COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 3
ARRÊT DU 10/12/2009
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N° MINUTE :
N° RG : 08/03932
Jugement (N° 06/01406)
rendu le 19 Mars 2008
par le Tribunal de Grande Instance de VALENCIENNES
REF : CC/VC
APPELANTS
Monsieur [S] [F]
né le [Date naissance 5] 1953 à [Localité 8]
demeurant : [Adresse 6]
Représenté par la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, avoués à la Cour
Assisté de Me Brigitte PETIAUX D' HAENE, avocat au barreau de VALENCIENNES
Madame [W] [X] épouse [F]
née le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 7] ([Localité 7])
demeurant : [Adresse 6]
Représentée par la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, avoués à la Cour
Assistée de Me Brigitte PETIAUX D' HAENE, avocat au barreau de VALENCIENNES
INTIMÉE
CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social : [Adresse 1]
Représentée par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour
Assistée de la SCP DEBACKER DURIEUX ET ASSOCIES, avocats au barreau de VALENCIENNES
DÉBATS à l'audience publique du 17 Septembre 2009 tenue par Catherine CONVAIN magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Patricia PAUCHET
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Pierre CHARBONNIER, Président de chambre
Catherine PAOLI, Conseiller
Catherine CONVAIN, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 10 Décembre 2009 après prorogation du délibéré du 19 novembre 2009 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pierre CHARBONNIER, Président et Annie DESBUISSONS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Vu le jugement contradictoire prononcé par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Valenciennes le 19 mars 2008 ;
Vu l'appel formé le 6 juin 2008 ;
Vu les conclusions signifiées le 7 avril 2009 pour M. et Mme [S] [F] [X], appelants ;
Vu les conclusions signifiées le 18 novembre 2008 pour la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE, intimée et appelante incidente ;
Vu l'ordonnance de clôture du 16 avril 2009 ;
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Suivant acte notarié reçu par Me [L], Notaire associé à [Localité 7], en date du 13 novembre 1984, la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE a consenti à Monsieur et Madame [S] [F] [X], s'engageant solidairement, un prêt immobilier d'un montant de 300 000 F destiné à financer la construction d'un immeuble à usage d'habitation sur deux parcelles sises à [Localité 9] et appartenant l'une cadastrée AD n° [Cadastre 4] à la communauté des époux et l'autre cadastrée AD n° [Cadastre 3] à Mme [F] [X] en propre. Ce prêt a été garanti par une hypothèque conventionnelle du même jour, enregistrée à la conservation des hypothèques le 2 janvier 1985, volume 248 n° 77. Cette garantie hypothécaire a été inscrite sur les parcelles cadastrées section AD n° [Cadastre 4] et section AD n° [Cadastre 3].
Suivant jugement en date du 15 octobre 1990, le tribunal de commerce de Valenciennes a prononcé la liquidation judiciaire de M. [S] [F] et a nommé Me [Y] [T] en qualité de liquidateur.
Par lettre recommandée du 10 janvier 1991, reçue le 14 janvier 1991, la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE a déclaré au liquidateur de M. [S] [F] une créance comportant notamment le solde du prêt immobilier pour un montant de 291 599,09 F (44 453,99 €) outre indemnités.
Par jugement en date du 25 janvier 2000, le tribunal de commerce de Valenciennes a déclaré mal fondée la demande de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE tendant à être autorisée à procéder à la vente aux enchères publiques de la parcelle cadastrée AD n° [Cadastre 4] à Haveluy et de la construction édifiée sur la parcelle.
Suivant commandement de Me [P] [H], huissier de justice à [Localité 13], en date du 29 mars 2006, publié à la conservation des hypothèques de [Localité 13] le 4 avril 2006, volume 2006 n° 17, la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE a, pour obtenir le paiement de la somme de 140 218,08 € en vertu notamment de l'acte authentique de prêt du 13 novembre 1984, fait saisie sur M. et Mme [S] [F] [X] :
de la parcelle de terrain située [Adresse 12], cadastrée section AD n°[Cadastre 4]9 pour une contenance totale de 9 ares et 48 centiares, appartenant en commun aux époux [S] [F] [X] ;
de la parcelle de terrain située [Adresse 12], cadastrée section AD n° [Cadastre 3] pour une contenance totale de 6 ares et 86 centiares, appartenant en propre à Mme [F] [X], pour l'avoir reçue en donation de ses parents ;
de l'immeuble à usage d'habitation qui a été construit à cheval sur les deux parcelles au moyen du prêt immobilier de 300 000 F (45 734,71 €) consenti à M. et Mme [S] [F] [X] par acte notarié en date du 13 novembre 1984.
Par jugement en date du 19 mars 2008, le tribunal de grande instance de Valenciennes a déclaré régulière la procédure de saisie immobilière engagée contre M. et Mme [S] [F] [X] par commandement en date du 29 mars 2006 et valable pour le montant déclaré par la société CREDIT AGRICOLE DU NORD DE FRANCE au liquidateur de M. [S] [F] [X] le 10 janvier 1991 et condamné solidairement M. et Mme [S] [F] [X] à payer à la société CREDIT AGRICOLE DU NORD DE FRANCE la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens.
M. et Mme [S] [F] [X] ont relevé appel de ce jugement.
À l'appui de leur appel, M. et Mme [S] [F] [X] soutiennent à titre principal que la procédure de saisie immobilière est nulle à défaut d'autorisation du juge commissaire de vendre l'immeuble ; à titre subsidiaire que la créance de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE est prescrite ; à titre infiniment subsidiaire que l'interruption de la prescription ne peut avoir d'effet que pour le montant de la créance déclarée.
Ils concluent donc à l'infirmation du jugement et demandent à la cour de prononcer la nullité du commandement aux fins de saisie immobilière qui leur a été délivré le 29 mars 2006 ainsi que des actes subséquents, faute par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE d'avoir obtenu l'autorisation du juge commissaire, à défaut, de dire et juger la créance de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE prescrite sur le fondement des articles L. 110 ' 4 du code de commerce et 2277 du Code civil, à titre subsidiaire, pour le cas où la cour estimerait que la déclaration de créance a eu un effet interruptif de prescription, de dire et juger que la déclaration de créance n'a d'effet interruptif de prescription que pour le montant déclaré à titre privilégié soit la somme de 69 307,70 €, de dire et juger pour le surplus la créance de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE prescrite, de fixer à 59 454 € le montant de la créance de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE à l'égard de Mme [F] [X] et de condamner la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE à leur payer une indemnité de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens.
La CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré régulière la procédure de saisie immobilière diligentée suivant commandement du 29 mars 2006 régulièrement publié à la conservation des hypothèques de [Localité 13] le 4 avril 2006 sous le n° 2006 S n°17, d'émender le jugement en ce qu'il a dit que la saisie immobilière ne pouvait prospérer que pour le montant déclaré, de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné les époux [S] [F] [X] au paiement de la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et y ajoutant, de condamner solidairement ces derniers au paiement de la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ainsi qu'aux dépens.
Elle fait valoir que l'autorisation du juge commissaire a été sollicitée et refusée par une décision définitive et que Mme [F] [X] étant débitrice en vertu de son engagement solidaire, elle est fondée à solliciter la vente, sauf récompense au bénéfice de la liquidation judiciaire de M. [S] [F], de l'ensemble de la propriété sise à [Localité 9], Mme [F] [X] ayant elle-même donné en gage sous forme d'une hypothèque les deux parcelles ; que le délai de la prescription qui est de trente ans n'est pas écoulé et que même si le délai est de dix ans, il a été régulièrement interrompu ; qu'en déclarant le principal de sa créance et en cherchant à recouvrer cette somme par la voie de la saisie des rémunérations, elle a opéré interruption de la prescription pour la créance elle-même dans tous ses aspects de sorte que ni le principal ni les intérêts ne sont prescrits et qu'en tout état de cause, il n'appartenait pas aux premiers juges de réduire à la seule déclaration de créance le montant de la créance qu'elle détient à l'encontre de Mme [F] [X].
SUR CE,
Sur la régularité de la procédure de saisie mobilière
Attendu que M. et Mme [S] [F] [X] soutiennent que la procédure de saisie immobilière portant sur un bien appartenant en indivision à deux époux dont l'un est soumis à une procédure collective, la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE est tenue de présenter une requête au juge commissaire dont l'ordonnance se substitue au commandement de droit commun, qui fixe, après avoir recueilli les observations des contrôleurs, du débiteur et du liquidateur entendus ou dûment appelés, la mise à prix et les conditions essentielles de la vente et détermine les modalités de publicité et que faute par la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE d'avoir respecté ses obligations, la procédure de saisie immobilière est nulle ;
Attendu toutefois qu'il ressort des éléments de la cause que par requête en date du 27 septembre 1999, la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE a saisi le juge commissaire aux fins d'être autorisée à procéder à la vente aux enchères publiques de l'immeuble situé à [Adresse 11] cadastré section AD n°[Cadastre 4]9 appartenant à M. et Mme [S] [F] [X] ;
Qu'à la suite de l'opposition formée par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE à l'encontre de l'ordonnance du juge commissaire rendue le 4 novembre 1999 disant n'y avoir lieu à ordonner la vente aux enchères publiques de l'immeuble, le tribunal de commerce de Valenciennes a, par jugement en date du 25 janvier 2000, devenu définitif, dit que la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE était mal fondée en sa demande tendant à être autorisée à procéder à la vente aux enchères publiques de l'immeuble (à savoir la parcelle sise à [Adresse 10] cadastrée section AD n° [Cadastre 4] pour 9 ares 48 centiares ainsi que la construction qui y figure) au motif que l'immeuble construit à cheval sur les deux parcelles (cadastrées section AD n°[Cadastre 4]9 et AD n° [Cadastre 3]) constitue un ensemble indivisible et que ledit immeuble à cheval sur les deux parcelles de terrain cadastrées section AD n° [Cadastre 3] et AD n° [Cadastre 4] et la parcelle AD n°[Cadastre 4] était des biens propres de Mme [F] [X] et qu'en conséquence, la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE qui avait actionné uniquement M. [S] [F] [X] en liquidation judiciaire ne pouvait agir sur les biens propres de Mme [F] [X] épouse in bonis, l'immeuble à usage d'habitation qu'elle entendait faire vendre ainsi que les parcelles de terrain sur lesquelles l'immeuble était édifié étant des biens propres de celle-ci ;
Qu'au regarde ces éléments, M. et Mme [S] [F] [X] ne sont pas fondés à soutenir que la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE n'a pas respecté ses obligations puisqu'elle a présenté au juge commissaire une requête aux fins d'obtenir l'autorisation de vendre aux enchères publiques l'immeuble édifié sur la parcelle cadastrée section AD n° [Cadastre 4] et que cette requête a été rejetée par le jugement définitif du tribunal de commerce Valenciennes du 25 janvier 2000 au motif que l'immeuble construit à cheval sur les deux parcelles de terrain (cadastrées section AD n° [Cadastre 4] et AD n° [Cadastre 3]) constitue un ensemble indivisible et que ce bien immobilier dans son ensemble était devenu un bien propre de Mme [F] [X] alors que seul M. [S] [F] [X] était l'objet d'un jugement de liquidation ;
Que c'est donc exactement que les premiers juges ont retenu que par suite, le créancier poursuivant n'avait pas à solliciter l'autorisation du juge commissaire pour délivrer le commandement litigieux en date du 29 mars 2006 ;
Attendu que contrairement à ce que soutiennent M. et Mme [S] [F] [X], la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE ne forme aucune demande nouvelle tendant à voir caractériser de propres à Mme [F] [X] les biens objets de la saisie immobilière mais fait valoir un simple moyen résultant de la motivation du jugement définitif du tribunal de commerce de Valenciennes du 25 janvier 2000 (jugement qui, pour rejeter sa requête en autorisation de vente aux enchères publiques de l'immeuble, a qualifié de propres à Mme [S] [F] [X] les biens immobiliers) afin de démontrer que la procédure de saisie immobilière a était respectée, moyen qui en outre était déjà dans les débats devant les premiers juges ;
Attendu que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré régulière la procédure de saisie immobilière engagée contre M. et Mme [S] [F] [X] par commandement en date du 29 mars 2006 ;
Sur la prescription de l'action en recouvrement de la créance
Attendu que M. et Mme [S] [F] [X] soutiennent que la prescription décennale de l'article L. 110 ' 4 du code de commerce est applicable à la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE qui effectue de manière habituelle des actes de commerce et que le point de départ de la prescription étant la première échéance impayée non régularisé qui est l'événement qui donne naissance à l'action du prêteur (en l'occurrence l'échéance d'octobre 1990,), la créance de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE qui devait agir au plus tard en octobre 2000, est prescrite ;
Attendu toutefois qu'il est constant que l'admission au passif de la liquidation judiciaire de la créance entraîne la substitution de la prescription trentenaire à la prescription décennale et que cet effet interversif de prescription est opposable au codébiteur solidaire en application de la règle de la représentation mutuelle des coobligés ;
Qu'en l'espèce, il résulte de la lettre de notification de créance du greffe du tribunal de commerce de Valenciennes du 18 septembre 1991 que la créance de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE a été admise au passif de la liquidation judiciaire de M. [S] [F] pour la somme de 454 628,71 F à titre privilégié correspondant aux inscriptions des 2 janvier 1985 et 3 février 1989 ;
Que cette admission au passif de la liquidation judiciaire de M. [S] [F] de la créance de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE a entraîné la substitution de la prescription trentenaire à la prescription décennale, substitution qui est opposable à Mme [F] [X] en sa qualité de co-emprunteuse du prêt immobilier consenti par la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE aux époux [S] [F] [X] solidairement ;
Attendu que contrairement à ce que soutiennent M. et Mme [S] [F] [X], le point de départ du délai de prescription ne saurait être fixé à la date de la première échéance impayée non régularisée, cette date concernant la forclusion de l'article L. 311 ' 37 du code de la consommation qui n'est pas applicable aux crédits immobiliers régis par les articles L. 312 ' 1 du code de la consommation (et donc au crédit immobilier en cause), mais à la date de la déchéance du terme qui entraîne l'exigibilité de la créance ;
Qu'en vertu de l'article L. 622 ' 22 alinéa 1 du code de commerce ( ancien article 160 alinéa 1 de la loi du 25 janvier 1985), le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire rend exigibles les créances non échues ;
Que dès lors, en ce qui concerne M. [S] [F], le point de départ du délai de prescription est le jugement du tribunal de commerce de Valenciennes du 15 octobre 1990 qui a prononcé la liquidation judiciaire de ce dernier et a provoqué la déchéance du terme en rendant les créances non échues exigibles ;
Que par ailleurs, la liquidation judiciaire d'un codébiteur n'emportant aucun effet sur l'engagement d'un codébiteur demeuré in bonis qui continue à bénéficier de son propre terme, le point de départ de la prescription en ce qui concerne Mme [F] [X] est la déchéance du terme qui est intervenue le 8 avril 1993, à la suite de la lettre recommandée, avec demande d'avis de réception, de mise en demeure de régler les échéances échues impayées et de notification de la déchéance
du terme à défaut de règlement, cette mise en demeure étant restée infructueuse ;
Attendu qu'aux termes de l'article 2244 du Code civil, « une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir » ;
Qu'en outre, l'article 2249 du Code civil dispose que « l'interpellation faite, conformément aux articles ci-dessus, à l'un des codébiteurs solidaires, ou sa reconnaissance, interrompt la prescription contre tous les autres, même contre les héritiers » ;
Que par ailleurs, il est constant que la déclaration de créance au passif du redressement ou de la liquidation judiciaire du débiteur équivaut à une demande en justice et interrompt la prescription à l'égard du débiteur mais aussi à l'égard de tous les débiteurs solidairement tenus à la dette ;
Qu'en l'espèce, à la suite du jugement du tribunal de commerce de Valenciennes du 15 octobre 1990 prononçant la liquidation judiciaire de M. [S] [F], la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE a régulièrement déclaré sa créance au titre du prêt contracté le 13 novembre 1984, par lettre recommandée du 10 janvier 1991 avec avis de réception du 14 janvier 1991 entre les mains de Me [T], ès-qualités de liquidateur ; que cette déclaration de créance du 10 janvier 1991 a interrompu la prescription ;
Que de même, ainsi que l'ont justement retenu les premiers juges, la signification le 26 septembre 2000 à Me [T], ès-qualités de liquidateur de M. [S] [F], du jugement définitif du 25 janvier 2000 statuant sur la requête en autorisation de vendre aux enchères publiques le bien immobilier, constitue un nouvel acte d'interruption de la prescription ;
Que dès lors, quel que soit le délai de prescription applicable (trentenaire ou décennal), le délai de prescription pour agir en recouvrement du solde du prêt contracté le 13 novembre 1984 n'était pas acquis à la date de la délivrance du commandement aux fins de saisie immobilière, intervenue le 29 mars 2006, l'interpellation faite à l'un des débiteurs solidaires interrompant la prescription à l'égard de tous les autres conformément à l'article 2249 du Code civil ;
Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la créance ;
Sur la prescription des intérêts
Attendu que dans le cadre de la législation antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises, applicable en l'espèce, si le codébiteur en liquidation judiciaire bénéficie de l'arrêt du cours des intérêts, en revanche ceux-ci continuent à courir contre le codébiteur in bonis ;
Que dès lors, si M. [S] [F] en sa qualité de codébiteur en liquidation judiciaire, n'est tenu qu'au montant de la créance déclarée, en revanche, Mme [F] [X], codébitrice in bonis, est tenue au paiement des intérêts ;
Attendu toutefois que l'article 2277 du Code civil dispose que les actions en paiement des intérêts des sommes prêtées se prescrivent par cinq ans ;
Qu'en l'espèce, aucun acte interruptif de prescription n'étant intervenu à l'égard de Mme [F] [X] concernant les intérêts entre le commandement aux fins de saisie immobilière du 29 mars 2006, régulièrement délivré en vertu de l'acte notarié du 13 novembre 1984, et le 29 mars 2001, les intérêts échus antérieurement au 29 mars 2001 se trouvent prescrits ;
Que la procédure de saisie immobilière engagée à l'égard de M. et Mme [S] [F] [X] par commandement en date du 29 mars 2006 sera donc déclaré valable, par réformation partielle du jugement, pour le montant déclaré par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE au liquidateur de M. [S] [F] le 10 janvier 1991, augmenté des intérêts échus postérieurement au 29 mars 2001, étant relevé que les règlements effectués par Mme [F] [X] de 1991 à 1995 ne concernent pas le prêt notarié du 13 novembre 1984 qui sert de fondement aux poursuites ;
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Attendu que le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné solidairement M. et Mme [S] [F] [X] aux dépens et à payer à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE la somme du 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Qu'en cause d'appel, M. et Mme [S] [F] [X], partie succombante, seront condamnés solidairement aux dépens par application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et à payer à la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE la somme de 1000 € au titre des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer devant la cour ;
PAR CES MOTIFS ;
Statuant publiquement et contradictoirement ;
Reçoit l'appel principal et l'appel incident en la forme ;
Confirme le jugement sauf du chef du montant de la créance ;
Statuant à nouveau de ce chef ;
Déclare valable la procédure de saisie immobilière engagée contre M. et Mme [S] [F] [X] par commandement en date du 29 mars 2006 pour le montant déclaré par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE au liquidateur de M. [S] [F] le 10 janvier 1991, augmenté des intérêts échus postérieurement au 29 mars 2001 ;
Déboute les parties de leurs demandes ou conclusions plus amples ou contraires ;
Condamne solidairement M. et Mme [S] [F] [X] à payer à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE la somme de 1000 € au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Condamne solidairement M. et Mme [S] [F] [X] aux dépens d'appel lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,
A. DESBUISSONSP. CHARBONNIER