COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 25/02/2010
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N° de MINUTE :
N° RG : 08/01337
Jugement (N° 2006-5506)
rendu le 27 Février 2007
par le Tribunal de Grande Instance à compétence commerciale de [Localité 5]
REF : JMD/CD
INTERDICTION DE GERER 10 ANS
(Confirmation du jugement)
APPELANT
Monsieur [V] [P]
né le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 7]
demeurant [Adresse 6]
[Localité 4]
Représenté par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour
Assisté de Me Philippe TALLEUX, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉE
S.E.L.A.R.L. SOINNE
représentée par Me Nicolas SOINNE
ès qualités de liquidateur judiciaire de la S.A..R.L. STATION DE DEPANNAGE ELECTRIQUE INFORMATIQUE dite SDEI
Ayant son siège social [Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour
DÉBATS à l'audience publique du 16 Décembre 2009 tenue par Jean Michel DELENEUVILLE magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Véronique DESMET
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Christine PARENTY, Président de chambre
Jean Michel DELENEUVILLE, Conseiller
Dominique CAGNARD, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 25 Février 2010 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine PARENTY, Président et Véronique DESMET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
OBSERVATIONS ÉCRITES DU MINISTÈRE PUBLIC :
Cf réquisitions du 16/10/08
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 18/11/09
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Vu l'arrêt du 9 avril 2009 qui a rejeté les exceptions de nullité de l'assignation introductive d'instance et de signification du jugement querellé, élevées par M. [V] [P], renvoyé l'affaire à la conférence de mise en état du 14 mai 2009 et réservé les dépens en fin de cause ;
Vu les conclusions déposées le 8 octobre 2009 pour M. [V] [P] ;
Vu les conclusions déposées le 21 octobre 2009 pour la SELARL [T] prise en la personne de Maître [N] [T], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL SDEI STATION DE DEPANNAGE ELECTRIQUE INFORMATIQUE ;
Vu l'ordonnance de clôture du 18 novembre 2009 ;
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Attendu que M. [P] soulève d'abord l'irrecevabilité de l'action engagée à son encontre, l'assignation qui lui a été délivrée ne précisant pas qu'il était convoqué en chambre du conseil pour audition, ajoutant subsidiairement avoir interjeté appel aux fins d'infirmation et débouté de la SELARL [T] ;
Attendu que la SELARL [T] sollicite le rejet de l'exception d'irrecevabilité, la confirmation du jugement déféré et la condamnation de M. [P] à lui payer 750 € pour la couverture de ses frais irrépétibles ;
SUR CEÂ :
Attendu que la SARL STATION DE DEPANNAGE ELECTRONIQUE ET INFORMATIQUE (SDEI), ayant son siège [Adresse 1], au capital de 7 622,45 €, a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de [Localité 5] le 8 août 2000, M. [P] en étant le gérant depuis le 14 mars 2003 ; que par jugement du 8 octobre 2004 du tribunal de grande instance à compétence commerciale de Béthune, elle a été déclarée en liquidation judiciaire immédiate, la SELARL [T] étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire ; que le liquidateur judiciaire a, par acte du 6 décembre 2006, assigné M. [P] devant le tribunal aux fins d'être entendu et de lui infliger une sanction ; que le tribunal a rendu le jugement entrepris ;
Sur la fin de non recevoir soulevée par M. [P]
Attendu que M. [P] ne peut plus, par application de l'article 74 du Code de procédure civile, soulever l'irrecevabilité de la demande présentée à son encontre par la SELARL [T] faute d'avoir joint cette exception à celles auxquelles il a été répondu par arrêt avant dire droit du 9 avril 2009 ;
Attendu surabondamment que le moyen n'est pas fondé, l'assignation qui lui était destinée précisant qu'il était convoqué pour être entendu par le tribunal, laissant à ce dernier le soin de siéger en chambre du conseil, comme il en avait l'obligation, sans qu'il soit indispensable de le spécifier dans l'acte introductif d'instance ; que le fait que M. [P] n'ait pas reçu cet acte en mains propres n'enlève rien à sa régularité intrinsèque ;
Sur le fond
Attendu que la SELARL [T] expose que l'actif recouvré est de 42,82 € pour un passif vérifié de 119 743,55 € soit une insuffisance d'actif de 119 700,73 € ; que M. [P] répond que l'actif est minimisé, la société ARCADE ayant été condamnée, à la requête du liquidateur, à payer à la société SDEI une somme de 10 000 € ; que cependant il résulte des pièces du dossier que cette société n'a payé, à ce jour, qu'une somme de 1 000 € ; qu'en toute hypothèse il subsistera, à supposer que la société ARCADE s'acquitte de la totalité de la somme qu'elle doit, une insuffisance d'actif justifiant l'action de la SELARL [T] ;
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Attendu que le défaut de paiement de dettes échues n'induit pas mécaniquement la poursuite d'une activité déficitaire qui se démontre par la décision, implicite ou explicite, du dirigeant de continuer l'exploitation en dépit des résultats négatifs qui ont été portés à sa connaissance ; que le fait de ne pas payer les dettes à leur échéance permet uniquement de supposer que le débiteur a manqué de la trésorerie disponible pour y faire face ; que l'énumération des créances impayées, à laquelle se livre la SELARL [T], est ainsi impropre à fonder la sanction demandée ;
Attendu que la SELARL [T] indique également que la société SDEI a réalisé une perte de 77 821 € au 31 décembre 2003, portant le montant des capitaux propres à - 56 975 €, soit près de 10 fois le capital social ; que M. [P] affirmant que la comptabilité sociale a été bien tenue, la Cour en déduit que les comptes de l'exercice 2003 ont été arrêtés à bonne date, dans les six mois de leur clôture, soit au plus tard le 30 juin 2004 ; qu'il s'ensuit que M. [P], qui ne justifie pas avoir pris les mesures de redressement qui s'imposaient, a effectivement poursuivi une activité déficitaire jusqu'au jour où il a procédé à la déclaration de l'état de cessation des paiements qui a abouti au jugement de liquidation judiciaire immédiate du 8 octobre 2004 ;
Attendu que la poursuite de l'activité pendant cette période a généré des dettes nouvelles (notamment vis-à -vis de Assedic, CLV, ARRCO, URSSAF) ; qu'il peut être légitimement reproché à M. [P] d'avoir omis de procéder à la déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai de rigueur ;
Attendu que la circonstance que M. [P] espérait un redressement de l'activité dans les mois qui ont suivi est indifférente, la déclaration de cessation des paiements qu'il avait le devoir de déposer à bonne date ayant pour objectif de sauver l'entreprise en lui permettant de se redresser à l'abri des poursuites de ses créanciers ; qu'à la date à laquelle elle est intervenue, le tribunal n'avait plus d'autre possibilité que de constater l'impossibilité de poursuivre l'exploitation et de prononcer la liquidation judiciaire ;
Attendu que ces agissements, constituant une faute de gestion, tombent sous le coup de l'article L. 624-3, ancien, du Code de commerce, applicable en la cause, sans qu'il soit nécessaire d'établir que la poursuite a été décidée par M. [P] dans un intérêt personnel ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné M. [P] à supporter à concurrence de 60 000 € partie de l'insuffisance d'actif de la société STATION DE DEPANNAGE ELECTRONIQUE ET INFORMATIQUE ;
Attendu qu'ils fondent également une mesure de faillite personnelle, par application de l'article L. 625-3, ancien, dudit code ; que le jugement attaqué sera également confirmé en ce qu'il a infligé à M. [P] une interdiction de gérer pendant dix ans  ;
Attendu qu'il est équitable de laisser à la SELARL [T] la charge de ses frais hors dépens ;
PAR CES MOTIFSÂ :
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, par arrêt mis à disposition au greffe,
Rejette l'exception d'irrecevabilité de l'action engagée à son encontre soulevée par M. [V] [P],
Confirme le jugement entrepris,
Laisse à la SELARL [T], ès qualités, la charge de ses frais irrépétibles,
Condamne M. [V] [P] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Le GreffierLe Président
Véronique DESMETChristine PARENTY