ARRET DU 27 Octobre 2006 N 2623/06 RG 05/02880 CLM/NB
JUGEMENT DU Conseil de Prud'hommes de LILLE
EN DATE DU 15 Septembre 2005 NOTIFICATION à parties
le 27/10/06 Copies avocats
le 27/10/06
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes - APPELANT : Mme Colette X... 337, rue de la Brasserie 59199 BRUILLE ST AMAND Comparant en personne Assistée de : Me Sophie POTIER (avocat au barreau de LILLE) INTIME : Société DE CAUTION MUTUELLE DES NEGOCIANTS EN GRAINS 2, rue de Viarmes 75001 PARIS Représentant : Me Patricia CHRISTIAENS SELLIER (avocat au barreau de LILLE) en présence de M. Y..., directeur DEBATS :
à l'audience publique du 15 Septembre 2006
Tenue par C.MONTPIED
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe. GREFFIER :
M. ROUÉ COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE Françoise FROMENT : PRESIDENT DE CHAMBRE Claire MONTPIED : CONSEILLER Françoise MARQUANT
: CONSEILLER ARRET :
Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Octobre 2006
Françoise Z..., Président, ayant signé la minute
avec V. GAMEZ, greffier lors du prononcé Vu l'appel régulièrement interjeté par Colette X... d'un jugement prononcé le 15 septembre 2005 par le conseil des prud'hommes de Lille qui, statuant sur les demandes qu'elle avait formées à l'encontre de la Société de Caution Mutuelle à capital variable des Négociants en Grains qui l'avait embauchée en juillet 1976 en qualité d'employée de bureau puis de secrétaire et licenciée le 2 février 2004 pour motif économique a : - dit que le licenciement reposait sur un motif économique ; - débouté Colette X... de l'intégralité de ses demandes - laissé à chacune des parties la charge de ses frais et dépens Vu les conclusions, contradictoirement échangées, visées le 15 septembre 2006 par le greffier et soutenues oralement à l'audience aux termes desquelles Colette X... demande à la Cour de : - dire le licenciement abusif -condamner la Société de Caution Grains à lui payer :
[* 68 000ç de dommages et intérêts toutes causes de préjudices confondus, dont 3210ç à titre de préavis et 12 840ç à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, ainsi que précisé dans le corps de ses conclusions
*] 2000ç sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile - condamner la Société Caution Grains aux dépens ; Vu les conclusions, contradictoirement échangées, visées par le greffier le 15 septembre 2006, et soutenues oralement à l'audience aux termes desquelles la Société de Caution Mutuelle des Négociants en Grains entend voir : - confirmer le jugement entrepris - débouter Colette X... de ses demandes - dire que le licenciement repose sur un motif économique - condamner Colette X... aux entiers dépens ;
SUR CE LA COUR : Attendu qu'il n'est pas contesté que : - Colette X... a, en juillet 1976, été embauchée par la Société de Caution Mutuelle des Négociants en Grains qui s'occupe de financement dans le secteur des sociétés céréalières en qualité de secrétaire, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps plein ; - à compter du 1er juillet 1982, sans qu'aucun contrat de travail ne soit régularisé, elle a exécuté son contrat de travail pour partie avec la Société de Caution Mutuelle des Négociants en Grains (159 h) et pour partie avec le Groupement des Négociants Nord Pas de Calais (10h) - en 1991, Colette X... a demandé à travailler à 80%, ce qui a été accepté - courant décembre 2002, il a été proposé à Colette X... d'aller travailler à Paris 2 jours par semaine, ce qu'elle a refusé oralement avant de faire une demande d'augmentation de salaire de 450ç par mois - par une note de "décembre 2003" reçue en main propre le 15, il a été proposé à Colette X... une réduction d'horaire tendant à la faire passer de 80% à 50%, une réponse impérative étant sollicitée avant le 30 décembre 2003 - par lettre du 12 janvier 2004, Colette X... a refusé les modifications de son contrat de travail - par courrier du 16 janvier 2004, la Société de Caution Mutuelle des Négociants en Grains a accusé réception de ce refus - le 23 janvier 2004, elle a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 23 janvier 2004 - par courrier du 2 février 2004, la Société de Caution Mutuelle des Négociants en Grains lui a notifié son licenciement pour motif économique ; - par courrier du 9 février 2004, Colette X... a été dispensée d'exécuter son préavis de deux mois Attendu qu'à la barre, Colette X... a indiqué qu'elle renonçait à sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral ; Attendu que la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige doit énoncer, lorsqu'un motif économique est invoqué, à la fois la raison économique qui fonde la décision et sa conséquence
précise sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié ; que, pour avoir une cause économique, le licenciement pour motif économique doit être consécutif soit à des difficultés économiques, soit à des mutations technologiques, soit à une réorganisation de l'entreprise, soit à une cessation d'activités ; que la réorganisation, si elle n'est pas justifiée par des difficultés économiques ou par des mutations technologiques, doit être indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; Attendu qu'en l'espèce, la lettre de licenciement est ainsi motivée : " Monsieur Y... m'a fait un compte rendu de votre entretien préalable à licenciement du 23 janvier dernier. Les résultats de celui-ci n'ont pas été de nature à modifier nos constats antérieurs, aussi sommes nous contraints de vous licencier pour les motifs économiques suivants : * La SOCIETE DE CAUTION MUTUELLE DE NORD PICARDIE a été absorbée dans le cadre de la fusion de CAUTION GRAINS avec effet rétroactif au 01/01/02. Ses dernières années d'exploitation autonome avaient déjà montré une faiblesse structurelle de la rentabilité, compensée par des prestations facturées à d'autres entités. * La fusion de 2002 a entraîné un transfert partiel des charges de travail vers notre siège parisien et vous avez pu constater que vos collègues étaient de plus en plus en déplacement dans la capitale. * En ce qui concerne votre poste, nous constatons une diminution continue du nombre de Sociétaires dont vous traitez les dossiers : depuis 10 ans ce nombre est passé de 85 à 22, sans perspective de remonter ce chiffre. * Par ailleurs, aucune des autres tâches restant à effectuer dans nos bureaux de Lille n'entrent dans le champ de vos compétences. * En décembre 2002, dans le cadre d'une hypothèse de réorganisation, nous vous avons proposé d'aller à Paris 2 jours par semaine pour traiter les dossiers des autres Sociétaires. Malgré les importants
aménagements d'horaires consentis, vous avez refusé oralement, dans un premier temps, avant de présenter par écrit des exigences financières disproportionnées. *En décembre 2003, constatant une nouvelle fois votre suractivité, nous vous avons proposé une réduction de votre temps de travail, compensée partiellement par notre partenaire et votre co-employeur : NEGOCE AGRICOLE NORD PICARDIE. Par courrier du 12 janvier 2004, vous nous avez signifié que vous refusiez toute modification de votre contrat de travail. L'examen de la situation actuelle nous amène à devoir prendre des mesures indispensables pour maintenir la compétitivité de Cautions Grains et répondre aux exigences de la Commission Bancaire en matière de rentabilité ; nous sommes donc au regret de devoir engager la présente procédure de licenciement pour des motifs économiques. Comme nous vous l'avons indiqué au cours de notre entretien, vous avez la possibilité d'adhérer au PARE -Anticipé, afin de bénéficier pendant votre préavis de prestations prévues par le plan d'aide au retour à l'emploi, et détaillées dans la documentation que nous vous avons remise. Vous disposez pour cela d'un délai de huit jours courant à compter de la première présentation de cette lettre à votre domicile :
- pour nous faire connaître expressément votre volonté d'adhérer à ce dispositif ;
- et pour vous présenter à l'ASSEDIC du lieu de votre domicile avec votre dossier dûment complété et signé. L'absence de réponse de votre part dans ce délai de huit jours sera assimilé à un refus. Votre préavis d'une durée de deux mois, débutera à la date de première présentation de cette lettre recommandée à votre domicile conformément à l'article L. 122-14-1, alinéa 1ER du code du travail. Durant l'année qui suivra la fin du préavis, vous bénéficierez d'une priorité de réembauchage dans notre entreprise, à condition de nous
avoir informé dans l'année suivant la fin du préavis, de votre désir de faire valoir cette priorité. Celle-ci concerne les postes compatibles avec votre qualification et également ceux qui correspondraient à une nouvelle qualification acquise après licenciement (sous réserve cependant que vous nous la fassiez connaître )..." Attendu qu'aux termes de l'article L. 321-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au présent litige " constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques " et qu'aux termes de l'article L 321-1-2 du code du travail, "Lorsque l'employeur, pour l'un des motifs énoncés à l'article L 321-1, envisage une modification substantielle des contrats de travail, il en informe chaque salarié par lettre recommandée avec accusé réception. La lettre de notification informe le salarié qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus. A défaut de réponse dans le délai d'un mois, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée" ; Attendu que si l'employeur a, le 11 décembre 2003, date à laquelle il a proposé à Colette X... la modification de son contrat de travail, fixé à fin décembre 2003 son délai de réponse en méconnaissance des dispositions des articles précités du code du travail, force est de constater qu'il n'a pas tiré de conséquence, à cette date, de l'absence de réponse de Colette X... puisque ce n'est que par un courrier du 16 janvier 2004 qu'il a pris en compte son refus formellement exprimé le 12 janvier 2004 de voir modifier son contrat de travail ; par un courrier du 16 janvier 2004 qu'il a
pris en compte son refus formellement exprimé le 12 janvier 2004 de voir modifier son contrat de travail ; Attendu que la proposition faite par l'employeur à Colette X... de modifier son contrat de travail, que cette dernière pouvait refuser, ne dispensait pas l'employeur de satisfaire à son obligation de reclassement ; qu'il appartient en effet à l'employeur, tenu d'exécuter le contrat de travail, de proposer au salarié, les emplois disponibles correspondant à sa catégorie professionnelle ou à une catégorie inférieure, fût-ce par voie de modification substantielle du contrat de travail ou tout autre poste compatible à ses capacités en assurant le cas échéant, son adaptation au nouvel emploi par tous les moyens ; Attendu qu'en l'espèce force est de constater que l'employeur n'a pas sérieusement satisfait à son obligation de reclassement puisque les modifications du contrat de travail qui ont été proposées à Colette X... en décembre 2002 et décembre 2003 n'ont pas été effectuées dans le cadre d'une recherche de reclassement, la lettre de licenciement étant d'ailleurs muette à cet égard ; que par ailleurs la Société de Caution Mutuelle des Négociants en Grains ne justifie d'aucune recherche concrète, fut -elle stérile, en ce sens auprès des autres sociétés du groupe auquel elle appartient (mac 2 et CERENORD ), étant de surcroît observé que Colette X... n'est pas sérieusement contredite quand elle soutient qu'après son licenciement, la Société de Caution Mutuelle des Négociants en Grains a procédé au recrutement d'une salariée dans le cadre d'un contrat à durée déterminée ; Attendu dans ces conditions que le licenciement de Colette X... doit être considéré, contrairement à la décision des premiers juges, comme dépourvu de cause réelle et sérieuse l'offre d'adhésion à un plan PARE n'ayant pas pour effet de dispenser l'employeur de son obligation de reclassement. Attendu que compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération
versée au salarié, de son âge, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, de son ancienneté dans l'entreprise et de l'effectif de celle-ci, la Cour estime que l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être fixée à la somme de 45 000ç en application des dispositions de l'article L.122-14-5 du code du travail , outre 3210ç à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 12.840ç à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ; Sur les intérêts :
Attendu que conformément aux dispositions des articles 1153 et 1153-1 du code civil, les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal : -à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour l'indemnité compensatrice de préavis, de licenciement, le salaire et ses accessoires soit le 24 février 2004 et d'une façon générale pour toutes sommes de nature salariale ; -à compter de la présente décision pour les sommes de nature indemnitaire ;
Sur la demande au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile : Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Colette X..., les frais qu'il a du exposer dans le cadre de la présente instance ; qu'il y a lieu de lui allouer 1000ç à ce titre ; Attendu que succombant pour l'essentiel il y a lieu de rejeter la demande de la Société de Caution Mutuelle des Négociants en Grains sur le même fondement et de la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
PAR CES MOTIFS Infirme la décision attaquée, statuant à nouveau et y ajoutant : - dit le licenciement de Colette X... abusif - condamne la Société de Caution Mutuelle des Négociants en Grains à lui payer :
12 840ç (douze mille huit cent quarante huit euros) à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ces sommes emportant intérêts à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation soit le 24 février 2004 1000ç (mille euros) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; - déboute les parties du surplus de leurs demandes ; - condamne la Société de Caution Mutuelle des Négociants en Grains aux dépens de première instance et d'appel. Le Greffier,
Le Président, V. GAMEZ Françoise FROMENT