COUR D'APPEL DE DOUAI CHAMBRE 7 SECTION 2ARRÊT DU 04/10/2006 No RG : 04/01127 Tribunal de Grande Instance de LILLE du 20 Janvier 2004 REF PC/AM APPELANTE Madame Bénédicte Marie Elisabeth X... ... représentée par la SELARL ERIC LAFORCE, avoué à la Cour assistée de Me LILIA LAMBERT, avocat au barreau de DOUAI bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 591780020507012 du 09/08/2005 INTIMÉMonsieur Bernard Daniel Y... ... représenté par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour assisté de Me Neary CLAUDE LEMAN, avocat au barreau de LILLE bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 591780020404853 du 15/06/2004 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ M. CHARBONNIER, Président de chambre M. ANSSENS, Conseiller Mme GERMAIN, Conseille. GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme M. MERLIN DÉBATS à l'audience en chambre du Conseil du 07 Juin 2006, Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe. ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé à l'audience publique du 4 Octobre 2006 après prorogation du délibéré du 28 Septembre 2006 et signé par M. CHARBONNIER, Président, et Mme M. MERLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA COUR ;
Attendu que Bénédicte X... a interjeté appel d'un jugement du Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de LILLE du 20 janvier 2004 qui a prononcé aux torts partagés son divorce d'avec Bernard Y..., a fixé chez elle la résidence habituelle de leur fils cadet Pierre-Brieuc né le 15 février 1992, a accordé un droit de visite et d'hébergement au père, a dit que celui-ci supporterait l'intégralité des frais de trajet afférents à l'exercice de ce droit ; qui a condamné Bernard Y... à payer à Bénédicte X..., pour sa
part contributive à l'entretien et à l'éducation du jeune Pierre-Brieuc et de ses frères aînés Romain et Jérémie nés les 20 décembre 1980 et 6 août 1984, une pension alimentaire mensuelle de 152,45 Euros par enfant, soit 457,35 Euros au total ; qui a débouté Bénédicte X... de sa demande de prestation compensatoire ; et qui a rejeté les demandes réciproques de Bénédicte X... et Bernard Y... tendant à l'octroi de dommages et intérêts et au paiement de leurs frais non répétibles ;
Attendu que Bénédicte X... demande à la Cour de prononcer son divorce aux torts exclusifs du mari ; qu'elle prétend exercer seule l'autorité parentale sur son fils Pierre-Brieuc ; qu'elle réclame le relèvement, au taux respectif de 300 Euros, 1 600 Euros et 500 Euros par mois, soit 2 400 Euros globalement, de la contribution de Bernard Y... aux dépenses de subsistance des jeunes Romain, Jérémie et Pierre-Brieuc ; qu'elle sollicite encore la condamnation de Bernard Y... à lui verser, d'une part une prestation compensatoire sous la forme d'un capital de 500 000 Euros, de deuxième part une indemnité de 75 000 Euros et, de troisième part, une somme de 12 000 Euros par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; qu'elle demande enfin l'abandon en propriété par Bernard Y..., à titre de complément de prestation compensatoire, de ses droits indivis dans l'immeuble de communauté à usage de résidence secondaire sis à LANGRUNE SUR MER ;
Attendu que Bernard Y... réclame le prononcé du divorce aux torts exclusifs de Bénédicte X... ; qu'il demande que son fils Pierre-Brieuc lui soit confié ; qu'excipant de son état d'impécuniosité entre le 20 janvier 2004, jour du jugement de première instance, et le 13 septembre 2005 où il a retrouvé un travail stable, il prétend pendant cette période être exempté de son obligation alimentaire envers ses enfants ; qu'après le 13 septembre
2005, il offre de régler une pension alimentaire de 300 Euros par mois destinée au jeune Pierre-Brieuc, habitant avec sa mère ; qu'il s'oppose à toute pension du chef des deux aînés, majeurs de dix huit ans ; qu'il dénie à Bénédicte X... le droit à une prestation compensatoire ; qu'il sollicite la condamnation de Bénédicte X... à lui verser deux indemnités de 15 000 Euros et 1 Euro sur le fondement, la première, de l'article 1382 du Code Civil et, la seconde, de l'article 266 du même code, outre 7 600 Euros en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Attendu que postérieurement à l'ordonnance de clôture du 2 juin 2006, Bénédicte X..., le 6 juin suivant, a produit trois nouvelles pièces mentionnées sur son bordereau de communication de pièces sous les numéros 262 à 264 ; que dans un nouveau jeu de conclusions signifié le même jour, elle demande, tout en maintenant ses prétentions antérieures, qu'il soit sursis à statuer sur son action en divorce jusqu'à l'issue du pourvoi en cassation qu'elle a formé le 28 février 2006 contre un arrêt de la Chambre de l'Instruction de ce siège du 4 novembre 2005 qui a dit n'y avoir lieu à suivre sur sa plainte avec constitution de partie civile visant à faire constater l'organisation frauduleuse, par Bernard Y..., de son insolvabilité ; qu'elle ne justifie pourtant d'aucune raison qui l'aurait empêchée de présenter en temps utile cette demande à la Cour alors au surplus que devant le premier juge elle s'était déjà prévalue à des fins analogues de la saisine du juge d'instruction du Tribunal de Grande Instance de LILLE ; qu'à défaut d'une cause grave de révocation de l'ordonnance de clôture au sens de l'article 784 du Nouveau Code de Procédure Civile, il convient donc de rejeter comme tardives les dernières conclusions de Bénédicte X... et de retenir ses précédentes écritures du 9 mars 2006 ; qu'il en va de même des trois pièces nouvellement produites, qui sont irrecevables ;
Attendu que doivent être également écartées des débats les attestations des jeunes Romain et Jérémie Y... et de Paméla Z..., laquelle se présente elle-même, dans ses dépositions d'octobre 1999 et octobre 2001, comme la petite amie de Romain depuis septembre 1998 ; que ces écrits enfreignent les dispositions de l'article 205 du Nouveau Code de Procédure Civile qui prohibe en matière de divorce le témoignage des descendants et de leurs conjoints ou concubins ;
Attendu que Bernard Y... ne conteste pas avoir quitté le domicile conjugal le 11 octobre 1998 ; qu'antérieurement à son départ il avait été surpris le soir du 30 juillet 1998 par un détective privé qui l'avait vu se rendre au restaurant bras dessus, bras dessous avec une femme puis, au sortir de cet établissement, prendre congé de celle-ci en l'embrassant sur la bouche ; que le détective identifiait ultérieurement la femme comme étant Damaris A... épouse B..., une collègue de Bernard Y..., qui travaillait pour la société "HOWDEN SIROCCO" dont ce dernier a été l'employé du mois de septembre 1992 au mois de septembre 1998 ; qu'ainsi, le jeudi 14 octobre 1999, les deux intéressés s'embrassaient tendrement à plusieurs reprises, déambulaient en se tenant comme deux amoureux , dînaient ensemble dans un restaurant jusqu'à 23 heures 15 puis gagnaient tous deux l'appartement de Bernard Y... où Damaris B... se trouvait encore à minuit un quart, heure à laquelle la surveillance du détective prenait fin ; que le 24 juin 2004 Bernard Y... et Damaris B..., objet d'un constat d'adultère dressé par Maître POMAR, huissier de justice à LILLE, reconnaissaient devant l'officier ministériel qu'ils entretenaient une liaison intime, sans vivre alors maritalement ;
Attendu qu'aujourd'hui Bernard Y... ne nie pas sa situation de concubinage avec Damaris B... ; qu'au vu des éléments qui précèdent il ne fait pas de doute que l'intimité nouée par Bernard Y... et
Damaris B... a précédé, contrairement aux dires du mari, le moment où celui-ci a fui le domicile conjugal dans le but de se soustraire aux habitudes désordonnées de l'épouse ;
Attendu qu'en tout état de cause, l'existence d'une séparation de fait entre deux époux même suivie de l'introduction par l'un d'eux d'une instance en divorce, ne leur confère pas, tandis qu'ils restent dans les liens du mariage, une immunité privant de leurs effets normaux les offenses dont ils peuvent se rendre coupables l'un envers l'autre ;
Attendu que si l'appétence de Bernard Y... pour l'alcool n'est pas discutable puisque lui-même admettait dans une lettre adressée le 13 octobre 1998 à ses beaux-parents, avoir peu à peu sombré dans l'alcool avec ce point d'orgue depuis un an , toutefois il n'est pas prouvé que ses excès de boisson l'aient conduit à infliger aux siens le spectacle d'une ébriété scandaleuse ou à commettre sur eux des violences ; que les seuls éléments recueillis en ce sens proviennent du témoignage de Jacques X..., le père de Bénédicte X... ; que cependant les appréciations sans nuance émises par le beau-père sur l'indignité de son gendre comparée à la tenue irréprochable de sa fille, se ressentent d'un point de vue subjectif qui leur ôte toute valeur probante ; que les époux C... D... décrivent l'atmosphère du ménage Y... X... comme marquée, avant la séparation des époux, par des disputes continuelles ; que de nombreuses attestations produites par Bernard Y... font état en 1998, 1999 et 2000, de l'attitude agressive de la femme intervenant comme une furie sur le lieu de travail de son mari, insultant celui-ci en public et surtout multipliant à son adresse les messages téléphoniques injurieux et orduriers ;
Attendu que la circonstance que le mari ait recherché un stimulant ou un réconfort dans une consommation même exagérée d'alcool, ne suffit
pas à caractériser de la part de celui-ci, au sein des vives dissensions qui agitaient son ménage, une faute grave constitutive d'une cause de divorce ; qu'au demeurant Bernard Y... fournit plusieurs témoignages établis par des collègues de travail et par la tenancière d'un restaurant, qui attestent que dans la vie quotidienne, et en tout cas aux heures ouvrables, ses habitudes étaient celles d'un homme raisonnable évitant les abus de vin ou de spiritueux ;
Attendu que Bernard Y... qui reproche à Bénédicte X... ses moeurs dissolues invoque à cet égard différents écrits rédigés par son épouse ; que si certains de ces écrits, d'un ton introspectif, apparaissent néanmoins insuffisamment intelligibles pour être interprétés avec certitude comme la confession personnelle des actes ou des sentiments que leur auteur s'y attribue, en revanche deux messages en forme de lettres missives terminées par la formule je t'aime , dont le premier est daté du 29 avril 1998, constituent sans équivoque une déclaration d'amour à une femme ; que les termes employés révèlent l'intimité charnelle de Bénédicte X... avec sa correspondante ; que Bénédicte X..., dans une page où elle s'interroge hâtivement sur elle-même, note encore que quant à ma relation avec Béa, on pourrait l'associer à un inceste ; notre tendresse a, à la faveur des circonstances, débordé ; qu'une lettre de Béatrice E... expédiée depuis Tahiti à l'adresse de Bénédicte X... traduit avec la même absence d'ambigu'té le saphisme des deux intéressées ;
Attendu qu'il résulte en outre des dépositions de Christelle F..., Philippe G... et Bruno H... qu'une amie de Bénédicte X... prénommée Béatrice, était omniprésente au foyer des époux X... Y... où elle se comportait comme chez elle durant les années
1997 et 1998 ; que Bernard I... rapporte que de 1996 à 1998 Bernard Y... avec lequel il travaillait, se plaignait fréquemment de la présence chez lui d'une certaine Béatrice, amie de son épouse, qui semblait avoir quasiment élu domicile ; que Florence J... épouse K... raconte qu'en 1998 Bénédicte X... lui avait fait part de ce qu'elle entretenait une relation homosexuelle dont elle se trouvait fort bien ;
Attendu qu'il n'est pas établi que les écrits de Bénédicte X... et de Béatrice E..., quand même ils n'étaient pas destinés aux tiers, aient été obtenus par le mari par violence ou fraude ; que l'attestation de Béatrice E..., dans laquelle celle-ci explique que les échanges épistolaires et écrits émanés de Bénédicte X... procédaient seulement d'un exercice littéraire auquel elles apportaient ensemble les ressources de leur imagination créatrice, ne saurait démentir les éléments sérieux, précis et concordants réunis au dossier ; que compte tenu des liens particuliers noués entre Bénédicte X... et Béatrice E..., les allégations formulées par cette dernière au sujet de Bernard Y... dont elle dénonce la violence et la lubricité, s'avèrent dépourvues de portée ;
Attendu que pour le reste Bénédicte X... accuse Bernard Y... d'avoir financé l'achat de l'immeuble commun de LANGRUNE au moyen de fonds propres à l'épouse et de s'être approprié la maison de sa mère pour en apporter le prix de vente à une société "PREFISCO" ; qu'à supposer ces faits établis, la manière dont Bernard Y... a géré les deniers du ménage ou de ses proches n'est de toute façon pas susceptible de constituer un motif de divorce dès lors qu'il n'est pas prouvé que le mari ait eu la volonté de priver son épouse du nécessaire, et l'ait de la sorte réduite au dénuement ; que la circonstance qu'après la séparation des conjoints leur désaccord se soit accentué sur les modalités de la contribution du mari aux
charges du mariage et sur le degré de solvabilité de celui-ci, si elle révèle l'acuité de leur différend, ne se confond pas avec les causes de leur mésentente dont elle est seulement la conséquence ;
Attendu que l'infidélité de Bernard Y... et de Bénédicte X... l'un vis à vis de l'autre caractérise à la charge de chacun d'eux une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune ;
Attendu que le divorce doit être en conséquence prononcé aux torts partagés des époux ;
Attendu que selon l'article 266 du Code Civil, seul l'époux aux torts exclusifs de qui le divorce est prononcé peut être condamné à des dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel ou moral que la dissolution du mariage fait subir à son conjoint ;
Attendu que Bénédicte X... demande à être indemnisée de la souffrance qu'elle a dû endurer pour avoir été contrainte par son mari de subir l'avortement thérapeutique d'un jumeau à la suite d'une fécondation in vitro à laquelle elle avait recouru en 1991 ; que cependant le chantage exercé sur elle à cette fin par Bernard Y... n'est en aucune façon démontré ;
Attendu que la demande en divorce engagée par Bernard Y... et Bénédicte X... ne saurait revêtir un caractère abusif dès lors que les deux époux obtiennent partiellement satisfaction ; que d'autre part la manière dont un conjoint s'essaie à tirer avantage d'une instance en divorce sort du champ des griefs susceptibles de motiver la décision de divorce elle-même et de justifier par voie de conséquence le dédommagement de la partie adverse ;
Attendu que plus généralement, sur le fondement de la responsabilité de droit commun de l'article 1382 du Code Civil, Bernard Y... et Bénédicte X... ne prouvent pas avoir subi un préjudice indépendant de la dissolution du mariage, qui ne serait pas suffisamment réparé
par la reconnaissance des torts attribués à l'autre conjoint ;
Attendu que Bernard Y... et Bénédicte X... exercent en commun l'autorité parentale sur leur fils mineur Pierre-Brieuc depuis l'ordonnance de non-conciliation rendue entre eux le 28 mai 1999 qui a fixé la résidence habituelle de ce garçon chez sa mère ; que Bénédicte X..., quelque tendus que soient ses rapports avec son mari, ne peut valablement arguer de leur mésentente persistante pour s'arroger un droit exclusif sur l'enfant ; que de même il n'apparaît pas conforme à l'intérêt de l'enfant, aujourd'hui âgé de quatorze ans, de bouleverser son cadre de vie en le confiant dorénavant à son père ; qu'il en est ainsi quand bien même l'installation du jeune Pierre-Brieuc au foyer maternel donne la possibilité à Bénédicte X... de contrarier les rencontres de Bernard Y... avec son fils ;
Attendu que l'organisation du droit de visite et d'hébergement octroyé à Bernard Y..., tel que le premier juge l'a défini, n'est pas critiquée par les parties ;
Attendu que les époux Y... X... sont âgés, le mari de quarante huit ans et, la femme, de cinquante et un ans ; qu'ils auront été mariés pendant plus de vingt six ans ;
Attendu que Bernard Y... est ingénieur de formation ; qu'après avoir été employé par la société "SKF France" dans le département des Hauts de Seine, il a, en septembre 1992, gagné la région du Nord pour
travailler au sein de la société "HOWDEN SIROCCO" dont il devait démissionner ultérieurement, le 30 septembre 1998 ; que Bénédicte X... a suivi à une année d'intervalle son mari à LILLE en septembre 1993, abandonnant une clientèle parisienne de professeur de piano sur la valeur de laquelle elle ne fournit aujourd'hui aucun renseignement précis ; que le 1er octobre 1998, à l'époque de la dissociation de son ménage, Bernard Y... prenait de nouvelles fonctions auprès de la société "BEUGIN INDUSTRIE" ; qu'il y occupait le poste de directeur général gérant non associé de cette société puis voyait ses activités étendues à compter du 28 avril 1999 à la gérance d'une filiale marocaine, la société "BEUGIN MAROC" ; que le 30 novembre 2000, il était révoqué de ses fonctions par les deux sociétés française et marocaine ; qu'il obtenait en contrepartie une indemnité transactionnelle de 300 000 Francs 45 734,71 Euros ;
Attendu que Bénédicte X... soutient que Bernard Y... aurait conservé en sous-main son poste de direction à la tête de la société "BEUGIN MAROC" ; qu'il aurait, par un arrangement avec la société "KCH Beteiligungsgesellschaft MBH", personne morale de droit allemand et unique associée de la société à responsabilité limitée "BEUGIN INDUSTRIE", créé une société par actions simplifiée SGL SCOTEC SAS , et investi des fonds provenant de la réalisation du patrimoine de sa mère dans la société "PREFISCO", société marocaine qui était chargée de la gestion comptable, fiscale et sociale de la société "BEUGIN MAROC" ; que Bénédicte X... qui prétend que son mari dissimulerait de la sorte ses véritables ressources, se contente de produire à l'appui de ses assertions un ensemble de documents incluant notamment des statuts de sociétés, correspondances et procès-verbaux de délibérations d'assemblées générales dont elle propose une interprétation personnelle fondée sur ses seules préventions à l'égard de son époux ; que comme il résulte d'une transaction du 19
décembre 2000, Bernard Y... s'est retiré de la société "BEUGIN INDUSTRIE" et de toute autre société du groupe SGL dont celle-là faisait partie, en raison d'un désaccord qui l'opposait à la société "KCH" ; que le 3 janvier 2001, l'ASSEDIC lui adressait une lettre l'informant qu'il ne pourrait bénéficier du régime d'assurance chômage faute d'avoir exercé ses dernières fonctions dans les liens d'un rapport de subordination avec son employeur ; que du 2 mai 2001 au 2 novembre 2001 il retrouvait temporairement du travail en vertu d'un contrat à durée déterminée conclu avec la société "HOWDEN SIROCCO", moyennant une rémunération brute de 29 166,16 Francs 4 446,43 Euros par mois, outre le remboursement de ses frais de déplacement ;
Attendu que Bernard Y... est associé et gérant d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) "LE CHATEAU" créée le 9 septembre 2003 dont l'objet social consiste dans l'exploitation commerciale et la gestion de chambres d'hôtes avec restauration, dépendant d'un immeuble sis à GUILLESTRE lieudit " Les Planches", propriété d'une société civile immobilière "SPORT NATURE et DECOUVERTE" qui réunit pour associés Damaris B..., gérante, et une dame Bianca L... ; que le comptable de l'EURL "LE CHATEAU" certifiait à la date du 25 juillet 2005 qu'étant donné l'activité et la trésorerie de cette entreprise, Bernard Y... n'avait pu toucher jusqu'alors une quelconque rémunération ; que Bernard Y... est aujourd'hui employé comme "directeur général adjoint" par une société située selon ses dires en région parisienne, depuis le mois de juin 2005 ; qu'en décembre 2005, il avait perçu un cumul de salaires net imposable de 33 733,83 Euros représentant une moyenne mensuelle de 4 819,11 Euros ; qu'il indique avoir pris à bail un logement situé à PARIS pour le prix de 1 500 Euros par mois ; que le loyer réglé par l'EURL "LE CHATEAU" à la société "SPORT NATURE et DECOUVERTE",
afférent à la location de l'immeuble de GUILLESTRE dont Bernard Y... occupe avec Damaris B... la partie non commerciale destinée à l'habitation, s'élève mensuellement à la somme de 671,41 Euros hors taxes ; que suivant son avis d'imposition, Damaris B... a perçu en 2004 un total de salaires ou prestations assimilées de 21 510 Euros, soit un taux moyen de ressources mensuelles de 1 792,50 Euros ; qu'il doit en être déduit que Bernard Y... partage avec sa concubine les charges de la vie courante dont elle est à même de le défrayer pour moitié ;
Attendu que la communauté ayant existé entre les époux Y... X... comprend l'ancien domicile conjugal sis à LILLE ..., dont le prix d'achat s'élevait en novembre 1998 à la somme de 1 060 000 Francs 161 595,96 Euros, et la maison de LANGRUNE SUR MER, Allée des Courlis, achetée au prix de 340 000 Francs 51 832,67 Euros le 29 septembre 1989 ;
Attendu que Bénédicte X... n'a pas exercé de profession depuis son implantation dans le Nord en 1993 ; qu'elle dispose, pour toutes ressources, du Revenu Minimum d'Insertion qui lui est versé par la Caisse d'Allocations Familiales de LILLE, de 650,89 Euros au mois de janvier 2006 ; qu'en vertu d'une ordonnance du 9 juillet 1999, le magistrat conciliateur, saisi d'une requête en rectification d'omission de statuer, lui a attribué la jouissance gratuite du domicile conjugal en exécution du devoir de secours qui incombe à son conjoint ;
Attendu que la qualification professionnelle de Bernard Y... et l'accomplissement d'une carrière dans le secteur industriel et commercial procurent à celui-ci, sous le double rapport de ses moyens d'existence actuels et de ses droits ultérieurs à la retraite, un avantage certain sur Bénédicte X... dont les perspectives d'emploi, du fait de son âge et de son absence de formation, sont manifestement
réduites ; que, partant, la rupture du mariage crée dans les conditions de vie des époux une disparité en défaveur de la femme qui doit être compensée par l'octroi d'une prestation de 80 000 Euros ;
Attendu que contrairement à la demande formulée à titre subsidiaire par Bernard Y... il n'y a lieu de prévoir le versement échelonné de ce capital sur huit ans ;
Attendu que l'allocation d'une somme d'argent égale à la compensation pécuniaire à laquelle Bénédicte X... a droit, apparaît plus favorable à l'amélioration de sa situation matérielle que l'attribution à son profit de la maison de LANGRUNE SUR MER, à usage de résidence secondaire ;
Attendu que quant aux erreurs ou fautes dont Bernard Y... aurait le cas échéant à répondre dans l'administration de la communauté ou, plus généralement, dans la direction financière de son ménage, leur réparation au profit de Bénédicte X..., pour autant que celle-ci puisse se prévaloir d'un compte à établir sur ce point entre elle et son conjoint, ne saurait valablement s'opérer à travers la liquidation d'une prestation compensatoire ;
Attendu que Romain Y..., âgé aujourd'hui de vingt cinq ans, est sans emploi ; qu'après avoir obtenu un brevet de technicien supérieur en "communication des entreprises" en juin 2002, il s'est inscrit au mois de septembre suivant en licence d'histoire puis un an plus tard, pour l'année universitaire 2003/2004, en licence de Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives (STAPS) ; qu'il s'infère de son instabilité dans le choix de ses études et de son incapacité à poursuivre une filière donnée jusqu'à son débouché professionnel, que ce jeune homme ne s'est pas préoccupé de trouver un enseignement conforme à ses aptitudes ni une activité qui lui
permette de subvenir à ses propres besoins ; que, par suite, Bernard Y... doit être déchargé de son obligation alimentaire vis à vis de son fils aîné à compter du 1er janvier 2006 ;
Attendu que Jérémie Y..., âgé de vingt deux ans, suit des études de musique à la fois en Suisse où il parfait sa formation de musicien classique et à LILLE où il s'initie au jazz ; que comme Bernard Y... le relève, le père n'a pas à contribuer aux frais d'éducation de son fils au delà d'un seuil de dépenses approprié au train de vie et à la position sociale de la famille ; qu'à cet égard l'inscription du jeune Jérémie à l'Académie de Musique Tibor Varga à SION en complément de l'enseignement prodigué par le Conservatoire National de Région de LILLE représente un luxe dont le financement excède la dette d'aliments à laquelle Bernard Y... est tenu envers son fils ;
Attendu que Bernard Y... ne discute pas, au moins dans son principe, l'obligation pécuniaire qui lui incombe au profit du jeune Pierre-Brieuc, élève au Collège Carnot de LILLE et au Conservatoire de cette même ville ;
Attendu que postérieurement au jugement de première instance du 20 janvier 2004, Bernard Y... a retrouvé un emploi salarié à compter du mois de juin 2005 ; qu'au mois de septembre 2003 il avait créé sa société d'exploitation de chambres d'hôtes pour laquelle il a
effectué les démarches nécessaires ; que si son avis d'imposition fait état d'un salaire global de 1 243 Euros perçu pendant l'année 2004, il ne fournit aucun renseignement sur la trésorerie de son entreprise hôtelière et les conditions dans lesquelles il a pu la faire fonctionner tout en étant, d'après lui, impécunieux ; qu'il n'y a lieu, dès lors, de dispenser Bernard Y... du paiement des pensions destinées à ses fils pendant la période de prétendue insolvabilité comprise entre les mois de janvier 2004 et septembre 2005 ;
Attendu que le quantum des pensions dues par le père pour ses trois fils a été exactement apprécié par le premier juge ;
Attendu que néanmoins la situation matérielle de Bernard Y... s'étant améliorée à partir du mois de juin 2005, il convient d'élever dès cette date, sans attendre l'expiration de la période d'essai échue au mois de septembre suivant, le montant de sa participation aux frais d'entretien de ses fils Jérémie et Pierre-Brieuc à la somme de 300 Euros pour chacun d'eux ;
Attendu qu'il ne s'avère pas équitable de mettre à la charge de Bernard Y... ou de Bénédicte X... les frais exposés en cause d'appel par la partie adverse et non compris dans les dépens ;
PAR CES MOTIFS ;
Statuant publiquement et contradictoirement ;
Ecarte des débats les conclusions signifiées par Bénédicte X... le 6 juin 2006 et les pièces communiquées par elle à la même date sous les numéros 262 à 264 ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions autres que celles traitant de la prestation compensatoire ;
Réformant de ce chef, y ajoutant et prononçant pour le surplus par dispositions nouvelles ;
Condamne Bernard Y... à payer à Bénédicte X... une prestation compensatoire sous la forme d'un capital de 80 000 Euros ;
Décharge Bernard Y... de la pension alimentaire dont il est redevable envers Bénédicte X... pour sa part contributive à l'entretien et à l'éducation de leur fils Romain à compter du 1er janvier 2006 ;
Condamne Bernard Y... à payer à Bénédicte X..., pour sa part contributive à l'entretien et à l'éducation de leurs deux fils Jérémie et Pierre-Brieuc, à compter du 1er juin 2005, une pension alimentaire mensuelle de 300 Euros par enfant, soit 600 Euros au total ;
Dit que cette pension variera de plein droit le 1er janvier de chaque année, et pour la première fois le 1er janvier 2007, proportionnellement à l'indice mensuel national des prix à la consommation établi par l'INSEE ;
Déboute Bernard Y... et Bénédicte X..., comme non fondés, de leurs demandes réciproquement formées par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Fait masse des dépens d'appel ;
Condamne Bernard Y... et Bénédicte X... à en payer chacun la moitié qui sera recouvrée comme en matière d'aide juridictionnelle.
Le Greffier,
Le Président,
M. MERLIN
P. CHARBONNIER