COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 7 SECTION 2
ARRÊT DU 26/11/2009
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N° RG : 08/05397
Jugement (N° 07/2220) rendu le 01 Juillet 2008
par le Juge aux affaires familiales de DUNKERQUE
REF : LG/CB
APPELANT
Monsieur [E] [K] [F] [O]
né le [Date naissance 3] 1956 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 2]
représenté par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour
assisté de Maître Laurent CALONNE, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉE
Madame [U] [P] [T] [B] [N]
née le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 5]
demeurant [Adresse 4]
représentée par la SELARL ERIC LAFORCE, avoués à la Cour
assistée de Maître Fabrice DANDOY, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS à l'audience en chambre du Conseil du 15 Octobre 2009, tenue par Loïc GRILLET magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Christine COMMANS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Hervé ANSSENS, Conseiller le plus ancien faisant fonction de Président (Cf ordonnance de M. le Premier Président en date du 31 août 2009)
Loïc GRILLET, Conseiller
Cécile ANDRE, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 26 Novembre 2009 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Hervé ANSSENS, Conseiller faisant fonction de Président et Christine COMMANS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
OBSERVATIONS ECRITES DU MINISTÈRE PUBLIC
29 mai 2009
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Exposé du litige
Par jugement prononcé le 16 mars 2005, auquel les parties ont acquiescé, pour Monsieur [E] [O] le 15 juillet 2005 et, pour Madame [U] [N] le 19 juillet 2005, le Juge aux affaires familiales de Dunkerque a :
prononcé le divorce de Madame [U] [N] et de Monsieur [E] [O] à leurs torts partagés ;
condamné ce dernier à payer à Madame [U] [N] une prestation compensatoire sous la forme d'un capital de 120 000€.
Dans le cadre d'une instance en révision initiée par Madame [U] [N], par exploit du 2 décembre 2005, et tendant à la rétractation de cette dernière disposition en raison de la fraude qu'aurait commis Monsieur [E] [O], le Juge aux affaires familiales de Dunkerque, par jugement du 1er juillet 2008, a :
rejeté la fin de non-recevoir opposée par Monsieur [E] [O] à cette action tirée de l'acquiescement de Madame [U] [N] au jugement dont elle sollicite la révision ;
rétracté le dit jugement dans ses dispositions relatives à la prestation compensatoire ;
précisé que Monsieur [E] [O] devrait payer une prestation compensatoire à Mme [N] 'au moins égale à 120 000€' ;
sursis à statuer sur le montant définitif de celle-ci ;
ordonné une expertise comptable et désigné pour la réaliser Monsieur [G], expert immobilier, avec mission de déterminer la situation financière des parties au 16 mars 2005, de décrire et d'évaluer les éléments de leur patrimoine commun, propre ou indivis à cette date, et la valeur des parts de Monsieur [E] [O] dans la SA FONGIFRANCE et de toute participation directe ou indirecte de celui-ci dans une personne morale et, d'une manière générale, fournir tous éléments utiles pour permettre la comparaison des patrimoines, ressources et charges des parties au regard de sa demande de prestation compensatoire ;
condamné Monsieur [E] [O] à payer à Madame [U] [N] la somme de 10 000€ à titre de dommages et intérêts ;
réservé les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [E] [O] a interjeté appel de cette décision par acte déposé le 10 juillet 2008.
Aux termes de ses conclusions déposées le 8 octobre 2009, auxquelles il convient de se référer pour le détail de celles-ci, il demande :
avant tout débat au fond, par application des dispositions de l'article 409 du code de procédure civile, de déclarer irrecevable le recours en révision de Madame [U] [N] ;
subsidiairement, de constater le défaut de réunion des conditions prévues à l'article 595 du code de procédure civile en raison de l'absence de fraude de sa part et de la faute commise par Madame [U] [N] ;
de débouter celle-ci de l'intégralité de ses demandes
à titre subsidiaire, si le principe de l'expertise comptable était confirmé, que les frais de celle-ci soit mis à la charge de Madame [U] [N] ;
conformément à l'article 564 du code de procédure civile, de déclarer irrecevables les demande formées par l'intimée, pour la première fois en cause d'appel, tendant à sa condamnation à lui payer sur le fondement de l'abus de droit la somme de 210 000€ à titre de dommages et intérêts ;
de la condamner aux entiers dépens et à lui payer une indemnité de 3 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Il fait valoir :
que Madame [U] [N] ayant acquiescé au jugement, elle ne peut en demander la rétractation dans le cadre d'une instance en révision, l'article 409 du code de procédure civile disposant que cet acquiescement entraîne renonciation aux voies de recours, sans distinction de leur caractère ordinaire ou extraordinaire ;
qu'il n'est aucunement établi que le jugement, dont elle demande la révision, ait été prononcé dans des circonstances caractérisant une fraude de sa part répondant aux exigences de l'article 595 du code de procédure civile ;
qu'elle pouvait, en outre, faire valoir les éléments qu'elle invoque maintenant avant que la décision dont elle demande la révision ne soit passée en force de chose jugée
que le préjudice qu'elle invoque et qui a justifié qu'elle obtienne, avant que soit réalisée l'expertise dont il conteste l'utilité, la somme de 10 000€ à titre de dommages et intérêts n'est pas justifié ;
que les demande nouvelles qu'elle forme, conscient de la faiblesse de ses demandes initiales, sont irrecevables, car présentées pour la première fois en cause d'appel.
Aux termes de ses conclusions déposées le 14 octobre 2009, Madame [U] [N] demande, à titre principal, la confirmation du jugement.
A titre subsidiaire, si 'par extraordinaire, la Cour devait considérer que l'attitude de Monsieur [E] [O] n'est pas constitutive d'une fraude', elle demande qu'il soit dit que la révocation par Monsieur [E] [O] de l'avantage matrimonial constitue un abus de droit justifiant qu'il soit condamné à lui payer la somme de 210 000€ à titre de dommages et intérêts.
Elle expose :
que l'article 593 du code de procédure civile, qui introduit le recours en révision, constitue une exception à la règle qui prévoit l'irrecevabilité du recours formé contre un jugement passé en force de chose jugé, qui ne distingue pas les modalités suivant lesquelles cette décision acquiert un caractère définitif ;
qu'il serait paradoxal d'admettre qu'un jugement signifié puisse être révisé pour fraude alors qu'il ne pourrait l'être, lorsqu'il a fait l'objet d'un acquiescement, puisque l'obtention, par Monsieur [E] [O], de l'acquiescement participe de la même entreprise frauduleuse.
Sur le fond, elle expose :
que les époux, qui se sont mariés sous le régime de la séparation des biens le 27 octobre 1989, ont modifié, le 8 décembre 1997, leur régime matrimonial, par l'adjonction d'une société d'acquêts appartenant par moitié à chacun des époux et constituée obligatoirement de la résidence des époux et du mobilier le garnissant, soit un immeuble sis [Adresse 2], acquis par son conjoint avant l'union ;
que le 12 octobre 2005, il lui signifiait, par voie d'huissier, qu'il révoquait l'avantage matrimonial que constituait l'adjonction de cette société composée dans sa masse active de cet immeuble, en se prévalant des dispositions de l'article 267-1 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 mai 2004, permettant, en cas de divorce aux torts partagés à chaque époux, de révoquer ce type d'avantage ;
qu'il a fait le nécessaire, alors qu'il avait soutenu durant l'instance en divorce, dans ses conclusions et dans son attestation sur l'honneur, que son épouse pourrait faire valoir ses droits lors de la liquidation de leurs intérêts, en faisant référence à l'îlot de communauté que constituait cette société, ce qui a nécessairement été pris en compte pour la détermination du montant de la prestation compensatoire ;
qu'alors qu'il ne pouvait ignorer que l'apport qu'il avait fait constituait un avantage révocable ensuite, il a passé sous silence cette possibilité, en laissant croire qu'il considérait que son épouse pouvait prétendre à la moitié de cet immeuble, et son intention d'opérer cette révocation ;
que ses demandes nouvelles sont recevables car elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge.
Le ministère public a requis le 2 juin 2009 la réformation du jugement.
Ces réquisitions ont été transmises aux parties le 2 juin 2009. par le greffe de notre Cour.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 octobre 2009.
Motifs de la décision.
Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande en révision
Classée par le sous titre 3 du titre 16 du livre 2 du code de procédure civile, parmi les voies de recours extraordinaires, la révision tend, selon les articles 593 du code de procédure civile, à rétracter un jugement passé en force de chose jugé.
En l'occurrence, Madame [U] [N], qui demande, sur le fondement des dispositions de l'alinéa 1 de l'article 595 du code de procédure civile, en raison de la fraude commise par l'autre partie, la révision du jugement du 16 mars 2005, avait conféré force exécutoire au dit jugement les termes, par un acte d'acquiescement établi le 19 juillet 2005, par lequel elle renonçait à attaquer le jugement par aucune voie de recours 'ordinaire et extraordinaire'.
Or l'article 409 du code de procédure civile dispose que la partie, qui acquiesce au jugement, se soumet aux chefs de celui-ci et renonce aux voies de recours, cette disposition, de portée générale, ne distinguant pas les voies de recours ordinaires et extraordinaires.
De sorte, pour que cette action en révision soit recevable, elle doit tendre aussi à remettre en cause, par une demande expresse, la validité de l'acte d'acquiescement, en raison de la fraude que l'autre partie aurait commise et qui, en ce qu'elle serait aussi constitutive d'un dol ayant déterminé sa décision d'acquiescer, pourrait entraîner le constat de sa nullité.
En l'occurrence, dès lors qu'à aucun stade de ses écritures, Madame [U] [N] n'a remis en cause la validité de son acquiescement par une demande particulière à cette fin, il conserve l'ensemble de ses effets légaux qui font obstacle à l'exercice de ce recours.
De sorte, la Cour, réformant en cela le jugement entrepris, déclarera Madame [U] [N] irrecevable en son recours en révision et en toutes les demandes fins et conclusions qu'elle présente à titre principal dans ce cadre.
Sur la demande formée par Madame [U] [N] tendant, subsidiairement, à dire que la révocation de l'avantage matrimonial opérée par Monsieur [E] [O] constitue un abus de droit.
Cette demande, qui n'était formée qu'à titre subsidiaire 'si par extraordinaire, la Cour devait considérer que l'attitude de Monsieur [E] [O] n'est pas constitutive d'une fraude' devient sans objet dès lors qu'il n'a pas été statué par le présent arrêt sur le fond des prétentions principales de Madame [U] [N].
Sur les frais et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, Madame [U] [N] sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel et déboutée de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'équité excluant cependant qu'il soit fait droit à la demande d'indemnité présentée sur ce fondement par Monsieur [E] [O].
PAR CES MOTIFS
Réforme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Déclare Madame [U] [N] irrecevable en son recours en révision tendant à la rétractation des dispositions patrimoniales du jugement (01/02397) du Juge aux affaires familiales de Dunkerque du 16 mars 2005 et en toutes ses demandes à ce titre,
Déboute les parties de leurs demandes d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Madame [U] [N] aux entiers dépens de première instance et d'appel et autorise les Avocats et Avoués constitués pour Monsieur [E] [O] à les recouvrer directement dans les conditions édictées par l'article 699 dudit code.
Le Greffier,Le Magistrat
Christine COMMANS Hervé ANSSENS