La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/09/2009 | FRANCE | N°08/08618

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 2, 23 septembre 2009, 08/08618


COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 2



ARRÊT DU 23/09/2009



***



N° de MINUTE :

N° RG : 08/08618



Jugement (N° 06/3594)

rendu le 07 Octobre 2008

par le Tribunal de Grande Instance de BOULOGNE SUR MER



REF : FB/AMD





APPELANTS



Monsieur [R] [C]

né le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 13]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 9]



Monsieur [Y] [B]

né le [Date naissance 7] 1952 à [Localité 16] (BELGIQUE)r>
demeurant [Adresse 20]

[Localité 12] (BELGIQUE)



Monsieur [V] [B]

né le [Date naissance 6] 1985 à [Localité 16] (BELGIQUE)

demeurant [Adresse 15]

[Localité 16] (BELGIQUE)



Madame [H] [A]

née le [Date naiss...

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 23/09/2009

***

N° de MINUTE :

N° RG : 08/08618

Jugement (N° 06/3594)

rendu le 07 Octobre 2008

par le Tribunal de Grande Instance de BOULOGNE SUR MER

REF : FB/AMD

APPELANTS

Monsieur [R] [C]

né le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 13]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 9]

Monsieur [Y] [B]

né le [Date naissance 7] 1952 à [Localité 16] (BELGIQUE)

demeurant [Adresse 20]

[Localité 12] (BELGIQUE)

Monsieur [V] [B]

né le [Date naissance 6] 1985 à [Localité 16] (BELGIQUE)

demeurant [Adresse 15]

[Localité 16] (BELGIQUE)

Madame [H] [A]

née le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 17]

[Adresse 2]

[Localité 9]

Représentés par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour

Ayant pour conseil Maître Jean-Marc BESSON, avocat au barreau de BOULOGNE SUR MER

INTIMÉE

S.C.I. L'ESSOR

ayant son siège social [Adresse 5]

[Localité 8]

représentée par son gérant

Représentée par la SCP CARLIER-REGNIER, avoués associés à la Cour

Assistée de Maître Bénédicte ROBERT, avocat substituant Maître Pierre FAUCQUEZ, avocat au barreau de BOULOGNE SUR MER

DÉBATS à l'audience publique du 25 Mai 2009, tenue par Madame BONNEMAISON magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame POPEK

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Monsieur MERICQ, Président de chambre

Madame BONNEMAISON, Conseiller

Madame MULLER, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 23 Septembre 2009 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Monsieur MERICQ, Président et Madame POPEK, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

*****

Par jugement du 7 Octobre 2008, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de Grande Instance de BOULOGNE SUR MER a constaté l'existence d'une servitude par destination du père de famille relative à la desserte d'eau et électricité de la propriété de la société L'ESSOR sise à [Localité 18] cadastrée AC [Cadastre 10] et [Cadastre 11] pour une contenance de 1 a 01 ca dont le fonds servant appartient à Mr [C] et Mme [A] puis à Mr [V] [O], ordonné à Mr [C] et Mme [A], Mrs [V] et [Y] [O] de rétablir sous astreinte de 50€ par jour de retard l'alimentation en eau et électricité du bâtiment édifié sur les parcelles AC [Cadastre 10] et [Cadastre 11], désigné Maître [K], notaire à [Localité 14], pour fixer les modalités d'exercice de cette servitude en tenant compte des contraintes de l'installation de sous compteurs et la répartition des frais d'entretien y afférents, condamné le consorts [C], [A] et [O] à verser à la SCI L'ESSOR une indemnité de procédure de 1500€, et débouté les parties du surplus de leurs demandes.

[R] [C], [Y] et [V] [B], et [H] [A] (ci-après désignés les consorts [T]-[B]) ont relevé appel 17 Novembre 2008 de ce jugement dont ils sollicitent la réformation suivant conclusions déposées le 4 Mars 2009 tendant à voir, au visa des articles 686, 692 et 695 du code civil, constater l'absence de preuve de la servitude revendiquée par la SCI L'ESSOR, par titre ou destination du père de famille, outre l'absence de titre récognitif, débouter par suite la SCI de toutes ses demandes et la condamner au paiement d'une somme de 1000€ à titre de dommages et intérêts outre une indemnité de procédure de 2000€.

Au terme de conclusions déposées le 20 Mars 2009, la SCI L'ESSOR sollicite la confirmation du jugement entrepris et la condamnation des appelants à lui verser une indemnité de procédure de 3000€.

Sur ordonnance de référé du Premier Président, l'affaire a, en application de l'article 917 du code de procédure civile, été fixée à plaider à l'audience du 25 Mai 2009.

SUR CE

La SCI L'ESSOR est propriétaire, pour l'avoir acquis au terme d'un jugement d'adjudication sur licitation de la Chambre des Criées du Tribunal de Grande Instance de Lille en date du 1er Mars 2006, d'une parcelle de terrain non constructible sise à [Adresse 19], cadastrée sous les n° [Cadastre 10] et [Cadastre 11] de la section AC, avec une petite construction 'édifiée au cours du temps sans permis de construire' selon la description qu'en donne le cahier des charges établi préalablement à vente.

Cette parcelle jouxte la propriété cadastrée sous le n° [Cadastre 4] de la section AC appartenant à Mrs [V] et [Y] [B], qui l'ont acquise de [R] [C] et [H] [A] suivant acte notarié du 26 Octobre 2007 qui rappelait (page 16) l'existence d'une instance judiciaire initiée par la SCI L'ESSOR en vue de voir rétablir à son profit une servitude d'alimentation en eau et électricité s'exerçant sur la parcelle AC [Cadastre 4], les consorts [T] faisant leur affaire personnelle des conséquences financières d'une éventuelle décision défavorable.

Les consorts [T] avaient acquis cette propriété le 10 Septembre 2001 des époux [W] qui l'avaient eux-même acquise le 4 Octobre 1997 de Mme [P] [D] veuve [I], l'immeuble ayant auparavant appartenu à la communauté [N], le terrain pour avoir été acheté pour partie en 1958, le surplus par achats successifs de parcelles, les constructions pour avoir été édifiées par les époux [N] en 1961.

Les différents actes notariés concernant les parcelles en cause (AC [Cadastre 4], AC [Cadastre 10] et [Cadastre 11]) ne font pas mention d'une servitude d'alimentation en eau et électricité au profit des parcelles [Cadastre 10] et [Cadastre 11], sauf à préciser que l'acte de cession [D]- [W] du 4 Octobre 1997 précise que la parcelle AC [Cadastre 4] est grevée de diverses servitudes constituées aux terme des actes relatés en l'origine de propriété, reprises en une 'note' annexée à l'acte notarié dont aucune des parties n'a justifié dans le cadre de cette instance.

Au prétexte que l'alimentation en eau et en électricité de son pavillon s'effectuait à partir de l'immeuble des consorts [T] (devenu [B]) qui refusaient d'en rétablir la desserte à son profit, la SCI L'ESSOR, confrontée au refus d'EDF et de la compagnie des eaux de lui fournir des branchements personnels du fait du caractère inconstructible de la zone, a saisi le Tribunal qui a admis au profit de la SCI l'existence d'une servitude par destination du père de famille créée à l'initiative des époux [N].

Sur l'existence d'une servitude:

Les consorts [T]-[B] font grief au jugement d'avoir statué ainsi alors d'une part que la SCI L'ESSOR ne rapporte aucune preuve de cette servitude sur laquelle les titres respectifs des parties sont muets, rien ne permettant d'établir que l'aménagement litigieux a été le fait de Mme [N] et non de ses fils, donataires en 1992 des biens en cause, ni que l'intéressée a entendu maintenir cette servitude lors de la division des fonds, d'autre part que la nature de la servitude en cause, servitude discontinue et non apparente, empêche son acquisition par destination du père de famille, enfin que la SCI L'ESSOR ne peut se prévaloir de 'l'aveu' de l'existence de la servitude par [H] [A] en application de l'article 695 du code civil.

La SCI L'ESSOR objecte que les pièces produites établissent que les époux [N] ont édifié sur les parcelles [Cadastre 10] et [Cadastre 11] un garage, transformé ultérieurement en pavillon habitable, que Mme [N] avait envisagé de donner à l'un des ses fils ( la maison de la parcelle [Cadastre 4] étant destinée à un autre de ses enfants), ce qui démontre que ce pavillon était viabilisé avant la division de 1997, que les consorts [T] ont pu se convaincre de l'existence de cette servitude compte tenu de la présence d'ouvrages apparents (distribution électrique, lavabo, radiateur mural dans le pavillon) et l'ont acceptée ainsi qu'il résulte des déclarations de Mme [A] qui admis lors de l'établissement du cahier des charges que son immeuble desservait le pavillon en eau et électricité, les alimentations se faisant sur ses propres compteurs.

La Cour rappelle que l'article 692 du code civil stipule que la destination du père de famille vaut titre à l'égard des servitudes continues et apparentes.

Selon l'article 688 du code civil, est continue une servitude dont l'usage est ou peut être continuel sans avoir besoin du fait actuel de l'homme, ainsi les conduites d'eau, d'égouts etc...

Tel est le cas, en l'espèce, puisqu'il est admis (et non contesté) que l'immeuble de la SCI L'ESSOR est desservi par un réseau enterré de canalisations et de câbles électriques relié à l'immeuble des consorts [B].

Par contre, les consorts [T]-[B] affirment que ce réseau ne comporte aucun ouvrage extérieur au sens de l'article 689 du code civil, propre à constituer un signe apparent de servitude sans lequel la revendication d'une servitude par destination du père de famille ne peut être accueillie.

Force est de constater que la SCI L'ESSOR, qui le conteste, ne justifie d'aucun ouvrage de cette nature, la présence d'un radiateur, d'un lavabo, ou de conduites d'eau et d'électricité dans leur garage devenu pavillon établissant certes l'alimentation en eau et électricité de ce dernier mais non que cette alimentation est assurée par l'immeuble voisin de la parcelle AC [Cadastre 4].

De même, la présence d'un tuyau s'enfonçant dans le sol au pied du mur de l'immeuble [B], abondamment photographié par la SCI L'ESSOR, sans qu'on sache si ce tuyau constitue un élément de la canalisation joignant l'immeuble de la SCI, ne peut être considéré comme un signe apparent de servitude, pas plus que la notice laissée par les anciens propriétaires du pavillon de la SCI rappelant aux visiteurs la nécessité de couper l'eau et l'électricité en partant, dont la SCI prétend tirer la preuve d'une servitude apparente (!).

La Cour observe, d'ailleurs, que le constat descriptif de l'huissier dressé dans la perspective de la licitation de l'immeuble ne fait pas mention d'ouvrages extérieurs propres à établir la présence d'un réseau électrique et de canalisations d'eau reliant les deux immeubles (ce qui s'explique probablement par le caractère illicite de la construction attribuée aux époux [N] qui justifiait de ne laisser apparent aucun élément de ce réseau, enterré à dessein)

Il n'existe donc aucun ouvrage extérieur au sens de l'article 689 du code civil de nature à prouver l'existence de l'installation et, par suite, d'une servitude pesant sur la parcelle AC [Cadastre 4], étant observé que la connaissance, par l'un des propriétaires successifs de la parcelle AC [Cadastre 4] (Mme [A] devenue propriétaire en 2001), de la présence de cette installation ne saurait substituer l'absence d'ouvrage apparent, ni établir, a fortiori, que lors de la cession de la parcelle AC par Mme [D], cette servitude était apparente, l'acquéreur informé de son existence et la volonté de la venderesse de pérenniser cette situation affirmée.

Il en résulte que la servitude revendiquée, continue et non apparente, ne peut être établie que par un titre conformément à l'article 691 du code civil, titre qui fait défaut en l'espèce, les consorts [T]-[B] faisant justement observer que le fait pour Mme [A] d'avoir déclaré à l'huissier chargé d'établir la description de l'immeuble acquis par la SCI L'ESSOR qu'elle savait ce pavillon alimenté en eau et en électricité par son propre réseau ne pouvant être interprété en une reconnaissance de l'existence d'une servitude pesant sur son fonds et constituer un titre recognitif.

La Cour relève, au demeurant, que cette déclaration est intervenue dans un contexte particulier: alors que le maire de la commune rappelait et demandait à l'huissier d'acter le caractère illicite de la construction érigée sur la parcelle AC [Cadastre 10] et [Cadastre 11], Mme [A] a précisé 'à ce titre' que l'alimentation en eau et électricité s'effectuait de sa maison et sur ses propres compteurs, ajoutant ainsi aux récriminations du maire.

Surabondamment, la Cour considère qu'on ne peut déduire du projet, un temps envisagé par Mme [D], de répartir les parcelles en cause entre ses deux fils, une volonté manifeste d'instaurer durablement une servitude au profit des parcelles AC [Cadastre 10] et [Cadastre 11] alors que ce projet a été abandonné (les donations consenties à cet effet ont été révoquées) et que Mme [D] a cédé la propriété AC [Cadastre 4] à des tiers sans faire aucune allusion dans l'acte de cession à cette servitude qu'elle aurait prétendument voulu créer au profit du fonds voisin dont elle restait pourtant propriétaire et alors qu'elle avait le plus grand intérêt à la faire mentionner dans l'acte de cession.

La SCI L'ESSOR sera, par suite, déboutée de toutes ses demandes et le jugement réformé en toutes ses dispositions.

Sur les demandes accessoires :

* La Cour constate que depuis trois ans, la SCI L'ESSOR mène à l'encontre de ses voisins, au prétexte d'une prétendue servitude, une action qui n'a d'autre finalité que de pouvoir continuer à jouir d'une construction qu'ils savent illicite.

Cette action , préjudiciable aux consorts [T] comme à leurs successeurs, justifient l'octroi à ces derniers d'une somme de 1000€ à titre de dommages et intérêts.

* L'équité commande, en outre, de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit des consorts [T]-[B] suivant modalités prévues au dispositif.

PAR CES MOTIFS

Réforme le jugement entrepris en toutes ses dispositions .

Déboute la SCI L'ESSOR de toutes ses demandes.

La condamne à verser aux consorts [T]-[B]:

-une somme de 1000€ à titre de dommages et intérêts

- une indemnité de procédure de 2000€.

Condamne la SCI L'ESSOR aux dépens de première instance et d'appel avec faculté de recouvrement au profit de la SCP DELEFORGE FRANCHI conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier,Le Président,

C. POPEK.B. MERICQ.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 2
Numéro d'arrêt : 08/08618
Date de la décision : 23/09/2009

Références :

Cour d'appel de Douai 1B, arrêt n°08/08618 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-09-23;08.08618 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award