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24/11/2009 | FRANCE | N°08/02772

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 2, 24 novembre 2009, 08/02772


COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 2



ARRÊT DU 24/11/2009



***



N° de MINUTE :



N° RG : 08/02772

Jugement (N° 05/05284) rendu le 06 Mars 2008

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE



REF : GG/VR



APPELANTE



CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE REVIN

agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité 1]



représentée par la SCP LEVASSEUR-

CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour

assistée de Maître SION de la SELARL PRAXIS-LOGOS, avocats au barreau de LILLE





INTIMÉS



Monsieur [V] [J]-[D]

né le [Date naissance 3] 1942 à [Localité 8...

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 24/11/2009

***

N° de MINUTE :

N° RG : 08/02772

Jugement (N° 05/05284) rendu le 06 Mars 2008

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : GG/VR

APPELANTE

CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE REVIN

agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité 1]

représentée par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour

assistée de Maître SION de la SELARL PRAXIS-LOGOS, avocats au barreau de LILLE

INTIMÉS

Monsieur [V] [J]-[D]

né le [Date naissance 3] 1942 à [Localité 8]

et Madame [F] [T] épouse [J]-[D]

née le [Date naissance 2] 1942 à [Localité 7]

demeurant ensemble [Adresse 5]

[Localité 6]

représentés par la SCP CARLIER-REGNIER, avoués à la Cour

assistés de Maître Pierre-Alain RAVOT, avocat au barreau de GRASSE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Gisèle GOSSELIN, Président de chambre

Dominique DUPERRIER, Conseiller

Véronique MULLER, Conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Claudine POPEK

DÉBATS à l'audience publique du 07 Septembre 2009 après rapport oral de l'affaire par Gisèle GOSSELIN

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2009 après prorogation du délibéré en date du 17 Novembre (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Gisèle GOSSELIN, Président, et Claudine POPEK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 12 Mai 2009

**

***

Par jugement rendu le 06 mars 2008, le Tribunal de Grande Instance de LILLE a déclaré recevable l'intervention volontaire de la société coopérative de crédit à capital variable et à responsabilité statutairement limitée Caisse de Crédit Mutuel de REVIN ; a déclaré irrecevable les demandes formulées par les époux [J] [D] à l'encontre de l'entité 'Banque Crédit Mutuel du Nord', dépourvue d'existence légale ; a dit que la Caisse de Crédit Mutuel de REVIN a, en omettant de vérifier l'existence à leur profit de la garantie légale de livraison telle que définie à l'article L231-10, 1er alinéa du code de la construction et de l'habitation, commis une faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles vis-à-vis des époux [J] [D], leur occasionnant ainsi un préjudice matériel direct dont elle doit réparation ; en conséquence, a condamné la Caisse de Crédit Mutuel de REVIN à payer aux époux [J] [D], avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du présent jugement 84 257 euros à titre de dommages et intérêts, et la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; a débouté les époux [J] [D] du surplus de leurs demandes ; a ordonné l'exécution provisoire ;

Par déclaration du 23 avril 2008, la Caisse de Crédit Mutuel de REVIN a fait appel de cette décision ;

Par conclusions déposées le 24 février 2009, la Caisse de Crédit Mutuel de REVIN sollicite la réformation du jugement entrepris, demande de :

réformer le jugement entrepris,

dire que la Caisse de Crédit Mutuel de REVIN n'a commis aucune faute contractuelle engageant sa responsabilité civile,

débouter les époux [J] [D] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

subsidiairement,

pour le cas où la Cour retiendrait pour tout ou partie sa responsabilité,

dire que dans cette hypothèse seuls les préjudices matériels réellement subis, constitutifs de dépassements dûment justifiés, sont susceptibles d'indemnisation, sous réserve de l'application d'une franchise de 5%,

dans tous les cas,

condamner les époux [J] [D] à restituer à la Caisse de Crédit Mutuel de REVIN la somme de 86 237 euros versée au titre de l'exécution provisoire dont était assorti le jugement dont appel,

condamner les époux [J] [D] à verser à la concluante une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 30 mars 2009, Monsieur et Madame [J] [D] sollicitent, vu l'article L231-10 du code de la concurrence et de l'habitation, vu l'article 1147 du code civil, la confirmation du jugement entrepris, y ajoutant, la condamnation de l'appelant au paiement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE,

Les époux [J] [D] ont conclu le 04 août 1999 avec la SARL BARNEOUD CONSTRUCTION un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plans ;

Aux termes des conditions générales et particulières de ce contrat, il était conclu sous condition de l'obtention d'un prêt, de l'assurance dommages ouvrages et de la garantie de livraison à prix et délais convenus, comme le permet l'article L231-4 I de code de la construction et de l'habitation ;

Il était convenu que les conditions suspensives seraient réalisées dans un délai de 12 mois après la signature du contrat, et que les travaux commenceraient dans le délai de deux mois à compter de la réalisation des conditions suspensives ;

D'autre part l'acompte dû à la signature était réglé le 04 août 1999 par les maîtres d'ouvrage ;

Par ailleurs le 30 décembre 1999, la Caisse de Crédit Mutuel de REVIN consentait aux maîtres d'ouvrage une offre de prêt immobilier de 468 630 francs, complétant un plan d'épargne logement d'un montant de 104 730 francs ;

Rien n'interdisait aux époux [J] [D] de signer le contrat de construction le 04 août 1999 et de régler l'acompte à la signature puisque ce contrat était conclue sous conditions suspensives et susceptible d'être déclaré caduc ; il en était de même pour l'offre de prêt ;

Le 04 janvier 2000, la société BARNEOUD établissait une facture de 95 800 francs pour l'ouverture de chantier ;

Le 05 janvier 2000 les époux [J] [D] émettait en règlement un chèque à l'ordre de la société BARNEOUD à qui selon leurs propres déclarations ils demandaient de ne le présenter à l'encaissement qu'après confirmation du déblocage des provisions des prêts consentis par la banque ;

Celle-ci débloquait effectivement les fonds le 18 janvier 2000 et le compte courant de Monsieur [J] [D] était débité de la somme correspondante le 18 janvier 2000 au profit de la société BARNEOUD ;

Il était pratiqué de la même façon pour régler la prime d'assurance dommages ouvrages et la situation de travaux relative à l'achèvement des fondations le 05 mai 2000 ;

Or l'ouverture du chantier était subordonnée à l'obtention de la garantie de livraison ; le chantier ne pouvait démarrer tant que l'attestation relative à la garantie de livraison n'était pas communiquée ;

Il en était de même pour le versement des fonds ;

Toutefois, ces événements ne sauraient suffire à caractériser une renonciation expresse au jeu de la condition suspensive et par suite au bénéfice de la règle d'ordre public qu'est la garantie de livraison ;

Toujours au cours du délai fixé pour l'accomplissement de la condition suspensive, (un an à compter du 04 août 1999) et dès le mois de mars 2000 les maîtres d'ouvrage mettaient en demeure la société BARNEOUD d'avoir à faire la preuve de la garantie de livraison ;

Le prêteur aurait dû rappeler au maître d'ouvrage la nécessité de s'enquérir auprès du constructeur d'une garantie de livraison avant tout déblocage des fonds pour les travaux de construction entre les mains de l'emprunteur et aurait dû exiger la remise des justificatifs de cette garantie avant de libérer les fonds ;

Le maître d'ouvrage a un devoir de vigilance sur l'opération en cause et il ne peut se décharger sur le banquier de ses propres obligations d'avoir à solliciter du constructeur l'attestation de garantie légalement prévue avant l'ouverture du chantier et à la remettre au prêteur préalablement à toute demande de fonds ;

Il ressort des circonstances de la cause que ni les maîtres d'ouvrage ni le prêteur n'ont rempli leurs obligations, d'où une absence de garantie supportée par les maîtres d'ouvrage confrontés à la défaillance du constructeur ;

Eu égard à la gravité respective des fautes imputables aux parties, il convient de déclarer la Caisse de Crédit Mutuel responsable sur le fondement de l'article 1147 du code civil à hauteur de 50% du dommage subi par Monsieur et Madame [J] [D], l'article L231-10 du code de la construction n'excluant pas l'application des règles de droit commun de la responsabilité civile ;

Si les parties avaient exigé que le constructeur fournisse une garantie de livraison avant l'ouverture du chantier et le déblocage des fonds, le contrat de construction n'aurait pas reçu un débat d'exécution et aucune somme n'aurait été versée ;

Or, le montant réglé par les époux [J] [D] est supérieur aux taux réalisés avant l'abandon du chantier par le constructeur ;

Le trop versé s'élève à 13 787 euros ; la Caisse de Crédit Mutuel devra indemniser les maîtres d'ouvrage à hauteur de 6 893,50 euros ;

D'autre part les travaux exécutés n'ont pas donné satisfaction ;

Il résulte de l'étude géologique et géotechnique dressé pour le compte de Monsieur et Madame [N] que les fondations réalisées par la société BARNEOUD ne présentaient aucune garantie quant à leur conception, au respect des règles de l'art, d'où la nécessité de les détruire ;

La casse des fondations, l'arrachage et le chargement sur camion ont été facturées à Monsieur et Madame [J] [D] la somme de 4 923 euros ;

En conséquence, la Caisse de Crédit Mutuel sera condamnée à payer aux maîtres d'ouvrage une indemnité de 2 461,50 euros ;

Par ailleurs, rien ne permet d'affirmer qu'il aurait été possible de trouver un assureur acceptant de couvrir le risque dont s'agit, le constructeur, soit la société BARNEOUD, s'étant révélé défaillant dans les démarches pour obtenir la garantie de livraison auprès de son assureur, puisqu'il n'a jamais complété le dossier comme le lui réclamait le groupe RCB courtier d'assurances ;

En conséquence, le préjudice des maîtres d'ouvrage consiste en une perte de chance d'obtenir d'un assureur qu'il substitue sa garantie à celle que la société BARNEOUD CONSTRUCTION était censée fournir ;

La garantie de livraison couvre le coût des dépassements du prix initialement convenu dès lors que ces derniers sont nécessaires à l'achèvement de la construction ;

La garantie peut être assortie d'une franchise de 5% ; il ne s'agit donc pas d'une obligation ;

Les modifications quant à la piscine, au local technique de celle-ci, au talutage, aux enrochements n'ont pu imputer le coût du marché puisque ces lots n'étaient pas compris dans le lot BARNEOUD ;

Il n'en est pas de même de la transformation des deux fenêtres en façade NORD, de l'accès latéral à la piscine remplaçant l'escalier prévu l'origine ;

Il convient de fixer le surcoût par rapport au marché initial à 52 000 euros ;

En conséquence, il y a lieu de condamner le prêteur responsable à hauteur de 50% à payer à titre d'indemnité devant réparer le préjudice correspondant à la perte de chance de pouvoir bénéficier d'une garantie de livraison à la somme 16 000 euros ;

Enfin, la condition suspensive tenant à l'obtention d'une garantie de livraison ne pouvait être considérée comme défaillie ou acquise que dans le délai d'un an à compter de la signature du contrat ;

Ensuite alors que la société BARNEOUD CONSTRUCTION faisait l'objet d'une procédure collective, les maîtres d'ouvrage devaient saisir le juge commissaire pour obtenir en avril 2001 la résiliation du contrat ;

En conséquence, les préjudices résultant du retard pris par la construction de l'immeuble ne sont pas en rapport direct avec la faute commise par la Caisse de Crédit Mutuel, qui ne peut être tenu de les indemniser ;

La Caisse de Crédit Mutuel de REVIN sera donc condamnée au paiement d'une indemnité globale de 25 355 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

La restitution sur la somme versée en vertu de l'exécution provisoire dont est assorti le jugement déféré de la part dépassant le montant de l'indemnité fixée par la Cour avec intérêts au taux légal à compter de la notification de l'arrêt est une conséquence de droit de la présente décision ; la demande de ce chef est donc sans objet ;

Enfin, la Caisse de Crédit Mutuel sera condamnée à payer aux maîtres d'ouvrage la somme global de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

REFORME le jugement entrepris ;

DECLARE la Caisse de Crédit Mutuel de REVIN responsable sur le fondement de l'article 1147 du code civil à hauteur de 50% des dommages subis par Monsieur et Madame [J] [D] en rapport de cause à effet avec la non vérification de l'existence d'une garantie de livraison dans le cadre du contrat de construction de maison individuelle passé avec la société BARNEOUD CONSTRUCTION ;

CONDAMNE la Caisse de Crédit Mutuel de REVIN à payer à Monsieur et Madame [J] [D] la somme de 25 355 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

CONDAMNE la Caisse de Crédit Mutuel de REVIN à payer à Monsieur et Madame [J] [D] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Caisse de Crédit Mutuel de REVIN aux dépens d'instance et d'appel avec distraction au profit de la SCP CARLIER REGNIER, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier,Le Président,

Claudine POPEKGisèle GOSSELIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 2
Numéro d'arrêt : 08/02772
Date de la décision : 24/11/2009

Références :

Cour d'appel de Douai 1B, arrêt n°08/02772 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-11-24;08.02772 ?
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