COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 7 SECTION 2
ARRÊT DU 05 / 11 / 2009
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No MINUTE :
No RG : 09 / 01710
Ordonnance (No 08 / 03849) rendue le 25 Novembre 2008
par le Juge aux affaires familiales de BETHUNE
REF : LG / ID
APPELANTE
Madame Véronique Rita Isabelle X...
Née le 08 Janvier 1971 à COURRIERES
Demeurant.......
Représentée par Me QUIGNON, avoué à la Cour
Assistée de Me Roseline CHAUDON, avocat au barreau de DOUAI
INTIMÉ
Monsieur Hervé Jean-Marie Z...
Né le 16 Avril 1964 à PONT A VENDIN
Demeurant......
Représenté par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour
Assisté de Me Virginie LELEU, avocat au barreau de BETHUNE
Bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178 / 002 / 09 / 3953 du 26 / 05 / 2009
DÉBATS à l'audience en chambre du Conseil du 24 Septembre 2009, tenue par Loïc GRILLET magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Christine COMMANS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Hervé ANSSENS, Conseiller le plus ancien faisant fonction de Président
(Cf ordonnance de M. le Premier Président en date du 31 août 2009)
Loïc GRILLET, Conseiller
Cécile ANDRE, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé, en Chambre du Conseil, par mise à disposition au greffe le 05 Novembre 2009, (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Hervé ANSSENS, Conseiller faisant fonction de Président et Christine COMMANS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige
Madame Véronique X... et Monsieur Hervé Z... ont contracté mariage le 30 novembre 1991 à Vendin le Vieil, sans contrat préalable, et ont eu ensemble un enfant :
• Benoît, né 20 juillet 1996.
Statuant dans le cadre d'une instance en divorce initiée par Madame Véronique X..., par requête du 20 juin 2008, le Juge aux affaires familiales de Béthune, par ordonnance de non-conciliation du 25 novembre 2008, entre autres dispositions, a :
• autorisé les époux à poursuivre la procédure ;
• attribué à Monsieur Hervé Z... la jouissance du domicile conjugal et, compte tenu du caractère délicat de la situation financière du mari, dit que cette jouissance devait être gratuite, l'ordonnance mentionnant que celui-ci était en vente ;
• laissé à Madame Véronique X... un délai de trois mois pour le quitter ;
• après avoir procédé à l'audition de Benoît, fixé sa résidence habituelle chez son père, en retenant sa plus grande disponibilité dès lors qu'il était en arrêt de travail pour longue maladie ;
• accordé à Madame Véronique X... un droit de visite et d'hébergement pouvant s'exercer selon l'alternance habituelle ;
• dit que les deux époux assumeront chacun, à hauteur de la moitié, le remboursement du prêt immobilier ;
• condamné Madame Véronique X... à payer à Monsieur Hervé Z... une contribution pour l'entretien de l'enfant d'un montant de 200 € et une pension alimentaire au titre du devoir de secours de 180 € par mois.
Madame Véronique X... a relevé appel de cette décision, par acte déposé le 6 mars 2009.
Aux termes de ses conclusions déposées le 23 septembre 2009, elle demande à la Cour :
• qu'il soit procédé à l'audition de l'enfant ;
• que la lettre de son médecin, qui lui a été subtilisée par son mari, soit écartée des débats ;
• que la résidence de Benoît soit fixée à son domicile et, subsidiairement, en alternance chez chacun de ses parents et que la contribution mise à sa charge pour son entretien soit en conséquence supprimée ;
• de débouter Monsieur Hervé Z... de ses demandes au titre du devoir de secours, tant sous la forme du caractère gratuit de la jouissance de l'immeuble, que sous celle d'une pension alimentaire ;
• de le condamner aux dépens de l'appel.
Elle expose :
• qu'elle peut, tout autant que Monsieur Hervé Z..., s'occuper de Benoît, le fait que son conjoint ne travaille plus, en raison de " l'état de son dos ", ne signifiant pas qu'il s'occupera mieux de son fils, seule comptant la qualité de la relation entre le parent et l'enfant ;
• qu'au demeurant, elle sait que son mari va travailler à nouveau, mais qu'il attend pour ce faire la décision de la Cour, en se prévalant de son état de santé alors qu'il est suffisamment valide pour traverser la France pour aller en vacances dans le sud ;
• que contrairement à ce que soutient Monsieur Hervé Z..., elle n'a jamais été violente, même si les circonstances de la séparation ont été difficiles,
• que, si elle a souffert d'un syndrome dépressif en relation directe avec les conditions de la séparation, elle ne souffre pas " de graves problèmes psychologiques ",
• que Benoît s'exprime sous la pression de son père,
• qu'elle ne vit pas en union libre et n'est, ni alcoolique, ni violente et qu'elle a toujours assuré le suivi de Benoît et " fait bouillir la marmite ",
• que Monsieur Hervé Z... tente de créer un " lien fusionnel avec Benoît, qui souffre d'une maladie orpheline " ;
Aux termes de ses conclusions déposées le 15 juillet 2009, Monsieur Hervé Z... demande la confirmation de l'ordonnance déférée et la condamnation de l'appelante aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Il expose :
• que son épouse a fait preuve d'une extrême violence à son encontre, en présence de l'enfant, alors qu'il venait de subir une intervention chirurgicale au dos ;
• qu'alors qu'elle était parvenue, dans un cadre non-contradictoire, à obtenir une ordonnance sur requête, l'autorisant à résider séparément avec l'enfant, et qu'elle n'a pas exécutée, le premier juge a statué tout autrement ;
• que Benoît subit les pressions de sa mère, qu'il redoute son audition par la Cour et la communication du procès verbal établi à l'issue de celle-ci ;
• qu'il a peur du nouveau compagnon de sa mère qui s'alcoolise et peut être violent ;
• que lorsqu'il revient de droit de visite, ses devoirs ne sont pas faits ;
• qu'il travaille moins bien la semaine qui suit la période d'exercice de ce droit ;
• que lui-même se consacre entièrement à Benoît qui, en raison de son hyperthyroïdie, doit faire l'objet d'un suivi attentif qu'il est le seul à pouvoir lui procurer ;
• que les mesures prises par le premier juge, au titre de l'exécution de son devoir de secours, sont justifiées.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 septembre 2009.
Benoît a été entendu par la Cour le 24 septembre 2009 et il a été fait rapport de cette audition ensuite.
Motifs de la décision :
Sur la demande tendant à ce que soient écartés des débats les certificats médicaux produits par Monsieur Hervé Z..., relatifs à l'état de santé de son épouse :
Madame Véronique X... n'établit pas que les éléments de son dossier médical, relatifs au syndrome dépressif pour lequel elle a été prise en charge, et dont elle déplore la communication, ont été obtenus par fraude.
Alors, qu'au surplus, elle s'étend elle-même longuement dans ses écritures sur l'état de santé de son conjoint, ces pièces ne sauraient être écartées des débats.
Sur le fond :
Au vu des écritures des parties, sont en débat dans le cadre de la présente instance d'appel, la détermination des conditions de la résidence de l'enfant commun et le principe et les conditions d'exécution, durant l'instance, par Madame Véronique X... du devoir de secours.
1. Sur la résidence de benoît.
Il est établi amplement, par les pièces soumises à l'appréciation de la Cour, que la période précédant la séparation des époux a été marquée par des épisodes de violences intra-familiales dont Benoît, qui en a été le témoin, n'a pu que souffrir.
Si Madame Véronique X... conteste être à l ‘ origine de ces incidents et notamment de la rixe survenue au foyer le 9 juin 2008, elle a néanmoins fait l'objet d'un rappel à la loi pour d'autres faits du 24 avril 2008 et a admis avoir menacé son conjoint avec un couteau placé à proximité de sa gorge.
Certes les incidents relatés ci-devant s'inscrivent dans le contexte d'une séparation et apparaissent isolés.
Cependant, ils ont manifestement affecté l'état des relations entre Benoît et sa mère.
Lors de son audition, Benoît a confirmé qu'il souhaitait vivre chez celui de ses parents qui était à même de lui apporter le plus de sérénité, soit chez son père, aucun élément ne permettant de remettre en doute sa sincérité, même si Benoît semble à l'évidence avoir pris le parti de son père dans le cadre d'un conflit, dont il connaît malheureusement toutes les composantes.
Dans ce contexte et alors que le père, actuellement plus disponible que la mère, est décrit de manière unanime, non seulement par les membres de sa famille, mais aussi par son voisinage, comme particulièrement investi pour son fils, sans qu'il ne puissse être décelé dans cette relation, une quelconque composante " fusionnelle " pouvant être néfaste à l'enfant et qui pourrait justifier une autre décision, la mesure provisoire prise par le premier juge, consistant à fixer sa résidence à titre principal chez son père, tout en organisant au profit de l'enfant des séjours réguliers chez sa mère, ne peut être qu'approuvée.
Il incombe aux deux parents de dépasser le conflit, qui les oppose et qui a entraîné leur séparation, et à veiller à unir leur énergie pour procurer, malgré leur séparation, dans le cadre d'un exercice conjoint et apaisé de l'autorité parentale, à un enfant, dont l'état de santé est affecté par une maladie orpheline, des conditions de vie sereines, alors que tel n'a pas été le cas récemment.
2. Sur les demande formée par Monsieur Hervé Z... au titre du devoir de secours.
Les articles 254 et 255 du code civil disposent que lors de l'audience prévue à l'article 252 dudit code, le magistrat conciliateur préscrit les mesures nécessaires pour assurer l'existence des époux et celle des enfants, jusqu'à ce que le jugement passe en force de chose jugée et qu'il peut, dans ce cadre, fixer la pension alimentaire que l'un des époux devra verser à son conjoint et attribuer à l'un d'eux la jouissance du logement et du mobilier du ménage (ou partager cette jouissance) en précisant son caractère gratuit et statuer ou non et statuer sur l'attribution de la jouissance d'autres biens communs.
Par ailleurs, la jouissance gratuite, par l'un des époux, durant l'instance, de l'immeuble commun où était établie la famille, constitue une modalité d'exécution de l'obligation alimentaire existant entre les époux durant le temps de leur mariage et qui peut se traduire par l'octroi au conjoint le moins favorisé de l'avantage différé consistant à user de ce bien, sans devoir à la communauté d'indemnité d'occupation, lors de la liquidation ultérieure de leurs intérêts.
En l'espèce, il doit être retenu des éléments que les parties versent aux débats, quant à leur situation matérielle pour la période en litige, ce qui suit.
Madame Véronique X... exerce la profession d'aide-soignante et a perçu en 2008, selon le relevé annuel de ses revenus d'activité établi par l'établissement hospitalier qui l'emploie, un revenu de 19 816 € soit 1651 € en moyenne.
Elle justifie de se charges contraintes, dont celle d'un loyer de 361 €.
Il n'est pas établi qu'elle vit dans le cadre d'une union libre entraînant le partage de ces charges.
Elle s'acquittera, durant l'instance, de la contribution due pour l'entretien de l'enfant et qui a été fixée à la somme de 200 €, par une disposition de l'ordonnance qui n'est pas remise en question en cause d'appel.
Monsieur Hervé Z..., qui exerçait un emploi de chauffeur routier, a été traité pour une affection lombaire justifiant qu'il soit placé en situation d'arrêt de travail de longue durée, dont ni Mme Véronique X... ni la Cour n'ont a jugé de son bien-fondé.
Il reçoit une indemnité journalière nette de charge de 25. 35 € par jour, soit 785 € par mois, étant observé que ses deux avis fiscaux pour l'exercice 2008 mentionnent un revenu cumulé de 9438 €, soit 786 € par mois.
Il doit affecter une partie de ce revenu de remplacement à la prise en charge de Benoît.
Il justifie de ses charges contraintes, dont celle d'un loyer de 272 €, son épouse observant à juste titre que ce loyer ne tient pas compte de l'aide publique qu'il peut manifestement recevoir compte tenu de son revenu, alors qu'il a la charge de l'enfant commun.
Il est acquis que l'immeuble commun a été vendu au mois de juillet 2009, de sorte que les époux ne s'acquittent plus de la moitié du prêt contracté pour son acquisition.
En l'espèce, il existe, entre les revenus disponibles des époux, un différentiel significatif justifiant que, durant l'instance en divorce les opposant, le conjoint le moins favorisé reçoive de l'autre une pension alimentaire au titre du devoir de secours et dont le montant a été justement fixé par le premier juge à la somme de 180 €.
Par contre, l'analyse de la situation matérielle des parties ne justifie pas que Monsieur Hervé Z... obtienne en outre, durant l'instance, l'avantage différé que constitue la jouissance gratuite de l'immeuble, qu'il occupait jusqu'à sa vente.
3. Sur la charge des dépens.
Il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens de première instance, dont le sort n'a pas été réglé par le premier juge, devant qui l'instance se poursuit.
La nature du litige et la succombance partielle des parties justifient que chacune d'elles conserve la charge de ses propres dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS :
Réformant en cela l'ordonnance entreprise.
Déboute Monsieur Hervé Z... de sa demande au titre du caractère gratuit de sa jouissance de l'ancien domicile de la famille.
Confirme l'ordonnance entreprise pour le surplus de ses dispositions.
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens d'appel.
Le GreffierLe Magistrat
Christine COMMANS Hervé ANSSENS.