COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 3
ARRÊT DU 22/04/2010
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N° MINUTE :
N° RG : 09/02525
Jugement (N° 08/30)
rendu le 12 Mars 2009
par le Tribunal de Grande Instance d'ARRAS
REF : CC/VC
APPELANTS
Monsieur [T] [R]
demeurant : [Adresse 3]
Représenté par la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, avoués à la Cour
Assisté de Me Vincent DEBLIQUIS, avocat au barreau d'ARRAS
Madame [Y] [D] épouse [R]
née le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 7]
demeurant : [Adresse 3]
Représentée par la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, avoués à la Cour
Assistée de Me Vincent DEBLIQUIS, avocat au barreau d'ARRAS
INTIMÉE
CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU NORD DE FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social : [Adresse 1]
Représentée par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour
Assistée de Me Nadine DEBARBIEUX, avocat au barreau d'ARRAS
DÉBATS à l'audience publique du 25 Février 2010 tenue par Catherine CONVAIN magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Patricia PAUCHET
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Pierre CHARBONNIER, Président de chambre
Catherine CONVAIN, Conseiller
Catherine PAOLI, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 22 Avril 2010 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pierre CHARBONNIER, Président et Patricia PAUCHET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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Vu le jugement contradictoire prononcé par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Arras le 12 mars 2009 ;
Vu l'appel formé le 6 avril 2009 ;
Vu les conclusions signifiées le 22 février 2010 pour M. et Mme [T] [R] [D], appelants ;
Vu les conclusions signifiées le 23 février 2010 pour la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU NORD DE FRANCE, intimée ;
Vu la révocation de l'ordonnance de clôture du 21 janvier 2010, à la demande des parties ;
Vu la fixation de la clôture à l'audience du 25 février 2010, avant l'ouverture des débats ;
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Suivant acte notarié en date du 2 mai 1989, Monsieur et Madame [T] [R] [D] se sont portés acquéreurs d'un immeuble à usage d'habitation situé [Adresse 3] à [Localité 6], acquisition financée par un prêt immobilier accordé par la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU NORD DE FRANCE.
Par jugement en date du 8 octobre 1992, le tribunal de grande instance d'Arras a condamné M. [T] [R] [D] à payer à la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU NORD DE FRANCE une somme principale de 114 946,55 F avec intérêts au taux contractuel de 15,91 % à compter du 19 septembre 1991, outre 1500 F en application de l'article 700 du code de procédure civile, et accordé à ce dernier des délais de paiement sur 24 mois.
Le 26 septembre 2008, la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU NORD DE FRANCE a fait délivrer à M. et Mme [T] [R] [D] un commandement de payer valant saisie immobilière, pour un montant de 206 553,68 € en principal, frais et accessoires. Ce commandement a été publié à la conservation des hypothèques de [Localité 9] le 6 octobre 2008.
Un procès-verbal de description a été établi le 14 octobre 2008.
Par acte d'huissier en date du 5 décembre 2008, la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU NORD DE FRANCE a fait assigner M. et Mme [T] [R] [D] à comparaître à l'audience d'orientation.
Par conclusions déposées le 12 février 2009, M. et Mme [T] [R] [D] ont demandé acte de leur offre de payer leur dette par un versement de 30 000 € avant le 28 février 2009 et par versements mensuels de 1500 € et un report du solde sur deux ans, au visa de l'article 1244 ' 1 du Code civil, avec imputation prioritaire sur le capital, sans production d'intérêts.
Par écritures déposées au greffe le 3 février 2009, l'URSSAF de [Localité 8] a déclaré une créance de 41 889,40 € (26 154,74 € en principal, 14 405,13 € d'intérêts de retard, 708,89 € de pénalités et 620,64 € de frais), outre les intérêts postérieurs au taux légal majoré.
Lors de l'audience du 12 février 2009, M. et Mme [T] [R] [D], représentés par leur conseil, ont soutenu leur demande de délais de grâce et offert de payer 30 000 € par virement sur le compte CARPA..
Par jugement en date du 12 mars 2009, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Arras :0
déboute M. et Mme [T] [R] [D] de leur demande de délais de paiement ;
constate que la créance de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel est liquide et exigible et qu'elle agit en vertu d'un titre exécutoire ;
fixe le montant de la créance de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel au jour du jugement suite au prêt notarié à 145 248,26 € au 11 février 2009, outre les intérêts au taux de
10,45 % sur la somme de 74 097,16 € et à 65 763,64 € suite au jugement du 8 octobre 1992 avec les intérêts au taux de 15,95 % sur la somme de 17 532,49 €, dont à déduire le versement de 30 000 € par virement au compte CARPA ;
constate la créance de l'URSSAF de Lille au jour du jugement de 41 889,40 € outre les intérêts postérieurs au taux légal majoré ;
ordonne la vente forcée de l'immeuble à usage d'habitation sur un terrain sis à [Adresse 3], cadastré section D N° [Cadastre 4] pour 14 ares 40 centiares, par adjudication judiciaire ;
dit que l'audience de vente aura lieu le 9 juillet 2009 à 14 heures, sur la mise à prix de 50 000 € fixée au cahier des conditions de vente ;
dit que les visites de l'immeuble seront organisées par Maître [V] huissier de justice ;
ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de vente.
Monsieur et Madame [T] [R] [D] ont relevé appel de ce jugement.
À l'appui de leur appel, M. et Mme [T] [R] [D] contestent le décompte de la créance et présentent une demande de règlement échelonné.
Ils concluent donc à l'infirmation du jugement et demandent à la cour de dire n'y avoir lieu à saisie immobilière, de dire et juger que la banque ne verse pas de décompte probant de sa créance et de la débouter dans ces conditions de toutes ses demandes ; à titre subsidiaire, de leur donner acte de ce qu'ils offrent de régler leur dette dans les conditions suivantes, à savoir 75 000 € immédiatement, outre des versements mensuels de 1500 € jusqu'à apurement complet, de leur accorder dans ces conditions que le solde soit reporté à deux années au visa des dispositions des articles 1244 et suivants du Code civil et de dire et juger que les paiements échelonnés s'imputeront sur le principal et qu'ils ne produiront plus d'intérêts.
La CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU NORD DE FRANCE conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de M. et Mme [T] [R] [D] au paiement d'une somme de 2000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Elle fait valoir notamment que les plans d'apurement accordés n'ont jamais été respectés et que la proposition de règlement est insuffisante au regard du montant de sa créance et de la situation de M. et Mme [T] [R] [D].
Sur ce,
Sur les créances
Attendu que suivant acte authentique dressé le 2 mai 1989 par Me [L], notaire associé à [Localité 5], la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU NORD DE FRANCE a consenti à monsieur et madame [T] [R] [D] solidairement un prêt d'un montant en capital de 440 000 F, destiné à financer l'acquisition d'un immeuble à usage d'habitation situé [Adresse 3] à [Localité 6] et des travaux sur ledit immeuble, pour une durée de 15 ans, remboursable en 180 mensualités constantes de 4850,03 F incluant les intérêts conventionnels au taux de 10,45 % l'an ;
Que par ailleurs, par jugement en date du 8 octobre 1992, le tribunal de grande instance d'Arras a notamment condamné M. [T] [R] [D] à payer à la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU NORD DE FRANCE la somme de 114 946, 55 F avec intérêts au taux contractuel de 15,95 % à compter du 19 septembre 1991 au titre d'un prêt souscrit le 20 septembre 1989 pour un montant principal de 99 155,86 F, outre 1500 F au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Qu'agissant en vertu de « la copie exécutoire d'un acte notarié dressé par Me [L], notaire à Avesnes-le-Comte, le 2 mai 1999 » et de « la grosse en forme exécutoire du jugement du tribunal de grande instance d'Arras du 8 octobre 1992 signifié le 27 septembre 1994, définitif », le CRÉDIT AGRICOLE NORD DE FRANCE a fait délivrer à M. et Mme [T] [R] [D], par acte d'huissier en date du 26 septembre 2008, un commandement de payer valant saisie immobilière pour obtenir le paiement de la somme totale de 206 553,68 €, arrêtée au 19 juin 2008, en principal, intérêts et frais et déduction faite des acomptes reçus ;
Attendu que M. et Mme [T] [R] [D] soutiennent qu'il est fait état de créances qui pour l'essentiel sont éteintes ou pour lesquelles aucune actualisation ne permet de confirmer la réalité, que la seule dette à laquelle ils doivent faire face est la dette auprès de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU NORD DE FRANCE et qu'à défaut pour la banque de justifier d'un décompte probant de sa créance et de l'imputation conforme des sommes déjà versées, cette dernière doit être déboutée et déclarée irrecevable en ses demandes aux fins de poursuite de la saisie immobilière ;
Attendu toutefois qu'en vertu des articles 9 du code de procédure civile et 1315 du Code civil, il incombe au débiteur qui conteste le décompte de la créance, de justifier des paiements intervenus qui auraient diminué le montant de sa dette ou qui l'auraient éteinte et d'apporter la preuve que le montant des sommes figurant sur le décompte produit par le créancier est erroné ;
Que par ailleurs, il est constant qu'en matière d'exécution forcée, les paiements s'imputent en priorité sur les frais et les intérêts échus ;
Qu'en l'espèce, le commandement de payer aux fins de saisie immobilière en date du 26 septembre 2008 comporte un décompte clair de la créance ; que la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU NORD DE FRANCE produit un décompte détaillé des sommes dues arrêté au 19 juin 2008 ainsi qu'un décompte actualisé de la créance à la date du 11 février 2009 permettant de déterminer l'imputation des acomptes versés par M. et Mme [T] [R] [D] et rappelant que « les acomptes s'imputent prioritairement sur les accessoires, puis sur les intérêts, et enfin sur le capital » ;
Que M. et Mme [T] [R] [D] n'apportent pas la preuve que des règlements qu'ils auraient effectués antérieurement au 11 février 2009 n'auraient pas été pris en compte et que le décompte de la créance serait erroné tant à cette date qu'à la date de la délivrance du commandement aux fins de saisie immobilière ;
Que de même, ils n'établissent nullement que la créance de l'URSSAF de [Localité 8], créancier inscrit, serait éteinte et qu'ils n'auraient plus qu'une dette ni ne justifient de paiements intervenus qui auraient diminué le montant de la dette ;
Que c'est donc exactement que le premier juge, d'une part, après avoir constaté que la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU NORD DE FRANCE agissait en vertu d'un titre exécutoire et que sa créance était liquide et exigible, en a fixé le montant aux sommes reprises dans le dispositif de son jugement et, d'autre part, a constaté la créance de l'URSSAF de [Localité 8] au jour du jugement pour un montant de 41 889,40 € outre les intérêts postérieurs au taux légal ; que le jugement sera confirmé de ces chefs ;
Sur la demande de délais de paiement
Attendu que le juge de l'exécution ayant une compétence générale en matière de délais de paiement et ayant également une compétence en matière de saisie immobilière en vertu de l'ordonnance du 21 avril 2006, la délivrance du commandement de payer valant saisie n'interdit pas au débiteur de solliciter des délais de paiement sur le fondement de l'article 1244 ' 1 du Code civil lors de l'audience d'orientation ;
Attendu que la demande de donner acte présentée par M. et Mme [T] [R] [D] (de ce qu'ils offrent de régler leur dette en versant 75 000 € immédiatement outre des versements mensuels de 1500 € jusqu'à apurement complet) ne constitue pas une prétention en justice au sens de l'article 4 du code de procédure civile ; que la cour n'est donc saisie à cet égard d'aucune demande ;
Attendu qu'aux termes de l'article 1244 ' 1 du code civil, « compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, le juge peut prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital » ;
Qu'en vertu de cet article, le juge ne peut reporter ou échelonner le paiement des sommes dues que dans la limite de deux années ;
Que si l'article 1244 ' 1 du Code civil ne tire aucune conséquence particulière de l'ancienneté de la dette ou de l'inertie antérieure du débiteur et si la bonne ou mauvaise foi du débiteur ne détermine pas l'application des dispositions de l'article 1244 ' 1 du Code civil, en revanche, l'octroi de délais de grâce suppose que le débiteur soit en mesure d'apurer sa dette dans des conditions satisfaisant aux dispositions de l'article 1244 ' 1 du Code civil ;
Qu'en l'espèce, M. et Mme [T] [R] [D] ne produisent aucune pièce relative à leur situation matérielle et financière afin de démontrer qu'ils sont en mesure d'apurer leur dette dans des conditions satisfaisant aux dispositions de l'article 1244 - 1 du Code civil alors que la charge de cette preuve leur incombe ;
Que M. et Mme [T] [R] [D] doivent en conséquence être déboutés de leur demande de délais de paiement ainsi que de leur demande subséquente tendant à voir juger que les paiements échelonnés s'imputeront sur le principal et qu'ils ne produiront plus d'intérêts, étant observé au demeurant que l'article 1244 ' 1 du Code civil ne permet que de réduire le taux d'intérêt à un taux qui ne peut être inférieur au taux légal et que la réduction du taux d'intérêt et l'imputation des paiements en priorité sur le capital constituent deux mesures qui, d'une part, ne peuvent se cumuler et qui, d'autre part, ne peuvent s'appliquer que sur les sommes correspondant aux échéances reportées ou échelonnées ;
Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur et Madame [T] [R] [D] de leur demande de délais de paiement et a ordonné la vente forcée de l'immeuble à usage d'habitation situé [Adresse 3] à [Localité 6], cadastré section D n° [Cadastre 4] pour 14 ares 40 centiares, par adjudication judiciaire ;
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Attendu que le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de vente ;
Qu'en cause d'appel, M. et Mme [T] [R] [D], partie perdante, seront condamnés aux dépens par application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et à payer à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU NORD DE FRANCE la somme de 1000 € au titre des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer devant la cour ;
PAR CES MOTIFS ;
Statuant publiquement et contradictoirement ;
Reçoit l'appel en la forme ;
Confirme le jugement ;
Déboute les parties de leurs demandes ou conclusions plus amples ou contraires ;
Condamne M. et Mme [T] [R] [D] à payer à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU NORD DE FRANCE la somme de 1000 € au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Condamne M. et Mme [T] [R] [D] aux dépens d'appel lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,
P. PAUCHETP. CHARBONNIER