La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/02/2007 | FRANCE | N°06/02493

France | France, Cour d'appel de Douai, Ct0110, 23 février 2007, 06/02493


DOSSIER N 06 / 02493
ARRÊT DU 23 Février 2007
9ème CHAMBRE
/ MM

COUR D'APPEL DE DOUAI

9ème Chambre-No

Prononcé publiquement le 23 Février 2007, par la 9ème Chambre des Appels Correctionnels,

Sur appel d'un jugement du T.G.I. DE VALENCIENNES du 06 FEVRIER 2006

PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :

X...Joël
né le 11 Mai 1959 à THUN ST AMAND (59)
Fils de X...Léon et de Y...Geneviève
De nationalité française, marié
Artisan
...
Prévenu, appelant, libre, comparant
Assisté de Maître PETIAUX-D'HAENE Br

igitte, avocat au barreau de VALENCIENNES

LE MINISTÈRE PUBLIC : Le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance...

DOSSIER N 06 / 02493
ARRÊT DU 23 Février 2007
9ème CHAMBRE
/ MM

COUR D'APPEL DE DOUAI

9ème Chambre-No

Prononcé publiquement le 23 Février 2007, par la 9ème Chambre des Appels Correctionnels,

Sur appel d'un jugement du T.G.I. DE VALENCIENNES du 06 FEVRIER 2006

PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :

X...Joël
né le 11 Mai 1959 à THUN ST AMAND (59)
Fils de X...Léon et de Y...Geneviève
De nationalité française, marié
Artisan
...
Prévenu, appelant, libre, comparant
Assisté de Maître PETIAUX-D'HAENE Brigitte, avocat au barreau de VALENCIENNES

LE MINISTÈRE PUBLIC : Le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de VALENCIENNES
appelant,

A...Mathilde,
...
Comparante, partie civile, intimée, assistée de Maître DOMINGUEZ, avocat au barreau de VALENCIENNES

COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré :
Président : Elisabeth SENOT,
Conseillers : Dominique CAGNARD,
Franck BIELITZKI.

GREFFIER : Monique MORISS aux débats et au prononcé de l'arrêt.

MINISTÈRE PUBLIC : Véronique DELLELIS, Substitut Général.

DÉROULEMENT DES DÉBATS :

A l'audience publique du 14 Février 2007, le Président a constaté l'identité du prévenu.

Ont été entendus :

Madame SENOT en son rapport ;

X...Joël en ses interrogatoires et moyens de défense ;

Le Ministère Public, en ses réquisitions :

Les parties en cause ont eu la parole dans l'ordre prévu par les dispositions des articles 513 et 460 du code de procédure pénale.

le prévenu et son conseil ont eu la parole en dernier.

Le Président a ensuite déclaré que l'arrêt serait prononcé le 23 Février 2007.

Et ledit jour, après en avoir délibéré conformément à la loi, la Cour composée des mêmes magistrats, a rendu l'arrêt dont la teneur suit, en audience publique, et en présence du Ministère Public et du greffier d'audience.

DÉCISION :

VU TOUTES LES PIÈCES DU DOSSIER,

LA COUR, APRES EN AVOIR DÉLIBÉRÉ CONFORMÉMENT A LA LOI, A RENDU L'ARRÊT SUIVANT :

LE JUGEMENT :

Devant le Tribunal Correctionnel de Valenciennes, Joël X...était prévenu d'avoir :

-à THUN SAINT AMAND, courant février 2005, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n'emportant pas prescription, harcelé Mesdemoiselles A...Mathilde et E...Lucille, dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle, en conditionnant une éventuelle embauche contre des rapports sexuels.

Infraction prévue et réprimée par les articles 222-33 et 222-44 du code pénal.

Sur l'action publique :

Par jugement contradictoire rendu le 6 février 2006, le Tribunal Correctionnel de Valenciennes a déclaré Joël X...coupable des faits,

En répression, l'a condamné à la peine de 3 mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 1500 €.

Sur l'action civile :

Le Tribunal a reçu Madame Mathilde A...en sa constitution de partie civile,

A déclaré Joël X...responsable du préjudice subi par celle-ci et l'a condamné à lui verser le somme de 500 € à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement, ainsi que la somme de 400 € sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

LES APPELS

Appel de ce jugement a été interjeté par :

-Joël X..., par l'intermédiaire de son Avocat, le 8 février 2006, sur les dispositions pénales et civiles,
-Monsieur le Procureur de la République de Valenciennes le 8 février 2006, uniquement sur les dispositions pénales (appel incident)

LES CITATIONS :

Les parties ont été régulièrement citées pour l'audience du 14 février 2007 :
-Joël X...à personne le 12 octobre 2006,
-Mathilde A...à domicile le 27 octobre 2006, la lettre recommandée avec accusé réception de sa convocation est rentrée portant la mention " non réclamé.
Les parties sont présentes à l'audience assistées de leur conseil.L'arrêt sera rendu contradictoirement à leur égard.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :

Le 7 avril 2005, Mathilde A..., alors âgée de 20 ans, se présentait au commissariat de CONDE SUR L'ESCAUT pour déclarer les faits suivants :

A la recherche d'un emploi, elle avait répondu à une annonce diffusée par l'ANPE émanant de la société EPI SOLEIL, à Valenciennes, qui offrait un poste d'esthéticienne à mi-temps, en CDI. En appelant au numéro de téléphone indiqué, elle avait eu comme interlocuteur le gérant de la société, Monsieur X..., qui lui avait demandé de se présenter, non pas au siège de l'entreprise, mais à son domicile à THUN SAINT AMAND. Elle s'était effectivement rendue à cette adresse vers la mi-février 2005, munie d'un curriculum vitae. Au cours de la conversation qu'elle avait eue avec Monsieur X..., elle avait exposé quelles étaient ses motivations et ses compétences. Au terme de la discussion, le gérant de la société, qu'elle décrivait comme un homme d'environ 50 ans, lui avait demandé : " qu'est-ce que vous pouvez faire pour moi, un homme, stressé, fatigué ? ". Pensant que cette question n'avait pas d'autre caractère que strictement professionnel, elle avait à nouveau exposé ses compétences. Au terme de l'entretien, il lui avait donné son numéro de téléphone portable, en lui disant de réfléchir à la question qu'il lui avait posée.

Elle avait repris contact début mars. Cette fois, il lui avait donné rendez-vous au salon d'esthétique à Valenciennes, mais à 19 heures, après la fermeture. Réalisant brusquement que cet homme lui faisait des avances, elle avait demandé à ses parents de l'accompagner, sous prétexte d'une panne de voiture. Lors de sa visite, après lui avoir fait visiter les locaux, il lui avait promis de l'embaucher courant avril.

C'est ainsi que le lundi 4 avril elle avait rappelé pour savoir si l'offre d'embauche tenait toujours, précisant qu'elle venait d'avoir une autre proposition. Joël X...avait alors répondu qu'il voulait à tout prix la garder et que le contrat serait signé la semaine suivante. Il avait cependant ajouté qu'elle n'avait toujours pas répondu à sa question, en disant : " qu'est ce que vous pouvez faire pour moi, qu'est ce que vous pouvez me faire... vous savez... des soins spéciaux pour homme ". Elle s'était mise en colère en disant qu'elle n'était pas ce genre de fille. Il avait répondu que si elle n'acceptait pas, elle ne serait pas embauchée, ajoutant qu'il n'était pas satisfait avec son épouse, qu'elle ne devait pas être choquée, qu'il voulait seulement " un coup de temps en temps ", que personne ne le saurait et qu'elle serait " pas mal lotie ".

Au terme de sa déclaration, la jeune femme déposait plainte.

Après avoir pris contact avec toutes les personnes recensées par l'ANPE comme ayant répondu à l'annonce le la société EPI SOLEIL, la police identifiait une autre jeune femme, Lucille E..., qui avait écrit à l'ANPE pour se plaindre de l'attitude du gérant. Une troisième jeune femme, Vanessa F...indiquait également avoir reçu un appel masqué une semaine après l'envoi de son curriculum vitae à Monsieur X..., son interlocuteur lui faisant des propositions curieuses.

Le courrier adressé le 15 mars 2005 par Lucille E...à l'ANPE faisait état de ce qu'elle avait également été invitée à se rendre au domicile du gérant de la société EPI SOLEIL après avoir répondu à l'annonce. Au terme de l'entretien, ce dernier lui avait demandé " un petit plus ". Ne sachant pas où il voulait en venir, elle avait demandé des précisions. Il avait alors répondu qu'il était en manque de sexe, qu'il n'était plus satisfait de ses relations avec sa femme, qu'il la trouvait très attirante et qu'il voulait qu'elle s'occupe gentiment de lui, précisant que cela resterait entre elle et lui.

Choquée par son attitude, elle avait rétorqué que ce qu'il lui proposait ne l'intéressait pas. Quelques jours plus tard, elle avait fait une déclaration en main courante, n'estimant pas utile de déposer plainte puisqu'il ne l'avait pas touchée.

Entendue par la police, Lucille E...confirmait les termes de son écrit, précisant que les faits s'étaient produits le 10 mars 2005.

Quant à Vanessa F..., elle déclarait qu'une semaine après l'envoi de son curriculum vitae, sur lequel elle avait apposé une photographie, elle avait reçu un appel téléphonique masqué, d'un homme qui avait prétendu avoir fait une erreur de numéro, mais qui avait cependant engagé la conversation pour lui dire qu'elle était belle, qu'elle était esthéticienne et qu'il savait où elle habitait. Il lui avait également proposé de venir la chercher et de l'emmener très loin, dans un endroit luxueux.

La réquisition adressée au service de téléphonie afin d'identifier les numéros ayant appelé au domicile de Vanessa F...à la période indiquée par elle, à savoir fin février 2005, ne permettait cependant pas d'identifier les trois seuls numéros connus utilisés par Joël X..., à savoir celui du salon d'esthétique, celui de son domicile et celui de son téléphone portable. Cependant, aucune investigation complémentaire n'était réalisée concernant d'autres lignes téléphoniques que pouvait utiliser Joël X....

Entendu sur les faits, Joël X...admettait avoir reçu chez lui Mathilde A...et Lucille E..., ainsi que d'autres candidates. Il affirmait que son entretien avec les deux jeunes femmes, comme avec les autres, avait été purement professionnel. Il persistait dans ses dénégations, malgré une confrontation avec Mathilde A...qui maintenait ses accusations.

Lorsqu'il a comparu devant le Tribunal Correctionnel, Joël X...a maintenu ses dénégations.

Le bulletin no1 de son casier judiciaire ne porte trace d'aucune condamnation.

SUR CE :

Présent à l'audience assisté de Maître PETIAUX D'HAENE, Joël X...maintient qu'il n'est pas l'auteur des faits qui lui sont reprochés. Il précise que Mademoiselle A...a été reçue quatre fois, dont deux par sa fille, une par son épouse et une seule fois par lui-même. Quant à Mademoiselle E..., il ne l'a vue qu'une fois. En ce qui concerne Mademoiselle F..., il affirme ne pas la connaître et ne pas être l'auteur de l'appel téléphonique relaté par cette dernière. Il précise qu'il était gérant en titre de la société EPI SOLEIL, bien que sa profession était d'être artisan électricien, parce que sa fille terminait ses études d'esthéticienne.C'est dans ces conditions qu'il a procédé au recrutement des premiers employés, bien que n'ayant aucune formation en matière d'esthétique. Il invoque néanmoins le fait qu'à la suite des conversations qu'il avait eues avec sa fille, il avait acquis quelques connaissances et s'estimait capable d'apprécier les capacités professionnelles des candidates.

Monsieur X...insinue que Mesdemoiselles A...et E...devaient se connaître et qu'elles ont voulu se venger pour ne pas avoir été embauchées.

Mademoiselle A..., présente à l'audience assistée de son Avocat, Maître DOMINGUEZ, maintient ses déclarations initiales et affirme avoir rencontré deux fois Monsieur X..., et non pas une comme celui-ci le prétend. Elle ajoute qu'elle ne connaissait pas Mademoiselle E...et qu'elle n'a jamais rencontré cette jeune femme par la suite. Traumatisée par les circonstances de cette affaire, elle a finalement obtenu un emploi en novembre 2005, mais elle s'est arrangée pour que son employeur soit une femme, afin de ne pas être confrontée à une situation analogue.

Maître DOMINGUEZ sollicite la confirmation du jugement déféré.

Madame l'Avocat Général observe que Mesdemoiselles A...et E...étaient rivales sur cet emploi et qu'elles n'avaient aucun raison de comploter contre Monsieur X....

Maître PETIAUX D'HAENE plaide la relaxe en faisant valoir que Monsieur X...n'a pas été identifié comme étant l'auteur de l'appel téléphonique à Mademoiselle F.... Elle indique également que l'infraction n'est pas constituée, faute de pression caractérisée et de réitération des faits.

MOTIFS DE LA DECISION :

1o) sur l'action publique :

Au terme des débats, il y a lieu de retenir que malgré les dénégations du prévenu, il n'est pas établi que Mesdemoiselles A...et E...se connaissaient, la procédure faisant ressortir le contraire. Les similitudes de comportement de la part de Monsieur X...à l'égard de ces deux jeunes femmes qui ne se connaissaient pas démontrent qu'il était à la recherche d'une aventure, usant de pression sur ces deux candidates à un emploi pour parvenir à ses fins. Le fait même que le prévenu n'ait eu aucune compétence pour juger des qualités d'une esthéticienne, mais qu'il se soit néanmoins immiscé dans leur recrutement, montre que son intention était bien de profiter de l'occasion pour tenter d'obtenir des faveurs sexuelles de la part des jeunes femmes qui se présenteraient.

De même, bien que Joël X...le conteste, il résulte des déclarations constantes de Mademoiselle A...qu'à deux reprises au cours de la visite de celle-ci au domicile de l'intéressé, il lui a posé la question de savoir ce qu'elle pouvait faire pour lui, " un homme stressé et fatigué ", insistant à son départ pour qu'elle réfléchisse à cette question. Ensuite, lors de la deuxième visite de la jeune femme au salon, il a posé de nouveau sa question, précisant qu'il attendait sa réponse sur les " soins spéciaux " qu'elle pouvait lui prodiguer. Ainsi, la répétition de la demande tendant à obtenir des faveurs sexuelles de la part de Mademoiselle A..., dans un contexte de recherche d'emploi par celle-ci, est parfaitement constituée.

De même, si Mademoiselle E...n'a rencontré Joël X...qu'une seule fois, il convient de relever que cette rencontre a également eu lieu au domicile de l'intéressé et qu'au cours de la conversation il lui a demandé, d'abord un " petit plus ", insistant en voyant que celle-ci ne semblait pas comprendre sa demande et précisant enfin qu'il était en " manque de sexe car sa femme ne satisfaisait plus ". Ainsi, il y a bien eu répétition de la demande, même si celle-ci s'est faite au cours de la même conversation et, comme précédemment, dans un contexte d'entretien d'embauche, Joël X...usant de pression sur ces candidates à l'emploi pour obtenir des faveurs sexuelles.

En conséquence l'infraction reprochée à Joël X...est parfaitement constituée et le jugement déféré doit être confirmé, tant sur la culpabilité que sur la peine prononcée, celle-ci tenant compte de la gravité des faits commis et de l'absence d'antécédents judiciaires du prévenu.

2o) sur l'action civile :

Les dommages-intérêts alloués en première instance à Mademoiselle A...sont conformes à l'importance du préjudice subi. De même, doit être confirmée la décision des premiers juges d'accorder à Mademoiselle A...une somme de 400 € sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

Dès lors, le jugement déféré devra également être confirmé sur intérêts civils, à l'exception de la condamnation aux dépens de l'action civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement,

Déclare les appels recevables,

AU FOND,

Confirme le jugement déféré en toutes ces dispositions, pénales et civiles, à l'exception de la condamnation du prévenu aux dépens de l'action civile.

La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 120 euros dont est redevable le condamné.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

M. MORISS E. SENOT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Ct0110
Numéro d'arrêt : 06/02493
Date de la décision : 23/02/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Valenciennes, 06 février 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2007-02-23;06.02493 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award