DOSSIER N 07 / 01259 ARRÊT DU 28 Juin 2007 4ème CHAMBRE VM
COUR D'APPEL DE DOUAI
4ème Chambre-No
Prononcé publiquement le 28 Juin 2007, par la 4ème Chambre des Appels Correctionnels,
Sur appel d'un jugement du T. CORRECT. DE VALENCIENNES du 01 MARS 2007
PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :
X...Y... Susana née le 16 Avril 1974 à LISBOA (PORTUGAL) Fille d'X...Y... Fernando et de Z...X... Conceiçao De nationalité portugaise, célibataire Chargée de relations publiques Détenue à la maison d'arrêt de VALENCIENNES, demeurant... ODIVELAS (PORTUGAL)-Prévenue, appelante, détenue, comparante Assistée de Maître GOASDOUE Vincent, Avocat au barreau de DOUAI et de Monsieur José DA C...D..., Interprète en langue Portugaise, inscrit sur la liste des experts près la Cour d'Appel de DOUAI
LE MINISTÈRE PUBLIC : Le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de VALENCIENNES appelant,
ADMINISTRATION DES DOUANES DE LILLE,5, rue de Courtrai-BP 683-59033 LILLE CEDEX Partie intervenante, intimée, représentée par le Ministère Public
COMPOSITION DE LA COUR : Président : Michel BATAILLE, Conseiller faisant fonction de Président en remplacement du Président titulaire légitimement empêché. Conseillers : Anne-Marie GALLEN, Stéphane DUCHEMIN.
GREFFIER : Edith BASTIEN aux débats et au prononcé de l'arrêt.
MINISTÈRE PUBLIC : Marie-Hélène VALENSI, Substitut général.
DÉROULEMENT DES DÉBATS :
A l'audience publique du 21 Juin 2007, le Président a constaté l'identité de la prévenue.
Ont été entendus :
Monsieur DUCHEMIN en son rapport ;
X...Y... Susana en ses interrogatoires et moyens de défense par l'intermédiaire de Monsieur José DA C...D..., Interprète en langue Portugaise inscrit sur la liste des experts près la Cour d'Appel de DOUAI.
Le Ministère Public, en ses réquisitions :
Les parties en cause ont eu la parole dans l'ordre prévu par les dispositions des articles 513 et 460 du code de procédure pénale.
La prévenue et son Conseil ont eu la parole en dernier.
Le Président a ensuite déclaré que l'arrêt serait prononcé le 28 Juin 2007.
Et ledit jour, la Cour ne pouvant se constituer de la même façon, le Président, usant de la faculté résultant des dispositions de l'article 485 du code de procédure pénale, a rendu l'arrêt dont la teneur suit, en audience publique, et en présence du Ministère Public et du greffier d'audience.
DÉCISION :
VU TOUTES LES PIÈCES DU DOSSIER,
LA COUR, APRES EN AVOIR DÉLIBÉRÉ CONFORMÉMENT A LA LOI, A RENDU L'ARRÊT SUIVANT :
RAPPEL DE LA PROCÉDURE
Madame Susana X...Y... a été poursuivie devant le Tribunal Correctionnel de VALENCIENNES, pour avoir :
à SAINT AYBERT, entre le 24 et le 28 février 2007 en tout cas sur dans le département du Nord, en Belgique et en Hollande, et depuis temps n'emportant pas prescription, de manière illicite, transporté, détenu et acquis des stupéfiants, en l'espèce 2,422 kilogrammes d'héroïne, faits prévus et réprimés par ART. 222-37,222-40,222-41,222-43,222-44,222-45,222-47,222-48,222-49 et 222-50 du Code Pénal, L. 5132-7, R. 5149, R. 5179 et suivants du Code de la Santé Publique, la Convention Internationale Unique sur les stupéfiants du 30 mars 1961,
à SAINT AYBERT, le 28 février 2007 en tout cas dans le département du Nord, en Belgique et en Hollande, et depuis temps n'emportant pas prescription, de manière illicite, importé des stupéfiants, en l'espèce 2,422 kilogrammes d'héroïne, faits prévus et réprimés par ART. 222-36,222-40,222-41,222-43,222-44,222-45,222-47,222-48,222-49 et 222-50 du Code Pénal, L. 5132-7, R. 5149, R. 5179 et suivants du Code de la Santé Publique, la Convention Internationale Unique sur les stupéfiants du 30 mars 1961,
à SAINT AYBERT, le 28 février 2007 en tout cas dans le département du Nord, en Belgique et en Hollande, et depuis temps n'emportant pas prescription, de manière illicite, importé sans déclaration préalable, des marchandises prohibées, en l'espèce 2,422 kilogrammes d'héroïne, faits prévus et réprimés par les articles 38,414,417 et suivants,423 et suivants,423 bis et 435 du Code des Douanes.
Par jugement contradictoire du 1er mars 2007, le Tribunal a retenu sa culpabilité et l'a condamné à 5 ans d'emprisonnement, prononcé à son encontre une interdiction du territoire français pour une durée de 5 ans et ordonné la mise en détention de l'intéressée, décernant mandat de dépôt.
Le Tribunal l'a par ailleurs condamné, solidairement avec ses co-prévenus au paiement d'une amende douanière de 66. 550 euros.
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Mademoiselle Susana X...Y... a régulièrement interjeté appel de cette décision le 8 mars 2007. Le Ministère Public a formé appel incident le même jour.
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La prévenue a eu connaissance de la date d'audience le 13 avril 2007, date à laquelle elle était incarcérée à la Maison d'Arrêt de VALENCIENNES. Elle a comparu à l'audience et il sera statué contradictoirement à son égard.
L'administration des Douanes, citée à personne le 18 mai 2007, a été représentée à l'audience par le Ministère Public. Il sera statué contradictoirement à son égard.
RAPPEL DES FAITS
La prévenue était interpellée le 27 février 2007 alors qu'elle occupait, en compagnie de 2 autres ressortissants portugais un véhicule qui, en provenance de BELGIQUE, arrivait en France et dont le contrôle par les douaniers révélait qu'une quantité de 2 422 grammes d'héroïne étaient dissimulés dans les garnitures des portières arrières, droite et gauche.
Elle indiquait, ainsi que les deux autres gardés-à-vue s'être rendue trois jours auparavant à ROTTERDAM pour un voyage d'agrément à l'aide d'une voiture de location et qu'ils rentraient au Portugal lors du contrôle douanier en ignorant tout de la présence à l'intérieur du véhicule des produits stupéfiants découverts.
S'agissant de son emploi du temps à l'occasion de ce voyage de trois jours, elle précisait qu'elle s'était couchée tous les soirs aux environs de 22 heures et qu'elle avait dormi jusqu'à midi, occupant son après-midi à se promener dans les rues de ROTTERDAM.
Les réels motifs de sa présence aux côtés de Ruben G... E... aux côtés de qui elle avait été interpellée, demeuraient imprécis et si elle indiquait avoir le projet de démarrer une liaison amoureuse avec lui, l'ami d'enfance de ce dernier précisait qu'ils étaient sortis ensemble une fois la jeune femme couchée pour se rendre dans des bars à Streap Tease.
Selon les déclarations des trois gardés-à-vue, le week-end leur avait coûté 1 500 euros, somme que Ruben G...E... avait déboursé, partiellement remboursé par Susana X...Y... dont la participation s'était élevé à 500 euros.
Aucune explication n'était pourtant fournie permettant d'envisager que la drogue ait pu être dissimulée en leur absence et à leur insu.
Les enquêteurs de la DIPJ constataient par ailleurs des contradictions sur un certain nombre de détails relatifs à leur voyage :
Ruben G...E..., en possession d'une somme de 600 euros au moment de son interpellation, indiquait que ce voyage était envisagé depuis plusieurs mois et qu'ils avaient constitué un pot commun pour en financer les frais pour un montant de 1 500 euros.
Pour sa part Osvaldo H... DA C..., troisième individu interpellé, affirmait que le voyage avait été décidé 2 semaines auparavant environ et indiquait qu'il n'avait que peu de relations avec Susana X...Y... qu'il ne connaissait d'ailleurs que depuis peu de temps.
Susana X...Y... précisait quant à elle qu'elle connaissait les deux jeunes individus interpellés en même temps qu'elle depuis des années.
Ruben G...E... expliquait avoir modifié son itinéraire de retour en raison d'une panne de son navigateur GPS.
Pour sa part, Oscvaldo H... DA C... affirmait qu'aucune panne du GPS n'était intervenue à l'occasion du voyage retour, ce alors que Susana X...Y... évoquait une panne de 7 minutes, constatée en Belgique.
Par ailleurs, il était constaté que la voiture utilisée pour effectuer ce voyage avait été louée au nom de Joao Carlos X... que Susana X...Y... déclarait ne pas connaître.
Ruben G...E... reconnaissait s'être chargé de la location de ce véhicule. Il est néanmoins indiqué qu'il était propriétaire d'une voiture au Portugal mais qu'il présentait comme étant accidentée. Il expliquait le fait que la voiture avait été louée au nom d'un tiers en raison du fait qu'il avait emprunté la carte bancaire d'un ami.
L'exploitation des quatre téléphones portables ne permettait pas de recueillir d'élément utile à l'enquête. Ruben G...E... assurait aux enquêteurs ne plus se souvenir du code pin de l'un de ses téléphones, ne pemettant pas aux enquêteurs de procéder à l'examen de l'appareil.
Il ne pouvait être procédé à une recherche d'empreinte sur le conditionnement des produits stupéfiants saisis en raison de leur manipulation par les douaniers.
A l'audience de comparution immédiate, les trois prévenus maintenaient cette présentation sans modifier leurs déclarations.
Condamnés tous deux à 5 ans d'emprisonnement et à une interdiction du territoire français, Ruben G...E... et Osvaldo H... DA C... n'interjetaient pas appel de la décision.
Pour sa part, Susana X...Y... expliquait par courrier le sens de son appel en indiquant " je trouve que ma peine est excessive, d'autant plus que je ne possède pas de casier judiciaire donc je suis primaire ".
A l'audience de la Cour, elle sollicitait sa relaxe, précisant que son courrier ne reflétait que partiellement les raisons l'ayant conduit à faire appel du jugement déféré.
SUR CE :
Attendu qu'aucun élément technique tiré de l'exploitation des téléphones saisis ou d'un examen technique des produits stupéfiants découverts n'ayant pu être recueilli dans le cadre de cette enquête, il importe d'analyser avec précision les circonstances exactes dans lesquelles la prévenue a effectué le voyage à l'occasion duquel elle a été interpellée ;
Attendu qu'il y a lieu d'examiner tout d'abord le financement de ce week-end, au regard de la situation financière respective des trois individus concernés ;
Qu'il ressort des déclarations des gardés à vue que Ruben G...E... a déboursé pour l'organisation de ce week-end une somme de 1 000 euros, ce alors qu'ainsi qu'il le précise dans ses auditions, il était au chômage depuis plusieurs mois, qu'il percevait une indemnisation de 700 euros par mois et qu'il continuait à rembourser un emprunt à hauteur de 300 euros par mois.
Que Susana X...Y..., qui indique avoir participé à hauteur de 500 euros à l'organisation de ce voyage, était également au chômage au moment de son interpellation ;
Que s'il ne saurait être discuté de l'attrait touristique de la ville de ROTTERDAM, destination choisie par les trois ressortissants portugais interpellés pour passer 48 heures de vacances au mois de février, il ne peut qu'être constaté que leur situation financière respective ne permet pas d'expliquer leur hébergement dans un hôtel 3 étoiles à l'occasion de ce séjour ;
Attendu d'autre part que la location d'un véhicule, habituellement pratiquée pour les transports de produits stupéfiants, s'accompagne au cas d'espèce de l'utilisation du nom d'un tiers-Joao Carlos X...-sans que les précisions apportées sur ce point par Ruben G...E... soient suffisantes pour le justifier ;
Attendu par ailleurs qu'aucun des individus interpellés en possession d'une quantité importante d'héroïne dissimulée dans les portières arrières de leur véhicule ne fournit d'éléments permettant d'envisager que la drogue ait pu être ainsi introduite dans la voiture à leur insu ;
Attendu enfin que les trois gardés-à-vue présentent la nature et l'étendue de leurs relations respectives de manière contradictoire et incompatible ;
Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la procédure établit suffisamment l'implication de Susana X...Y... dans les faits qui lui sont reprochés et qu'elle était parfaitement consciente du réel motif du voyage à ROTTERDAM auquel elle a participé en toute connaissance de cause ;
Que les faits poursuivis, s'agissant d'une quantité importante d'héroïne, sont d'une toute particulière gravité qui rend nécessaire, en dépit de l'absence de condamnation au casier judiciaire de l'intéressée, le recours à une peine d'emprisonnement ferme à son encontre ;
Que toutefois, il importe de tenir compte du fait que Susana X...Y... n'apparaît pas avoir été à l'initiative du voyage incriminé et qu'il convient d'en tenir compte dans la détermination du quantum de la peine d'emprisonnement qui sera prononcé à son encontre ;
Qu'il s'en suit que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu sa culpabilité et que la décision entreprise sera confirmée sur ce point, une plus juste répression conduisant la Cour à faire une application moins sévère de la loi pénale ainsi que précisé au dispositif ;
Attendu qu'il y a lieu d'ordonner son maintien en détention pour garantir l'exécution de la peine privative de liberté prononcée à son encontre au regard de son absence de garantie de représentation, prévenir le risque de récidive et en considération du trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public ;
Attendu que Susana X...Y... ne présente aucune attache particulière sur le territoire français et qu'au regard des infractions commises par elle, il y a lieu de prononcer à son encontre une interdiction définitive du territoire français en application des dispositions de l'article 222-48 du code pénal et que le jugement entrepris qui avait limité à 5 ans la durée de cette interdiction sera infirmé sur ce point ;
Qu'il convient de faire droit aux conclusions de l'Administration des Douanes et que le jugement déféré ayant condamné Susana X...Y..., solidairement avec ses deux co-prévenus, au paiement d'une amende de 66 500 euros sera confirmé sur ce point ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement et contradictoirement à l'égard de Susana X...Y... et de l'Administration des Douanes,
Confirme le jugement sur la culpabilité ainsi que sur l'ensemble des dispositions douanières,
L'infirme sur la peine :
Condamne Susana X...Y... à la peine de 4 ans d'emprisonnement
Ordonne son maintien en détention,
Prononce à l'encontre de Susana X...Y... une interdiction du territoire français à titre définitif,
Dit que la présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure de 120 Euros dont est redevable la condamnée.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
E. BASTIEN M. BATAILLE