DOSSIER N 06 / 03302 ARRÊT DU 21 Mars 2007 9ème CHAMBRE / MM
COUR D'APPEL DE DOUAI
9ème Chambre-No
Prononcé publiquement le 21 Mars 2007, par la 9ème Chambre des Appels Correctionnels,
Sur appel d'un jugement du T.G.I. DE BOULOGNE SUR MER du 14 SEPTEMBRE 2006
PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :
X... Franck Fernand Paul né le 21 Janvier 1972 à CALAIS (62) Fils de X... Paul et de Z... Madeleine De nationalité française, séparé Sans profession... Prévenu, intimé, comparant, assisté de Maître DEGUINES Antoine, avocat au barreau de BOULOGNE
A... Corinne Marguerite Simone divorcée D... née le 15 Novembre 1969 à BETHUNE (62) Fille de A... Raymond et de BAGEUX Micheline De nationalité française, divorcée Sans profession... Prévenue, intimée, comparante, assistée de Maître RIGLAIRE Emmanuel, avocat au barreau de LILLE
LE MINISTÈRE PUBLIC : Le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de BOULOGNE sur mer appelant,
ASSOCIATION SOCIO-EDUCATIVE ET JUDICIAIRE-administrateur ad'hoc des mineurs Célaine, Britany et Soulyvan D..., Palais de justice-Place de la Résistance-62200 BOULOGNE SUR MER Partie civile, appelant, (mineurs présents) représentés par Maître CHOPART Laurence, avocat au barreau de BOULOGNE SUR MER (pour Célaine et Britany) et Maître CALONNE Marie-Hélène, avocat au barreau de BOULOGNE SUR MER (pour Soulyvan)
COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré : Président : Elisabeth SENOT, Conseillers : Dominique CAGNARD, Pierre NOUBEL, désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de Douai en date du 6 mars 2007, en remplacement de Monsieur BIELITZKI, Conseiller titulaire empêché.
GREFFIER : Monique MORISS aux débats et au prononcé de l'arrêt.
MINISTÈRE PUBLIC : Véronique DELLELIS, Substitut Général.
DÉROULEMENT DES DÉBATS :
A l'audience publique du 07 Mars 2007, les conseils des parties civiles ont sollicité le huis clos. Après avis du Ministère Public et des parties, la Cour, après en avoir délibéré, pour la sérénité des débats et la dignité des parties civiles, a ordonné que les débats aient lieu à huis clos en application de l'article 400 du Code de Procédure Pénale. En conséquence, le Président a donné l'ordre de faire retirer le public de l'auditoire.
Le Président a constaté l'identité des prévenus.
Ont été entendus :
Madame SENOT en son rapport ;
X... Franck et A... Corinne divorcée D... en leurs interrogatoires et moyens de défense ;
Le Ministère Public, en ses réquisitions :
Les parties en cause ont eu la parole dans l'ordre prévu par les dispositions des articles 513 et 460 du code de procédure pénale.
Les prévenus et leur conseil ont eu la parole en dernier.
Le Président a ensuite déclaré que l'arrêt serait prononcé le 21 Mars 2007 à 14 heures en audience publique.
Et ledit jour, la Cour ne pouvant se constituer de la même façon, le Président, usant de la faculté résultant des dispositions de l'article 485 du code de procédure pénale, a rendu l'arrêt dont la teneur suit, en audience publique, et en présence du Ministère Public et du greffier d'audience.
DÉCISION :
VU TOUTES LES PIÈCES DU DOSSIER,
LA COUR, APRES EN AVOIR DÉLIBÉRÉ CONFORMÉMENT A LA LOI, A RENDU L'ARRÊT SUIVANT :
LE JUGEMENT :
Devant le Tribunal Correctionnel de BOULOGNE SUR MER, Franck X... et Corinne A... étaient tous deux prévenus d'avoir :
A CALAIS, entre avril et novembre 2002, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n'emportant pas prescription, par violence, menace, contrainte ou surprise, commis des atteintes sexuelles sur les personnes de Soulyvan, Britany et Célaine D..., avec cette circonstance que les faits ont été commis sur des mineurs de 15 ans, par une personne ayant autorité sur les victimes ou par ascendant légitime ou naturel,
Infraction prévue et réprimée par les articles 222-22,222-29,222-30,222-31,222-44,222-45,222-48 et 222-48-1 du code pénal.
Sur l'action publique :
Par jugement contradictoire rendu le 14 septembre 2006, le Tribunal Correctionnel de BOULOGNE SUR MER les a renvoyés des fins de la poursuite, sans peine ni dépens.
Sur l'action civile :
Le Tribunal a débouté l'Association Socio-éducative et Judiciaire du Pas-de-Calais, ès qualité d'administrateur ad hoc de Célaine D..., Britany D... et Soulyvan D..., de sa constitution de partie civile, en raison de la relaxe des prévenus.
LES APPELS :
Appel de ce jugement a été interjeté par :
-Monsieur le Procureur de la République de BOULOGNE SUR MER par déclaration au greffe le 22 septembre 2006, sur les dispositions pénales (appel principal)-l'ASEJ du Pas-de-Calais, ès qualité d'administrateur ad hoc des mineurs, Célaine, Britany et Soulyvan D..., également par déclaration au greffe, le 22 septembre 2006, uniquement sur les dispositions civiles.
LES CITATIONS :
Les parties ont été régulièrement citées pour l'audience du 7 mars 2007 :-Franck X... à mairie le 7 décembre 2006, l'accusé réception de sa convocation a été signé le 9 décembre 2006,-Corinne A..., à personne le 16 novembre 2006.-L'Association Socio-éducative et Judiciaire du Pas-de-Calais, à personne morale le 14 novembre 2006. Les parties sont présentes ou représentées à l'audience.L'arrêt sera rendu contradictoirement à leur égard.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :
Le 20 novembre 2002 un signalement de mineurs en danger était adressé par le Président du Conseil Général du Pas-de-Calais au Parquet de Boulogne sur Mer.
Ce courrier faisait état d'attouchements dénoncés par les mineurs d'une même fratrie, Britany D..., née le 7 juillet 1994, Célaine D..., née le 16 juillet 1997 et Soulyvan D..., né le 9 octobre 1992, placés en famille d'accueil. Après un épisode dépressif grave de leur mère ayant nécessité son hospitalisation et l'incarcération de leur père, Bruno D..., pour des attouchements commis sur eux, les trois enfants avaient été placés dans trois familles d'accueil différentes. Leur mère, Corinne A..., s'était remise en ménage avec un certain Franck X..., chez lequel elle habitait dans un appartement situé 28 rue Georges Andrique à CALAIS. À partir du mois d'avril 2002, un droit de visite et d'hébergement avait été rétabli en faveur de Madame A..., les enfants lui étant confiés chaque semaine, du samedi 14 heures au dimanche 18 heures et pendant la moitié des vacances scolaires. En novembre 2002, les enfants avaient commencé à évoquer des attouchements dont ils étaient victimes de la part de leur beau-père, mais aussi de leur mère.
L'enquête confiée à la brigade des mineurs du commissariat de Calais débutait par l'audition des trois enfants. Ils refusaient tous les trois d'être filmés au cours de cette audition.
Britany D..., alors âgée de 8 ans et demi, confirmait qu'elle se sentait bien chez son assistante maternelle, Madame L..., à laquelle elle était confiée depuis le mois de février 2001. Elle expliquait qu'elle ne voulait plus retourner chez sa mère et Franck car ils lui " faisaient mal ". La fillette précisait que Franck venait la chercher dans son lit la nuit pour l'emmener sur le canapé du salon. À cet endroit, il lui glissait la main dans son pantalon de pyjama pour la mettre sur son devant et sur son derrière et même enfoncer un peu son doigt, tout en lui mettant l'autre main sur la bouche pour l'empêcher de crier. Britany ajoutait que Franck lui prenait sa main à elle pour la mettre sur son zizi, qui était gros. Elle indiquait cependant qu'elle n'avait jamais rien vu sortir du zizi de Franck.L'enfant évoquait également un épisode unique au cours duquel Franck s'était allongé sur elle sur le canapé et qu'il avait bougé sur elle avec son zizi. Elle affirmait qu'il avait essayé de mettre son zizi dans son devant, mais qu'il avait renoncé parce qu'elle avait eu mal.
Britany D... accusait enfin son beau-père de faire la même chose à sa petite soeur et à son frère. Elle précisait s'être cachée dans le couloir pour voir ce qu'il faisait avec sa soeur un soir où il était venu la chercher dans son lit pour l'emmener dans le salon et avoir vu Franck mettre un doigt dans le devant de sa soeur. En revanche, elle n'avait rien vu concernant son frère, mais celui-ci lui avait raconté que Franck avait touché son zizi et son derrière.
À la question de savoir où était sa mère pendant que Franck la touchait, Britany répondait que celle-ci venait voir ce qu'il se passait et qu'elle lui passait également la main sur le sexe et sur le derrière.
Soulyvan D..., âgé de 10 ans au moment de son audition, indiquait d'emblée qu'il ne voulait pas retourner chez sa mère parce que celle-ci lui faisait des " sales manières ". Il précisait que sa mère venait le chercher la nuit pour l'emmener sur le canapé du salon. Il la voyait ensuite se " frotter " le sexe et elle lui touchait le zizi. Il accusait également sa mère de lui avoir mis le doigt dans le derrière et de l'avoir vu faire la même chose à ses deux soeurs, Britany et Célaine. En ce qui concerne Franck X..., le jeune garçon affirmait que celui-ci était présent lorsque sa mère le touchait et que son beau-père faisait de même, lui caressant le zizi et lui prenant la main pour la poser sur son sexe. Il ajoutait que Franck mettait son doigt dans son derrière et que ça lui faisait mal. Soulyvan insistait sur le fait qu'il aimait malgré tout sa mère, mais qu'il n'était pas normal qu'elle se conduise ainsi parce qu'une mère devait aimer ses enfants. À l'appui de sa déclaration, Soulyvan établissait un document écrit dans lequel il réitérait ses accusations contre sa mère et ajoutait que celle-ci lui avait demandé de ne rien dire, sinon elle irait en prison.
La jeune Célaine, âgée de 5 ans, déclarait que Franck était méchant avec elle, qu'il venait dans sa chambre alors qu'elle dormait et qu'il lui faisait mal à la pépète et au derrière. Ultérieurement, la fillette accusait également son beau-père de lui avoir mis un bâton dans le derrière et dans la pépète. À la question de savoir ce que faisait sa maman, la fillette répondait qu'elle ne pouvait pas le dire car sa maman lui avait recommandé de ne rien dire, mais elle ajoutait ensuite que sa maman faisait la même chose que Franck et qu'elle pleurait.
Les examens médicaux pratiqués sur les trois enfants ne révélaient, chez les fillettes, aucune lésion au niveau de la vulve, de l'hymen et de la région anale.L'examen était toutefois difficile et incomplet pour Célaine, qui manifestait une forte opposition.L'examen de la marge anale chez le jeune Soulyvan ne permettait pas non plus de retrouver trace de pénétrations.
Entendus sur les accusations portées contre eux par les enfants, Franck X... et Corinne A... les contestaient formellement, la seconde affirmant tout à tour que c'était Florine, la fille de Franck X..., qui était l'instigatrice de ces accusations mensongères, puis que les travailleurs sociaux avaient suggéré aux enfants leurs déclarations, voulant empêcher qu'ils lui soient restitués, et enfin que Britany lui avait avoué avoir menti concernant les attouchements commis par son propre père. Bien que les enfants n'aient pas caché que leur mère et leur beau-père buvaient, essentiellement de la bière, l'un et l'autre affirmaient que c'était faux. Franck X... tentait de se retrancher derrière le fait qu'il travaillait le week-end en qualité d'agent de sécurité pour démontrer qu'il ne pouvait être présent dans la nuit du samedi au dimanche comme le prétendaient les enfants, mais il s'avérait qu'il n'avait réellement travaillé que deux week-end en août et que le reste du temps il était présent.
Les assistantes maternelles en charge des trois enfants mettaient en évidence le soulagement manifesté par ceux-ci après la révélation des faits, malgré leur anxiété à l'idée de savoir que leur mère était en prison. Madame M..., qui accueillait Soulyvan, précisait que le garçonnet lui avait dit, après son audition par la police, " je me sens tout léger, ma tête est toute vide ".
Pourtant, les proches de Franck X... et de Corinne A... excluaient qu'ils aient pu commettre de tels faits et voyaient dans les déclarations des enfants une confusion avec les faits dont ils avaient été victimes de la part de leur père, Bruno D....
Quelques pièces de la procédure concernant ce dernier, jointes à l'information ouverte contre Franck X... et Corinne A..., faisaient apparaître qu'il avait également été accusé par ses enfants d'avoir tenté de leur introduire un doigt dans le sexe pour les filles et dans l'anus pour les trois enfants. Bruno D... avait reconnu les faits, tout en expliquant qu'il n'agissait pas dans le but de satisfaire ses pulsions, mais uniquement dans un souci d'hygiène, lorsqu'il lavait les enfants quand leur mère était hospitalisée pour dépression.
À partir du 18 avril 2003, Corinne A... adressait plusieurs courriers au Juge d'instruction pour lui exprimer sa souffrance d'être séparée de ses enfants et lui dire qu'elle voulait l'aider dans la recherche de la vérité.
Ainsi, le 4 juin 2003, Corinne A... déclarait qu'elle avait des doutes sur le comportement de son compagnon à l'égard de ses enfants, ayant eu elle-même à pâtir de sa violence et de ses exigences en matière de relations sexuelles, notamment la sodomie qu'elle n'acceptait pas. Elle accusait également Franck X... de se droguer et d'être vulgaire.
Une enquête réalisée au terrain de camping de NORTKERQUE, où le couple avait passé quelques jours de vacances en août 2002 avec les enfants, révélait qu'ils avaient été priés de quitter les lieux avant la fin du séjour en raison des troubles qu'ils causaient au voisinage par leur disputes continuelles, leur vulgarité et la manque d'attention aux enfants, livrés à eux-mêmes, sales et grossiers.
Au cours d'une confrontation réalisée le 21 août 2003, Corinne A... affirmait qu'elle croyait aux accusations portées par ses enfants contre son ex-compagnon et avouait spontanément qu'elle-même avait eu des gestes déplacés à leurs égard. Elle affirmait avoir été manipulée par son compagnon, qui l'appelait pour qu'elle vienne dans la chambre des filles lorsqu'il les touchait et pour qu'elle le fasse également. Elle précisait qu'elle arrêtait lorsque les enfants disaient qu'ils avaient mal. Elle confirmait ses déclarations dans une lettre adressée le lendemain au Juge d'instruction, prétendant toujours avoir agi sous la contrainte de Franck X.... Ce dernier persistait cependant à nier les faits.
Après cette confrontation, les 8 et 9 septembre, Corinne A... écrivait de nouveau au Juge d'instruction pour dire qu'elle avait menti et qu'il ne s'était rien passé. Elle prétendait avoir menti sur le conseils de son avocate.
Quant à Franck X..., il protestait toujours de son innocence, mettant en évidence qu'il avait tout fait pour que les enfants puissent revoir leur mère et qu'il les avait accueillis chez lui.
Au cours du mois de novembre 2003, le Juge d'instruction saisissait plusieurs courriers adressés par Corinne A... à Franck X..., dans lesquels elle évoquait son amour pour lui puis, quelques jours après, sa volonté de le quitter pour un autre homme.
C'est ainsi que Corinne A... s'accusait de nouveau, le 6 janvier 2004, d'avoir commis des attouchements sur ses enfants, sous l'emprise de Franck X... et pour éviter de recevoir des coups si elle refusait.
En fin d'information, un certain Bruno N..., qui avait adressé un courrier à Corinne A... en août 2003 pour l'insulter, mais aussi pour lui dire que Franck X... avait admis devant lui avoir " fait des saloperies aux gosses ", était entendu. Bruno N... confirmait s'être trouvé à LONGUENESSE en même temps que Franck X... et un autre détenu, Lionel P.... Devant eux, Franck X... avait admis qu'il lavait les enfants, sans gant de toilette, et que sa femme avait fait des " saloperies sur les enfants ".
Lionel P... se montrait moins catégorique, mais précisait que c'était à l'instigation de Franck X... que leur co-détenu avait écrit à Corinne A..., pour faire pression sur elle, afin qu'elle revienne sur ses déclarations. Il ajoutait que Franck X... n'avait jamais dit devant lui qu'il était coupable ou innocent, mais que ce dernier se montrait confiant, affirmant qu'il arriverait toujours à " entuber " son ex-compagne.D'ailleurs, lorsqu'il avait su que Corinne A... était revenue sur les déclarations faites au cours de la confrontation, il s'était réjoui en disant qu'il avait réussi à " l'entuber ".
À la demande du parquet de Boulogne sur Mer, le Juge d'instruction procédait à une nouvelle audition des trois enfants. Soulyvan se montrait réticent pour reparler des faits, mais remettait au Magistrat une page de cahier sur laquelle il avait écrit que sa mère et Franck lui avaient touché le zizi et l'avaient caressé et qu'ils avaient fait la même chose à ses petites soeurs.
Quant à Britany, elle se montrait assez confuse, disant que Franck les avait touchés, puis se reprenant en disant qu'elle ne se souvenait plus s'il les avait touchés, mais qu'il leur avait fait du mal. La fillette ajoutait que sa mère était une menteuse puisqu'elle avait dit que ce n'était pas vrai et qu'elle était méchante.
Enfin, la jeune Célaine évoquait essentiellement la violence de sa mère et de son beau-père, mais plus les attouchements dont elle avait parlé devant les policiers deux ans auparavant.
Les trois enfants manifestaient clairement leur volonté de ne plus revoir leur mère.
Devant le psychologue commis pour l'examiner, Soulyvan D... s'est montré peu disert sur les faits, se contentant de dire : " pour maman, la prison c'est pas normal " et d'ajouter : " ce qu'il faut, c'est qu'elle arrête de nous faire de sales manières ".L'Expert a relevé chez cet adolescent, qualifié d'un peu trop sérieux, voire même d'un peu trop adulte, une forte inhibition de l'affectivité, certainement liée au sentiment de culpabilité d'être à l'origine de l'incarcération de sa mère. Cette ambivalence des sentiments peut être à l'origine, ultérieurement, de décompensations dépressives ou de troubles du comportement, impossibles à évaluer à la date de l'examen. Il n'a été relevé aucun trouble de la personnalité permettant de penser que le jeune garçon aurait tendance à l'affabulation.
Britany D... a exprimé devant le même expert le fait qu'il était normal que sa mère soit en prison, parce qu'elle lui avait fait du mal. À un autre moment de l'entretien, la fillette a déclaré qu'il était " normal qu'ils aillent en prison parce que c'est pas bien de faire ça aux enfants ". Elle a éludé les questions sur les faits en disant qu'elle avait tout dit. Au moment de l'examen, Britany ne présentait pas de sentiment de honte ou de culpabilité, comme c'est fréquemment le cas chez les enfants victimes d'abus sexuels, mais elle a évoqué des scènes de terreurs nocturnes et de reviviscence des agressions, encore récentes au moment de l'examen. Tout comme chez son frère, le Docteur Q... n'a relevé aucune perturbation de la personnalité permettant de suspecter la sincérité de ses propos.
Enfin, Célaine D... a manifesté, à l'inverse de son frère et de sa soeur plus âgés, une anxiété majeure, avec une image maternelle fortement dégradée. Elle a simplement exprimé les faits en disant : " ma mère, ce qu'elle a fait ", puis a éludé la question en passant à d'autres sujets. Le Docteur Q... s'est montré réservé sur le pronostic ultérieur, évoquant la possibilité d'apparition de troubles psychiatriques et a préconisé la nécessité d'une prise en charge pédopsychiatrique.
Le rapport d'examen psychologique concernant Corinne A... a mis en évidence son immaturité et ses difficultés à gérer les aléas du quotidien. Son fonctionnement affectif est de nature égocentrique et narcissique et elle est dépendante d'autrui. Elle n'est pas en mesure de se remettre en cause et projette volontiers sur autrui ou sur les circonstances la responsabilité des tendances ou des événements qu'elle n'assume pas.
L'Expert psychiatre a relevé une forte dégradation de l'image de soi, ayant conduit à des tentatives d'autolyse, sans doute liée aux abus sexuels dont Corinne A... a déclaré avoir été victime de la part d'un oncle durant l'enfance. La jeune femme est à la recherche d'une relation affective avec un homme, faite de soumission et de dépendance, au sein de laquelle elle essaie de retrouver, vraisemblablement de manière peu consciente ou inconsciente, l'image positive qu'elle entretient de son père.L'Expert n'écarte pas l'hypothèse que cette quête affective exacerbée puisse l'amener à tolérer, chez ses compagnons, des comportements défavorables, voire pénibles, y compris sur ses propres enfants.
En tout état de cause il n'a été relevé aucun trouble majeur de la personnalité, ni de nature psychique ou neuropsychique pouvant altérer ou abolir le discernement.
Le bulletin no1 du casier judiciaire de Corinne A... ne comporte aucune condamnation.
Monsieur S..., Expert psychologue, a noté chez Franck X... une personnalité également immature, fonctionnant sur un registre égocentrique et narcissique. Son identité est peu structurée, il est incapable de se remettre en cause et de se projeter dans l'avenir. Par ailleurs, il présente une intolérance aux frustrations, pouvant engendrer des réactions impulsives.
Les mêmes traits de caractère ont été mis en évidence par le médecin psychiatre, qui n'a relevé par ailleurs aucune anomalie mentale de nature à altérer ou abolir le discernement.
Le bulletin no1 de Franck X... porte mention d'une condamnation à deux mois d'emprisonnement et 1500 francs d'amende, prononcée le 5 août 1999 par le Tribunal Correctionnel de Boulogne sur Mer pour blessures involontaires causant une incapacité de travail de plus de trois mois.
Corinne A... a été détenue provisoirement dans le cadre de cette affaire du 8 janvier 2003 au 12 octobre 2004, date à laquelle elle a été remise en liberté sous contrôle judiciaire.
Franck X... a également fait l'objet d'une détention provisoire, du 8 janvier 2003 au 4 octobre 2004, date à laquelle il a été mis en liberté sous contrôle judiciaire.
Lorsqu'ils ont comparu devant le Tribunal Correctionnel, Corinne A... et Franck X... ont maintenu leurs dénégations. Soulyvan n'a pas voulu s'exprimer sur l'affaire. Britany s'est contentée de dire que tout ce qu'ils avaient dit était vrai. Quant à Célaine, elle a évoqué la scène au cours de laquelle Franck X... avait attrapé l'un de ses fils pour le suspendre par les pieds par la fenêtre.
Les trois assistantes maternelles en charge des trois enfants, Madame M... pour Soulyvan, Madame T...pour Célaine et Madame L... pour Britany, ont toutes fait état du comportement de régression des enfants au retour des fins de semaine passées chez leur mère et Madame T...a rappelé que Célaine présentait fréquemment, au retour de chez sa mère, des rougeurs d'irritation au niveau de la vulve, ayant nécessité une consultation chez un médecin. Après la suspension du droit d'hébergement, le même phénomène ne s'est plus reproduit.
SUR CE :
En début d'audience, Maître CHOPART et Maître CALONNE, Conseils de l'ASEJ, ès qualité d'administrateur ad hoc des mineurs, sollicitent le huis clos total.
La Cour fait droit à leur demande.
Après lecture du rapport du Président, Madame A..., assistée de Maître RIGLAIRE, précise qu'elle connaissait déjà Franck X... avant leur période de vie commune, qu'ils s'étaient perdus de vue, puis se sont retrouvés et se sont mis en ménage en janvier 2002. Elle indique qu'avant de bénéficier d'un droit de visite et d'hébergement le week-end à compter du mois d'avril 2002, elle avait déjà un droit de visite médiatisé sur les enfants le mercredi après-midi. Lorsque les services socio-éducatifs ont proposé l'extension de son droit de visite à un droit d'hébergement, elle a accepté, Franck X... ayant donné son accord pour recevoir les enfants chez lui.
Madame A... maintient qu'elle n'a jamais commis les faits dont elle a été accusée par ses enfants. Elle suppose qu'ils lui en veulent parce qu'elle les a placés, mais explique qu'étant dépressive, seule depuis l'incarcération de son mari et sans ressources, elle n'a pas eu le choix. Elle exprime son souhait de pouvoir renouer des contacts avec les enfants et indique que ses courriers ne leur sont délivrés qu'avec retard, de même que les lettres que ceux-ci lui envoient. Interrogée sur les raisons de ses aveux, réitérés puis rétractés à plusieurs reprises, elle indique qu'elle était psychologiquement fragilisée et qu'elle a reconnu les faits parce qu'on ne la croyait pas lorsqu'elle les niait. De même, elle maintient que l'Avocate qui l'assistait en début de procédure lui avait indiqué que si elle reconnaissait les faits, la peine pourrait être de sept ans au lieu de quinze.
Monsieur X... conteste toujours les faits qui lui sont reprochés. Il déclare qu'il a voulu permettre à sa compagne de renouer des liens avec ses enfants en les accueillant chez lui, alors même qu'il recevait ses deux fils tous les quinze jours et sa fille Florine pratiquement toutes les semaines. Il nie également avoir suspendu l'un de ses fils par la fenêtre et avoir été violent à l'égard des enfants de sa concubine, qu'il traitait comme ses propres enfants. Il précise que les remarques défavorables émises par les occupants du terrain de camping de NORTKERQUE visaient ses propres enfants et non les enfants de Madame A....
Soulyvan D... accepte de venir déposer à la barre. Il déclare qu'il n'en veut pas à sa mère d'avoir été placé. Il maintient que Franck X... l'a touché sur le sexe et sur les fesses et lui a mis un doigt dans le derrière. Il précise que les faits se passaient dans la salle à manger, que sa mère était présente, qu'elle le regardait et qu'elle " l'a touché pareil ". Le jeune garçon, qui présente encore un aspect extrêmement juvénile compte-tenu de sa petite taille, ajoute que les faits ont eu lieu à plusieurs reprises, que Franck X... venait le chercher dans la chambre la nuit et disait à ses propres fils, lorsqu'ils étaient présents, de dormir lorsqu'ils se réveillaient. Invité à préciser si il a été témoin de faits concernant ses deux soeurs, Soulyvan répond par la négative, ayant simplement reçu leur confidences. Le jeune garçon insiste sur le fait que sa mère recommandait de ne rien dire pour ne pas qu'elle aille en prison.
Britany déclare pour sa part que la seule chose dont elle se souvient était qu'elle était cachée derrière un mur et qu'elle a vu un enfant allongé dans un fauteuil du salon, les pieds posés sur le bras du fauteuil et Franck X... qui le touchait " là où il ne faut pas ". Elle indique qu'elle ne se souvient pas si Franck l'a touchée. Elle ajoute qu'il était gentil le jour, mais pas la nuit " à cause de ce qu'il faisait aux enfants ". Elle demande à lire un mot qu'elle a rédigé en début d'audience. Cette pièce est jointe à la procédure. Britany demande par écrit à sa mère de tout avouer pour mettre fin à cette histoire et l'assure qu'elle l'aime toujours.L'enfant ajoute que tout ce qu'ils ont dit est vrai.
Célaine indique qu'elle se souvient du fait que Franck a voulu jeter son fils par la fenêtre, qu'il criait sur sa mère et la frappait. Elle le décrit comme méchant parce qu'il criait également sur eux. La fillette pleure quand on lui demande si elle se souvient de faits la concernant et s'enferme dans le mutisme. Elle demande simplement à lire un mot qu'elle a également rédigé en début d'audience. Cette missive adressée à sa mère l'adjure d'arrêter " ce cirque ", de les croire et que Franck ment. Célaine termine en disant qu'elle pardonne à sa mère. La pièce est versée à la procédure.
Au terme de l'audition des trois enfants, Franck X... déclare : " c'est que des mensonges ". Il précise que Britany ne pouvait rien voir dans la salle à manger à partir du couloir. Il remet un croquis des lieux pour prouver ses dires. Sur ce, Britany, présente dans la salle, proteste en disant qu'elle regardait par l'encadrement de la porte en passant la tête.
Madame A... indique pour sa part qu'elle ne comprend pas, qu'elle n'a rien à dire après les déclarations de ses enfants, que Dieu seul connaît la vérité et peut la juger.
Maître CHOPART intervient au soutien des intérêts de Britany et Célaine. Elle souligne qu'il ne résulte pas des déclarations des mineures que celles-ci aient commis une confusion avec les faits reprochés à leur propre père. De plus, lorsqu'elles ont été entendues sur les faits reprochés à Bruno D..., elles ont évoqué des attouchements commis dans la salle de bain et non dans le salon ou sur le canapé, comme dans le cas présent. Maître CHOPART insiste sur le fait que les enfants ont été pris dans un conflit de loyauté, puisque leur mère faisait pression pour ne pas qu'elle aille en prison, et que leur parole s'est peu à peu libérée, ce qui explique qu'ils aient livré des détails au fil du temps. Britany et Soulyvan se sont d'ailleurs déclarés soulagés après la révélation des faits. Quant à Madame A..., bien qu'elle se soit ensuite rétractée, elle a fait des déclarations conformes à celles de ses enfants, reconnaissant notamment qu'elle interrompait ses gestes lorsque les enfants disaient qu'ils avaient mal, alors que son compagnon ne se souciait pas de leurs plaintes. Au terme de sa plaidoirie, Maître CHOPART demande que Franck X... et Corinne A... soient condamnés solidairement à verser à chacune des fillettes la somme de 10. 000 €.
Maître CALONNE explique que Soulyvan, le plus âgé des trois enfants, a eu beaucoup de mal à s'exprimer et a distillé ses révélations au fil du temps. Elle précise également qu'il ne peut y avoir confusion avec les faits reprochés à Bruno D... puisque la mère était hospitalisée lorsque ce dernier a commis des attouchements sur ses enfants, alors que cette fois les enfants disent qu'elle était présente. Maître CALONNE se réfère aux conclusions du Psychologue, Monsieur S..., qui a relevé l'attachement manifeste de Soulyvan pour sa mère et malgré cela l'enfant a continué à l'accuser. Maître CALONNE sollicite une somme de 10. 000 € pour Soulyvan qui souffre encore de troubles du comportement et pour lequel le Docteur Q..., pédo-psychiatre, a émis des réserves sur l'avenir.
Madame l'Avocat Général observe que l'argument qui sera tiré par la défense du fait que les enfants se voyaient souvent est inopérant, puisqu'il est demandé aux assistantes maternelles qui accueillent des enfants d'une même fratrie dans des lieux différents de favoriser les rencontres. Elle observe que les enfants ont décrit des gestes précis et qu'ils n'en rajoutent pas. Elle se réfère également à la notion de secret que leur mère a fait peser sur eux, situation fréquemment relevée dans les affaires d'inceste. Madame l'Avocat Général rappelle aussi que Célaine était sujette à des cauchemars, que son assistante maternelle l'entendait crier la nuit : " ne me touche pas ", que les enfants ont réitéré leurs accusations devant le psychiatre, puis à l'audience et dans tous les documents manuscrits figurant à la procédure. Les témoignages recueillis font ressortir que les enfants n'ont jamais confondu Monsieur X... avec leur père.D'ailleurs les scènes qu'ils décrivent se sont déroulées dans des lieux et des circonstances différentes, les faits concernant Monsieur D... ayant été commis dans la salle de bain, lors de la toilette, faits reconnus par l'intéressé et pour lesquels il a été condamné à 4 ans d'emprisonnement, ainsi qu'à une autre peine de six mois pour les violences qu'il exerçait sur ses enfants.
Au sujet des aveux de Madame A..., Madame l'Avocat Général souligne que celle-ci a d'abord écrit plusieurs fois au Juge d'instruction pour dire qu'elle avait des choses importantes à déclarer, qu'une fois convoquée devant le Juge elle a fait part de ses doutes concernant son compagnon, puis elle a formellement accusé celui-ci au cours d'une confrontation, s'accusant elle-même. Le lendemain de cette confrontation elle a adressé un courrier au magistrat instructeur pour réitérer ses aveux. Sa première rétractation par lettre datée du 3 septembre 2003 intervient alors qu'elle a reçu une lettre de menaces et d'insultes de la part de Bruno N... le 25 août précédent. Par la suite, elle avoue de nouveau devant le J.L.D et confirme ses aveux par courrier au Juge d'instruction, pour enfin se rétracter en juillet 2004.
Au terme de son réquisitoire, Madame l'Avocat Général requiert à l'encontre de chacun des prévenus une peine de 5 ans d'emprisonnement, dont 2 ans avec sursis et mise à l'épreuve pendant 3 ans, avec obligation de soins. Elle rappelle également qu'en application de la loi du 12 décembre 2005, la Cour devra statuer sur un éventuel retrait de l'autorité parentale pour Madame A..., précisant que celui-ci pourrait n'être que partiel, un droit de correspondance pouvant être maintenu, et les enfants devront être confiés à l'Aide Sociale à l'Enfance.
Au soutien des intérêts de Franck X... Maître DEGUINES fait valoir que les enfants ont noué des liens affectifs forts avec leurs assistantes maternelles, avec lesquelles ils ont maintenant vécu pratiquement plus longtemps qu'avec leur propre mère, ce qui explique qu'ils disent ne plus vouloir retourner chez cette dernière. Maître DEGUINES indique également qu'il ne reprend pas les conclusions déposées en début d'audience tendant à faire constater que les notes d'audience prises par le greffier du Tribunal correctionnel de Boulogne sur Mer ne figuraient pas au dossier puisqu'il les a réclamées en vain à plusieurs reprises. Il met en exergue les éléments qui constituent selon lui des dysfonctionnements importants, de la part des services sociaux, mais aussi de la Justice. Au terme de sa plaidoirie, il sollicite la confirmation du jugement déféré, les éléments de doute devant être pris en considération.
Maître RIGLAIRE, Conseil de Madame A..., demande à la Cour de déclarer irrecevable la constitution de partie civile de l'ASEJ, qui ne peut intervenir au soutien des intérêts de mineurs ès qualité d'administrateur ad hoc, alors qu'elle a été mandatée au cours de la procédure pour réaliser une enquête de personnalité concernant les deux prévenus. Maître RIGLAIRE rappelle que les constatations médicales n'ont rien révélé alors que Célaine est allée jusqu'à accuser Franck X... de lui avoir introduit un bâton dans le sexe et l'anus. Il se réfère également aux déclarations des enfants qui ont varié dans le temps. Il souligne que les accusations ont été portées à une période extrêmement rapprochée des faits concernant Monsieur D... et qu'il n'existe aucun élément objectif dans cette affaire. Au terme de sa plaidoirie, Maître RIGLAIRE demande la confirmation du jugement déféré et insiste sur le fait que le souhait le plus cher de Madame A... est de pouvoir renouer des liens avec ses enfants afin d'envisager, à terme, de les reprendre avec elle puisque ses conditions de vie actuelles le permettent.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur l'action publique :
Au terme des débats, il apparaît que les déclarations des enfants sont finalement peu nombreuses, puisque le signalement au parquet rapporte des propos tenus par ceux-ci à des tiers. Ensuite, ils ont été entendus une fois par les services de police (deux fois pour Célaine D...) et une fois par le Juge d'instruction. Si les souvenirs de ces enfants ont varié dans le temps, il convient de tenir compte de leur jeune âge au moment des faits, de leur volonté consciente ou non d'évacuer des souvenirs désagréables et de l'ambivalence des sentiments qu'ils éprouvaient à l'égard de leur mère, qui leur demandait de garder le secret pour ne pas l'envoyer en prison.
Le maintien de leurs accusations au cours de leur audition par les services de police, puis devant le pédo-psychiatre, dans les courriers saisis, devant le Tribunal Correctionnel et même devant la Cour pour Soulyvan, outre le trouble manifesté à l'évocation des faits par les trois mineurs (pleurs, mutisme), accréditent la sincérité de leurs propos. Les comportements de régression des trois enfants rapportés par les assistantes maternelles au retour de chez leur mère et les rougeurs répétées relevées au niveau du sexe de la jeune Célaine sont également à prendre en considération, aucun document médical n'ayant été versé aux débats permettant de penser que l'enfant souffre toujours d'irritation au niveau de la vulve ou d'infections urinaires.
En outre, une version unique et intangible chez ces très jeunes enfants serait davantage suspecte, celle-ci pouvant traduire une leçon apprise et répétée.
L'absence de lésions au niveau dans la région anale et génitale n'est pas en soi significative, de simples attouchements ou une pénétration digitale limitée n'ayant pu laisser des traces durables. De même, l'évocation par la jeune Célaine d'un bâton utilisé par Frank X... doit s'analyser avec prudence, s'agissant de propos tenus par une enfant qui n'avait que 4 ans et demi ou 5 ans au moment des faits et le bâton étant souvent évoqué par les très jeunes enfants pour désigner un sexe d'homme adulte.D'ailleurs, il doit être rappelé que l'examen médical a été rendu difficile par la résistance manifestée par la fillette et qu'aucune conclusion formelle n'a été tirée de cet examen.
Il convient également de retenir que c'est sans contrainte que Madame A... a avoué les faits le 21 août 2003, alors même qu'elle était confrontée à son compagnon qui persistait dans ses dénégations et après qu'elle ait demandé à plusieurs reprises d'être entendue sur les faits, ayant des révélations à faire. Elle a réitéré ses aveux par écrit dès le lendemain, alors qu'elle avait regagné sa cellule et pris le temps de réfléchir. Ensuite, comme l'a relevé à juste titre le Ministère Public, sa première rétractation en date du 3 septembre 2003 coïncide curieusement avec la réception du courrier injurieux et menaçant de Bruno N..., daté du 25 août 2003. Ensuite, elle a réitéré ses aveux au mois de janvier 2004, précisant qu'elle n'avait commis que des attouchements et non des viols, alors même que quelques semaines auparavant elle écrivait des lettres d'amour à son compagnon. Dès lors, les explications fournies à l'audience par Madame A... selon lesquelles elle n'aurait avoué que par lassitude et parce qu'on ne la croyait que lorsqu'elle mentait ne sauraient être prises en considération.
Doit également être écartée toute hypothèse de complot ourdi par les services sociaux qui auraient un intérêt financier à garder les enfants, le nombre d'enfants en attente de placement en famille d'accueil étant important. De même, les enfants ont encore manifesté à l'audience leur amour pour leur mère et Soulyvan a précisé qu'il ne lui en voulait pas d'avoir été placé. Enfin, même si les assistantes maternelles peuvent être désormais attachées à ces enfants qui leur sont confiés depuis plusieurs années, cet attachement était nécessairement moindre lorsque les faits ont été révélés en novembre 2002, les enfants n'étant placés que depuis février 2001 et dans l'attente d'un retour chez leur mère dès que les conditions de santé et matérielles de celle-ci devaient le permettre.
Les auditions des anciens co-détenus de Franck X... méritent également d'être prises en considération. Bruno N... a d'ailleurs maintenu devant le Tribunal Correctionnel que ce qu'il avait dit aux policiers était vrai et n'a pas contesté les termes de son courrier en date du 25 août 2003 adressé à Corinne A..., dans lequel il indiquait que Franck (X...) leur avait dit qu'il " avait vraiment fait des saloperies aux gosses " et que sa compagne était présente. Quant à Lionel P..., même s'il a nuancé ses propos devant le Tribunal, il n'a pas contesté qu'il avait entendu Franck X... se vanter d'avoir entubé (sic) sa compagne lorsqu'il avait appris qu'elle s'était rétractée.
Il ne peut pas non plus être tiré argument d'une confusion éventuelle avec les faits reprochés à Bruno D... puisque les enfants ont décrit, concernant ce dernier, des faits qui se déroulaient uniquement dans la salle de bain et à l'occasion de la toilette, alors que présentement ils indiquent que les attouchements étaient commis la nuit, essentiellement dans le salon qui jouxtait la chambre de leur mère et de leur beau-père, et sur le canapé.
Enfin, l'insistance manifestée par les enfants, y compris à l'audience, d'entendre leur mère cesser ses mensonges et leur désir manifeste de lui pardonner montrent qu'ils attendent ses aveux pour renouer des relations débarrassées de ce lourd passé.
L'infraction d'agressions sexuelles sur mineurs de 15 ans (s'agissant de trois enfants âgés de 7-8 ans pour Britany,4-5 ans pour Célaine et 9 ans pour Soulyvan) par personne ayant autorité, en l'espèce le concubin de la mère, avec laquelle il vivait et exerçait de fait l'autorité du père sur les enfants, est établie à l'encontre de Franck X... par les gestes suivants :
-les caresses sur le sexe et l'anus de Britany, le fait de se masturber contre elle et de lui prendre la main pour la poser sur sa verge.-les caresses sur le sexe et l'anus de Soulyvan et le fait de lui prendre la main pour la poser sur son sexe.-les caresses sur le sexe et l'anus de Célaine.
Le jeune âge des enfants par rapport à leur agresseur, qui au surplus jouait le rôle de père vis-à-vis d'eux et les violences dont les mineurs déclarent avoir été les témoins, voire même les victimes de la part de Franck X..., qui n'hésitait pas à leur mettre la main sur la bouche pour les empêcher de crier, caractérisent l'élément de contrainte requis comme élément constitutif de l'infraction.
La même infraction d'agressions sexuelles sur mineurs de 15 ans par ascendant, s'agissant de ses propres enfants tous trois âgés de moins de 15 ans, est également établie à l'encontre de Corinne A... par les gestes suivants :
-des caresses sur le sexe et l'anus de Britany-des caresses sur le sexe et l'anus de Soulyvan-des caresses sur le sexe et l'anus de Célaine.
Madame A... a également usé de contrainte et de surprise sur ses enfants, en raison de l'ascendant et de l'autorité qu'elle exerçait sur eux en sa qualité de mère et en l'absence du père et du chantage affectif exercé par elle pour ne pas aller en prison.
Ces agissements répétés commis, d'une part par la propre mère des enfants, déjà gravement traumatisés par les attouchements dont ils avaient été victimes de la part de leur propre père, d'autre part par le concubin de la mère des enfants justifient que soit prononcée à l'encontre de deux prévenus la peine de 4 ans d'emprisonnement, dont deux ans avec sursis et mise à l'épreuve pendant 3 ans, avec obligation d'indemniser les victimes.
En revanche, il n'y a pas lieu de prononcer le retrait total ou partiel de l'autorité parentale à l'égard de Madame A..., les quelques pièces du dossier d'assistance éducative jointes à la procédure pénale étant insuffisantes pour apprécier la portée d'une telle décision et les enfants ayant à maintes reprises, y compris à l'audience, exprimé leur amour pour leur mère, même s'ils ne sont pas actuellement demandeurs d'un rétablissement de contacts.
Sur l'action civile :
Les prévenus ne sauraient tirer argument devant la Cour du fait que l'Association Socio-Educative de Contrôle Judiciaire du Pas-de-Calais est intervenue dans cette affaire en qualité d'administrateur ad hoc des enfants, alors même qu'elle a été désigné le 10 avril 2006 par le parquet de Boulogne sur Mer, avant l'audience du Tribunal Correctionnel, pour assurer la représentation des mineurs et défendre leurs intérêts, leurs représentants légaux étant défaillants et leur propre mère étant prévenue dans le dossier. En outre, bien que la prétendue incompatibilité plaidée par Maître RIGLAIRE ait été connue en première instance, aucun des prévenus n'a alors soulevé de moyen tenant à l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de l'ASEJ. Faute de circonstances nouvelles, le moyen ne saurait être soulevé pour la première fois en cause d'appel.
En conséquence, la constitution de partie civile de l'ASEJ doit être déclarée recevable.
La nature des gestes commis à l'encontre des trois enfants par les prévenus, leur répétition dans le temps, les liens affectifs qui unissaient les prévenus aux jeunes victimes et les répercussions qu'ont pu avoir les attouchements commis ou qu'il sont susceptibles d'avoir à l'avenir justifient que soit allouée à chacune des trois victimes la somme de 8000 € à titre de dommages-intérêts, que Corinne A... et Franck X... devront payer in solidum.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, Franck X... et les conseils des prévenus étant présents au prononcé,
Déclare les appels recevables,
AU FOND,
Infirmant le jugement déféré,
Sur l'action publique :
Déclare Corinne A... et Franck X... coupables des infractions qui leur sont reprochées,
En répression, les condamne chacun à la peine de 4 ans d'emprisonnement, dont deux ans assortis d'un sursis avec mise à l'épreuve pendant 3 ans, avec obligation d'indemniser les victimes,
Constate l'inscription de Corinne A... et de Franck X... au fichier national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles (FIJAIS)
Dit n'y avoir lieu à prononcer le retrait total ou partiel de l'autorité parentale à l'encontre de Madame A....
La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 120 euros dont est redevable les condamnés.
Sur l'action civile :
Déclare recevable la constitution de partie civile de l'Association Socio-Educative et Judiciaire du Pas-de-Calais, ès qualité d'administrateur ad hoc des mineurs Soulyvan, Britany et Célaine D...,
Condamne Franck X... et Corinne A..., in solidum, à payer à l'ASEJ, ès qualité d'administrateur ad hoc des mineurs Soulyvan, Britany et Célaine D... la somme de 8000 € à titre de dommages-intérêts pour chacun des mineurs.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
M. MORISS E. SENOT