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28/01/2010 | FRANCE | N°07/04865

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 1, 28 janvier 2010, 07/04865


COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 1



ARRÊT DU 28/01/2010



***



N° de MINUTE :

N° RG : 07/04865



Jugement (N° 2005001093)

rendu le 18 Juillet 2007

par le Tribunal de Grande Instance à compétence commerciale de BETHUNE



REF : JMD/CD





APPELANTES



S.A.S. KIBROS

prise en la personne de ses représentants légaux

Ayant son siège social [Adresse 8]

[Localité 9]



Représentée par la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, av

oués à la Cour

Assistée de la SCP SOLAND & ASSOCIES, avocats au barreau de LILLE



S.A.S. SIEMENS

prise en la personne de ses représentants légaux

Ayant son siège social [Adresse 15]

[Localité 17]



Repr...

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 28/01/2010

***

N° de MINUTE :

N° RG : 07/04865

Jugement (N° 2005001093)

rendu le 18 Juillet 2007

par le Tribunal de Grande Instance à compétence commerciale de BETHUNE

REF : JMD/CD

APPELANTES

S.A.S. KIBROS

prise en la personne de ses représentants légaux

Ayant son siège social [Adresse 8]

[Localité 9]

Représentée par la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, avoués à la Cour

Assistée de la SCP SOLAND & ASSOCIES, avocats au barreau de LILLE

S.A.S. SIEMENS

prise en la personne de ses représentants légaux

Ayant son siège social [Adresse 15]

[Localité 17]

Représentée par la SCP CONGOS-VANDENDAELE, avoués à la Cour

Assisté de Me Florian ENDROS, Avocat au Barreau de PARIS

S.A.S. HDI INDUSTRIE VERSICHERUNG AG

Ayant son siège social [Adresse 16]

[Localité 11]

Représentée par la SCP CONGOS-VANDENDAELE, avoués à la Cour

Assistée de Me Florian ENDROS, Avocat au Barreau de PARIS

INTIMÉES

S.A. UGINE ET ALZ FRANCE

prise en la personne de ses représentants légaux

Ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 17]

Représentée par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour

Assistée de Me Xavier MARCHAND, Avocat au Barreau de PARIS

S.A. AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE

prise en la personne de ses représentants légaux

Ayant son siège social [Adresse 5]

[Localité 13]

Représentée par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour

Assistée de Me Xavier MARCHAND, Avocat au Barreau de PARIS

LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE [Localité 20]

représentée par leur mandataire général en FRANCE la société LLOYDS FRANCE

prise en la personne de ses représentants légaux

Ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité 10]

Représentée par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour

Assistée de Me Xavier MARCHAND, Avocat au Barreau de PARIS

S.A.S. BEUGIN INDUSTRIE AUX DROITS DE LA SAS ACOTEC SGL

prise en la personne de ses représentants légaux

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour

Assistée de Me Jacques VERVA, Avocat au Barreau de LILLE

S.A. ASSURANCES GENERALES DE FRANCE (AGF IART)

prise en la personne de ses représentants légaux

Ayant son siège social [Adresse 14]

[Localité 10]

Représentée par la SCP CARLIER-REGNIER, avoués à la Cour

Assistée de Me François HASCOET, Avocat au Barreau de PARIS

S.A.S. SIEMENS

prise en la personne de ses représentants légaux

Ayant son siège social [Adresse 15]

[Localité 17]

Représentée par la SCP CONGOS-VANDENDAELE, avoués à la Cour

Assistée de Me Florian ENDROS, Avocat au Barreau de PARIS

S.A.S. HDI INDUSTRIE VERSICHERUNG AG

prise en la personne de ses représentants légaux

Ayant son siège social [Adresse 16]

[Localité 11]

Représentée par la SCP CONGOS-VANDENDAELE, avoués à la Cour

Assistée de Me Florian ENDROS, Avocat au Barreau de PARIS

S.A.S. KIBROS

prise en la personne de ses représentants légaux

Ayant son siège social [Adresse 8]

[Localité 9]

Représentée par la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, avoués à la Cour

Assistée de la SCP SOLAND & ASSOCIES, avocats au barreau de LILLE

S.A. AVIVA ASSURANCES

prise en la personne de ses représentants légaux

Ayant son siège social [Adresse 6]

[Localité 12]

Représentée par la SELARL ERIC LAFORCE, avoués à la Cour

Assistée de la SELARL LEFEBVRE ET REIBELL, Avocats au Barreau de PARIS

SAS ACOTEC SGL

ACTUELLEMENT SAS BEUGIN INDUSTRIE

prise en la personne de ses représentants légaux

Ayant son siège social [Adresse 19]

[Localité 7]

Représentée par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour

Assistée de Me Jacques VERVA, Avocat au Barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Christine PARENTY, Président de chambre

Jean Michel DELENEUVILLE, Conseiller

Dominique CAGNARD, Conseiller

--------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Véronique DESMET

DÉBATS à l'audience publique du 26 Novembre 2009 après rapport oral de l'affaire par Jean Michel DELENEUVILLE

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 28 Janvier 2010 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine PARENTY, Président, et Véronique DESMET, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 10/09/09

*****

Vu le jugement contradictoire du 18 juillet 2007 du tribunal de grande instance à compétence commerciale de Béthune qui, après avoir rejeté les demandes des sociétés KIBROS et SIEMENS, et celles de leurs assureurs, tendant à voir prononcer la nullité du rapport d'expertise ou ordonner un complément d'expertise, et entériné le rapport d'expertise de M. [C] déposé le 31 janvier 2004, a condamné la société KIBROS à payer à la SA UGINE & ALZ, à la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE et aux souscripteurs du LLOYD'S DE [Localité 20], 3 476 672 € en principal au titre des dommages matériels et immatériels des zones 1 et 2 subis par la société UGINE avec intérêts au taux légal à compter du 6 février 2005, 40 000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, condamné la société AVIVA à garantir la société KIBROS, son assurée, à hauteur de 1 521 441 €, franchise déduite, condamné in solidum la SAS SIEMENS, venant aux droits de la société CERBERUS GUINARD, et la société HDI INDUSTRIE VERSICHERUNG AG à payer à la SA UGINE & ALZ, à la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE et aux souscripteurs du LLOYD'S DE [Localité 20], 17 340 645 € en principal au titre des dommages matériels et immatériels de la zone 3 subis par la société UGINE, avec intérêts au taux légal à compter du 7 février 2005, 40 000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, avec anatocisme, débouté la société UGINE de ses demandes à l'encontre de la société BEUGIN INDUSTRIE, venant aux droits de la société SGL ACOTEC, et, par voie de conséquence, de son assureur la Compagnie AGF, débouté la société BEUGIN INDUSTRIE et la Compagnie AGF de leur demande d'indemnité procédurale, et les parties du surplus de leurs prétentions et condamné les sociétés KIBROS et SIEMENS, par parts égales, aux dépens, incluant le coût de l'expertise taxée le 27 février 2004 à hauteur de 36 448,33 € ;

Vu l'appel interjeté le 27 juillet 2007 par la SAS SIEMENS et par la SAS HDI INDUSTRIE VERSICHERUNG AG (dossier n° 07/4865) ;

Vu l'appel interjeté le 18 août 2007 par la SAS KIBROS (dossier n° 07/5237) ;

Vu l'ordonnance du 27 mars 2008 du magistrat chargé de la mise en état de jonction du dossier n° 07/5237 avec la procédure enregistrée sous le numéro n° 07/4865 ;

Vu les conclusions déposées le 6 août 2009 pour la SAS SIEMENS et la SAS HDI INDUSTRIE VERSICHERUNG AG (ci-après la société HDI) ;

Vu les conclusions déposées le 11 mai 2009 pour la SAS KIBROS ;

Vu les conclusions déposées le 15 septembre 2008 pour la SA AVIVA ASSURANCES (assureur de la SAS KIBROS) ;

Vu les conclusions déposées le 22 avril 2008 pour la SAS BEUGIN INDUSTRIE, venant aux droits de la SAS SGL ACOTEC ;

Vu les conclusions déposées le 9 avril 2009 pour la SA AGF IART (assureur de la SAS SGL ACOTEC) ;

Vu les conclusions déposées le 13 mai 2009 pour la SA UGINE ET ALZ FRANCE, la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE et les souscripteurs du LLOYD'S DE [Localité 20], représentés par leur mandataire général en FRANCE, la société LLOYD'S FRANCE (ci-après la société LLOYD'S) ;

Vu l'ordonnance de clôture du 10 septembre 2009 ;

**

Attendu que les sociétés SIEMENS et HDI ont interjeté appel aux fins d'infirmation, rejet de l'ensemble des demandes formées à leur encontre, condamnation de la société UGINE à leur payer 150 000 € pour la couverture de leurs frais irrépétibles, subsidiairement, réduction à de plus justes proportions de la part de responsabilité de la société SIEMENS au titre des faits ayant contribué au développement de l'incendie, en la fixant à 5 361 186 € pour le dommage matériel et 4 145 022 € pour le dommage immatériel ;

Attendu que la société KIBROS a interjeté appel aux fins d'infirmation, débouté de la société UGINE et de ses assureurs et condamnation de ceux-ci, ensemble, à lui payer 10 000 € (page 45 de ses conclusions), ou 100 000 € (pages 44 et 47 de ses conclusions), en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile, exposant que la preuve n'est pas faite que l'incendie a pris naissance au niveau de la brosse 3.1 ni que cette brosse est sortie de ses ateliers ; elle demande subsidiairement l'annulation du rapport d'expertise, à défaut un complément d'expertise, ou qu'à tout le moins sa condamnation soit limitée au préjudice découlant des fautes susceptibles de lui être directement reprochées, soit un maximum de 782 931,20 € ; elle sollicite enfin que la société AVIVA, son assureur, soit condamnée à la garantir des condamnations prononcées à son encontre, dans la limite du plafond contractuel ;

Attendu que la société AVIVA s'associe à l'argumentation développée par son assurée, la société KIBROS, précisant subsidiairement qu'elle garantit cette dernière à concurrence de 1 524 490 €, sous déduction de la franchise contractuelle de 3 049 € ; elle demande la condamnation de la société UGINE, et de tous succombants, à lui payer 20 000 € du chef de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que la société BEUGIN sollicite la confirmation et la condamnation de la société UGINE et de ses assureurs à lui payer 10 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile, subsidiairement sa mise hors de cause soit au constat de la clause contractuelle de non garantie, soit de la limitation de sa responsabilité à 20 % de la somme de 1 526 843 €, sans solidarité, et condamnation de la compagnie AGF à la garantir ;

Attendu que la société AGF demande la mise hors de cause de son assurée, la société BEUGIN, subsidiairement, que la responsabilité de cette dernière soit retenue au maximum de 5 % des dommages rattachés à la zone 1, précisant que la police d'assurance exclut la prise en charge des dommages matériels ; elle demande la condamnation des parties succombantes à lui payer 10 000 € au titre de ses frais irrépétibles ;

Attendu que la société UGINE, devenue ARCELORMITTAL STAINLESS FRANCE, et ses assureurs sollicitent la confirmation du jugement attaqué en ses dispositions non critiquées, son infirmation pour le surplus, le débouté des sociétés KIBROS, SIEMENS et HDI, la condamnation in solidum des sociétés KIBROS, BEUGIN, SIEMENS, AVIVA, AGF et HDI à payer à la société ARCELORMITTAL STAINLESS FRANCE la somme de 1 608 281 €, avec intérêts au taux légal à compter du 6 février 2005 et anatocisme, à la société AXA CORPORATE la somme de 15 103 569,78 €, avec intérêts au taux légal à compter du 6 février 2005 et anatocisme, aux LLOYD'S de [Localité 20] la somme de 6 901 373,22 €, avec intérêts au taux légal à compter du 6 février 2005 et anatocisme, ainsi qu'à payer aux sociétés ARCELORMITTAL STAINLESS FRANCE et AXA CORPORATE, ainsi qu'aux LLOYD'S de [Localité 20] (mais uniquement dans le corps de ses conclusions), la somme de 150 000 € du chef de l'article 700 du Code de procédure civile ;

SUR CE :

Attendu que la société UGINE & ALZ exploite sur le site d'[Localité 18] (Pas-de-Calais) une usine de fabrication de produits en acier inoxydable et plus particulièrement une ligne intégrée de recuit, de décapage et de laminage de bobines d'acier inoxydable, dénommée LC2I (ligne continue intégrée inox), conçue et réalisée, courant 1996 à 1999, par un groupement d'entreprises au sein duquel la société SGL ACOTEC, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société BEUGIN, a été chargée de la ligne de décapage ; que la conception, la réalisation et la maintenance d'une installation de détection d'incendie sur l'ensemble de la ligne LC2I a été confiée à la société CERBERUS, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société SIEMENS ;

Attendu que le 6 juillet 2001, à 1 h 20, les opérateurs de la société UGINE ont arrêté la ligne de décapage après avoir constaté que la bande d'acier inox en cours de traitement était mal engagée ; qu'au cours de leur inspection, à 1 h 55, intrigués par une odeur suspecte, ils ont détecté un incendie dans la brosseuse n° 3, qui a rapidement pris de l'ampleur jusqu'à atteindre la charpente du toit et la couverture de l'atelier, et n'a été maîtrisé qu'à 4 h, avec l'aide des services de secours extérieurs ; que l'importance des dégâts a imposé l'arrêt complet de la ligne jusqu'au 14 août 2001, puis une remise en exploitation en mode dégradé jusqu'au 17 septembre 2001, date à laquelle elle a été de nouveau normalement exploitée, excepté pendant quatre jours courant novembre 2001 pour l'achèvement des derniers travaux de réfection ;

Attendu que le juge des référés de Béthune a, par ordonnance du 17 juillet 2001, désigné M. [Z] [C] en qualité d'expert, lequel a déposé son rapport le 31 janvier 2004 au vu duquel la société UGINE et ses assureurs, AXA et LLOYD'S, ont, par actes des 6, 7 et 8 février 2005, assigné la société BEUGIN et son assureur AGF, la société SIEMENS et son assureur la société HDI, la société KIBROS et son assureur AVIVA, devant le tribunal de grande instance de Béthune qui a rendu le jugement entrepris ;

Sur l'origine de l'incendie

Attendu que le procédé de décapage mis en 'uvre sur la ligne LC2I passe par un traitement de surface à l'acide chlorhydrique suivi d'un brossage de l'acier ; que la société UGINE a d'abord utilisé exclusivement les brosses que lui fournissait la société BEUGIN, de marque OSBORN, avant de confier à la société KIBROS, selon contrats des 11 octobre et 27 novembre 2000, le regarnissage des brosses situées à la sortie des bacs de décapage ; qu'au jour du sinistre la société UGINE utilisait concurremment les brosses OSBORN et KIBROS (comme l'admet la société KIBROS au bas de la page 5 de ses conclusions) ;

Attendu que les premiers témoins ont aperçu les flammes au niveau de la brosse 3.1 ; que l'expert, après avoir précisé que cette brosse était équipée de spires enroulées à gauche et qu'elle était soumise à une force centrifuge d'une part, et à une force tangentielle créée par son frottement sur la tôle d'autre part, a attribué (page 58) ' la cause première de l'incendie ' à ' la rupture de l'entraînement de la spire d'extrémité côté moteur sur la brosse 3.1 qui n'était pas autoserrante. Cette rupture a entraîné un glissement du fil de la brosse sur le mandrin ébonité et un échauffement jusqu'à l'inflammation de l'ébonite. Il aurait été nécessaire de prévoir une brosse 3.1 avec une fixation particulièrement robuste de la spire d'extrémité côté moteur ' ;

Attendu que la société KIBROS conteste que l'incendie ait été la conséquence d'un déspiralage de la brosse 3.1, lui préférant l'hypothèse, que l'expert a refusé d'étudier sans motif valable à ses yeux, selon laquelle il a pu prendre naissance au niveau de la cuve de liquide de décapage UGCO selon un processus décrit dans la note du 12 février 2003 du technicien qu'elle a consultée, M. [G], versée aux débats, à savoir que l'utilisation d'eau oxygénée entraîne un dégagement d'oxygène tandis que le décapage en milieu acide dégage de l'hydrogène qui est susceptible de s'enflammer au-delà de

4 % de concentration dans l'air ;

Attendu toutefois que ce technicien, conscient que ce processus ne pouvait aboutir tant que les rejets gazeux sont normalement évacués, a recommandé de vérifier que les systèmes d'aspiration des gaz étaient restés en fonctionnement après l'arrêt de la ligne de décapage à 1 h 20 ; que cette vérification a été faite, non par l'expert judiciaire, mais à la demande de la société HDI à l'aide de la simulation qu'elle a commandée au laboratoire du Centre National de Prévention et de Protection (CNPP), qui a établi que l'incendie a d'abord ravagé la brosseuse n° 3, qu'il s'est communiqué aux gaines d'aspiration des gaz acides, le système d'aspiration étant resté en fonction pendant l'arrêt de la ligne LC2I, avant de s'extérioriser soudainement à la suite de la destruction du capot de la brosseuse et des gaines d'aspiration ;

Attendu que l'expert judiciaire avait auparavant écarté cette hypothèse d'un incendie d'origine chimique aux motifs, pertinents, qu'il n'a été observé aucune dérive dans la concentration d'acide chlorhydrique et que le pH était régulé à 3 par ajout automatique d'eau oxygénée ;

Attendu que la société KIBROS ne peut plus, dès lors, utilement soutenir que l'incendie pourrait avoir une origine chimique ; qu'il ne saurait donc être reproché à l'expert de n'avoir pas prolongé ses investigations dans cette direction ;

Sur l'origine de la brosse 3.1

Attendu que la société KIBROS soutient que la preuve n'est pas faite que la brosse 3.1 dégradée aurait été regarnie dans ses ateliers ; que l'expert a fait analyser 3 des spires de cette brosse, par le laboratoire de l'Institut de soudure, qui a établi que le feuillard de fixation des poils n'était pas en acier austénitique 316 mais en acier ferritique 430 ; que la société KIBROS, après avoir affirmé que l'armature du fil constituant la brosse était en acier 316 (page 52 du rapport), a finalement reconnu (page 66 du rapport) avoir utilisé cet acier 430, au mépris des spécifications X38684 émanant de la société ACOTEC, annexées aux contrats des 11 octobre et 27 novembre 2000 ;

Attendu que M. [G], le technicien que la société KIBROS a consulté au cours de l'expertise, a confirmé que celle-ci avait employé un acier du type 430 (ce que la société KIBROS conteste maintenant devant la Cour après l'avoir admis en cours d'expertise), ajoutant que cet acier est moins résistant en milieu acide (attaque à partir d'un pH 4, alors que l'acier 316 résiste jusqu'à un pH de 2 à 1,5) ; que le pH du liquide de décapage étant régulé à 3, il en a fatalement résulté une attaque du feuillard de fixation des poils des brosses, ce que M. [G] n'a pas manqué de constater (pages 22 et 23 des conclusions de la société KIBROS) ;

Attendu que si l'expert judiciaire a considéré que l'utilisation de cet acier ferritique 430 n'avait eu aucune incidence sur le déclenchement de l'incendie (d'origine mécanique et non chimique), sa présence dans la brosse 3.1 établit qu'elle était issue des ateliers de la société KIBROS, la société BEUGIN ayant toujours fourni des brosses OSBORN en acier austénitique ;

Attendu que la société KIBROS et son assureur, la société AVIVA, argumentent vainement, attestations de MM [I] et [W] à l'appui, au sujet de la brosse CARDOTECH reproduite dans les demandes de la société UGINE, la photo qu'a utilisée cette dernière étant uniquement destinée à illustrer son propos sur le mode idoine d'enroulement et de fixation des spires, mais n'établissant nullement que des brosses CARDOTECH étaient utilisées sur la ligne de décapage LC2I ;

Attendu que l'expert qui a, entre le 20 juillet 2001, date de la première réunion d'expertise, et le dépôt de son rapport, le 31 janvier 2004, organisé 9 réunions entre les parties et leurs conseils, répondu point par point aux nombreux dires qui lui étaient envoyés, fait parvenir à chacun le résultat des analyses commandées à des spécialistes extérieurs, rédigé des notes d'étape adressées à chacune des parties, puis, deux ans et demi après le début de sa mission, achevé son rapport (quelques mois avant son décès), n'a pas ignoré le principe du contradictoire ; que si ses conclusions accablent la société KIBROS, les investigations complémentaires que celle-ci lui reproche d'avoir refusées, n'auraient pas permis d'exonérer cette société de la faute qu'elle a commise, en sa qualité revendiquée de spécialiste de la brosse industrielle depuis 50 ans, pour avoir fourni une brosse inadaptée à l'usage auquel elle était destinée ;

Attendu que la demande d'expertise de la société KIBROS sera rejetée dès lors qu'elle s'appuie uniquement sur le constat, fait par son technicien, M. [G], d'une attaque acide du feuillard de la brosse 3.1, l'intéressé ayant donné en même temps l'explication de ce phénomène, à savoir qu'un acier ferritique 430, comme celui utilisé par la société KIBROS (au mépris des clauses du cahier des charges BEUGIN X38684), est attaqué dès le pH 4, alors que l'acier 316, celui préconisé, résiste jusqu'au pH 2, seuil jamais atteint dès lors que la ligne de décapage LC2I fonctionne en pH 3 automatiquement stabilisé par injection d'eau oxygénée ;

Attendu qu'il incombait à la société KIBROS, confrontée, comme elle le prétend aujourd'hui, aux refus réitérés de l'expert de faire droit à ses demandes d'investigations complémentaires tendant à dégager sa responsabilité, d'en référer au juge chargé du contrôle de l'expertise ; que faute de l'avoir fait en son temps, elle ne saurait être admise à critiquer un rapport d'expertise qui permet à la Cour d'en déduire à coup sûr que la brosse 3.1 a été fabriquée par la société KIBROS ;

Sur le déclenchement de l'incendie

Attendu que l'incendie a pris naissance au niveau de la brosseuse 3, située en aval du 3ème bac de décapage à l'acide chlorhydrique dilué ; que l'examen de la brosse 3.1 a révélé qu'elle était déspiralée, dégradation n'ayant pu survenir qu'à la suite d'une rupture de la fixation des spires sur le mandrin ; que cette rupture a été localisée côté arbre moteur ; que la désolidarisation des spires a provoqué un échauffement de la brosse qui a enflammé l'ébonite dès l'arrêt de l'arrosage consécutif à la mise en panne de la ligne LC2I ;

Attendu que l'examen des courbes d'intensité électrique peu avant l'arrêt de la ligne, à 1 h 20, révèle une augmentation de l'ampérage appelé par la brosse 3.1, les brosses 3.3 et 3.4 restant dans la norme ; qu'il n'est pas contesté, y compris par la société KIBROS, que cette dérive ne peut s'expliquer que par le fait que la rotation de cette brosse 3.1 était contrariée, contraignant le moteur d'entraînement à appeler une énergie électrique supplémentaire pour remplir son office ; que le déspiralage de la brosse est la seule explication logique d'une telle dérive, amenant à en déduire que ce déspiralage avait commencé avant l'arrêt de la ligne, qu'il avait provoqué un échauffement de la brosse, qui était resté masqué aussi longtemps que le système d'aspersion de liquides de lavage était en service, mais qui a dégénéré en inflammation de l'ébonite recouvrant le mandrin à la suite l'arrêt de la ligne de décapage à 1 h 20 ;

Attendu que la brosse 3.1 n'était pas autoserrante dans la mesure où les spires, enroulées à gauche, avaient naturellement tendance à se desserrer sous l'effet du frottement, reportant l'effort d'entraînement sur leurs fixations d'extrémité, qui devaient alors être conçues pour prévenir leur arrachement ;

Attendu que la société KIBROS ayant été incapable de communiquer, tant à l'expert (cf page 187 de son rapport) qu'aujourd'hui encore à la Cour, les consignes données à son personnel pour la fixation de l'unique (cf constat d'huissier reproduit page 35 : ' sur la couronne du feuillard il n'y a qu'un seul trou de fixation ', le clou ayant été retrouvé brisé, et page 36 ' le clou est cassé dans le feuillard ') clou d'attache de la première spire, il convient d'en déduire que ses préposés avaient toute liberté sur ce point et qu'ils s'acquittaient de leur tâche en fonction du savoir faire acquis par l'expérience ou au contact des plus anciens ; qu'elle n'a pas davantage versé aux débats le plan de fabrication, ou un bon de commande, du clou de fixation utilisé, forçant à en conclure qu'il n'existait pas plus de rigueur à ce niveau ;

Attendu que la société KIBROS, qui avait reçu communication par la société UGINE du cahier des charges (X38684) rédigé par la société ACOTEC, portant notamment sur le regarnissage des brosses, avec utilisation impérative d'un acier austénitique, a ignoré ces spécifications ;

Attendu qu'elle avait aussi mis en avant, dans ses négociations précontractuelles avec la société UGINE, le fait qu'elle avait recruté un ancien salarié de la société ACOTEC, M. [R], qui connaissait parfaitement la ligne LC2I pour avoir contribué à son installation, mais a manifestement négligé de recueillir l'avis éclairé de ce dernier avant de procéder au regarnissage des brosses dans son atelier ;

Attendu qu'elle a enfin dédaigné de s'inspirer du mode de fixation des brosses d'origine OSBORN, qui n'ont jamais connu une telle défaillance sur la ligne LC2I, qu'elle avait sous les yeux pour les besoins des opérations de regarnissage qui lui étaient confiées ;

Attendu qu'il s'induit de ces constatations que la société KIBROS a manqué à ses obligations de professionnelle de la brosse industrielle et que le déclenchement de l'incendie lui est entièrement imputable ;

Sur la propagation de l'incendie

Sur les prestations commandées à la société CERBERUS

Attendu que la société UGINE a, par un premier contrat n° 1 LC 81871 du 11 mai 1998, confié à la société CERBERUS, devenue SIEMENS, ' l'étude, la fourniture, la pose, le raccordement, la mise en 'uvre de tous les matériels concourant à la surveillance ou mise en protection automatique contre l'incendie des lieux énumérés au présent descriptif et celles de tous produits nécessaires aux tests de vérifications du fonctionnement des installations ' à l'exception de la détection de gaz ou d'explosion ; que par un second contrat n° 1 LC 06750 du 17 mai 1999, la société UGINE lui a commandé , ' l'étude, la fourniture et l'installation d'une détection incendie complémentaire de la ligne de Laminage Continu Intégrée Inox 2 dans les zones sensibles non surveillées ', ayant pour ' but de définir la conception générale, les contraintes d'installation, les conditions de fonctionnement, l'étendue des fournitures, les garanties exigibles et les règles techniques de conception et de construction ' ;

Attendu que la société SIEMENS a rempli son obligation de concevoir et d'installer une détection d'ambiance (cf le contrat mentionnant ' des lieux ') contre l'incendie, en choisissant un système de détecteurs reliés entre eux par des lignes de communication informatique, appelées ' bus ', connectées à une centrale de détection incendie, les ' bus ' 9 et 10 étant interactifs, c'est-à-dire capable de véhiculer des données dans les deux sens (des détecteurs vers la centrale et de la centrale vers les détecteurs) ;

Attendu que le deuxième contrat, en ce qu'il portait sur ' l'étude, la fourniture et l'installation d'une détection incendie complémentaire ' dans ' les zones sensibles non surveillées ', visait nécessairement à combler les failles laissées par ces détecteurs d'ambiance ; qu'il incombait particulièrement à la société SIEMENS de proposer à la société UGINE la pose de détecteurs dans les gaines d'évacuation des effluents gazeux branchés sur les unités de décapage, voire à l'intérieur de ces machines elles-mêmes, la démonstration étant faite par la modélisation informatique, commandée par la société HDI au laboratoire du Centre National de Prévention et de Protection, que le feu s'était développé sous le couvercle en polyester de la brosseuse n° 3, sans dégagement de fumée par les interstices du fait de l'aspiration des gaz par les gaines d'évacuation jusqu'à ce que le couvercle de la brosseuse, et ces gaines elles-mêmes, en matière plastique, ne fondent sous l'effet de la chaleur et libèrent les flammes sur tout leur environnement, jusqu'à 30 mètres de la zone de départ de feu, conférant aussitôt à l'incendie une ampleur telle qu'il était devenu impossible de le maîtriser à l'aide des équipements de premier secours disponibles sur place ;

Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces constatations que la société SIEMENS, venant aux droits de la société CERBRUS, a failli à l'obligation de résultat dont elle était débitrice du chef du contrat n° 1 LC 06750 du 17 mai 1999 ;

Sur la maintenance commandée à la société SIEMENS

Attendu que le 22 mai 2001, la société UGINE a commandé à la société SIEMENS une opération de maintenance corrective de l'installation consistant, notamment, dans le remplacement de 9 détecteurs reliés au ' bus ' n° 9, dont 2 détecteurs situés au-dessus de la brosseuse n° 3, avec faculté d'utiliser, sous certaines conditions, une nacelle extérieure pour les besoins de sa prestation ;

Attendu que, pour procéder à l'opération, le 20 juin 2001, les techniciens la société SIEMENS ont, à 14 h 24, neutralisé le ' bus ' n° 9, ainsi que le ' bus ' n° 10 ; que constatant qu'ils ne pouvaient accéder (pour une raison qui est demeurée obscure, insuffisante résistance du plancher ' Absence de qualification des deux préposés ') aux détecteurs défaillants à l'aide de la nacelle qu'ils avaient louée pour la circonstance, ils ont quitté les lieux sans remettre en service les deux ' bus ' neutralisés, laissant 73 détecteurs hors service ; que les agents de surveillance de la ligne LC2I ont rapidement remarqué que la centrale leur délivrait de nouveaux messages qu'ils ont été incapables d'interpréter ; qu'ils ont vainement tenté d'obtenir des explications des techniciens de la société SIEMENS, contactés par téléphone et par télécopie dans la quinzaine de jours qui a suivie ;

Attendu que la société SIEMENS reproche à la société UGINE de n'avoir pas arrêté la ligne LC2I à la vue des messages s'affichant sur les écrans de contrôle après le départ de ses techniciens, le 20 juin 2001, ou d'un voyant lumineux d'alerte ;

Attendu cependant que le voyant lumineux et les messages, indiquant que certains éléments de détection étaient hors service, ne pouvaient étonner les agents de surveillance dès lors qu'ils étaient informés que les techniciens de la société SIEMENS avaient quitté les lieux sans remplacer deux capteurs défectueux ; que de surcroît, ainsi que l'a reconnu la société SIEMENS dans son dire du 30 avril 2002, l'interprétation de ces messages était hors de portée des agents de surveillance de la société UGINE, particulièrement pour leur permettre de déterminer le nombre et la localisation des détecteurs hors service (rapport d'expertise page 105) ; qu'enfin les spécialistes de la société SIEMENS n'ont répondu à aucune des interrogations des agents de la société UGINE pendant 15 jours, ceux-ci ne pouvant raisonnablement imaginer que des professionnels avaient pu laisser toute une partie de l'installation sans système d'alarme ;

Sur le préjudice

Attendu que, faute de capteurs installés dans la brosseuse n° 3 et/ou dans la gaine d'évacuation des effluents gazeux, et en raison de la neutralisation des capteurs d'ambiance implantés à proximité depuis le 20 juin précédant, l'incendie du 6 juillet 2001 a pu prendre naissance sur la brosse 3.1, s'étendre à l'intérieur de la machine, se communiquer à la gaine d'évacuation pour finir par s'extérioriser dans le hall jusqu'à atteindre la charpente et la toiture ;

Attendu que les experts d'assurance ont distingué les dommages à la brosseuse, les dommages aux équipements proches de la brosseuse et les dommages aux autres équipements qu'ils ont répartis en trois catégories appelées ' zones ' ; que le préjudice global de la société UGINE n'est pas contesté (13 276 742 € pour les dommages matériels, représentant le coût de remplacement des matériels, outillages et les réparations du bâtiment, et 10 336 481 € pour les dommages immatériels, constitués par les surcoûts d'exploitation, la perte de bénéfice, la perte de marge sur coût variable, les frais supplémentaires de réparation, dont à déduire les économie sur main d''uvre) ;

Attendu que la société SIEMENS critique la répartition des dommages opérée par les experts d'assurance, et derrière ceux-ci par l'expert judiciaire, en s'appuyant sur deux documents ;

Attendu que le rapport commandé au laboratoire du Centre National de Prévention et de Protection en 2009, qui exonère la société SIEMENS de sa responsabilité au motif que les détecteurs d'ambiance installés sur la ligne LC2I, n'auraient pas permis de détecter et de neutraliser plus rapidement l'incendie à l'intérieur de la brosseuse n° 3, qu'ils aient été ou non en service, ne peut être avalisé dès lors qu'il est reproché à la société SIEMENS de n'avoir pas prévu, et conseillé à la société UGINE, en sa qualité de professionnelle, l'installation de détecteurs dans toutes les zones sensibles, incluant les gaines d'évacuation des vapeurs et/ou les autres organes fonctionnant en vase clos, dont la brosseuse n°3 ;

Attendu qu'il en est de même de la note établie par M. [Y], expert comptable spécialisé dans l'analyse financière des sinistres, selon laquelle une partie des préjudices immatériels imputés à la zone 3, mis à la charge de SIEMENS à ce titre, relève en fait, en majeure partie, de la zone 1 puisqu'ils sont, de manière prépondérante, la conséquence première de l'inflammation de la brosse 3.1, cette étude reposant aussi sur le postulat que l'incendie ne pouvait pas être détecté par les capteurs installés en ambiance avant qu'il ne s'extériorise ;

Attendu que M. [Y] affirme encore que le redémarrage de la ligne LC2I, le 19 septembre 2001, serait le résultat d'une livraison tardive de la nouvelle brosseuse n° 3 alors que la ligne LC2I a pu fonctionner en mode dégradé (en traitant des coils obtenus d'autres sites) dès le 14 août 2001, l'installation de la brosseuse n° 3 n'ayant pu intervenir qu'après achèvement des travaux de décontamination, réparation de la charpente et de la toiture de protection et installation des équipements de décapage et des accumulateurs, détruits ou gravement endommagés le 6 juillet 2001 ;

Attendu que l'expert judiciaire n'a pas repris la répartition des frais supplémentaires de réparation (2 862 095 € sous déduction des économies sur main d''uvre de 261 300 €) entre les 3 zones, à laquelle étaient parvenus les experts d'assurance, et ce pour un motif resté obscur dans son rapport dans la mesure où, après avoir relevé que ' les frais supplémentaires de réparation correspondent aux frais d'accélération de la réparation, donc à l'ensemble de la remise en état ', il considère inexplicablement qu' ' Ils doivent être rattachés à la zone 3 ', alors que s'agissant de frais de remise en état de l'ensemble de la ligne, brosseuse et autres matériels y compris, il convient de retenir la ventilation opérée dans le procès-verbal du 10 juin 2002 signé par les experts d'assurance au nom de l'ensemble des parties, à savoir 145 670 € pour la zone 1, 705 939 € pour la zone 2, 1 749 186 € pour la zone 3 ; que la répartition des dommages immatériels entre les zones devient ainsi :

Surcoût d'exploitation : 548 179 € Zone 1 (sans changement)

Perte de bénéfice : 1 391 507 € Zone 3 (sans changement)

Perte de marge : 5 796 000 € Zone 3 (sans changement)

Frais supplémentaires : 145 670 € en Zone 1, 705 939 € en Zone 2, 1 749 186 € en Zone 3,

Soit au total : 693 849 € en Zone 1, 705 939 € en Zone 2, 8 936 693 € en Zone 3 ;

Attendu que la répartition des dommages matériels n'est pas critiquable dans la mesure où elle découle des factures ; que la société SIEMENS et son assureur la remettent cependant en cause à partir d'un tableau émanant du Cabinet DUPONT INDUSTRIAL INSURANCE, qui doit être écarté dans la mesure où il repose lui aussi sur le postulat, erroné, que l'incendie de la brosseuse était indétectable avant qu'il ne s'extériorise ;

Attendu que la répartition des dommages matériels et immatériels entre les 3 zones s'établit comme suit :

Zone 1 : Dommages matériels 978 664 €, dommages immatériels 693 849 €, soit au total 1 672 513 €,

Zone 2 : Dommages matériels 2 818 997 €, dommages immatériels 705 939 €, soit au total 3 524 936 €,

Zone 3 : Dommages matériels 9 479 081 €, dommages immatériels 8 936 693 €, soit au total 18 415 774 € ;

Sur les responsabilités

Attendu que l'expert judiciaire, reprenant les conclusions des experts des compagnies d'assurance, a proposé de mettre à la charge de la société KIBROS 80 % des dommages des zones 1 et 2, le solde à l'appréciation de la juridiction à la charge soit de la société UGINE soit de la société BEUGIN, et 94 % des dommages de la zone 3 à la charge de la société SIEMENS, les 6 % restant étant laissés à la société UGINE ;

Sur les responsabilités dans les dommages des zones 1 et 2

Attendu que la société UGINE s'est adressée à la société KIBROS, qui était déjà référencée au sein du groupe sidérurgique ARCELOR, pour lui livrer des brosses équivalentes à celles de marque OSBORN que lui fournissait la société BEUGIN ;

Attendu que si les plans ACOTEC X38684 ont été remis à la société KIBROS, à l'appui des deux contrats des 11 octobre et 17 novembre 2000, la société UGINE n'a pas communiqué à cette dernière les spécifications techniques, de nature à aboutir à l'obtention de brosses conformes, spécifications qu'elle ne possédait pas, la société BEUGIN considérant qu'elles appartenaient à la société OSBORN ;

Attendu que si la société KIBROS a respecté les obligations lacunaires énoncées aux contrats, elle n'a pas cherché à connaître précisément les contraintes auxquelles les brosses étaient soumises sur la ligne de décapage LC2I, pour en tirer les enseignements, notamment quant au sens d'enroulement des spires, à gauche ou à droite, alors que son représentant, M. [R], ancien salarié de la société ACOTEC, connaissait parfaitement l'usage auquel ces brosses étaient destinées ; que, confiante en son savoir faire éprouvé depuis 50 ans, et fabriquant uniquement des brosses avec enroulement à gauche, elle n'a pas estimé utile d'adapter sa recette, faisant appel à un seul clou de fixation tout en sachant que toute la force d'entraînement de la brosse reposait entièrement sur lui en cas de montage sans autoserrage ; qu'elle a négligé de s'inspirer de la brosse OSBORN (dont le principe d'assemblage était dans le domaine public) qui lui était confiée pour adapter son produit aux besoins de la société UGINE en dépassant les seules contraintes découlant du contrat conclu avec cette dernière ; qu'elle a manqué à son obligation de résultat ; que sa responsabilité est engagée ;

Attendu que la société UGINE, si elle n'est pas un spécialiste de la brosse industrielle, est néanmoins une utilisatrice avertie et dispose du personnel apte à faire fonctionner l'ensemble de la ligne de décapage ; qu'en procédant elle-même au démontage et au remontage des brosses sur les machines fixes (ou en sous-traitant cette opération à la société SECOMETAL, qu'elle n'a pas appelée en la cause), elle n'a pas manqué de remarquer que les brosses KIBROS étaient équipées d'un seul clou de fixation, au contraire de celles livrées par la société BEUGIN, de marque OSBORN ; que cette différence constituant une faiblesse, il lui appartenait de la corriger, ce qu'elle n'a pas fait soit en attirant l'attention de la société KIBROS sur ce point, soit en demandant à la société BEUGIN les précisions techniques indispensables pour y remédier ;

Attendu que la société BEUGIN a remis à la société UGINE le cahier des charges X38684 sans lui communiquer les spécifications techniques émanant de la société OSBORN ; que le contrat conclu le 2 mars 1998 avec la société UGINE contenant une clause élusive de responsabilité en cas d'utilisation sur la ligne de décapage LC2I de pièces de rechange non fournies par ses soins, elle doit être mise hors de cause, la brosse 3.1 n'ayant pas été livrée par ses soins ;

Attendu que la société KIBROS sera déclarée responsable des dommages, matériels et immatériels, à la brosseuse n° 3 (zone 1, soit 1 672 513 €) à concurrence de 80 % (soit 1 338 010,40 €) la société UGINE supportant le solde (334 502,60 €) ;

Attendu que les dégâts aux appareils implantés à proximité (zone 2, soit au total 3 524 936 €) seront mis à la charge de la société SIEMENS qui n'a pas proposé à la société UGINE la pose de détecteurs, soit dans la brosseuse proprement dite, soit dans le système d'évacuation des gaz ;

Sur les responsabilités dans les dommages de la zone 3

Attendu que l'expert a souligné que l'absence de réaction du responsable de la sécurité de la société UGINE, confronté, le 20 juin 2001, à des signaux d'alerte qu'il ne pouvait comprendre, qu'il qualifie de faiblesse, ' ne peut être mise sur le même plan que l'action de la mise hors service et l'abandon du chantier dans ces conditions ' (c'est-à-dire sans remise en service des ' bus ' n° 9 et 10) ;

Attendu qu'il a, en page 188, estimé que, parmi les quatre faits, d'égale importance, ayant contribué au développement de l'incendie, le deuxième (' Démarrage de l'exploitation par UGINE alors que les 2 bus étaient hors service. UGINE était mal informé par SIEMENS CERBERUS et pas conscient du risque pris : responsabilité ¿ SIEMENS CERBERUS, ¿ UGINE ') engageait partiellement la responsabilité de la société UGINE à concurrence de 6 % (¿ de 25%) des frais de la zone 3 ; qu'il a aussi noté, mais sans en tirer les conséquences nécessaires sur la part de responsabilité de la société UGINE, que l'imprimante de la centrale de surveillance n'était pas approvisionnée en papier, privant les préposés à la ligne LC2I d'un moyen d'information supplémentaire sur les signaux d'alerte ;

Attendu que la société SIEMENS ne saurait, sans mieux s'en expliquer, en citant simplement la page 189 du rapport de l'expert, qui a classé dans les ' anomalies n'ayant pas eu d'influence notable sur le déroulement de l'incendie ', une ' organisation perfectible des secours internes ', en déduire que le ' non-respect de normes de sécurité est constitutif d'un manquement d'UGINE déterminant dans la survenance du sinistre ' pour prétendre que la société UGINE est, au moins partiellement, à l'origine de son propre dommage ;

Attendu que la société SIEMENS sera reconnue responsable à hauteur de 90 % des dommages de la zone 3 (18 415 774 X 90 % = 16 574 196,60 €) le solde (1 841 577,40 €) étant mis à la charge de la société UGINE ;

Sur le partage des indemnités

Attendu que la société UGINE doit supporter son propre dommage fixé à la somme de 2 176 080 € (334 502,60 € pour la zone 1 et 1 841 577,40 € pour la zone 3) ; qu'elle doit être indemnisée à hauteur de 21 437 143 € [23 613 223 ' (334 502,60 + 1 841 577,40)], les société KIBROS et SIEMENS supportant respectivement 1 338 010,40 € et 20 099 132,60 € (3 524 936 + 16 574 196,60) ; que cependant il est de jurisprudence constante (ainsi encore Cour de Cassation, 1ère chambre civile, 19 novembre 2009, n° 08-15937) que chacun des coauteurs d'un même dommage, conséquence de leurs fautes respectives, doit être condamné in solidum à la réparation de l'entier dommage, chacune des fautes distinctes ayant contribué à occasionner un dommage unique, même si les sources des différentes responsabilités sont distinctes ;

Attendu en conséquence que les sociétés KIBROS et SIEMENS seront condamnées in solidum, sauf le recours de l'une contre l'autre, à payer la somme de 21 437 143 € à la société UGINE et à ses assureurs ; que la société UGINE ayant été indemnisée au-delà de la part de responsabilité des sociétés KIBROS et SIEMENS, la totalité de cette somme sera attribuée à la société AXA et aux LLOYD'S de [Localité 20], ses assureurs, à charge pour ceux-ci de les répartir selon une clé qui n'a pas été fournie à la Cour ;

Attendu que la société AVIVA doit sa garantie à son assurée, la société KIBROS à concurrence de 1 338 010,40 €, somme inférieure au plafond contractuel de garantie fixé à 1 521 441 € (1 524 490 ' franchise de 3 049) ;

Attendu que la société HDI doit sa garantie à son assurée, la société SIEMENS, à concurrence de la totalité de la somme mise à la charge de celle-ci, soit 20 099 132,60 € ;

**

Attendu que les intérêts au taux légal courront à l'encontre de la SAS KIBROS et de la SAS SIEMENS à compter du 7 février 2005, avec anatocisme ;

Attendu qu'il est équitable de condamner in solidum la société KIBROS et la société SIEMENS à payer à la société UGINE et à ses assureurs la somme de 100 000 € au titre de leurs frais hors dépens de première instance et d'appel ;

Attendu que la société UGINE sera condamnée à payer 5 000 € à la société BEUGIN et à la société AGF IART, chacune, en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu qu'il est équitable de laisser aux sociétés SIEMENS, HDI et AVIVA la charge de leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, par arrêt mis à disposition au greffe,

Déboute la SAS KIBROS et la SA AVIVA ASSURANCES de leur demande d'annulation du rapport d'expertise ou de complément d'expertise,

Emende le jugement entrepris,

Juge que la SAS KIBROS est responsable de 80 % des dommages matériels et immatériels de la zone 1, arrêtés à 1 672 513 €,

Juge que la SA UGINE et ALZ, devenue ARCELORMITTAL STAINLESS FRANCE, est responsable de 20 % des dommages matériels et immatériels de la zone 1, arrêtés à 1 672 513 €, et de 10 % des dommages matériels et immatériels de la zone 3, arrêtés à la somme de 18 415 774 €,

Juge que la SAS SIEMENS est responsable de la totalité des dommages matériels et immatériels de la zone 2, arrêtés à la somme de 3 524 936 €, et de 90 % des dommages matériels et immatériels de la zone 3, arrêtés à la somme de 18 415 774 €,

Déboute la SA UGINE et ALZ, devenue ARCELORMITTAL STAINLESS FRANCE, la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE et les souscripteurs du LLOYD'S DE [Localité 20], représentés par la société LLOYD'S FRANCE, de leurs prétentions à l'encontre de la SAS BEUGIN INDUSTRIE, venant aux doits de la SA SGL ACOTEC,

Déboute la SA UGINE et ALZ, devenue ARCELORMITTAL STAINLESS FRANCE, de sa prétention à obtenir la condamnation de la SAS KIBROS et de la SAS SIEMENS à lui payer la somme de 1 608 281 €,

Condamne in solidum la SAS KIBROS et la SAS SIEMENS, sauf le recours de l'une contre l'autre, à payer la somme de 21 437 143 € à la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE et les souscripteurs du LLOYD'S DE [Localité 20], représentés par la société LLOYD'S FRANCE, ensemble, en leur qualité d'assureurs subrogé dans les droits de la SA UGINE et ALZ, devenue ARCELORMITTAL STAINLESS FRANCE,

Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 7 février 2005 et que les intérêts seront capitalisés chaque année à compter de cette date,

Dit que la SA AVIVA ASSURANCES doit sa garantie à son assurée, la SAS KIBROS à concurrence de 1 521 441 €,

Dit que la société SAS HDI INDUSTRIE VERSICHERUNG AG doit sa garantie à son assurée, la SAS SIEMENS, à concurrence de la totalité de la somme mise à la charge de celle-ci,

Met la SA AGF IART hors de cause,

Condamne in solidum la SAS KIBROS et la SAS SIEMENS à payer à la SA UGINE et ALZ, devenue ARCELORMITTAL STAINLESS FRANCE, à la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE et aux souscripteurs du LLOYD'S DE [Localité 20], représentés par la société LLOYD'S FRANCE, la somme de 100 000 € au titre de leurs frais hors dépens de première instance et d'appel,

Condamne la SA UGINE et ALZ, devenue ARCELORMITTAL STAINLESS FRANCE, à payer 5 000 € à la SAS BEUGIN INDUSTRIE et à la SA AGF IART, chacune, en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,

Laisse à la SAS SIEMENS, à la SAS HDI INDUSTRIE VERSICHERUNG AG et à la SA AVIVA ASSURANCES la charge de leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Condamne la SAS KIBROS et la SAS SIEMENS, chacune pour moitié, aux dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise, qui pourront être recouvrés, pour ceux d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Le GreffierLe Président

Véronique DESMETChristine PARENTY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 1
Numéro d'arrêt : 07/04865
Date de la décision : 28/01/2010

Références :

Cour d'appel de Douai 21, arrêt n°07/04865 : Autres décisions constatant le dessaisissement en mettant fin à l'instance et à l'action


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-01-28;07.04865 ?
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