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29/04/2010 | FRANCE | N°09/00661

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 1, 29 avril 2010, 09/00661


COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 1



ARRÊT DU 29/04/2010



***



N° de MINUTE :

N° RG : 09/00661



Jugement (N° 2007/02038)

rendu le 11 décembre 2008

par le Tribunal de Commerce

de ROUBAIX TOURCOING



REF : SVB/CP





APPELANTE



Société de droit mauricien TROPITEX LTD prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 2]

ILE MAURICE



Représentée par Me QUIGNON, avoué à la Cou

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Assistée de Me Patrice COTTIGNIES, avocat au barreau de LILLE



INTIMÉE



S.A.S. KIABI EUROPE prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 1]



Représentée par la SCP D...

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 29/04/2010

***

N° de MINUTE :

N° RG : 09/00661

Jugement (N° 2007/02038)

rendu le 11 décembre 2008

par le Tribunal de Commerce

de ROUBAIX TOURCOING

REF : SVB/CP

APPELANTE

Société de droit mauricien TROPITEX LTD prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 2]

ILE MAURICE

Représentée par Me QUIGNON, avoué à la Cour

Assistée de Me Patrice COTTIGNIES, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE

S.A.S. KIABI EUROPE prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 1]

Représentée par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour

Assistée de Me Yohann TOREAU du Cabinet BIGNON LEBRAY, Avocat au Barreau de PARIS

DÉBATS à l'audience publique du 03 mars 2010 tenue par Sophie VALAY-BRIERE magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Véronique DESMET

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Christine PARENTY, Président de chambre

Jean Michel DELENEUVILLE, Conseiller

Sophie VALAY-BRIERE, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 29 avril 2010 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine PARENTY, Président et Véronique DESMET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 7 janvier 2010

***

Vu le jugement contradictoire du 11 décembre 2008 du tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing qui a constaté la validité de l'assignation, débouté la société TROPITEX de l'ensemble de ses demandes et condamné cette dernière à payer à la société KIABI la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l'appel interjeté le 29 janvier 2009 par la société TROPITEX LTD ;

Vu les conclusions déposées le 29 mai 2009 pour cette dernière ;

Vu les conclusions déposées le 8 octobre 2009 pour la SAS KIABI ;

Vu l'ordonnance de clôture du 7 janvier 2010 ;

La société TROPITEX LTD a interjeté appel aux fins d'infirmation du jugement entrepris, constatation de la rupture de la convention du 4 avril 1992 aux torts et griefs exclusifs de la SAS KIABI EUROPE, condamnation de celle-ci au paiement d'une indemnité contractuelle de 41 312,93 € outre 330 503,48 € à titre de dommages et intérêts tant sur le fondement des dispositions des articles 1134 du code civil que L134-12 et L 442-6 5ème du code de commerce et 3 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle soutient qu'elle exerce l'activité d'agent commercial en matière textile sur le territoire mauricien ; qu'elle était liée à la société KIABI par un contrat du 4 avril 1992 faisant référence au décret du 23 décembre 1958 qui réglemente le mandat d'agent commercial ; que courant décembre 2005, la société KIABI l'a informée de la mise en place d'une nouvelle politique d'achat à compter du 1er janvier 2006 qui devait entraîner une baisse de la commission de la société TROPITEX ; que cette décision unilatérale de modification de l'économie du contrat ne pouvait avoir pour conséquence que la rupture du contrat initial ce dont elle a pris acte par courrier du 26 décembre 2005 ; qu'elle sollicite le paiement des indemnités compensatrices et pour non-respect du préavis prévues en la matière.

La SAS KIABI EUROPE sollicite la confirmation du jugement déféré et la condamnation de la société TROPITEX à lui payer 3 000 € pour la couverture de ses frais irrépétibles.

Elle fait valoir que la société TROPITEX n'est pas un agent commercial au sens des dispositions de l'article L134-1 du code de commerce et qu'elle ne peut donc pas bénéficier des dispositions de l'article L134-12 du code de commerce ; subsidiairement, que la société TROPITEX est à l'origine de la rupture des relations ; que par suite, elle ne peut pas prétendre au paiement d'une indemnité ou invoquer le non-respect du préavis ; infiniment subsidiairement, que sa responsabilité ne peut pas être engagée sur le fondement de l'article L 442-6-I-5° en l'absence de rupture brutale des relations commerciales établies dès lors que la preuve du préjudice allégué et du lien entre la faute et le préjudice n'est pas rapportée.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens et prétentions, selon ce qu'autorise l'article 455 du Code de procédure civile.

SUR CE 

1- Sur le statut d'agent commercial de la société TROPITEX LTD

Selon l'article 3 de ses statuts, la société TROPITEX LTD a pour objet, tant à l'Ile Maurice qu'à l'étranger :

* 'Agir en tant qu'Agent Textiles auprès de clients étrangers en assurant les services tels que :

* Agir comme Coordinateur de production indépendant pour des clients étrangers auprès des Industriels

* L'Ingénierie Textile

* Le Contrôle de qualité

* L'Achat et vente de produits Textiles (Trading).'

Le 4 avril 1992, la SA KIABI et la société TROPITEX LTD ont signé un contrat à durée indéterminée, soumis aux dispositions de la loi française et notamment au décret n°581345 du 23 décembre 1958, définissant la mission et la responsabilité de la société TROPITEX en sa qualité d'agent de KIABI et ce afin d'optimiser leurs relations commerciales. Aux termes de ce contrat, le rôle de la société TROPITEX était notamment d'informer KIABI de l'évolution du marché local, de lui proposer des fournisseurs fiables, d'informer les fournisseurs des conditions générales d'achat import de KIABI, d'assister les acheteurs dans leurs négociations, de passer commande au nom de KIABI à la demande expresse de celle-ci, de transmettre les éléments en provenance des fournisseurs à KIABI et vice versa, de suivre les commandes et de vérifier le respect des directives données par KIABI, moyennant le paiement d'une commission de 5% sur les 10 premiers millions de chiffre d'affaires annuel puis de 4% sur les chiffres d'affaires annuels supplémentaires.

La société TROPITEX LTD soutient qu'il s'agit d'un contrat d'agent commercial ce que conteste la société KIABI.

Les relations commerciales entre les parties se sont poursuivies jusqu'en décembre 2005.

Aux termes de l'article L134-1 du code de commerce, 'l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux.'

Le contrat litigieux a été soumis par les parties au décret n°581345 du 23 décembre 1958 relatif aux agents commerciaux.

Toutefois, l'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leurs conventions mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée (Com. 10 décembre 2003) et il incombe à celui qui en revendique le statut de le prouver.

Or la société TROPITEX ne produit aucun élément de nature à démontrer les modalités précises dans lesquelles elle a exercé ses fonctions et il ne ressort pas du contrat qu'elle avait le pouvoir de négocier voire de contracter au nom et pour le compte de la société KIABI puisqu'il est précisé notamment 'que l'agent sera habilité, sur demande expresse de KIABI, à passer commande au nom de KIABI en l'absence d'acheteur sur place ; de telles commandes seront ensuite confirmées par un bon de commande émis par KIABI'.

De même le projet d'un nouveau contrat intitulé 'contrat de nomination et autorisation de représentation' qui précise que la mission de TROPITEX consistera à assister les acheteurs de KIABI dans la négociation des contrats d'achat et que 'lorsque l'acheteur lui en fera la demande, le représentant placera des commandes ou achètera des marchandises pour le compte de KIABI auprès des fournisseurs, dans le strict respect des instructions et des termes requis par KIABI et au prix décidé par l'acheteur de KIABI' démontre que la société TROPITEX ne disposait d'aucune autonomie et d'aucune marge de négociation.

Par suite c'est par une exacte analyse des éléments de droit et de fait que les premiers juges en ont déduit que la société TROPITEX LTD ne pouvait prétendre bénéficier du statut d'agent commercial.

La société TROPITEX prétend subsidiairement que les relations entre les parties sont à tout le moins constitutives d'un mandat d'intérêt commun.

Le mandat d'intérêt commun existe lorsqu'il y a intérêt du mandant et du mandataire à l'essor de l'entreprise par création et développement de la clientèle ou d'un fonds de commerce commun aux deux sociétés ou à la réalisation et au développement d'une oeuvre commune.

Tel n'est pas le cas en l'espèce.

2- Sur les circonstances de la rupture

Le 23 juin 2005, la société KIABI adressait à la société TROPITEX un mail indiquant '...en revanche, cela doit nous aider à réfléchir aux moyens à mettre en oeuvre avec Tropitex pour rendre l'origine Ile Maurice plus compétitive (le taux de commission correspondant au service que Tropitex apporte à Kiabi peut être un de ces moyens). En effet, aujourd'hui Kiabi ne travaille plus qu'avec ce seul fournisseur (CMT) dont la fiabilité est très bonne et sur des produits bien identifiés. Je pense qu'il sera intéressant et nécessaire d'aborder le sujet lors de notre prochaine rencontre'.

Lors d'une réunion en date du 5 décembre 2005, la société KIABI faisait part à la société TROPITEX de sa volonté de modifier leurs relations pour tenir compte de l'évolution de l'activité achats de KIABI en produits 'Textile' en provenance de l'Ile Maurice et de la diminution des prestations réalisées par TROPITEX.

Par mail du lendemain, elle lui adressait une présentation sur l'évolution de sa politique d'achat sur l'Ile Maurice laquelle indiquait 'FLOREAL produira tout en Chine à partir de 2008", 'Kiabi ne développera pas de nouveaux fournisseurs sur l'Ile Maurice (pas non plus de déplacement Achats sur cette origine donc TROPITEX n'a plus de sourcing à faire sur cette origine, Kiabi travaillera uniquement avec la CMT pour la maille circulaire (les deux autres fournisseurs historiques de Kiabi seront uniquement en complément en cas de besoin, A terme pour le pull, Kiabi travaillera uniquement avec Floreal Chine, l'Ile Maurice devient une origine monoproduit pour Kiabi (tee shirt) et (presque) mono fournisseur, Kiabi souhaiterait conserver un représentant (TROPITEX) pour assurer le contrôle qualité et le suivi commercial, compte tenu du contexte défini précédemment, le taux de commission de TROPITEX dans cette hypothèse doit impérativement être revu à la baisse, Kiabi propose de passer à un taux de commission de 2% à compter du 1/01/06", lui rappelait qu'il s'agissait d'une 'proposition à discuter ensemble' et qu'elle attendait son 'retour sur cette proposition'.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 26 décembre 2005, la société TROPITEX a refusé ces nouvelles conditions au motif que celles-ci la mettraient en péril et a pris acte de la rupture du contrat du fait de la société KIABI.

Cette dernière, par lettre recommandée avec avis de réception du 16 janvier 2006, a précisé qu'il s'agissait d'une proposition et qu'elle était toujours dans l'attente d'une contre-proposition.

Aucune contre proposition n'a été formulée par la société TROPITEX.

Toutefois, la société KIABI ne peut par des lettres tenter de se constituer des preuves à elle-même, alors que les termes utilisés dans son document de synthèse démontre sans ambiguïté que sa décision de modifier sa politique d'achat sur le territoire de l'Ile Maurice était prise comme celles de réduire les prestations fournies par son agent et de baisser 'impérativement' le taux de commission de TROPITEX, seul le taux lui-même pouvant peut-être donner lieu à négociation.

Si la société KIABI est libre de pouvoir modifier sa politique d'achat, elle ne peut en revanche pas imposer unilatéralement une modification des obligations des parties et des termes du contrat.

La rupture des relations commerciales incombe donc à la société KIABI qui l'a provoquée même si c'est la société TROPITEX qui en a pris l'initiative.

En voulant imposer le 1er janvier 2006 comme point de départ des nouvelles relations commerciales, la société KIABI n'a pas respecté le délai contractuel de trois mois prévu en cas de résiliation. Le mail du 23 juin 2005 est trop imprécis pour faire courir un quelconque délai.

Le non-respect du délai contractuel suffit à caractériser le caractère brutal de la rupture.

La société KIABI a donc engagé sa responsabilité conformément à l'article L 442-6-I-5° du code de commerce et doit réparer le préjudice causé par sa faute.

Compte tenu de l'ancienneté des relations commerciales établies entre les deux sociétés, un préavis d'une durée d'un an aurait été raisonnable.

La société TROPITEX justifie par les pièces produites et non contestées avoir perçu des commissions à hauteur de 506 963,74 € entre novembre 2002 et août 2005 soit 168 987,91 € en moyenne par an sans rapporter la preuve de la perte de marge brute.

Dans ces conditions une somme de 130 000 € réparera la brutalité formelle de la rupture.

La société KIABI qui succombe sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la société TROPITEX les frais exposés par elle en première instance et en cause d'appel et non compris dans les dépens ; il lui sera alloué la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS 

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a dit que la société TROPITEX LTD n'a pas la qualité d'agent commercial ;

Statuant à nouveau,

Dit que la SAS KIABI EUROPE a rompu brutalement les relations commerciales qu'elle avait avec la société TROPITEX LTD ;

En conséquence, condamne la SAS KIABI EUROPE à payer à la société TROPITEX LTD la somme de 130 000 € avec intérêts au taux légal à compter du 27 août 2007, date de l'assignation de première instance outre celle de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Rejette la demande de frais irrépétibles d'appel de la SAS KIABI EUROPE ;

Condamne la SAS KIABI EUROPE aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés, pour ceux d'appel, par Maître QUIGNON, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

Véronique DESMETChristine PARENTY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 1
Numéro d'arrêt : 09/00661
Date de la décision : 29/04/2010

Références :

Cour d'appel de Douai 21, arrêt n°09/00661 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-04-29;09.00661 ?
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