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17/11/2005 | FRANCE | N°JURITEXT000006945769

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre civile 2, 17 novembre 2005, JURITEXT000006945769


COUR D'APPEL DE DOUAI CHAMBRE 2 SECTION 2 ARRÊT DU 17/11/2005 * * * No RG : 04/00964 Tribunal de Commerce de LILLE du 06 Janvier 2004 REF : TF/CP EXPERTISE APPELANTE S.A. TOMMASINI CONSTRUCTION prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège social Rue de la X... 59620 AULNOYE AYMERIES Représentée par la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, avoués à la Cour Assistée de la SCP DEFOSSEZ GILLARDIN VEINAND DEMORY, du Barreau d'AVESNES SUR HELPE INTIMÉE SNC FORCLIM NORD anciennement dénommée S.A. CLIMATHERM prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège socia

l 110 Rue du Président Pompidou 59110 LA MADELEINE Représentée...

COUR D'APPEL DE DOUAI CHAMBRE 2 SECTION 2 ARRÊT DU 17/11/2005 * * * No RG : 04/00964 Tribunal de Commerce de LILLE du 06 Janvier 2004 REF : TF/CP EXPERTISE APPELANTE S.A. TOMMASINI CONSTRUCTION prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège social Rue de la X... 59620 AULNOYE AYMERIES Représentée par la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, avoués à la Cour Assistée de la SCP DEFOSSEZ GILLARDIN VEINAND DEMORY, du Barreau d'AVESNES SUR HELPE INTIMÉE SNC FORCLIM NORD anciennement dénommée S.A. CLIMATHERM prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège social 110 Rue du Président Pompidou 59110 LA MADELEINE Représentée par la SCP CARLIER-REGNIER, avoués à la Cour Assistée de Maître ROINE Jean-Louis, Avocat au Barreau de PARIS DÉBATS à l'audience publique du 04 Octobre 2005, tenue par Monsieur FOSSIER magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 NCPC). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe. GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme NOLIN COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ M. FOSSIER, Président de chambre M. ZANATTA, Conseiller M. REBOUL, Conseiller ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2005 (date indiquée à l'issue des débats) par Monsieur FOSSIER, Président, et Mme NOLIN, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire. ORDONNANCE DE CLÈTURE DU : 14 septembre 2005

***** Par jugement contradictoire en date du 6.1.2004, le Tribunal de commerce siégeant à Lille a, tirant les conclusions d'une expertise de travaux de plomberie, ventilation et chauffagisme, rejeté la demande de nullité de cette expertise faute pour le

demandeur d'avoir saisi le juge chargé de suivre les opérations ; a condamné la SA Tommasini Construction à payer à la SA Climatherm, devenue ultérieurement Forclim-Nord, la somme de 87.193,20 euros avec intérêts et application de l'article 1154 du Code civil. Le même jugement a ordonné mainlevée de la saisie conservatoire que la SA Tommasini avait fait diligenter contre Climatherm, a débouté la société Tommasini de sa demande de paiement de 114.735,91 francs et a condamné celle-ci sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile (5000 euros).

Par acte de son avoué en date du 12.2.2004, la société anonyme TOMMASINI CONSTRUCTION a interjeté appel principal et général de la décision intervenue. A l'attention du second degré de juridiction, la partie appelante a déposé des conclusions conformes aux articles 915 et 954 du nouveau code de procédure civile, dont les dernières en date sont du 14.3.2005 et dans lesquelles il est demandé à la Cour au principal d'annuler l'expertise susmentionnée, subsidiairement d'en ordonner une autre, en tout cas condamner l'intimée au paiement de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La partie intimée, la société en nom FORCLIM NORD, anciennement CLIMATHERM, a conclu le 29.3.2005 à la confirmation du jugement critiqué. Elle fait notamment observer que TOMMASINI soulève pour la première fois, et en tout cas après sa défense au fond, la prétendue nullité de l'expertise. Par voie d'appel incident, FORCLIM NORD demande cependant que l'arrêt à intervenir prévoie la TVA au taux de l'époque des faits litigieux (105.155 euros, outre les intérêts), ainsi que le remboursement de 2.748,61 euros avec intérêts, somme omise des comptes par le premier juge. L'intimée réclame 5.000 euros pour frais irrépétibles de procédure.

Selon ce qu'autorise l'article 455 du nouveau code de procédure

civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens. SUR QUOI LA COUR, - Au principal 1o - Sur la recevabilité du moyen de nullité

Attendu que l'expertise, confiée à M. X... puis à M. Y..., a été décidée par jugement avant-dire-droit du 24.11.1998 mais n'a eu lieu qu'à partir de septembre 2001 ;

Attendu que dans ses conclusions destinées au premier juge, la société TOMMASINI a indiqué (page 3 des écritures récapitulatives en vue de l'audience du 25.11.2003) que l'expertise ne s'était pas déroulée selon les règles d'une "expertise judiciaire correcte" ; que "cependant", la société TOMMASINI entendait rétablir "l'exactitude des décomptes régissant les relations entre les deux parties" ;

Que par cette formulation, qui dénonce sans ambigu'té la violation de la loi par l'expert, et ne place qu'en seconde position, débutée par la conjonction "cependant", une argumentation au fond, la société TOMMASINI a bien entendu invoquer la nullité du rapport d'expertise et l'a fait en temps opportun, contrairement à ce que soutient maintenant l'intimée ;

Qu'autant que de besoin et pour contredire l'appréciation du premier juge, la loi ne prive pas de son droit de soulever la nullité, la partie mécontente de l'expert mais qui a négligé de saisir le juge chargé de suivre les opérations ;

Attendu que par conséquent recevable à invoquer cette nullité du rapport d'expertise, la société TOMMASINI était par surcroît fondée à le faire, l'expert ayant manqué à la règle d'impartialité (2o ci-dessous), sans pallier cette carence en se soumettant en fin d'expertise à la plus stricte contradiction (3o ci-dessous) ; 2o - Sur l'impartialité

Attendu en effet que dès le début effectif des opérations d'expertise en octobre 2001, la société TOMMASINI (sa pièce no 3) a envoyé à

l'expert un grand nombre de pièces relatives au chantier litigieux, notamment tous les documents contractuels et techniques, un calendrier d'exécution, cinq devis modificatifs, deux comptes-rendus, et dix-neuf courriers échelonnés entre 1994 et 1997 ; que ces pièces sont mentionnées comme reçues, en pages 4 et 5 du rapport ; que pourtant, les 36 pages d'annexes au rapport d'expertise sont exclusivement composées de notes ou remarques ou courriers à l'en-tête de CLIMATHERM ;

Que ce manquement était d'autant plus inéquitable que l'expert a pris le parti d'installer les réunions d'expertise dans les locaux de CLIMATHERM, au motif avancé de disposer de toutes les pièces de cette société et malgré les protestations (pièce no 2 de l'appelante) de la société TOMMASINI ;

Que s'il est loisible à un expert de ne pas retenir des pièces qu'il aurait reçues par ailleurs ou qui lui semblent sans rapport avec sa mission, et s'il lui est loisible aussi de profiter des commodités qu'offre une partie plutôt que l'autre, la conjonction des deux attitudes ne doit jamais laisser apparaître que les parties ne sont pas traitées également, en violation de l'article 237 du nouveau code de procédure civile ;

Qu'en conséquence, la société TOMMASINI est fondée, en considérant que l'expert comme le juge doivent non seulement être impartiaux mais donner à voir qu'ils le sont, à solliciter la nullité des opérations de M. Y... ; 3o - Sur la contradiction en fin d'expertise

Attendu que l'anomalie précédente eût été réparée si la contradiction avait été parfaitement respectée avant le dépôt du rapport d'expertise ;

Qu'à ce sujet, l'expert doit, pour respecter le principe contradictoire et pour satisfaire à l'exigence de l'article 276 du nouveau code de procédure civile, soumettre aux parties, sous forme

d'un pré-rapport --ou de toute autre manière si le juge commettant n'a pas d'exigence formelle, comme en l'espèceû, un document qui permette de susciter des dires pertinents;

Qu'en l'espèce, l'expert Y... a envoyé aux parties un "procès-verbal de réunion du 13.9.2001", laquelle constituait au mieux un tour de table des prétentions et griefs respectifs, puis deux courriers en octobre 2001 sollicitant des pièces complémentaires (pièces no 5, 6 et 7 de l'appelante) ; qu'aucun de ces trois documents ne laisse apparaître dans quelle direction intellectuelle s'oriente l'expert, aucun ne sollicite les observations des parties, aucun n'annonce la prochaine clôture des opérations, à vrai dire même à peine commencées à ces dates ; 4o - Sur le grief

Attendu que le manquement aux articles 237 et 276 du nouveau code de procédure civile étant régi par l'article 114 alinéa 2 du même code, la société TOMMASINI doit montrer que l'attitude de l'expert ou ses carences ont occasionné un grief, indépendamment bien sûr des conclusions défavorables à TOMMASINI que présente Monsieur Y... ;

Qu'en l'espèce, l'argumentation copieuse que présente TOMMASINI dans ses conclusions au fond, tant en première instance qu'en appel, démontre qu'elle avait des arguments à faire valoir, qui eussent pu ou dû troubler l'expert et aux quelles la Cour ne peut pas répondre sans avis technique, tel que celui qui était confié à Monsieur Y... ;

Que ce grief est suffisant pour que les causes de nullité prospèrent ;

Que cependant, la mesure conservatoire que la SA Tommasini avait fait diligenter contre Climatherm ayant sorti tous ses effets, le jugement sera confirmé en ce qu'il en a ordonné mainlevée ; 5o - Sur la nouvelle expertise

Attendu que l'expertise était ordonnée en 1998 à juste titre et doit

l'être à nouveau, le litige comportant des aspects techniques que la Cour ne peut pas trancher sans recourir à une mesure avant-dire-droit et, comme il a été dit, n'ayant pas été abordés de manière suffisamment contradictoire ; - Accessoires

Attendu que les dépens de première instance et du présent appel seront réservés, de même que l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu le 06.01.2004 par le Tribunal de commerce de Lille, sauf en ce qu'il a ordonné mainlevée de la saisie conservatoire que la SA Tommasini avait fait diligenter contre Climatherm,

Et statuant à nouveau, déclare nul et de nul effet le rapport d'expertise déposé par Monsieur Y... en exécution des décisions du 24.11.1998 et 23.07.2001 le désignant ;

Ordonne une expertise ;

La confie à Monsieur Philippe Z..., 84 rue Emile Zola, 59184 Sainghin en Weppes et en cas d'empêchement à Monsieur Max A..., 32 rue du Collège à Marq en Baroeul,

avec mission de : - entendre les parties en leurs explications ; prendre connaissance de leurs pièces et demander celles qui lui seraient en outre nécessaires ; - examiner les termes des contrats qui ont lié les parties, énoncer quelles normes s'appliquaient aussi à leurs opérations, dire si les parties se sont acquitté de leurs obligations conformément aux conventions, aux normes applicables et aux règles de l'art; - faire le compte entre elles ; - établir un

pré-rapport qui laissera un mois aux parties après réception pour établir leurs dires éventuels ; - répondre à ces dires dans le rapport définitif. Dit que le rapport devra être déposé au greffe de la Cour dans les huit mois de la consignation. Dit que cette consignation sera de 2.000 (deux mille) euros à la charge de FORCLIM NORD, avant le 15.1.2006, à défaut de quoi la Cour tirera toute conséquence ; Réserve les dépens de première instance et d'appel, outre l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Accorde aux avoués constitués le bénéfice de l'article 699 du nouveau code de procédure civile

LE GREFFIER

LE PRÉSIDENT,

C. Nolin

T. Fossier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006945769
Date de la décision : 17/11/2005
Type d'affaire : Civile

Analyses

MESURES D'INSTRUCTION - Expertise - Nullité - Causes de nullité

L'expert doit, pour respecter le principe contradictoire et pour satisfaire à l'exigence de l'article 276 du nouveau code de procédure civile, soumettre aux parties, sous forme d'un pré rapport ou de toute autre manière selon les préconisations du juge mandant, un document qui permette de susciter des dires pertinents. La sanction de la règle est la nullité de l'expertise si une partie peut démontrer qu'elle avait des arguments à faire valoir qui eussent ou dus troubler l'expert et auxquels les juges ne peuvent pas répondre sans l'avis technique de cet expert


Références :

Code de procédure civile (Nouveau), article 276

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2005-11-17;juritext000006945769 ?
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