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22/06/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006950459

France | France, Cour d'appel de Douai, Ct0035, 22 juin 2006, JURITEXT000006950459


COUR D'APPEL DE DOUAIARJ - I CHAMBRE 2 SECTION 1ARRÊT DU 22/06/2006** *No RG : 04/05153Jugement duTribunal de Commerce de ROUBAIX TOURCOINGdu 24 Juin 2004REF : PR/CD APPELANTE S.A.R.L. COMYN ET FILS prise en la personne de ses représentants légauxAyant son siège social ... par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la CourAssistée de Me Laurent A..., avocat au barreau de LILLE INTIMÉE S.A. MOVITEX exerçant sou l'enseigne commerciale DAXON, prise en la personne de ses représentants légaux Ayant son siège social ... par la SCP MASUREL-THERY-LAURENT, avoués à la CourAssistée

de Me Bruno B..., avocat au barreau de LILLECOMPOSITION DE LA...

COUR D'APPEL DE DOUAIARJ - I CHAMBRE 2 SECTION 1ARRÊT DU 22/06/2006** *No RG : 04/05153Jugement duTribunal de Commerce de ROUBAIX TOURCOINGdu 24 Juin 2004REF : PR/CD APPELANTE S.A.R.L. COMYN ET FILS prise en la personne de ses représentants légauxAyant son siège social ... par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la CourAssistée de Me Laurent A..., avocat au barreau de LILLE INTIMÉE S.A. MOVITEX exerçant sou l'enseigne commerciale DAXON, prise en la personne de ses représentants légaux Ayant son siège social ... par la SCP MASUREL-THERY-LAURENT, avoués à la CourAssistée de Me Bruno B..., avocat au barreau de LILLECOMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉMme Z..., Président de chambreM. ROSSI, ConseillerM. REBOUL, Conseiller

---------------------GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme J. X... à l'audience publique du 06 Avril 2006, Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 22 juin 2006, après prorogation du délibéré du 18 Mai 2006 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Mme GEERSSEN, Président, et Mme J. DORGUIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.ORDONNANCE DE CLÈTURE DU : 2 mars 2006

*****Vu le jugement contradictoire prononcé le 24 juin 2004 par le Tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing qui a notamment débouté la SARL COMYN et FILS de ses demandes et condamné cette société à payer à la SA MOVITEX la somme de 3000 Euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;Vu l'appel formé le 29 juillet 2004 par la SARL COMYN ET FILS (ci-après COMYN) ;Vu les conclusions

déposées le 7 septembre 2005 pour cette société ;Vu les conclusions déposées le 28 avril 2005 pour la SA MOVITEX ;Vu l'ordonnance de clôture du 2 mars 2006 ;

*Attendu que la société COMYN demande à la cour de condamner la société MOVITEX à lui payer la somme de 323.633 Euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive des relations contractuelles avec intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 2002 ainsi que celle de 5.000 Euros au titre de ses frais irrépétibles ;Attendu que la société MOVITEX conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de la société adverse à lui payer la somme de 2.500 Euros à titre indemnitaire ;

* SUR CE Attendu que la société COMYN, fournisseur depuis plus de vingt ans de la société MOVITEX en articles vestimentaires en maille, expose que le chiffre d'affaires qu'elle réalisait avec cette société correspondait à plus de 22% de son activité et à 8.933.000 francs encore en 1998 ; qu'elle reproche à cette dernière d'avoir effectué brutalement un premier déréférencement pour la saison hiver 99/2000 sans lui permettre de trouver d'autres débouchés, puis un second pour la saison été 2000 ; Qu'elle invoque une perte de marge pour les saisons hiver 99 et 2000 et été 2000 et impute à la société MOVITEX la fermeture de l'entreprise ;Qu'elle nie la réalité des manquements et carences opposés par son cocontractant ; 1o Sur l'imputabilité de

la ruptureAttendu que la société MOVITEX reproche à la société COMYN d'avoir accumulé des retards pour la saison automne / hiver 1998/1999 ;Attendu que l'acheteur imposait des pénalités financières à ses fournisseurs, en application de leurs accords, et qu'il apparaît que la société COMYN n'était pas particulièrement lourdement sanctionnée ; que celle-ci n'a jamais été mise en demeure à ce titre, ou rappelée au respect des délais de livraison ; que le déférencement litigieux n'a pas été notifié par un écrit motivé par cet élément ; que les retards invoqués ne peuvent constituer le cas d'inexécution prévu par l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 susceptible de justifier une résiliation sans préavis ;2o Sur la brutalité de la ruptureAttendu qu'il ressort des pièces et éléments de la procédure que la société COMYN fournissait plusieurs sociétés du groupe PINAULT PRINTEMPS REDOUTE (PPR) dont dépend la société MOVITEX exploitant la marque DAXON ; que les relations commerciales du groupe avec ses fournisseurs étaient coordonnées, depuis 1998, par une structure juridique commune dénommée PPR marketing service (PPRMS), avec laquelle un contrat de coopération avait été conclu le 26 février 1999 ; Que la société COMYN fournissait depuis plusieurs dizaines d'années des articles de textile, en interlock coton et de type rhovylon ou thermovitex ; Attendu qu'il n'est pas contesté que l'organisation des campagnes saisonnières décrite par l'expert auquel la société COMYN a fait appel se déroulait ainsi qu'il l'a exposé, la sélection de la collection hiver se faisant l'année précédente, en octobre et novembre et les ordres, s'agissant du marché français et assimilé, étant passés en janvier et février ; Attendu que le chiffre d'affaires réalisé par la société COMYN dans ses relations avec les sociétés du groupe PPR et la société MOVITEX, qui représentait plus de 22% du chiffre d'affaires global de la première, était déterminant puisque l'activité entre les sociétés MOVITEX et COMYN avait généré

un volume d'une valeur supérieure à 1 million d'euros en 1996, 97 et 98 pour atteindre 1.361.909 euros en 1998 ; qu'il ressort des écritures de la société MOVITEX que la part de la société LA REDOUTE était plus importante, représentant plus de 60% du chiffre d'affaires en 97 et 99 et, pour 1997, 28.298.000 francs ;Que la part de la société MOVITEX est tombée à 14,59 % en 1999 pour un volume d'une valeur de 710.956,51 Euros (4.663.569 francs ht) ;Attendu que cette réduction, en ce qu'elle intéresse les échanges entre les sociétés MOVITEX et COMYN, correspond à une rupture partielle, mais déterminante, des relations commerciales établies existant entre les sociétés en cause ;Qu'en effet il n'est pas contesté que le nombre de références correspondant à la saison hiver 99 et aux fournitures de la société COMYN a été réduit à 22 par la société MOVITEX, pour 50 pour l'hiver 98, et le nombre de pièces commandées à 67.000 pour 230.000 précédemment ; Que ce déréférencement, qui n'avait pas un caractère provisoire comme le confirme le compte-rendu cité, a été suivi, pour l'été 2000, d'une nouvelle réduction très sensible, les références passant de 19 à 6 et le nombre de pièces de 80.000 à 12.000 ; que cette situation s'est encore aggravée en hiver 2000, où les références maintenues n'étaient plus que de 15 pour 30.000 pièces ;Qu'il convient d'apprécier la réalité du maintien des relations commerciales en comparant les activités par saison d'une année sur l'autre, de sorte que le fait que le nombre de références maintenues pour l'hiver 99/2000 soit au niveau des références commercialisées en été n'est pas déterminant ;Attendu que la première étape a été brutale puisque, alors que la sélection de la collection hiver 99/2000 avait été faite sans que la société MOVITEX n'informe son cocontractant de son intention, cette dernière écrivait encore, le 26 janvier 1999, pour rectifier les progressions de prix par taille et transmettre les prix de la saison hiver 56 (comprendre

hiver 99/2000), sans autre indication ; qu'il n'est pas contesté que c'est en février 99 que la société COMYN a été informée verbalement de la décision de déréférencement prise, son importance apparaissant telle qu'elle équivaut à une rupture partielle des relations commerciales ; Attendu que s'il convient de tenir compte des spécificités des ventes saisonnières, comme l'ont relevé les premiers juges, il n'est pas possible d'écarter pour cette activité les dispositions d'ordre public de l'article article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, alors applicable (L.442-6 du Code de commerce) ; Qu'en l'espèce la rupture est intervenue à un moment où la société COMYN n'avait plus la possibilité de présenter sa collection à un autre distributeur ; qu'aucun préavis n'a été respecté ; que rien ne laissait présager une telle attitude aussi soudaine, d'autant qu'un accord de coopération venait d'être conclu, comme indiqué ci-dessus ;Qu'il convient donc de retenir la responsabilité de la société MOVITEX pour la saison hiver 99/2000 ;

*Attendu qu'en ce qui concerne la saison été 2000, la société COMYN dit avoir été informée de la réduction la concernant en juin 99 ; qu'elle ne précise pas la chronologie exacte des étapes concernant cette saison, mais qu'il apparaît, notamment par comparaison avec le calendrier de la campagne pour l'hiver, qu'en juin la sélection a déjà été préparée pour la collection de l'été suivant ; que la société MOVITEX n'apporte aucune précision sur ce calendrier et ne nie pas avoir mis la société COMYN dans l'impossibilité de chercher de nouveaux débouchés en temps utile ; Que l'importance du déréférencement exposée ci-dessus et les circonstances où il est

intervenu permettent de qualifier de brutale cette nouvelle rupture partielle et déterminante des relations commerciales ;

*Attendu que la société MOVITEX a informé, le 15 novembre (lire décembre) 1999, de sa décision de ne plus commander de sous-pulls, cette modification étant certes de peu d'importance pour le fournisseur, la première relevant d'ailleurs que cette production était accessoire pour le second ;Que la société PPRMS indiquait cependant à la société COMYN qu'à la suite d'une réunion du 8 février 2000, elle s'engageait à mener différentes actions dans les plus brefs délais, notamment une rencontre fournisseur-enseigne pour valider les objectifs et organiser le désengagement des distributeurs ; que cette évolution apparaissait rendre nécessaire la négociation d'un nouveau contrat de coopération, et non d'un accord de distribution ;Qu'aucun document ne permet à la société COMYN d'affirmer qu'elle pouvait espérer le maintien d'un volume d'affaires identique, pour l'hiver 2000, à celui résultant de la réduction déjà opérée pour l'hiver 99 ; qu'au contraire, il apparaît que les parties connaissaient l'évolution des relations commerciales, confirmée pour l'été 2000, cette situation faisant d'ailleurs l'objet d'une réflexion au niveau du groupe ; qu'en effet l'importance et la gravité de cette réduction avait même inquiété la société PPRMS puisque celle-ci établissait le 17 juillet 2000 un compte-rendu de réunion où avait été évoquée la situation de la société COMYN à la suite de la baisse très forte dans le référencement des enseignes DAXON et LA REDOUTE laquelle avait entraîné une baisse de son CA avec les enseignes PPR d'environ 70% ;Que l'on ne peut donc

qualifier la réduction des référencements intervenue pour l'hiver 2000 de rupture brutale des relations ; que la défaillance d'entreprises liée à la société COMYN, intervenue en septembre 2000 et évoquée par la société MOVITEX est dès lors sans importance pour le présent litige ;Attendu que la société COMYN n'apporte, de surcroît, aucune précision sur la durée du préavis qui aurait dû être respecté et que, contrairement à ce qu'elle avance, il n'y avait pas lieu de prévoir un doublement de la durée minimale de ce délai, la rupture étant intervenue avant l'entrée en vigueur de la loi du 15 mai 2001 ; 3o Sur le préjudiceAttendu que doit être réparé le préjudice causé par la brutalité de la rupture ;Qu'en l'espèce, la société MOVITEX n'ignorait pas que la réduction de ses commandes intervenait dans le cadre d'une régression générale, en volume, du chiffre d'affaires de la société COMYN généré par ses ventes avec l'ensemble des enseignes du groupe PPR ;Que la date à laquelle l'acheteur a informé le fournisseur de sa décision interdisait au second de rechercher efficacement un nouveau partenaire ; Attendu que l'étude conduite par M. Y... est pertinente en ce qu'elle détermine la baisse de chiffre d'affaires liée à ces ruptures et retient une perte d'exploitation que les pièces produites permettent de fixer à la somme de 116.852 Euros ; Attendu que M. Y... expose par ailleurs que la société COMYN a subi une perte sur la liquidation de ses stocks justifiée par la nécessité de vendre un ensemble immobilier en mars 2000, cette vente diminuant ses capacités de stockage et l'obligeant à liquider à bas prix sa production ; Attendu cependant qu'il n'est pas possible d'affirmer que l'acquisition de ces surfaces de stockage avait été rendue nécessaire par les seules relations existant entre les colitigants ; que s'il apparaît que la société COMYN n'a pas été en mesure de maintenir un niveau de production compatible avec un tel investissement, la preuve

d'un lien de causalité entre la cession nécessaire de l'ensemble immobilier et la brutalité de la rupture n'est pas rapportée ; Attendu que la société COMYN inclut également dans le préjudice qu'elle allègue le coût du licenciement de son personnel, sans développer d'arguments sur ce chef repris par son expert ; Qu'il ressort de l'étude produite que la décision de licencier le personnel est intervenue en octobre 2000 ; que si la perte des marchés des enseignes du groupe PPR peut être considérée comme ayant privé la société COMYN de l'essentiel de ses produits, il n'est pas démontré que la brutalité des ruptures dont s'agit en l'espèce a été la cause de la liquidation du fournisseur ;

*Attendu que la société MOVITEX sera condamnée à payer à la société COMYN ET FILS la somme énoncée ci-dessous au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

P A R C E S M O T I F S

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, en dernier ressort Infirme le jugement déféré ;Condamne la société MOVITEX à payer à la société COMYN etamp; FILS la somme de 116.852 Euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;Condamne la société MOVITEX à payer à la société COMYN etamp; FILS la somme de 5000 Euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;Condamne la société MOVITEX aux dépens de première instance et d'appel et dit que ces derniers pourront être recouvrés conformément aux dispositions de

l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Le Greffier

Le Président

J.DORGUIN

I.GEERSSEN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Ct0035
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006950459
Date de la décision : 22/06/2006

Analyses

CONCURRENCE - Transparence et pratiques restrictives - Rupture brutale des relations commerciales

Constitue une rupture brutale des relations commerciales la rupture intervenue à un moment où le fournisseur n'avait plus la possibilité de présenter ses produits à un autre distributeur, dès lors qu'aucun préavis n'a été respecté et que rien ne laissait présager une telle attitude aussi soudaine, d'autant qu'un accord de coopération venait d'être conclu


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Mme Geerssen, président

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2006-06-22;juritext000006950459 ?
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