l'origine à des remontées capillaires présumées provenant de murs enterrés et des infiltrations par des fissures existantes mal réparées à travers l'enduit et des fissures de dilatation au parapet supérieur.

Certes il ajoute, comme cause cumulative, des infiltrations par les châssis bois pourris au niveau de la pièce d'appui et par l'absence locale de mastic. Effectivement, ce dernier point apparaît relever de l'obligation prévue au bail, à la charge de la locataire, d'assurer l'entretien des fermetures des locaux d'exploitation. Cependant, il ne s'agit pas de la cause exclusive des venues d'eau dans cette partie des locaux puisque l'expert en a caractérisé d'autres notamment des remontées capillaires ce que confirment les photographies en page 19 du rapport d'expertise, les décollements de carreaux juste au-dessus d'une plinthe donc en bas de murs ne peuvent avoir été causés par des infiltrations par une fenêtre. Dès lors le défaut d'entretien de la dite fenêtre n'exonère pas le bailleur de l'exécution de sa propre obligation d'assurer le clos du bien loué, donc la protection contre les venues d'eau extérieures. Par ailleurs, l'hypothèse d'une mauvaise ventilation ou un chauffage inadapté de cette pièce relève d'une simple affirmation des bailleurs, laquelle n'est étayée d'aucun élément probant.

Pour les mêmes motifs que ceux exposés s'agissant des désordres de couverture, les venues d'eau ainsi causées sont imputables aux bailleurs lesquels ont l'obligation générale d'assurer le clos (protection contre les venues d'eau et d'air extérieures) aussi bien que le couvert. De même aussi, il ne saurait être soutenu que les défauts qui y ont concouru aient été acceptés comme tels par Madame [D] [M] [K] au moment de la conclusion du bail, parce qu'il n'est pas établi qu'ils auraient été visibles lors d'un état des lieux effectué par un locataire normalement diligent.

III réseau assainissement EU/EV

L'expert a constaté des traces d'écoulement d'eau dans le café et dans les salles de bain des chambres du premier niveau (notamment la chambre 4) situées à l'aplomb du café. Il en impute l'origine notamment à une non-conformité du réseau d'évacuation des WC par sanibroyeur, avec canalisations raccordées sur un réseau ascendant aérien, alors que la réglementation prévoit que de telles installations doivent se raccorder directement sur une canalisation EV de diamètre suffisant et que le conduit d'évacuation ne doit comporter aucune partie ascendante. Contrairement à ce que soutiennent les époux [Y] [F] dans leurs conclusions, le rapport d'expertise n'est pas imprécis sur ce point, et ne repose pas sur des suppositions mais sur un constat effectif de l'expert (cf photographies page 22 de l'annexe 1 du rapport).

L'expert préconise, pour supprimer les désordres, le remplacement intégral du réseau d'assainissement passant par les combles pour une mise en conformité de l'ensemble dont il chiffre le coût à 17 000 €. Il précise encore qu'il s'agit d'éléments indissociables du bâtiment. Compte-tenu de l'importance des réparations à effectuer et du siège de l'installation passant à l'intérieur des combles, ce dysfonctionnement nécessitant une telle intervention ne peut relever des menues réparations d'entretien courant qui reviennent normalement au locataire, le bail ne contenant pas de clause dérogatoire sur ce point.

IV réseau VMC

L'expert a constaté les désordres invoqués, consistant en des traces d'humidité et d'infiltration d'eau dans plusieurs chambres et parties communes, notamment au pourtour de bouches d'aération, avec dans certains cas une aggravation dans le temps entraînant un percement du plafond. Il en décrit précisément l'origine dans le défaut d'installation et de branchement des gaines de VMC créant des poches d'eau au niveau des creux et s'écoulant par les bouches lors de la mise en charge par accumulation d'eau, ainsi qu'un défaut d'étanchéité de la gaine d'extraction en sortie de toitures. Il ajoute un possible défaut de ventilation arrêtée involontairement par les utilisateurs des chambres parce que les interrupteurs peuvent être confondus avec ceux du système d'éclairage.

Le remède consiste dans une mise en conformité de l'ensemble du réseau VMC y compris étanchéité en sortie de toiture. Il ajoute que ce réseau avait été réalisé par Monsieur [F] lui-même, sans conformité aux règles de l'art. Il s'agit donc d'un élément d'équipement préexistant affecté de défauts générant des pénétrations d'eau dans les pièces ouvertes au public, et dont la reprise présente une importance telle qu'il ne peut s'agir de menues réparations incombant au locataire. Là encore, la clause du bail par laquelle le locataire prend les locaux en l'état ne peut exonérer les bailleurs de leur obligation en ce sens, aucune preuve de ce que de tels défauts étaient apparents à un non professionnel lors de l'état des lieux n'étant rapportée. Quant à un éventuel défaut d'utilisation, il n'est qu'hypothétique et n'est, en toute hypothèse, pas imputable au locataire qui n'est en rien responsable du mauvais positionnement des interrupteurs de cette installation.

V défauts de conformité aux normes de sécurité

L'expert judiciaire a encore noté que la Commission de Sécurité avait effectué au minimum cinq visites des lieux loués entre le 9 octobre 1998 et le 16 novembre 2007, à la suite desquelles elle a, à chaque fois, émis un avis défavorable à la poursuite de l'exploitation dans les lieux. Il a détaillé et analysé les prescriptions de travaux effectuées par cette Commission à chaque reprise, ce sur 11 pages successives de son rapport ; puis il a précisé comment les époux [Y] [F] avaient été informés de ces diverses prescriptions, et détaillé les travaux entrepris par les bailleurs relativement à ces préconisations de sécurité, en page 64 de son rapport. Il en conclut que 'hormis éventuellement un dépôt de permis de construire pour la véranda et les cuisines, (...) aucune prestation ne répondant aux prescriptions édictées par la Commission de Sécurité n'a été suivie par Monsieur [F] durant la période du 30 octobre 1998 au 12 octobre 1999.' Puis, en pages 68 et 69, il détaille les divers travaux nécessaires pour se conformer à ces prescriptions, qui touchent à la structure et aux mesures coupe-feu (en 9 points), à l'installation électrique, à celle de gaz et d'alarme incendie, ce pour un total de 66 400 € environ, dont 14 000 € pour le remplacement de l'installation électrique et 14 000 autres pour l'installation complète d'une alarme-incendie.

Il en résulte qu'en l'absence de réalisation de ces travaux, l'immeuble ne présente pas les caractéristiques suffisantes pour être exploité sans danger dès lors que cette exploitation suppose un accès du public, ce au regard des règles de sécurité sous-tendant les autorisations administratives nécessaires. Ainsi, si toute activité n'a pas, dans les faits, cessé d'être exercée dans les lieux loués et que ces derniers n'ont effectivement pas été fermés administrativement pendant la durée du bail, en revanche, d'une part les locaux n'étaient pas dans un état permettant leur exploitation normale dans un cadre légal, d'autre part le reproche de Madame [D] [M] [K] reposant sur l'obligation de cesser, à certaines périodes, certaines parties de l'activité commerciale (notamment celle de location de salle de réunion ou de séminaire) pour des raisons de salubrité ou de sécurité ne peut qu'être prise en considération dans de telles conditions. Sur ce point, ce n'est pas sérieusement que les bailleurs peuvent laisser entendre que les avis non conformes de la Commission de sécurité reposeraient sur des critères liés à leur demande de classement de l'établissement en catégorie 'deux étoiles'; en effet, ce classement repose sur des prestations de confort plus ou moins étendu et ne pouvant avoir pour base des règles relatives à la sécurité des personnes telles que leur irrespect a été mise en exergue par l'expert.

Cet irrespect constitue, là encore, un manquement des bailleurs à leur obligation de délivrance et de maintien de locaux en état de servir à l'usage auquel ils sont destinés. Ces derniers ne sauraient se retrancher derrière la remarque de l'expert selon laquelle il émet une réserve en l'absence de communication de l'avis définitif de la Commission de sécurité. En effet, l'expert précise à cet égard que seul cet avis est de nature à faire 'connaître définitivement (au maître d'ouvrage) la liste exhaustive des prestations à réaliser, ce à partir d'un procès-verbal engageant la Commission de sécurité sur cette déclaration (des travaux envisagés)'. En effet, l'absence d'aval définitif de cette Commission sur une liste exhaustive des travaux à réaliser ne remet pas en question ni le principe, l'étendue et l'importance des non-conformités détaillées par cette Commission et dont l'existence est confirmée par l'expert, ni le principe de l'obligation du bailleur d'y remédier dans ses rapports avec le locataire.

Ils ne sauraient davantage se retrancher derrière la clause du bail qui stipule que 'le preneur prendra les lieux loués dans leur état actuel sans pouvoir exiger aucune réparation' dès lors que, ainsi qu'il a déjà été développé plus haut, cette clause ne peut concerner que les éléments de l'état de locaux dont le locataire a pu se convaincre lui-même, sans cela il ne peut être considéré avoir renoncé à un droit relatif à des éléments qu'il ignorait ; or, les avis négatifs de la Commission de sécurité repris par l'expert ont tous été rendus après la cession du fonds de commerce et la conclusion du bail, sauf le premier en date du 30 octobre 1998 c'est-à-dire un an avant la conclusion du bail, mais rien n'établit, et les époux [Y] [F] ne le soutiennent même pas, que cet avis défavorable avait été effectivement porté à la connaissance de Madame [D] [M] [K] avant la conclusion du bail. Il ne saurait, dans ces conditions, être considéré que la non-conformité des lieux aux normes de sécurité aurait été acceptée par la locataire, ni donc qu'aurait été prévue à sa charge la réalisation des travaux nécessaires pour y mettre fin.

* sur la résiliation du bail

L'étendue des désordres en toiture, la nature et les conséquences des désordres de réseaux d'eaux usées, la généralisation des infiltrations, venues d'eau, présence d'humidité importante entraînant des décollements de revêtements, enfin l'absence de conformité aux normes de sécurité pour les établissements recevant du public entraînent, par leur nature et leur accumulation, une impropriété des locaux à l'usage de restaurant, location de chambres et de salle de réception auquel ils sont destinés, ce manquement étant imputable aux seuls bailleurs. Ce manquement est suffisamment grave, compte-tenu là encore de la nature, du siège et de l'accumulation des désordres et non-conformités, pour justifier le prononcé de la résiliation du bail en application des dispositions combinées des articles 1741 et 1184 et suivants du Code Civil.

Sur ce point, Madame [D] [M] [K] établit avoir, à plusieurs reprises, mis les bailleurs en demeure de remplir leurs obligations, notamment par une assignation en référé du 23 mai 2007 demandant qu'il soit ordonné au bailleur de faire effectuer l'ensemble des travaux préconisés par l'expert [T] relativement au clos et au couvert et à la mise en conformité avec les règles de sécurité, ainsi que par des lettres recommandées en avril 2008, puis en août 2008, et les bailleurs n'établissent pas avoir fait effectuer l'ensemble des travaux nécessaires tels que préconisés par l'homme de l'art.

A cet égard, c'est à tort que les bailleurs invoquent la disparition du fonds par l'initiative de Madame [D] [M] [K] de cesser toute activité et de procéder à sa radiation du Registre du Commerce et des Sociétés, et soutiennent que, dès lors, le bail s'est trouvé résilié de plein droit du fait de la locataire. En effet, il est constant que Madame [D] [M] [K] a, malgré les difficultés engendrées par l'état des locaux dont il vient d'être question, maintenu une activité, même réduite jusqu'au jugement frappé d'appel et qu'elle n'a cessé totalement son activité qu'en exécution de ce même jugement prononçant la résiliation du bail et assorti de l'exécution provisoire ; cette exécution ne peut, par conséquent, lui être reprochée, ce quand bien même le jugement n'était pas définitif puisque frappé d'appel, dès lors qu'il était néanmoins exécutoire à titre provisionnel. Au surplus, il ne saurait lui être reproché de n'avoir pas maintenu une activité pendant la durée de l'instance d'appel alors que l'exercice de celle-ci était, précisément, rendue très difficile si ce n'est impossible en certains de ses volets par les manquements des bailleurs relatifs à l'état des lieux. Enfin, sa radiation du Registre du Commerce et des Sociétés certes l'empêche d'invoquer sa qualité de commerçant en application des dispositions de l'article L. 123-8 du Code de Commerce, mais ce n'est pas cette qualité dont elle se prévaut dans la présente instance mais celle de locataire dans ses rapports avec son bailleur en vertu d'un bail toujours en vigueur jusqu'à ce que le Tribunal en prononce la résiliation.

C'est encore à tort que les bailleurs invoquent des défauts d'entretien imputables à la locataire ; en effet, si l'expert en a mis certains en évidence, il en souligne néanmoins le côté mineur, la vétusté de l'existant ayant une incidence prédominante, par exemple pour les matériaux de couverture en ce qu'il entraîne un délitage de la matière même, rendant ainsi le nettoyage aléatoire voire inutile. En outre, Madame [D] [M] [K] a versé aux débats nombre de factures qui établissent qu'elle a, néanmoins, fait réaliser de nombreuses interventions d'entretien et de menues réparations dans les lieux loués.

C'est enfin toujours à tort que les bailleurs prétendent que la locataire aurait commis des dégradations volontaires des lieux avant leur restitution (ventilateur sur le sol de la salle de réception), cette dernière le contestant formellement en faisant valoir que cet élément s'est effondré de lui-même à cause de l'humidité ce qui est plausible compte-tenu de l'état des lieux constaté par l'expert, étant précisé que les bailleurs, à qui la charge de cette preuve incombe, ne rapportent pas la preuve de la commission volontaire de dégradations dont ont voit mal, par ailleurs, le profit qu'en aurait retiré la locataire.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a prononcé, aux torts des bailleurs, la résiliation du bail liant les parties.

Cependant, en application des articles 1741 et 1184 et suivants du Code Civil, la résiliation du bail, qui est un contrat à exécution successive, ne peut prendre effet qu'à compter de la décision qui la prononce. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a fait rétroagir cette résiliation à la date de conclusion du bail.

* sur la réparation du préjudice

Les manquements du bailleur à ses obligations entraînant la fin du bail, il en résulte une perte consécutive du fonds de commerce au préjudice de Madame [D] [M] [K], le droit d'exploiter les locaux en cause étant un élément fondamental de ce fonds de commerce de café, tabac, restaurant et hôtel ce qui exclut toute réinstallation possible ailleurs. Madame [D] [M] [K] est donc fondée à demander, à titre de dommages-intérêts, une somme équivalente à la valeur du fonds de commerce perdu. Celui-ci peut être déterminé en référence aux critères habituels d'estimation des fonds de commerce de bar, restaurant, hôtel et débits de tabac soit 80 % du chiffre d'affaires moyen des trois dernières années pour la partie café, restaurant et hôtel outre 3 à 5 fois le montant des remises annuelles pour la partie tabac. S'agissant du chiffre d'affaires, il doit être réévalué à celui auquel Madame [D] [M] [K] aurait pu prétendre si l'état des lieux avait permis une utilisation normale du fonds, sur la base du chiffre d'affaires de l'année 2000 censé refléter, pour Madame [D] [M] [K], la situation la meilleure pour le chiffre d'affaires avant que les activités autres que bar et tabacs diminuent régulièrement. Cette valeur s'établit donc à 130 040 € pour la partie 'bar, brasserie, restaurant hôtel', les chiffres d'affaires théoriques avancés par Madame [D] [M] [K] n'étant pas explicités ni davantage justifiés. La partie 'tabac' peut, quant à elle, être estimée à 68 000 € (soit 5 fois le montant des commissions tabac de la meilleure année selon les éléments fournis par Madame [D] [M] [K] et justifiés par les pièces qu'elle produit.). Il en résulte que la valeur du fonds de commerce perdu peut être estimée à 198 040 €. Il y a lieu de modérer ce montant pour fixer l'indemnité revenant à Madame [D] [M] [K], en fonction de la valeur des matériels et mobiliers équipant le fonds qui ont pu être revendus par Madame [D] [M] [K], pour un montant qu'elle indique être de 4 956,52 €. Les époux [Y] [F] n'établissent pas que le prix de revente en ait été supérieur. Le préjudice résultant de la perte du fonds peut ainsi être chiffré à 193 500 € arrondis.

En outre, Madame [D] [M] [K] a droit à une indemnité réparatrice des pertes d'exploitation qu'elle a subies du fait de la réduction de l'activité corrélative à l'état des lieux. La réalité de cette réduction résulte des documents comptables produits, le lien entre l'état des lieux et cette réduction est établi par les attestations et documents commerciaux fournis (pièces n° 18, 20, 860, 861) qui établissent les annulations de réservations et la cessation de l'utilisation notamment de la salle de banquets, enfin par les conclusions de l'expert judiciaire qui, en page 74 de son rapport, détaille les obstacles matériels et administratifs à l'exploitation normale du fonds en concluant ainsi 'un abaissement sensible du chiffre d'affaires de l'Etablissement est indiscutable au vu de l'impossibilité d'exploitation normale, voire même d'exploitation totale, hormis le café.' Cependant, là encore, l'estimation de cette indemnité doit être modérée en tenant compte des éléments suivants :

- les fluctuations du chiffre d'affaires ont pu résulter d'autres facteurs non imputables aux époux [Y] [F] tels que, notamment, le départ de Monsieur [M] de l'exploitation du fonds entraînant une réduction de l'activité que Madame [D] [M] [K] ne pouvait assurer seule au même niveau que précédemment, l'embauche de salariés pour ce faire entraînant des charges nouvelles non imputables aux bailleurs,

- les charges n'ont pas été strictement fixes entre les différentes périodes, contrairement à ce que soutient Madame [D] [M] [K] ; ainsi l'arrêt de l'activité de location de salle et de restaurant qu'elle invoque a entraîné une diminution corrélative des charges de consommation d'énergie, de fournitures etc... qu'il faudrait réintégrer si l'on recrée un chiffre d'affaires perdu pour ces branches d'activités.

Dans ces conditions, au vu des chiffres d'affaires que Madame [D] [M] [K] fournit et établit par la production de ses documents comptables, la perte de revenu consécutive à l'état des lieux peut être estimée à la somme globale de 180 000 € pour la période située entre janvier 2003 (soit juste après la première mise en demeure adressée aux bailleurs constituée par l'assignation en référé de décembre 2002), et janvier 2009 date à laquelle les locaux ont été restitués en exécution du jugement.

Ainsi, l'indemnisation totale de Madame [D] [M] [K] peut être fixée à 193 500 € + 180 000 € soit une somme de 373 500 €. Le jugement déféré sera donc infirmé aussi en ce qui concerne le montant du préjudice. Les intérêts ne peuvent courir sur cette somme qu'à compter du présent arrêt en application des dispositions de l'article 1153-1 du Code Civil, Madame [D] [M] [K] ne demandant pas que le point de départ des intérêts soit fixé à une date antérieure.

Sur la demande reconventionnelle

Les époux [Y] [F] font valoir que Madame [D] [M] [K] reste devoir la somme de 1795,52 € au titre des taxes d'enlèvement d'ordures ménagères pour les années 2006, 2007 et 2008, et ils produisent aux débats les pièces justificatives de ces sommes. Madame [D] [M] [K] n'a pas contesté ce poste de demande dans ses conclusions, et elle ne produit aucune pièce tendant à prouver qu'elle a bien réglé cette somme. Il y a donc lieu de la condamner reconventionnellement au paiement de cette sorte de 1 795,52 €.

Sur les demandes accessoires

Les époux [Y] [F], qui succombent principalement en leur appel, devront supporter les dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du Code de Procédure Civile. Pour les mêmes motifs, il ne peut être fait application de l'article 700 du Code de Procédure Civile en leur faveur. A fortiori, leur demande à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive est-elle injustifiée et doit-elle être rejetée.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Madame [D] [M] [K] tout ou partie des frais exposés dans le cadre de la présente et non compris dans les dépens ; il y a donc lieu de lui allouer la somme de 8 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile en sus de celle allouée par le premier juge à ce titre, qu'il y a lieu de confirmer ; le montant de la somme allouée tient compte des frais accessoires non couverts tels que l'établissement de devis et l'intervention de contrôleurs techniques, ainsi que la complexité et la longueur de la procédure.

Les dépens comprennent de droit les frais d'expertise. Il y a lieu d'y ajouter les dépens de la procédure de référé provision, le coût des constats d'huissier réalisés à la demande de Madame [D] [M] [K] et nécessaires à l'établissement du bien-fondé de ses prétentions et à la mise en oeuvre de l'expertise, ainsi que celui de l'état des lieux de sortie et de la sommation du 29 janvier 2009. Il n'y a pas lieu, cependant, d'y ajouter les dépens de référé ayant conduit à la première procédure d'appel, lesquels ont été liquidés dans l'arrêt du 11 mars 2004 rendu dans le cadre de cette dernière.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

REJETTE la demande tendant à voir écarter des débats les conclusions signifiées le 15 mars 2010 et les pièces communiquées le 17 mars 2010 par les époux [Y] [F].

****************

DÉCLARE recevable mais rejette l'exception d'irrecevabilité de la demande soulevée par les époux [Y] [F].

****************

CONFIRME le jugement déféré d'une part en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail, condamné les époux [Y] [F] à payer des dommages-intérêts et ordonné l'exécution provisoire, d'autre part en ses dispositions relatives à l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens.

L'INFIRME pour le surplus notamment le montant des dommages-intérêts et, statuant à nouveau,

DIT que la résiliation ainsi prononcée prend effet à la date du jugement déféré.

CONDAMNE solidairement les époux [Y] [F] et [R] [B] épouse [F] à payer à Madame [D] [M] [K] la somme totale de 373 500 € en réparation de son préjudice, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

CONDAMNE solidairement les époux [Y] [F] et [R] [B] épouse [F] à payer à Madame [D] [M] [K] la somme de 8 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour la présente instance.

****************

CONDAMNE Madame [D] [M] [K] à payer aux époux [Y] [F] la somme de 1 795,52 € au titre des taxes d'enlèvement des ordures ménagères pour les années 2006, 2007 et 2008.

****************

REJETTE toutes les autres demandes.

CONDAMNE solidairement les époux [Y] [F] et [R] [B] épouse [F] aux dépens auxquels sont joints ceux de référé, les coûts des procès-verbaux de constats d'huissier dressés à la demande de Madame [D] [M] [K], le coût de l'état de sortie des lieux et celui de la sommation du 29 janvier 2009, avec droit de recouvrement direct, pour ceux d'appel, au profit de la SCP THERY-LAURENT, avoués associés, selon les dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

Marie Marguerite HAINAUTNicole OLIVIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 2
Numéro d'arrêt : 09/01003
Date de la décision : 20/05/2010

Références :

Cour d'appel de Douai 22, arrêt n°09/01003 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-05-20;09.01003 ?
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