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26/11/2009 | FRANCE | N°07/06733

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 1, 26 novembre 2009, 07/06733


COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 1



ARRÊT DU 26/11/2009



***



N° de MINUTE :

N° RG : 07/06733

Jugements du tribunal de commerce

de SOISSONS du 14 juin 2002

Arrêt (N° 02/02925) du 30 Mars 2004

de la Cour d'Appel d'AMIENS

Arrêt Cour de Cassation du 20 février 2007



REF : SVB/CDRenvoi après cassation







APPELANTE



PB & M ILE DE FRANCE NORD

agissant tant pour elle-même et comme se trouvant aux droits des sociétés
>DOCKS DU BATIMENT et [R] SA

prise en la personne de ses représentants légaux

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour

Assistée d...

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 26/11/2009

***

N° de MINUTE :

N° RG : 07/06733

Jugements du tribunal de commerce

de SOISSONS du 14 juin 2002

Arrêt (N° 02/02925) du 30 Mars 2004

de la Cour d'Appel d'AMIENS

Arrêt Cour de Cassation du 20 février 2007

REF : SVB/CDRenvoi après cassation

APPELANTE

PB & M ILE DE FRANCE NORD

agissant tant pour elle-même et comme se trouvant aux droits des sociétés

DOCKS DU BATIMENT et [R] SA

prise en la personne de ses représentants légaux

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour

Assistée de Me Jérôme GUILLEMINOT, avocat au barreau de VALENCIENNES

INTIMÉ

Monsieur [F] [R]

né le [Date naissance 1] 1932 à [Localité 5]

Ayant son siège social [Adresse 3]

02200 SOISSONS

Représenté par la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, avoués à la Cour

Assisté de la SCP PIPART-DUTAT-LEFEVRE ET ASSOCIES, avocats au barreau de CAMBRAI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Christine PARENTY, Président de chambre

Jean Michel DELENEUVILLE, Conseiller

Sophie VALAY-BRIERE, Conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Véronique DESMET

DÉBATS à l'audience publique du 24 Septembre 2009 après rapport oral de l'affaire par Sophie VALAY-BRIERE

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé par mise à disposition au greffe à l'audience publique du 26 Novembre 2009 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine PARENTY, Président, et Véronique DESMET, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 11/06/09

*****

Par acte sous seing privé en date du 2 octobre 1998, Monsieur [R] a cédé à Monsieur [K], auquel s'est substitué la SA SAFIVAL, la totalité des actions de la société [R] SA et 60 actions de la SA DOCKS DU BATIMENT.

Le même jour, Monsieur [R] souscrivait une garantie d'actif et de passif au profit du cessionnaire.

Auparavant, la société [R] SA avait conclu, courant 1990, au bénéfice de l'ensemble de ses collaborateurs, deux polices d'assurances auprès de la Caisse Mutuelle d'Assurances sur la vie (CMVA) du Groupe Malakoff : un premier contrat intitulé 'indemnité de fin de carrière', alimenté par des cotisations, lesquelles étaient affectées à un fonds collectif capitalisé viagèrement chaque année et permettant le versement des indemnités de départ à la retraite et un second contrat intitulé 'fonds collectif de retraite' alimenté lui aussi par des cotisations et permettant le versement de rentes viagères aux collaborateurs retraités.

Le 9 octobre 1998, Monsieur [R] se faisait remettre au titre de l'indemnité de fin de carrière la somme de 389 415,18 F par la société [R] et celle de 23 568 F par la société DOCKS DU BATIMENT.

Saisi par les sociétés SOFIVAL, [R] et DOCKS DU BATIMENT, le Tribunal de Commerce de Soissons a, par jugements du 14 juin 2002, ordonné la jonction des affaires, débouté les demanderesses de leurs prétentions tendant au remboursement des sommes versées ainsi qu'à la mise en jeu de la clause de garantie d'actif et de passif contractée par le vendeur et les a condamnées à payer à Monsieur [R] la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société PINAULT BOIS MATERIAUX, venant aux droits de la société SOFIVAL, et les sociétés [R] et DOCKS DU BATIMENT ont interjeté appel de ces jugements.

Par arrêt du 30 mars 2004, la Cour d'Appel d'Amiens a confirmé les jugements en qu'ils ont prononcé la jonction des instances et débouté la société PINAULT de ses demandes, a infirmé pour le surplus et statuant à nouveau a :

- condamné Monsieur [R] à payer à la société DOCKS DU BATIMENT la somme de 3 592,92 € avec intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2000,

- condamné Monsieur [R] à payer à la société [R] la somme de 59 366,09 € avec intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2000,

- débouté les sociétés [R] et DOCKS DU BATIMENT du surplus de leurs demandes,

- ordonné la main-levée de la saisie conservatoire pratiquée par la société SAFIVAL entre les mains de la Société Générale,

- condamné la société PINAULT à payer à Monsieur [R] les intérêts judiciaires sur la somme de 457 347,05 € à compter du 8 octobre 2000,

- débouté les parties de leurs demandes de dommages et intérêts,

- partagé les dépens.

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par les sociétés DOCKS DU BATIMENT et [R] que sur le pourvoi incident relevé par Monsieur [R], la Cour de Cassation a, par arrêt du 20 février 2007, cassé et annulé l'arrêt susvisé mais seulement en ce qu'il a condamné Monsieur [R] à restituer aux sociétés les sommes de 3 592,92 € et 59 366,09 € perçues au titre de l'indemnité de fin de carrière au motif 'qu'en se déterminant ainsi sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée, si l'action en nullité de la convention tendant à l'octroi d'une indemnité de fin de carrière mise en oeuvre dix années après la conclusion de la convention n'était pas prescrite, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L225-42 alinéa 2 du Code de commerce'; remis, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la Cour d'Appel de Douai ; condamné les sociétés [R] et DOCKS DU BATIMENT aux dépens et rejeté la demande d'indemnité procédurale de Monsieur [R].

Le 25 octobre 2007, la société PB & M ILE DE FRANCE NORD, agissant tant pour elle-même que pour les sociétés DOCKS DU BATIMENT et [R], aux droits desquelles elle se trouve par suite de fusion absorption, a saisi cette cour.

Dans ses dernières conclusions déposées le 6 janvier 2009, la société PB & M ILE DE FRANCE NORD demande à la Cour, au visa des articles L225-38 et L225-47 du code de commerce et 1235, 1376,1147 et 1382 du code civil, de condamner Monsieur [R] à lui payer la somme totale de 62 959,01 € correspondant aux indemnités de fin de carrière prélevées sur les sociétés DOCKS DU BATIMENT (3 592,92 €) et SA [R] (59 366,09 €), avec intérêts à compter du 23 novembre 1999 et capitalisation par application de l'article 1154 du code civil outre les sommes de 7 625 € à titre de dommages et intérêts et 6000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir que Monsieur [R], qui était Président Directeur Général et administrateur des SA DOCKS DU BATIMENT et [R] SA jusqu'au 10 décembre 1998, ne pouvait pas prétendre à une indemnité de fin de carrière laquelle n'est due qu'aux salariés ; qu'il n'a jamais cotisé à cette fin le contrat datant de 1990 ; que faute d'avoir été soumise à l'approbation du Conseil d'Administration la question de l'octroi d'une indemnité de fin de carrière au Président Directeur Général est nulle ; que sauf délai abrégé, le délai de droit commun de l'action en répétition de l'indu est de 10 ans à compter de la date du paiement soit en l'espèce le 9 décembre 1998; que par conséquent l'action engagée le 1er mars 2000 est recevable ; subsidiairement, que par application de l'article L222-42 alinéa 2 du code de commerce, si la convention a été dissimulée aux organes sociaux comme en l'espèce, le point de départ du délai de prescription est reportée au jour où elle a été révélée ; que la rémunération qu'un dirigeant s'est octroyé sans respecter les dispositions de l'article L225-47 du code de commerce est irrégulière et doit être restituée indépendamment d'éventuelles conséquences dommageables ; qu'en prélevant les fonds litigieux sur les comptes bancaires des deux sociétés, Monsieur [R] a commis une faute au sens de l'article 1382 du code civil justifiant l'allocation d'une somme de 7625 € au titre du préjudice moral subi ; que les dommages et intérêts sont également dus sur le fondement de l'article 1147 du code civil.

Dans ses conclusions déposées le 10 septembre 2008, Monsieur [F] [R] demande à la Cour de :

*confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Soissons en date du 14 juin 2002,

* dire prescrite l'action en nullité de la convention engagée par la société PB & M et subsidiairement, la dire infondée,

*condamner la société PINAULT à lui payer les sommes de 109 422,03 € en réparation de son préjudice économique, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, 50 000 € en réparation du préjudice moral subi et 25 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il soutient notamment que l'action en nullité des conventions est prescrite ; que les conventions litigieuses n'ont jamais été dissimulées puisqu'elles se trouvaient dans les documents sociaux et que les cotisations figuraient clairement dans la comptabilité ; que le point de départ de la prescription triennale est la signature de la convention ; qu'il n'a pas failli à ses obligations contractuelles dès lors que la situation des actifs nets des sociétés vendues était conforme à ce qui avait été convenu ; que le conseil du repreneur a procédé avant la cession à un audit pendant lequel il a pris connaissance de tous les documents administratifs et a consulté les bilans des quatre dernières années, lesquels comptabilisaient les charges du contrat collectif ; qu'il subit des préjudices économique et moral liés notamment au blocage des fonds et a du engager des frais importants au cours de huit années de procédure.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 juin 2009.

SUR CE

Le débat ne porte plus que sur la recevabilité et le bien fondé de la demande en restitution des indemnités de fin de carrière prélevées par Monsieur [R].

Ces dernières doivent être considérées non pas comme la rémunération des services rendus par ce dernier dans l'exercice de ses fonctions, faute de démontrer que celle-ci en remplis les conditions, mais comme une indemnité particulière.

A ce titre, son attribution constitue une convention conclue entre la société et l'un de ses dirigeants et doit donc être soumise à la procédure de contrôle prévue par les articles L225-38 et suivants du code de commerce.

Aux termes de cet article'toute convention intervenant directement ou par personne interposée entre la société et son directeur général..., doit être soumise à l'autorisation préalable du conseil d'administration. Il en est de même des conventions auxquelles une des personnes visées à l'alinéa précédent est indirectement intéressée'.

En l'espèce, il n'est pas contesté que les contrats collectifs d'assurance vie 'Indemnités de fin de carrière' signés entre la SA [R] et la Caisse Mutuelle d'Assurances sur la vie, d'une part, et entre la SA DOCKS DU BATIMENT et la même Caisse, d'autre part, le 22 juin 1990, auxquels Monsieur [R] est intéressé, n'ont pas été soumis à l'autorisation préalable des conseils d'administration des dites sociétés.

Conformément aux dispositions de l'article L225-42 du code de commerce, les conventions conclues en violation des règles susvisées, peuvent être annulées mais seulement si elles ont eu des conséquences dommageables pour les sociétés concernées.

L'action en nullité se prescrit par trois ans à compter de la date de la convention, le point de départ de cette prescription étant en cas de dissimulation reporté au jour où la convention a été révélée.

Bien que les attestations versées aux débats par [R] [D], [W], [P] et [S] [T] démontrent que les membres des conseils étaient informés de l'existence de ces conventions, cette connaissance ne vaut pas autorisation préalable et ne peut suppléer la décision du conseil d'administration.

Au demeurant, le fait que les assemblées générales des SA [R] et DOCKS DU BATIMENT aient approuvé des comptes pour des exercices au cours desquels des cotisations étaient prélevées en exécution de ces contrats ne suffit pas à démontrer que ceux-ci avaient été révélés.

En effet, cette information des associés, réunis en assemblée appelée à approuver les comptes, est insuffisante dans la mesure où le compte de résultat et le bilan qui sont soumis à leur vote ne font pas apparaître distinctement ce poste de dépense qui se trouve compris dans un compte global de type cotisations sociales.

Elle est également totalement insuffisante pour l'information des tiers qui doivent pouvoir connaître la nature et l'étendue des engagements futurs de la société avec laquelle ils envisagent de contracter afin de se faire une idée aussi exacte que possible de sa solvabilité. Or cette information passe nécessairement par la publication des conventions conclues entre la société et ses dirigeants.

La révélation pour les sociétés concernées s'est faite en réalité le 9 décembre 1998, date de paiement des indemnités de carrière.

Dés lors l'action introduite le 1er mars 2000 est recevable.

Les engagements de payer des indemnités de fin de carrière ont mis à la charge des sociétés SA [R] et DOCKS DU BATIMENT des versements obligatoires sous forme de cotisations trimestrielles ce qui leur a causé un préjudice pécuniaire.

Il convient donc de prononcer la nullité, à l'égard de Monsieur [F] [R], des contrats collectifs d'assurance vie 'indemnité de carrière' et de condamner ce dernier à restituer à la société PB & M ILE DE FRANCE NORD, venant aux droits des sociétés [R] et DOCKS DU BATIMENT, la somme de 62 959,01 € (soit 59 366,09 € ou 389 416 F pour la SA [R] et 3 592,92 € ou 23 568 F pour la SA DOCKS DU BATIMENT) avec intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2000, date de l'assignation devant le Tribunal de Commerce de Soissons.

Dès lors qu'elle a été demandée conformément à l'article 1154 du Code Civil, la capitalisation des intérêts est de droit.

Faute de rapporter la preuve de l'existence du préjudice qu'elle invoque, la société PB&M sera déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts fondée sur l'article 1382 du code civil.

La demande de dommages et intérêts, fondée sur l'article 1147 du code civil, n'est pas justifiée en l'absence d'inexécution contractuelle ou de retard dans l'exécution d'une obligation contractuelle.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles supportés par elles.

Les dépens seront supportés à hauteur des 3/4 par la société PB&M et d'1/4 par Monsieur [R].

PAR CES MOTIFS,

La Cour statant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement en ce qu'il a débouté les sociétés [R] et DOCKS DU BATIMENT de leurs demandes au titre des indemnités de fin de carrière ;

Condamne Monsieur [F] [R] à payer à la société PB & M ILE DE FRANCE NORD, venant aux droits des sociétés [R] et DOCKS DU BATIMENT, la somme de 62 959,01 € (soit 59 366,09 € ou 389 416 F pour la SA

[R] et 3 592,92 € ou 23 568 F pour la SA DOCKS DU BATIMENT) avec intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2000 ;

Dit que les intérêts échus pour une année produiront des intérêts conformément à l'article 1154 du Code Civil ;

Déboute la société PB & M ILE DE FRANCE NORD, du surplus de ses demandes ;

Déboute Monsieur [F] [R] de sa demande reconventionnelle ;

Condamne la société PB & M ILE DE FRANCE NORD à supporter 3/4 des dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, avoué ;

Condamne Monsieur [R] à supporter 1/4 des dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP DELEFORGE ET FRANCHI, avoué.

Le GreffierLe Président

V.DESMETC.PARENTY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 1
Numéro d'arrêt : 07/06733
Date de la décision : 26/11/2009

Références :

Cour d'appel de Douai 21, arrêt n°07/06733 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-11-26;07.06733 ?
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