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28/01/2010 | FRANCE | N°08/04038

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 8 section 1, 28 janvier 2010, 08/04038


COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 8 SECTION 1



ARRÊT DU 28/01/2010

***



N° MINUTE :

N° RG : 08/04038

Jugement (N° 04/3623)

rendu le 06 Mars 2007

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : PC/VC

APPELANT



Monsieur [J] [F]

né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 6] (LIBAN)

demeurant : [Adresse 2]

Représenté par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour

Assisté de Me Christine SEGHERS, avocat au barreau de DOUAI



INTIMÉE





SA DUBUS agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social : [Adresse 4]

Représentée par la SCP THERY-LAURENT, avou...

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 28/01/2010

***

N° MINUTE :

N° RG : 08/04038

Jugement (N° 04/3623)

rendu le 06 Mars 2007

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : PC/VC

APPELANT

Monsieur [J] [F]

né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 6] (LIBAN)

demeurant : [Adresse 2]

Représenté par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour

Assisté de Me Christine SEGHERS, avocat au barreau de DOUAI

INTIMÉE

SA DUBUS agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social : [Adresse 4]

Représentée par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour

Assistée de Me DELFLY, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS à l'audience publique du 30 Septembre 2009 tenue par Pierre CHARBONNIER magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Annie DESBUISSONS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pierre CHARBONNIER, Président de chambre

Catherine CONVAIN, Conseiller

Sophie VEJUX, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 28 Janvier 2010 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pierre CHARBONNIER, Président et Annie DESBUISSONS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

*****

LA COUR ;

Attendu qu'[J] [F] a interjeté appel d'un jugement du tribunal de grande instance de LILLE du 6 mars 2007 qui l'a condamné à payer à la société de bourse DUBUS la somme de 31.351,57 € correspondant à l'insuffisance de couverture de son compte portefeuille n°[XXXXXXXXXX03] arrêté à la date du 6 janvier 2005, outre 1.000 € du chef de l'article 700 du code de procédure civile ; et qui l'a débouté de son action formée reconventionnellement contre la Société DUBUS en réparation des fautes que celle-ci aurait commises pour avoir manqué tant à son devoir de conseil et d'information envers son client qu'à l'observation des règles applicables au marché à terme ;

Attendu qu'[J] [F], assimilant le solde débiteur de son compte, dont le paiement lui est réclamé, à un crédit que la Société DUBUS lui aurait consenti pendant toute la durée de la dette, soutient que l'action exercée par cet établissement est irrecevable comme atteinte par la forclusion biennale édictée en matière de crédit à la consommation par l'article L.311-37 du code de la consommation ; qu'au fond, il demande subsidiairement, à titre reconventionnel, que la Société DUBUS soit tenue de lui verser des dommages-intérêts équivalents, en premier lieu au montant de l'insuffisance de couverture qu'elle prétend recouvrer sur lui et, en second lieu, aux sommes qu'il a investies en pure perte dans la gestion de son compte portefeuille ; qu'il sollicite encore la condamnation de la Société DUBUS à lui verser deux indemnités complémentaires, l'une de 40.000 € « pour perte de chance d'optimiser le placement » et, l'autre, « pour méconnaissance des règles de bonne conduite », ainsi qu'une somme de 3.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ; que « plus subsidiairement, avant dire droit » il demande à la Cour d'ordonner toute mesure d'expertise ou d'enquête utile à l'instruction de l'affaire, et en particulier l'intervention en la cause du président de l'Autorité des Marchés Financiers et de celle de la FICOBA conformément aux articles L.621-20 du Code Monétaire et Financier et L.143 du Livre des Procédures Fiscales ;

Attendu que la Société DUBUS conclut à la confirmation du jugement déféré, sauf à parfaire la somme qui lui a été allouée en fonction de l'évolution du cours boursier ; qu'elle réclame en outre la condamnation d'[J] [F] à lui régler une indemnité de 3.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu qu'il ressort des éléments du dossier qu'[J] [F], par acte sous seing privé du 23 février 2000, a souscrit auprès de la Société DUBUS une convention d'ouverture de compte de dépôt ordinaire n°[XXXXXXXXXX03] ; que cette convention lui offrait la possibilité de passer des ordres sur le marché à règlement mensuel devenu depuis, à partir de septembre 2000, le marché à règlement différé et d'y conclure des achats et ventes de titres dits "à découvert" régis par la Décision Générale du Conseil des Marchés Financiers (C.M.F.) n°2000-04 qui fixe les seuils minimaux de couverture exigibles pour ce type d'opérations ; qu'aux termes dudit contrat il donnait mandat à un nommé [D] [S] d'accomplir tous actes de gestion de son portefeuille ; qu'il a ainsi, du 25 février 2000 au 30 mars 2000, passé des ordres fréquents, souvent plusieurs dans la même journée, pour acquérir ou vendre diverses valeurs mobilières sur le marché du règlement mensuel telles qu'UBISOFT, INGENICO, SELF TRADE, THOMSON, LVMH, EQUANT, INFOGRAMES, LIBERTY, SURF, HIMALAYA ; que postérieurement au mois de mars 2000 il n'a plus effectué que quelques opérations espacées d'achat ou vente au comptant les 27 février 2001, 29 juillet 2002, 23 février et 11 mars 2004 ; qu'à cette dernière date il opérait encore en Règlement Différé la vente de cinq cents titres INFOGRAMES et de quatre cent trente titres UBISOFT ; que, parallèlement, son portefeuille se dégradait de manière sensible au point que ses positions, reportées de mois en mois avec l'accord de la Société DUBUS qui acceptait de différer la liquidation des opérations laissées en suspens, n'étaient dès lors plus couvertes dans les proportions prescrites par le Règlement général du Conseil des Marchés Financiers puis par la décision C.M.F. n°2000-04, de 20 % en espèces, 25 % en obligations ou 40 % en titres de capital ;

Attendu que l'insuffisance de couverture des engagements pris par [J] [F] a été définitivement constituée à une date indéterminée au dossier mais antérieure ou concomitante au 7 avril 2000 où la Société DUBUS, comme il ressort de la fiche de suivi du compte versée aux débats, a adressé à son client une lettre de relance faisant état d'un avoir réalisable négatif

de 8.419 € ; que ce découvert s'est graduellement élevé à la somme de 31.351,57 € au 6 janvier 2005, montant de la condamnation en principal prononcée par le tribunal ;

Attendu que c'est par des motifs pertinents et que la Cour adopte que le premier juge, après avoir relevé que pendant la période de reports successifs des opérations effectuées par [J] [F] la Société DUBUS était actuellement propriétaire des titres achetés par son donneur d'ordre et détentrice du prix de vente des titres cédés dont celui-ci repoussait la livraison, en a déduit que l'entreprise d'investissement, quand même elle attendait que son client reconstituât la couverture pour dénouer les opérations en cours, n'était pas dans la situation d'un établissement dispensant un crédit à son cocontractant ; que le délai de forclusion biennal auquel l'article L.311-37 du code de la consommation assujettit les actions en paiement nées de la défaillance de l'emprunteur dans le remboursement d'un crédit à la consommation, ne lui est, partant, pas applicable ;

Attendu qu'[J] [F], s'il ne discute pas dans ses modalités de calcul la somme à laquelle la Société DUBUS chiffre ses droits au 6 janvier 2005, nie en revanche le principe de la créance adverse « faute notamment de pouvoir déterminer précisément le solde débiteur dû lorsque, après confirmation de la dégradation du cours, elle aurait dû liquider les positions conformément à l'article 6 de la convention aux termes duquel la Société DUBUS doit liquider d'office les positions insuffisamment couvertes par le client » ;

Attendu, en premier lieu, que si l'article 6 de la convention d'ouverture du compte énonce que « la société est en droit de procéder à la liquidation des positions insuffisamment couvertes », cette faculté reconnue à l'intermédiaire de bourse pour lui permettre de se protéger le cas échéant de l'insolvabilité du donneur d'ordre, ne saurait s'interpréter comme une stipulation impérative dont l'inexécution par la prestataire constituerait un manquement à ses engagements écrits ;

Attendu, en second lieu, que la Société DUBUS est dès à présent fondée à invoquer contre son client, titulaire d'un compte portefeuille, l'obligation qui pesait sur lui de couvrir ses engagements conformément à la réglementation en vigueur à laquelle la convention d'ouverture du compte faisait expressément référence, peu important que la provision à compléter soit sujette à varier quotidiennement suivant les fluctuations des cours boursiers ;

Attendu qu'[J] [F], lorsqu'il a souscrit la convention d'ouverture du compte du 23 février 2000 sous l'intitulé "La Charte DUBUS SA" a opté pour la possibilité de passer lui-même des ordres à la société de bourse plutôt que de confier à celle-ci la gestion de son portefeuille ; qu'il a, sous l'article 6 du contrat et au pied de l'annexe 1, apposé deux mentions distinctes aux termes desquelles, il déclarait avoir des connaissances suffisantes, boursières et techniques, pour pratiquer la vente à découvert et

« passer des ordres en direct avec ou sans fil sur les marchés boursiers » ; que par deux autres mentions de sa main il a, sous l'article 18 et en conclusion de la convention, certifié avoir pris connaissance des règles relatives à la couverture des positions qu'il était susceptible de prendre sur les différents marchés et, plus généralement, de la totalité de la charte et de ses trois

annexes ; que la Société DUBUS, à l'article 6 de la convention, exposait à son client les obligations auxquelles il devrait se soumettre ;

Mais attendu qu'il n'est pas prétendu qu'[J] [F], au moment de l'ouverture du compte, ait exercé une activité professionnelle qui l'aurait mis en rapport avec le monde des affaires en l'assurant d'une culture financière minimale ; que la « Fiche d'identité client » jointe au contrat et remplie par lui le même jour, 23 février 2000, le présente comme « Directeur de l'Office de Tourisme du Liban », domicilié à [Localité 5] ; qu'[D] [S] signataire de cette même fiche en raison du pouvoir qui lui était conféré de gérer les actifs qu'[J] [F] réaliserait, s'y déclare quant à lui sans profession ; que sur le contrat [J] [F], s'il qualifiait de « suffisante » sa connaissance de certains instruments financiers et indiquait se fixer pour objectif prioritaire la constitution d'un patrimoine, ne fournissait à la société de bourse aucun élément susceptible de l'éclairer sur sa situation financière ; que la convention, qui le renvoyait dans son annexe 1 à consulter la rubrique « Evaluez vos aptitudes » sur le site Internet ou le service Minitel de l'établissement, ne lui proposait pour le reste qu'un rappel des caractéristiques et risques des différents modes d'investissement et techniques du marché, parmi lesquelles l'effet de levier du Règlement Mensuel et la vente à découvert ; que cette information, rédigée en termes généraux à l'intention de toute espèce de clientèle, ne comportait aucune mise en garde spécifique répondant aux besoins particuliers de l'investisseur signataire ;

Attendu qu'il n'apparaît par suite pas que la Société DUBUS ait, lors de l'ouverture du compte, ainsi que le lui prescrivaient les articles L.533-4 du code monétaire et financier et 3-3-5 du règlement général du Conseil des Marchés Financiers, alors applicables, procédé à l'évaluation de la compétence de son client, s'agissant de la maîtrise des opérations spéculatives envisagées et des risques courus dans ces opérations, ni qu'elle lui ait fourni une information adaptée en fonction de cette évaluation ;

Attendu que le manquement de la Société DUBUS à son devoir d'information, quand aucun élément objectif ne désignait [J] [F] comme un opérateur averti, a privé celui-ci d'une chance de renoncer au projet d'effectuer des opérations à terme et d'échapper ainsi au risque de perte qui s'est finalement réalisé et a provoqué son appauvrissement ;

Attendu que les titres sur lesquels portaient les investissements d'[J] [F], s'ils étaient peu variés, ne présentaient toutefois aucun caractère spécial qui les aurait rendus impropres aux opérations spéculatives dont ils étaient le support ; que la Société DUBUS, du moment qu'[J] [F] avait opté pour la possibilité de tenir seul son compte portefeuille en décidant lui-même ses investissements, n'avait pas à s'immiscer dans les choix de son client, dont le contrôle lui échappait ; qu'il ne peut donc lui être valablement fait grief d'avoir manqué à son obligation d'information ou de conseil vis-à-vis de son donneur d'ordre pendant la durée de fonctionnement du compte litigieux ;

Attendu que par deux lettres recommandées des 15 juin puis 26 juillet 2000 dont les avis de réception ont été signés par [J] [F] les 19 juin et 27 juillet suivants, la Société DUBUS attirait l'attention de son client sur la quotité de ses engagements qui excédait les limites autorisées eu égard à l'actif en dépôt ; qu'elle renouvelait ces rappels le 7 février 2003 et le 17 janvier 2004 où elle invitait [J] [F] à résorber son débit par des apports en espèces ou en titres ; qu'entre temps le mandataire d'[J] [F], [D] [S], avait, dans un courrier daté du 15 juin 2000, proposé à la Société DUBUS de redresser la situation du compte de son mandant avant le 20 juillet au plus tard ; que par un fax du 22 août 2000 [D] [S] sollicitait de la société de bourse un moratoire de huit mois pendant lequel il s'obligeait à effectuer des versements périodiques « pour justifier la bonne foi de régulariser » ; que cette correspondance portait la mention « Bon pour accord » écrite de la main d'[J] [F] et signée par lui ; que ce dernier appuyait cette correspondance d'un fax d'accompagnement daté du même jour où il exprimait littéralement son assentiment « sur le projet proposé par M. [D] [S] » ; que, de fait, il n'est pas contesté qu'entre le 27 février 2000 et le 3 février 2004 des sommes ont été versées à plusieurs reprises sur le compte portefeuille d'[J] [F] à des dates où il se trouvait en insuffisance de couverture ; que comme le relève justement le tribunal, [J] [F], dès lors qu'il avait approuvé cette façon de procéder, n'est pas fondé à prétendre qu'[D] [S], en effectuant des versements, serait sorti du champ du mandat de gestion dont il était investi et aurait de la sorte accompli des actes auxquels l'intermédiaire financier aurait dû opposer un refus ;

Attendu que l'article 4-1-35-1 du Règlement général du C.M.F. dispose que « le prestataire qui reçoit un ordre à règlement ou livraison différés ne peut accepter un tel ordre de la part de l'investisseur que s'il obtient de celui-ci la constitution d'une couverture, soit dans ses livres, soit dans les livres du teneur de compte conservateur s'il n'assure pas lui-même cette fonction » ; que ce texte énonce encore que « lorsque le donneur d'ordre n'a pas, dans le délai requis, constitué ou complété la couverture ou rempli les engagements résultant de l'ordre exécuté pour son compte, le prestataire habilité procède à la liquidation partielle ou totale de ses engagements ou positions » ; que la décision n°2000-04 du C.M.F. en date du 30 août 2000 vient préciser dans ce même sens que la couverture des ordres avec service de règlement et de livraison différés initialement constituée est réajustée en cas de besoin en fonction de la réévaluation quotidienne de la position elle-même et des actifs admis en couverture de cette position, de telle sorte qu'elle corresponde en permanence au minimum réglementaire requis ; que dans cette hypothèse le prestataire met en demeure par tous moyens le client de compléter ou reconstituer sa couverture de marché ; qu'à défaut de complément ou de reconstitution de la couverture dans le délai requis, le prestataire prend les mesures nécessaires pour que la position du client soit à nouveau couverte ; que, sauf à ce que le prestataire et le client soient convenus de modalités différentes, le prestataire commence par réduire la position du client avant de réaliser tout ou partie de la couverture ;

Attendu qu'[J] [F] relève que si sa position, à partir du moment où elle était insuffisamment couverte, avait été aussitôt liquidée par la Société DUBUS, il n'aurait pas laissé s'accumuler l'important solde négatif dont il lui est demandé de répondre aujourd'hui ; que la société intermédiaire de bourse ne peut donc prétendre être indemnisée d'un préjudice dont la cause réside dans sa propre faute ; qu'au contraire, elle doit supporter le dommage occasionné à son client ;

Mais attendu qu'[J] [F], informé en permanence de la situation de son compte et de la répartition de son portefeuille par le truchement du serveur "Bourse DUBUS on ligne" auquel il lui était loisible de se connecter à tout instant, et destinataire de courriers épistolaires par lesquels l'intermédiaire de bourse, dès le 15 juin 2000, a insisté auprès de lui pour qu'il remédie au débit de son compte, avait lui-même le pouvoir, dès lors que le solde négatif de son compte révélait des pertes, de liquider de son propre chef ses positions, sans que cette décision l'expose à une mise de fonds dont il n'aurait pas eu la disponibilité ; que c'est donc délibérément qu'[J] [F], après avoir passé néanmoins ses derniers ordres en mars 2004, a choisi, en opposant aux exhortations de la société de bourse le versement d'acomptes effectué par son mandataire, de reporter la liquidation de ses engagements dans l'attente d'une conjoncture boursière plus favorable à leur dénouement ;

Attendu toutefois que la Société DUBUS, en s'abstenant de liquider les positions de son client comme les règles du marché le lui commandaient au cas où l'intéressé omettrait de régulariser sa situation, a elle-même commis une faute dont elle doit répondre dans la mesure de l'aggravation du solde débiteur qui en est résultée ; qu'à cet égard l'article L.533-4 du Code Monétaire et Financier dans sa rédaction applicable lui faisait obligation de respecter les règles de bonne conduite destinées à garantir la protection des investisseurs en même temps que l'intégrité du marché ;

Attendu que dans ces conditions, la responsabilité du débit du compte doit, à proportion des fautes respectivement commises par [J] [F] et par la Société DUBUS, être partagée par moitié entre les deux parties contractantes, soit à la charge de chacune d'elles la somme de 15.677,28 € ;

Attendu que le défaut d'une information appropriée dispensée par la Société DUBUS à son client lors de l'ouverture du compte s'est traduite, pour [J] [F], par la perte d'une chance d'échapper par une décision peut être plus judicieuse au risque qui s'est finalement réalisé ; que, les versements qu'il a effectués sur son compte s'élevant à la somme non contestée de 23.854,04 € et le déficit du compte dont il doit assumer la charge à celle de 15.677,28 €, le dommage d'[J] [F] ressort, au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, à la somme de 7.906,86 € correspondant à 20 % de l'assiette de calcul ainsi définie ;

Attendu que par suite de la compensation à opérer entre, d'une part la quotité du déficit du compte portefeuille dont [J] [F] est redevable envers la Société DUBUS et, d'autre part, l'indemnisation pesant sur cette dernière au titre de la perte d'une chance, la dette du client représente la somme résiduelle de [15.677,28 - 7.906,86 =] 7.770,42 €, sans préjudice de l'application du même pourcentage de 20 % à la moitié des majorations ultérieures du débit, qui découleraient de l'évolution du cours boursier ;

Attendu que le dommage occasionné par la perte d'une chance de choisir un investissement en bourse moins risqué englobe parmi ses éléments d'appréciation l'éventualité dans laquelle l'investisseur aurait tiré des fruits d'un autre placement plus prudent ; que ce préjudice virtuel, compris dans la chance perdue, ne saurait donc donner lieu à une indemnisation séparée ;

Attendu qu'[J] [F] ne prouve pas que la méconnaissance par la Société DUBUS des règles de bonne conduite relatives à la couverture des ordres avec service de règlement et de livraison différés, soit à l'origine d'un dommage particulier qui ne serait pas déjà réparé par l'imputation à la charge de la société de bourse du débit du compte produit par sa faute ;

Attendu que les mesures d'instruction sollicitées par [J] [F] n'apparaissent pas utiles à la solution du litige ;

Attendu que l'instance étant de l'intérêt des deux parties, chacune d'elles conservera la charge de ses propres dépens ;

Attendu qu'il ne s'avère pas équitable de faire supporter par [J] [F] ou par la Société DUBUS les frais exposés par la partie adverse et non compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS ;

Statuant publiquement et contradictoirement ;

Réformant le jugement entrepris ;

Partage à égalité entre [J] [F] et la Société DUBUS la responsabilité de l'insuffisance de couverture du compte portefeuille n°22..222500, de 31.351,57 € au 6 janvier 2005 ;

Dit que la Société DUBUS est redevable envers [J] [F] d'une somme de 7.906,86 € à titre de dommages-intérêts pour perte d'une chance, sans préjudice d'un dommage complémentaire, calculé sur les bases ci-dessus précisées qui résulterait d'une majoration du débit consécutive à l'évolution du cours boursier après le 6 janvier 2005 ;

Condamne, après compensation, [J] [F] à payer à la Société DUBUS la somme de 7.770,42 € au titre de l'insuffisance de couverture du compte portefeuille n°[XXXXXXXXXX03] arrêté à la date du 6 janvier 2005, sauf à parfaire en fonction de l'évolution du cours boursier ;

Déboute la Société DUBUS et [J] [F], comme non fondés, de leurs demandes réciproques formées par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Laisse à [J] [F] et à la Société DUBUS la charge de leurs propres dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

A. DESBUISSONSP. CHARBONNIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 8 section 1
Numéro d'arrêt : 08/04038
Date de la décision : 28/01/2010

Références :

Cour d'appel de Douai 81, arrêt n°08/04038 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-01-28;08.04038 ?
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