ARRET DU 27 Juin 2008
N° 1080 / 08
RG 08 / 00860
JUGEMENT Conseil de Prud'hommes de DOUAI EN DATE DU 29 Juin 2006
NOTIFICATION
à parties
le 27 / 06 / 08
Copies avocats
le 27 / 06 / 08
COUR D'APPEL DE DOUAI Chambre Sociale
-Prud'hommes-
APPELANTE :
SARL SERLEM 38 rue Anatole France 59490 SOMAIN Représentant : Me Jérôme GUILLEMINOT (avocat au barreau de VALENCIENNES)
INTIMEE :
Mme Christelle
Y...
...
Représentant : Me Bernard MEURICE (avocat au barreau de LILLE)
DEBATS : à l'audience publique du 29 Mai 2008
Tenue par B. MERICQ magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré, les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : V. DESMET
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE
B. MERICQ : PRESIDENT DE CHAMBRE
P. NOUBEL : CONSEILLER
A. COCHAUD-DOUTREUWE : CONSEILLER
ARRET : Contradictoire prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Juin 2008, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par B. MERICQ, Président et par A. GATNER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA COUR,
FAITS ET PROCÉDURE / PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
1. - Christelle
A...
épouse
Y...
a été engagée le 8 septembre 2000 comme attachée commerciale par la société (SARL) Serlem, celle-ci exploitant une activité de fabrication et vente de pièces pour machines d'imprimerie ; elle y était notamment responsable des achats de pièces mécaniques pour l'entreprise.
La relation de travail était régie par la convention collective de la métallurgie (accords nationaux) au regard de l'activité principale de l'entreprise (fabrication de machines d'imprimerie) et de son code APE (29. 5L).
Christelle
Y...
a fait l'objet d'un licenciement pour faute lourde prononcé selon lettre du 10 décembre 2003, après mise à pied conservatoire décidée le 28 novembre 2003 (celle-ci ultérieurement rémunérée).
2. - Saisi sur demande formée par Christelle
Y...
, qui contestait la légitimité de la rupture et estimait n'avoir pas été remplie de ses droits, le conseil de prud'hommes de Douai a pour l'essentiel, selon jugement rendu le 29 juin 2006 auquel il est entièrement fait référence pour l'exposé des données de base du procès et des prétentions et moyens respectifs des parties :
- dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé à l'égard de Christelle
Y...
,
- condamné la société Serlem à payer à Christelle
Y...
diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité compensatrice de préavis (outre congés payés y afférents), indemnité de licenciement et contrepartie de la clause de non-concurrence,
- ordonné sous astreinte la délivrance des documents sociaux d'usage.
La société Serlem a relevé appel principal de ce jugement, Christelle
Y...
en a relevé appel incident.
3. - Par ses conclusions écrites et observations orales développées à l'audience à fins d'infirmation, la société Serlem s'explique devant la cour sur les griefs-caractérisés et sérieux-qu'elle était en mesure de formuler contre Christelle
Y...
pour fonder le licenciement tel que prononcé et dont elle dit prouver la réalité, la gravité et la pertinence (spécialement quant à la fraude montée par Christelle
Y...
en lien avec l'activité professionnelle d'agent commercial exploitée par son mari Valéry
Y...
) ; elle s'explique également sur la clause de non concurrence, celle-ci nulle car dépourvue de contrepartie financière et dont le respect prétendu par Christelle
Y...
n'a pu que lui causer un préjudice minime.
En conséquence, elle plaide le nécessaire rejet des demandes formées contre elle.
4. - De son côté, par ses conclusions écrites et observations orales développées à l'audience, Christelle
Y...
soutient son appel incident pour une plus juste appréciation de ses droits, spécialement quant à la contrepartie financière de la clause de non concurrence qui lui est due.
* * *
DISCUSSION :
1. - La faute grave (voire lourde) résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l'employeur.
La charge de la preuve repose sur l'employeur, lequel au surplus doit, pour caractériser la nécessité immédiate de rompre la relation de travail, agir avec diligence dès qu'il a connaissance de la (des) faute (s) qui va (vont) fonder sa décision de licenciement.
En l'espèce, l'essentiel de la motivation de la lettre de licenciement est reproduite aux conclusions de Christelle
Y...
(p. 3 et 4) auxquelles le présent arrêt fait entièrement référence.
2. - D'ores et déjà, il peut être dit que le second grief, en lien avec des achats que Christelle
Y...
aurait opérés dans un cadre étranger à l'entreprise, est énoncé à la lettre de licenciement en termes dubitatifs et hypothétiques qui le rendent sans portée.
En outre, aucune offre de preuve sur ce point n'est proposée au dossier de la société Serlem.
3. - Le premier grief a fait l'objet d'une plainte avec constitution de partie civile déposée par la société Serlem entre les mains du doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Douai.
La procédure alors ouverte, Christelle
Y...
y ayant comparu comme témoin assisté, a abouti à une ordonnance de non lieu rendue le 29 juillet 2005, la dite ordonnance adoptant les motifs du réquisitoire à fins de non-lieu pris par le ministère public.
Ce réquisitoire (fondé sur des pièces-essentiellement des auditions de témoins-qui sont visées expressément et précisément) révèle que, si Christelle
Y...
a procédé à ses achats de pièces mécaniques pour les besoins de l'activité de la société Serlem en passant par un agent commercial-son mari Valéry
Y...
- qui était rétribué par commissionnement (celui-ci payé par les fournisseurs ou sous-traitants et susceptible d'avoir été intégré par majoration aux prix facturés à la société Serlem), le système mis en place était connu de Charles
B...
, dirigeant de la société Serlem.
En effet, le réquisitoire récapitule les nombreux indices qui convainquent de ce que le dit Charles
B...
connaissait le processus utilisant les services de l'intermédiaire Valéry
Y...
et admettait le surcoût y afférent voire avait été dès l'origine d'accord avec ce système en contrepartie d'une rémunération minorée pour Christelle
Y...
; sont notamment cités, comme faits pertinents, la présence fréquente de Valéry
Y...
dans les locaux Serlem pour y livrer des pièces mécaniques, les rencontres répétées de Charles
B...
et de Valéry
Y...
, les témoignages de sous-traitants qui ont indiqué que " Monsieur
B...
ne pouvait ignorer qu'il (Valéry
Y...
) démarchait pour son compte ", l'activité menée " au grand jour " par Valéry
Y...
, la hausse consécutive du prix des matériaux par répercussion du commissionnement servi à Valéry
Y...
Ces éléments font au moins naître le doute, qui en matière de licenciement profite au salarié.
4. - En l'état des considérations ci-dessus développées, la cour retient, à l'instar des premiers juges, que le licenciement a été opéré sans cause réelle et sérieuse.
5. - Les conséquences pécuniaires de cette décision sont les suivantes :
* Christelle
Y...
aurait dû se voir accorder un préavis : sa réclamation d'une indemnité compensatrice, fondée sur des calculs non critiqués et tirés des éléments du dossier (dont niveau de la rémunération), est justifiée, dans les termes retenus par les premiers juges,
* le calcul opéré à hauteur d'appel par Christelle
Y...
pour son indemnité de licenciement doit être accepté,
* compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, de son âge, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, de son ancienneté dans l'entreprise et de l'effectif de celle-ci, la cour est en mesure de fixer le préjudice, en application des dispositions de l'article L. 122-14-4 (devenu après recodification L. 1235-3) du code du travail, à la somme indiquée au dispositif du présent arrêt,
* il y a lieu de confirmer la condamnation à délivrance des documents d'usage sous astreinte telle que décidée par les premiers juges et sans que la cour se réserve le contentieux de la liquidation,
* il y a lieu d'ordonner d'office le remboursement par la société Serlem à l'Assédic compétente des allocations de chômage éventuellement servies à Christelle
Y...
du jour son licenciement, dans la limite de six mois.
6. - Le contrat de travail de Christelle
Y...
comportait une clause de non-concurrence explicite.
Encore que cette clause telle que figurant au contrat ne mentionne pas de contrepartie financière, celle énoncée à la convention collective de la métallurgie, y compris la contrepartie pécuniaire qu'elle édicte, s'applique automatiquement.
Par ailleurs, la société Serlem n'a pas cru utile de libérer Christelle
Y...
des contraintes et interdictions de cette clause de non concurrence, et elle ne démontre en rien - alors que la charge de la preuve lui en incombe - que Christelle
Y...
les aurait méconnues.
La contrepartie est ainsi due dans les termes revendiqués.
7. - Les intérêts au taux légal courent sur les créances de Christelle
Y...
de nature salariale à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de jugement (8 décembre 2005, première date utile prouvée dans ce dossier) ; ils courent sur les créances de nature indemnitaire à compter du jugement déféré.
Il est équitable d'allouer à Christelle
Y...
une indemnité de 2. 000, 00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
* * *
PAR CES MOTIFS :
- confirme le jugement déféré sauf quant aux montants décidés au titre de l'indemnité de licenciement, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la clause de non-concurrence ;
L'EMENDANT DANS LA MESURE UTILE :
- condamne la société Serlem à payer à Christelle
Y...
les sommes suivantes (en sus des sommes non modifiées décidées par les premiers juges au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents) :
+ 726, 72 € (sept cent vingt six euros et soixante douze cts) à titre d'indemnité de licenciement
+ 14. 600, 00 € (quatorze mille six cent euros) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
+ 34. 882, 56 € brut (trente quatre mille huit cent quatre vingt deux euros et cinquante six cts) au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence
+ 3. 488, 25 € brut (trois mille quatre cent quatre vingt huit euros et vingt cinq cts) au titre des congés payés y afférents
+ 2. 000, 00 € (deux mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- précise que les intérêts au taux légal courent sur les créances de Christelle
Y...
de nature salariale à compter du 8 décembre 2005 et sur les créances de nature indemnitaire à compter du jugement déféré ;
- ordonne le remboursement par la société Serlem à l'Assédic compétente des allocations de chômage éventuellement servies à Christelle
Y...
du jour de son licenciement, dans la limite de six mois ;
- rejette toutes autres prétentions plus amples ou contraires ;
- condamne la société Serlem aux entiers dépens de la première instance et de l'instance d'appel.