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26/03/2008 | FRANCE | N°07/03240

France | France, Cour d'appel de Douai, Ct0110, 26 mars 2008, 07/03240


PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :
X... Nabil né le 20 Avril 1943 à LATTAQUIE (SYRIE) Fils d'X... Khaled et de Y... Adib De nationalité française ou syrienne ? ?, célibataire Commerçant Demeurant... 59000 LILLE Prévenu, appelant, libre Maître SADEK Djamal, avocat au barreau de DOUAI

LE MINISTÈRE PUBLIC : Le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de DOUAI appelant,

B... Chantal Représentante légale de sa fille mineure Sandra C..., demeurant... 59119 WAZIERS partie civile, intimée, Maître MALENGE Grégory, avocat au barreau de DOUAI
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PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :
X... Nabil né le 20 Avril 1943 à LATTAQUIE (SYRIE) Fils d'X... Khaled et de Y... Adib De nationalité française ou syrienne ? ?, célibataire Commerçant Demeurant... 59000 LILLE Prévenu, appelant, libre Maître SADEK Djamal, avocat au barreau de DOUAI

LE MINISTÈRE PUBLIC : Le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de DOUAI appelant,

B... Chantal Représentante légale de sa fille mineure Sandra C..., demeurant... 59119 WAZIERS partie civile, intimée, Maître MALENGE Grégory, avocat au barreau de DOUAI

L'ADSSEAD Agissant en qualité d'administrateur ad'hoc de Mélanie E..., Bld Paul Hayez-59500 DOUAI Partie civile, intimé, Maître BONDUELLE Magali, avocat au barreau de DOUAI

L'ADSSEAD Es qualités d'administrateur ad hoc de Pamela G..., Bld Paul Hayez-59500 DOUAI Partie civile, intimé, Maître BONDUELLE Magali, avocat au barreau de DOUAI

L'ADSSEAD Es qualités d'administrateur ad hoc de Sabrina H..., Bld Paul Hayez-59500 DOUAI Partie civile, intimé, Maître BONDUELLE Magali, avocat au barreau de DOUAI

L'ADSSEAD Es qualités d'administrateur ad hoc de Sonia I..., Bld Paul Hayez-59500 DOUAI Partie civile, intimé, Maître BONDUELLE Magali, avocat au barreau de DOUAI

J... Fatiha Représentante légale de J... Wedenne, demeurant... 59450 SIN LE NOBLE partie civile, intimée, Maître SEILLIEZ Isabelle, avocat au barreau de DOUAI

LE JUGEMENT :
Devant le Tribunal Correctionnel de DOUAI, Nabil X... était prévenu d'avoir :
1) à DOUAI, courant 2004, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, commis une atteinte sexuelle avec violence, contrainte, menace ou surprise sur la personne de Sandra C..., née le 23 décembre 1988, en l'espèce en lui touchant la poitrine et en lui caressant le sexe.
2) à DOUAI, entre 2002 et décembre 2003, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, tenté de commettre une atteinte sexuelle avec violence, menace, contrainte ou surprise sur la personne de Paméla G..., née le 26 août 1987, ladite tentative s'étant manifestée par un commencement d'exécution, en l'espèce soulevé le pull de la victime et baissé son pantalon jusqu'au niveau du bas ventre, n'ayant manqué son effet que par une circonstance indépendante de sa volonté, en l'espèce la rébellion de la victime.
3) à DOUAI, en décembre 2003, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, commis une atteinte sexuelle avec violence, contrainte, menace ou surprise sur la personne de Mandy L..., née le 1er juillet 1988, en l'espèce en lui caressant le sexe.
4) à DOUAI, courant janvier 2004, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par le prescription, tenté de commettre une atteinte sexuelle avec violence, contrainte, menace ou surprise sur la personne de Mélanie E..., née le 13 janvier 1990, ladite tentative s'étant manifestée par un commencement d'exécution, en l'espèce en tirant sur le pantalon et la culotte de la victime, n'ayant manqué son effet que par une circonstance indépendante de sa volonté, en l'espèce la rébellion de la victime, avec cette circonstance que les faits ont été commis sur une mineure de 15 ans.
5) à DOUAI, entre 2003 et février 2004, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n'emportant pas prescription, commis une atteinte sexuelle avec violence, contrainte, menace ou surprise sur la personne de Wedenne J..., née le 19 février 1990, en l'espèce en lui touchant la poitrine, avec cette circonstance que les faits ont été commis sur une mineure de 15 ans.
6) à DOUAI, courant 2003, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, commis une atteinte sexuelle avec violence, contrainte, menace ou surprise sur la personne de Sabrina H..., née le 14 juin 1988, en l'espèce en prétextant l'essayage d'un piercing représentant un sexe masculin pour lui caresser le ventre.
7) à DOUAI, courant 2003, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, tenté de commettre une atteinte sexuelle avec violence, contrainte, menace ou surprise sur la personne de Sonia I..., née le 3 novembre 1989, ladite tentative s'étant manifestée par un commencement d'exécution, en l'espèce en relevant le maillot, en baissant le pantalon et en touchant le bas ventre de la victime, n'ayant manqué son effet que par une circonstance indépendante de la volonté de son auteur, en l'espèce la rébellion de la victime, avec cette circonstance que les faits ont été commis sur une mineure de 15 ans.
Infractions prévues et réprimées par les articles 222-27, 222-22, 222-29, 222-44, 222-45, 222-47, 222-48-1, 121-4 et 121-5 du code pénal.
Sur l'action publique :
Par jugement contradictoire à signifier rendu le 27 juin 2006, le Tribunal Correctionnel de DOUAI a relaxé Nabil X... pour les faits commis à l'égard de Sabrina H... et l'a déclaré coupable pour le surplus,
En répression l'a condamné à une peine de 3 ans d'emprisonnement, dont 18 mois avec sursis assorti d'un délai d'épreuve de 2 années, lui imposant comme obligations particulières de se soigner et d'indemniser les victimes.
Sur l'action civile :
Le Tribunal a déclaré recevables en leur constitution de partie civile : l'ADSSEAD, ès qualité d'administrateur ad'hoc des mineures Mélanie E..., Sonia I... et Paméla G..., Madame B..., ès qualité de représentante légale de sa fille mineure Sandra C..., et Madame Fatiha J..., ès qualité de représentante légale de J... Wedenne.
Le Tribunal a condamné Nabil X... à payer à titre de dommages-intérêts :
-à l'ADSSEAD, ès qualité d'administrateur ad'hoc de la mineure Mélanie E... la somme de 1000 €,-à Madame B..., ès qualité de représentante légale de sa fille mineure Sandra C... la somme de 5000 €,-à l'ADSSEAD, ès qualité d'administrateur ad'hoc de Sonia I..., la somme de 1000 €,-à Pamela G... devenue majeure la somme de 1000 €,-à Madame Fatiha J..., ès qualité de représentante légale de sa fille mineure Wedenne J..., la somme de 1000 €.

Le Tribunal a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de l'ADSSEAD, ès qualité d'administrateur ad'hoc de Sabrina H..., et a débouté Sabrina H..., devenue majeure, de sa demande.
Le Tribunal a enfin ordonné la restitution au profit de Madame B..., ès qualité de représentante légale de sa fille mineure Sandra C..., du téléphone portable saisi et placé sous scellé au cours de la procédure (no1 procédure no 04 / 3686).
LES APPELS :
Appel de ce jugement a été interjeté par :
-Maître SADEK, Avocat au Barreau de DOUAI, représentant Nabil X... par déclaration au greffe du Tribunal le 4 septembre 2007 (le jugement ayant été signifié à parquet le 25 septembre 2007), l'appel portant sur les dispositions pénales et civiles,-Monsieur le Procureur de la République de DOUAI, le 4 septembre 2007 (appel incident), uniquement sur les dispositions pénales.

LES CITATIONS :
Les parties ont été régulièrement citées pour l'audience du 19 décembre 2007 :
-Nabil X..., par procès verbal de gendarmerie le 1er juillet 2007.-Chantal B..., à personne le 8 novembre 2007,-Fatiha J..., à personne le 9 novembre 2007,-l'ADSSEAD agissant en qualité d'aministrateur ad'hoc des mineurs Mélanie E..., Pamela G..., Sabrina H..., Sonia I..., à personne morale le 30 octobre 2007.

A ladite audience, l'affaire a été renvoyée contradictoirement pour Nabil X..., l'ADSSEAD (agissant au nom de Mélanie E...), Fatiha J... et Chantal B... et à reciter en ce qui concerne Sabrina H..., Sonia I... et Pamela G....
Pour l'audience du 12 mars 2008 ont été citées :-Mme Sonia I... à parquet général le 15 février 2008,-Mme Sabrina H..., à parquet général le 7 février 2008.-Mme Pamela G..., à parquet général le 7 janvier 2008,

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :
Le 7 janvier 2004 et le 8 mars 2004, le Conseil Général du Nord adressait au parquet de DOUAI un signalement indiquant que trois mineures accueillies à la Maison de l'Enfance et de la Famille de DOUAI, ou placées en famille d'accueil, avaient dénoncé des attouchements sexuels commis sur leur personne, en contrepartie d'argent, par le gérant du magasin Chic Choc à DOUAI.
Ainsi Sandra C..., née le 23 / 12 / 1988, placée chez une assistante maternelle depuis 1994, se plaignait des faits suivants : après une première visite au magasin Chic Choc courant janvier 2004, où elle s'était rendue pour choisir un cadeau d'anniversaire en compagnie d'une amie, elle y était retournée seule, le 29 janvier 2004 lui semblait-il. Lors de cette seconde visite, alors qu'elle venait de choisir des boucles d'oreille, le gérant du magasin l'avait saisie par le bras et lui avait passé une main sous son pull, pour la passer sur sa poitrine et sur son ventre. Malgré ses gestes de défense, alors qu'il l'immobilisait toujours par le bras, il avait réussi à déboutonner le pantalon qu'elle portait et à glisser une main dans son slip pour lui caresser le sexe. Il s'était interrompu lorsque des clients étaient entrés dans le magasin. La jeune fille expliquait qu'elle n'avait pas crié parce qu'elle était paralysée par la peur.
Malgré ce qu'il s'était passé cette première fois, Sandra C... expliquait qu'elle était retournée dans le même magasin le 19 février 2004, en compagnie cette fois d'une amie, pour se faire faire un piercing. Comme il y avait du monde dans le magasin, elle n'avait pas craint d'autres gestes inconvenants de la part du commerçant. Toutefois, lorsqu'elle avait réglé le piercing, elle s'était aperçue que cet homme lui rendait beaucoup trop de monnaie, à savoir une somme de l'ordre de 110 €. Comme elle manifestait son étonnement, il lui avait répondu qu'il avait entendu sa conversation avec son amie au cours de laquelle elle avait dit qu'elle voulait un téléphone portable et qu'il lui donnait l'argent pour acheter un appareil. Comme elle refusait, il avait insisté et elle était partie avec cet argent.
Sandra C... ajoutait qu'elle savait que d'autres jeunes filles de ses amies avaient été victimes du même homme : ainsi, Cindy N... s'était plainte de ce que lorsqu'elle avait effectué un stage dans ce commerce, le patron lui avait demandé de ne porter que des mini-jupes. Une autre jeune fille, Audrey M... avait affirmé que l'homme l'avait touchée partout et qu'il avait voulu l'entraîner dans la réserve, soit-disant pour faire un piercing.
L'expertise psychologique de la jeune fille a mis en évidence qu'elle était fragile et vulnérable, du fait d'une enfance carencée sur le plan affectif, mais qu'elle était crédible dans ses propos. Les faits dont elle se plaint ne semblent pourtant pas avoir eu un retentissement psychologique durable.
Mélanie E..., née le 13 janvier 1990, dénonçait pour sa part un geste déplacé de la part du gérant du magasin Chic Choc. Elle précisait qu'elle était allée une première fois dans ce magasin courant 2003 pour se faire faire un piercing au nombril. À la suite d'une infection locale qui s'était déclarée à l'endroit du piercing, elle était retournée dans le magasin et le gérant lui avait proposé de revenir une fois qu'elle serait guérie, imputant l'infection à la mauvaise qualité du bijou qu'elle avait acheté dans un autre magasin et lui proposant de lui faire une réduction pour la pose d'un nouveau bijou. C'est ainsi qu'elle y était retournée une troisième fois courant janvier 2004, un samedi après-midi. Elle s'était alors trouvée seule en compagnie du gérant. Celui-ci avait commencé par lui dégrafer son pantalon et prenant soudain peur, elle l'avait écarté et était partie aussitôt. Mélanie E... ajoutait qu'elle fréquentait habituellement ce magasin pour acheter des bijoux fantaisie, que pratiquement à chaque fois le commerçant lui faisait des remises et qu'elle avait remarqué qu'il se frottait souvent contre elle, sans toutefois la toucher avec ses mains.
Au cours de l'examen psychologique, Mélanie E... a fourni les mêmes détails que ceux donnés à la police, disant cependant que Nabil X... avait tiré sur sa culotte pour voir son sexe. Elle n'est pas apparue comme affabulatrice. Aucun trouble psychologique ne semble avoir été développé consécutivement aux faits.
Mandy L..., née le 1er juillet 1987, déclarait qu'elle s'était rendue au magasin Chic Choc courant décembre 2003 pour se faire faire un piercing à l'oreille. Sans qu'elle n'ait rien demandé d'autre, le gérant lui avait soulevé son pull tout en disant qu'un piercing au nombril lui irait bien. Il avait ensuite passé sa main dans son slip et avait réussi à la pénétrer avec son doigt, n'interrompant son geste qu'à l'arrivée de client. Terrorisée la jeune fille avait voulu sortir par la porte donnant sur l'arrière du magasin et le gérant lui avait ouvert cette porte en lui proposant une relation sexuelle avec lui moyennant une somme de 40 €. Au terme de son audition, Mandy L... indiquait qu'elle n'était plus retournée dans cette boutique, qu'elle avait d'ailleurs constaté que tout était sale et que les piercings n'étaient pas réalisés dans de bonnes conditions d'hygiène, sans désinfection des instruments.
Devant Madame O..., expert psychologue commis pour l'examiner, Mandy L... a donné une version des faits conforme à celle fournie à la police, tout en indiquant que la somme d'argent qui lui avait été proposée pour un rapport sexuel était de 30 €, et non de 40 €. Si les propos sont jugés crédibles, l'Expert n'a relevé aucun signe de retentissement traumatique durable.
Cindy N..., née le 7 février 1978, dont le nom avait été cité par Sandra C..., confirmait avoir fait un stage au magasin Chic Choc huit ans auparavant. Elle était alors à la recherche d'un emploi. Elle avait été embauchée sans contrat mais comme il s'agissait de son premier emploi, elle ne savait pas trop comment procéder. Le gérant la payait en espèces, à la journée. Elle n'était restée que huit jours car il lui avait demandé de porter des jupes, sous prétexte que cela se faisait dans la vente. Il n'avait jamais eu de gestes déplacés à son égard.
Audrey M..., née le 2 septembre 1988, contrairement à ce qu'avait déclaré Sandra C..., contestait avoir été victime de gestes déplacés ou d'offres d'argent de la part du gérant du magasin Chic Choc. Elle précisait qu'il lui avait juste offert une paire de boucles d'oreille, sans contrepartie.
Wedenne J..., née le 19 février 1990, se plaignait pour sa part de gestes déplacés. Elle expliquait qu'elle était allé chez Chic Choc pour se faire faire un piercing à l'oreille. Comme elle criait un peu, le gérant du magasin lui avait posé la main sur la poitrine pour lui demander si tout allait bien. Ensuite, comme elle regardait les faux piercings pour le nombril, il lui avait soulevé légèrement son pull et lui avait caressé la peau au niveau du ventre. La jeune fille déclarait qu'elle n'était plus retournée ensuite dans ce magasin. Elle indiquait également que le commerçant lui avait fait une fois une remise pour une paire de boucles d'oreille parce qu'elle n'avait pas assez d'argent de poche. Il lui avait d'ailleurs demandé combien sa mère lui donnait et lui avait proposé de venir le voir si elle avait réellement besoin d'argent.
Devant le psychologue expert commis pour l'examiner, Wedenne J... a minimisé les faits, disant qu'elle trouvait ridicule le dépôt de plainte de sa mère puisqu'elle n'avait pas été violée. Elle a évoqué un geste d'effleurement sur sa poitrine au moment où elle criait parce qu'elle avait mal, mais rien d'autre. Elle a même dit qu'elle ne voulait pas embêter le gérant du magasin, qui était une personne gentille. L'humeur dépressive mise en évidence par cet examen et une certaine dévalorisation de soi a été attribuée par l'Expert à une histoire personnelle difficile, mais pas nécessairement aux faits commis, qui ont été banalisés.
Sabrina H..., née le 14 juin 1988, indiquait qu'elle s'était fait faire en juillet 2003 deux piercings au magasin Chic Choc, l'un à la narine, réalisé par le gérant, l'autre au nombril réalisé par un autre homme. Elle avait du pour ce dernier s'allonger sur une couverture par terre. Avant la pose du piercing ombilical, le gérant qu'elle décrivait comme un homme corpulent et sentant mauvais, lui avait posé sur le nombril un bijou en forme de sexe masculin, disant que cela lui allait bien. Auparavant, il lui avait déjà touché plusieurs fois le nombril sous des prétextes divers, disant qu'elle avait un joli ventre, ce qui fait qu'elle se méfiait de lui, lui trouvant l'air " pervers ". La jeune fille ajoutait que toutes ses amies qui fréquentaient cet établissement estimaient que le gérant avait l'air vicieux et qu'elle avait menti lorsqu'elle lui avait affirmé que ses parents étaient d'accord pour le piercing ombilical. Sur son insistance, il n'avait pas demandé d'autorisation écrite.
Devant l'Expert, Sabrina H... a également eu des propos banalisateurs, évoquant des petites choses : le fait que l'homme lui montre un piercing en forme de sexe masculin et le lui pose sur le nombril et le fait qu'il regarde tout le temps son derrière. Elle s'est dite non traumatisée par les faits.
Une autre jeune fille, Flora P..., née le 26 janvier 1990, cliente habituelle du magasin, comme beaucoup d'autres adolescentes du même âge, ne se plaignait pas de gestes déplacés, mais précisait que le gérant lui avait offert des boucles d'oreille, des vernis, des rouges à lèvres, et deux fois de petites sommes allant de 2 à 4 €.
Sonia I..., née le 3 novembre 1989, dont le nom avait été cité par Flora P..., précisait qu'elle s'était fait faire plusieurs piercings au magasin Chic Choc, mais uniquement au visage. Pourtant, le gérant du magasin lui avait un jour baissé son pantalon pour lui dénuder le nombril en lui disant qu'un piercing à cet endroit serait joli. Ce faisant, il lui avait passé la main sur le bas ventre, ce qui fait qu'elle l'avait repoussé en lui disant de " dégager ".
La jeune fille a intégralement maintenu ses propos devant l'Expert psychologue, illustrant les faits commis en mimant les gestes. Elle a ajouté qu'avec Aurélie et Flora, le gérant du magasin était allé plus lien qu'avec elle. Elle n'est apparue ni affabulatrice, ni mythomane, ne cherchant pas à donner aux faits une dimension exagérée.
Paméla G..., née le 26 août 1987, placée à l'Aide Sociale à L'enfance, expliquait s'être fait poser onze piercings au magasin Chic Choc. Elle avait même travaillé durant une semaine dans cette boutique en 2000 ou 2001, pendant les grandes vacances. Elle ne cachait pas qu'elle était employée " au noir " et qu'elle était payée 5 € par jour. Un jour, le patron lui avait proposé la pose d'un piercing au nombril et sans attendre sa réponse lui avait baissé son pantalon jusqu'au niveau du bas ventre. Elle avait aussitôt réagi en disant " ça va aller, oui " et il n'avait pas insisté.
L'expert psychologue n'a relevé dans la personnalité de cette jeune fille aucune faille d'ordre psychopathologique, ni tendance à l'affabulation et au mensonge. Il n'existe pas de perturbation en rapport avec l'événement qui l'a cependant troublée et offusquée sur le moment.
En revanche, Aurélie Q..., une adolescente de 17 ans dont le nom avait été cité par d'autres jeunes filles ayant fréquenté le même foyer, affirmait qu'il ne s'était rien passé d'anormal avec le patron du magasin Chic Choc, où elle était allée, comme beaucoup d'autres copines, se faire poser des bijoux à chaque oreille.
De même, Aurélie R..., née le 20 juin 1989, affirmait qu'il ne s'était rien passé d'anormal avec le gérant du magasin, où elle s'était fait faire cinq piercings, dont certains s'étaient infectés. Elle évoquait simplement le fait qu'il lui avait proposé la pose d'un bijou sur l'ombilic, mais qu'elle n'avait pas donné suite. Il lui avait également fait des remises sur certains achats ou offert de petits cadeaux, mais sans contrepartie.
Enfin, si Nadège U... ne se déclarait pas victime des agissements de Nabil X..., cette jeune fille affirmait que Sandra C... se rendait seule dans cet établissement et en revenait avec des sommes de 10 ou 30 €.
Placé en garde-à-vue, Nabil X... déclarait qu'il tenait un commerce de bijoux fantaisie et de produits de beauté depuis 1990 dans un local fixe, mais qu'il vendait déjà ce type de produits sur les marchés auparavant. Sa clientèle était composée pour la majeure partie de jeunes filles, dont beaucoup étaient intéressées par les piercings. Il réalisait lui-même les piercings à l'oreille et à la narine, mais faisait appel à un prénommé Xavier, qui s'était présenté à lui sous l'enseigne STAN PIERCING, pour les piercings au nombril ou à l'arcade sourcilière. Nabil X... affirmait qu'il sollicitait toujours l'autorisation des parents par le biais d'un imprimé pour les piercings ombilicaux, mais qu'il avait pu arriver une ou deux fois qu'il s'en dispense pour des jeunes filles clientes habituelles du magasin, qui avaient assuré que leurs parents étaient d'accord. Il se présentait comme un homme de nature généreuse et confirmait qu'il lui arrivait de faire des petits cadeaux ou de consentir des rabais aux bonnes clientes, tout comme il faisait confiance à celles qu'il connaissait et qui ne pouvaient pas le régler immédiatement. Il niait l'ensemble des gestes déplacés qui lui étaient reprochés, expliquant que pour les piercings ombilicaux, il était nécessaire de baisser légèrement le pantalon pour dénuder la partie du corps concernée, voire même de présenter le bijou choisi sur le nombril pour voir l'effet produit, mais que les effleurements étaient purement involontaires. Il contestait enfin avoir employé quelqu'un " au noir ", admettant tout au plus avoir accepté la présence d'une jeune fille pour un ou deux jours, pour un stage.
Un transport effectué par les services de police au magasin Chic Choc permettait de constater que derrière la pièce réservée à la clientèle se trouvait deux autres pièces dans lesquelles étaient installés des meubles de camping, utilisés comme plans de travail, ou bien, pour les transats, pour faire allonger les clientes lors de la pose de piercings ombilicaux. Nabil X... précisait cependant que les transats étaient récents, qu'auparavant les clientes devaient s'allonger sur des cartons recouverts d'une couverture posés sur le sol, ce qui était conforme aux déclarations de Mélanie E.... Les policiers saisissaient également un formulaire au nom de STAN PIERCING avec un numéro de téléphone portable et une adresse mail comportant des recommandations d'hygiène et une décharge au profit du perceur et du magasin.
C'est ainsi qu'était convoqué le nommé Xavier T... qui, bien que se déclarant sans profession, admettait être la personne qui réalisait les piercings ombilicaux et à l'arcade sourcilière, à la demande du magasin Chic Choc. Il expliquait qu'il avait été lui-même un client de Nabil X... et qu'à la demande de plusieurs amis il avait réalisé des piercings et en avait fait une activité lucrative. Il avait ainsi réalisé l'imprimé de décharge saisi par la police chez Chic Choc. Il pensait avoir réalisé une vingtaine de piercings dans ce magasin à la demande de son gérant. Il se fiait aux imprimés de décharge qui lui étaient remis et aux dires d'X... lorsque celui-ci lui affirmait qu'il avait vu les parents ou qu'il s'agissait de clientes habituelles, en lesquelles il avait confiance. Chaque piercing lui rapportait la somme de 25 €, X... ne prélevant rien puisqu'il vendait le bijou. Au terme de son audition, Xavier T... affirmait qu'il se fournissait en matériel médical chez un grossiste spécialisé, qu'il avait appris sur " le tas ", puisqu'il n'existait aucune formation spécialisée, et qu'il n'était pas encore inscrit au registre du commerce, attendant de voir si cette activité était suffisamment rentable pour poursuivre dans cette voie. Enfin, il indiquait qu'il s'était plaint des mauvaises conditions de travail au magasin Chic Choc, qu'il avait notamment demandé à Nabil X... de ranger un peu et qu'il avait du lui-même apporter des transats pour que les clients puissent s'allonger, parce qu'auparavant ils étaient couchés à même le sol, sur une couverture.
Devant le Juge d'instruction, Nabil X... ne se départissait pas de ses dénégations. Il les maintenait au cours de la confrontation avec Sandra C..., même si la jeune fille se mettait à pleurer en disant qu'elle avait été sotte d'y retourner le 19 février 2004 après ce qu'il s'était passé la première fois. Nabil X... contestait lui avoir donné une somme de 110 €, bien que la mère de la jeune fille ait confirmé aux policiers qu'elle avait découvert fortuitement l'achat d'un téléphone portable par sa fille et qu'elle ne lui avait jamais remis suffisamment d'argent pour cet achat.
Devant le Juge d'instruction et confrontée à Nabil X..., Mélanie E... maintenait intégralement ses accusations, précisant qu'elle était en mesure de faire la différence entre un geste visant à vérifier si l'endroit où était posé le piercing était effectivement infecté et une caresse au niveau du bas ventre après le dégrafage de son pantalon, qui ne s'imposait pas puisqu'elle avait déjà dénudé son nombril. Pourtant, Nabil X... maintenait ses dénégations.
L'attitude de déni adoptée par Nabil X... restait la même lors des confrontations avec Sonia I..., Sabrina H..., Paméla G... et Mandy L.... Cette dernière, tout en maintenant ses déclarations, précisait cependant que Nabil X... n'avait pas introduit un doigt dans son sexe, mais qu'il l'avait passé sur son sexe.
À titre d'explication sur les accusations portées contre lui, l'intéressé avançait l'hypothèse selon laquelle certaines jeunes filles qu'il avait surprises en train de voler avaient pu vouloir se venger par copines interposées, ou bien que certaines jeunes filles lui en voulaient parce que leur piercing s'était infecté, ce dont il ne se considérait pas responsable puisque, selon lui, toutes les conditions d'hygiène étaient respectées.
RENSEIGNEMENTS DE PERSONNALITE :
Au cours de l'examen psychiatrique, Nabil X... est apparu comme cherchant constamment à maîtriser ses propos, donnant une impression d'inauthenticité du discours, qu'il s'agisse de son parcours personnel ou de sa vie affective. Il n'est atteint d'aucune anomalie mentale de nature à altérer ou abolir le discernement. Sur le plan affectif, l'intéressé a reconnu un certain isolement depuis la séparation d'avec une compagne en 1988 et des relations éphémères par la suite.
Devant l'Expert psychologue, Nabil X... s'est également maintenu dans une position de déni. Il a fourni des réponses embrouillées aux questions posées et ses nombreuses digressions semblent lui permettre d'esquiver les réponses. Sur le plan affectif, l'expert psychologue a noté le même isolement, les seules personnes fréquentées étant finalement les clients du magasin. La personnalité est décrite comme assez immature, mais il n'a été relevé aucun trouble majeur de celle-ci.
Le bulletin no1 de casier judiciaire de l'intéressé porte mention d'une liquidation judiciaire prononcée par la chambre commerciale de cette Cour le 16 novembre 2004.
Vainement recherché à son adresse déclarée au cours de l'instruction, Nabil X... a été cité à parquet pour l'audience devant se tenir devant le Tribunal Correctionnel de DOUAI. À cette audience, il n'était ni présent, ni représenté.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Ct0110
Numéro d'arrêt : 07/03240
Date de la décision : 26/03/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Douai, 27 juin 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2008-03-26;07.03240 ?
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