COUR D'APPEL DE DOUAI CHAMBRE 2 SECTION 2 ARRÊT DU 03/11/2005 * * * No RG : 03/04342 Tribunal de Commerce de VALENCIENNES du 17 Juin 2003 REF : TF/CP APPELANT Monsieur X... Y... élisant domicile chez Maître DERELY, avocat, domicilié à Marcq en Baroeul 127 Avenue de la Marne. demeurant 7202 Saint John's Way University Park 34201 SARASOTA - FLORIDE Représenté par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour Assisté de Maître DERELY Alix, Avocate au Barreau de LILLE INTIMÉE S.A.R.L. MERCADEAL prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège social 344 Ter avenue Jean Jaurès 59920 QUIEVRECHAIN Représentée par la SCP MASUREL-THERY-LAURENT, avoués à la Cour Assistée de Maître RENARD substituant Maître SOLAND, Avocat au Barreau de LILLE COMPOSITION DE LA COUR LORS DES Z... ET DU DÉLIBÉRÉ M. FOSSIER, Président de chambre M. ZANATTA, Conseiller M. REBOUL, Conseiller --------------------- GREFFIER LORS DES Z... : Mme A... Z... à l'audience publique du 22 Septembre 2005, Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe. ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 03 Novembre 2005 (date indiquée à l'issue des débats) par Monsieur FOSSIER, Président, et Mme A..., Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. ORDONNANCE DE CLÈTURE DU : 4 mai 2005
***** Par jugement réputé contradictoire en date du 17.06.2003, le Tribunal de commerce siégeant à Valenciennes a déclaré valables deux assemblées générales de la SARL MERCADEAL des 12.12.2000 et 29.3.2001 ; et a condamné M. Y..., co-gérant auteur de la contestation, à payer à la SARL la somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 NCPC. La SARL a été déboutée de sa demande visant à retenir le principe de la faute de gestion de son adversaire.
Par acte de son avoué en date du 17.7.2003, Monsieur X...
Y... a interjeté appel principal et général de la décision intervenue. Devant la Cour, la partie appelante a déposé des conclusions conformes aux articles 915 et 954 du nouveau code de procédure civile, dont les dernières en date sont du 1.12.2004 et dans lesquelles il est demandé à la Cour de prononcer la nullité des deux assemblées susdites ; d'ordonner la tenue d'une nouvelle assemblée précédée de la communication des documents légaux ; de faire payer 1525 euros par la SARL pour frais irrépétibles de procédure. L'appelant expose que la SARL, ayant pour objet la prise de participations et la gestion de portefeuille, a été créée selon acte notarié du 26.10.1998 ; que Grégory B..., gérant, et X... Y... sont porteurs de 1250 parts chacun ; que la SARL détient 96 p.100 des parts de trois sociétés dont M. B... est également gérant ; que M. Y... a été nommé gérant de la SARL en remplacement de M. B... mais que finalement, les deux associés ont décidé de se séparer, à la fin de 1999 ; qu'une promesse de vente a été établie le 13.3.2000 pour un prix de 800.599 euros, payé par M. B... ; que cependant, la réitération en vente définitive n'a pas eu lieu ; qu'une renégociation du prix a été consentie par le vendeur à hauteur de 625.229,70 euros mais que les sujets de discorde se sont accumulés ; que le 17.11.2000, M. B... a décidé de convoquer M. Y... à la première assemblée de la SARL depuis sa création, pour le 12.12.2000 ; que malgré une LRAR du 07.12.2000 demandant à la fois le report de l'assemblée et la communication des documents préparatoires prévus par la loi, M. B... a tenu ladite assemblée sans répondre ; que M. B... a pratiqué exactement de même pour l'assemblée générale du 29.3.2001 ; que M. Y... n'a eu connaissance du contenu des prétendues délibérations qu'à l'occasion de la présente procédure. Pour l'édification de la Cour, l'appelant fait état d'autres contentieux pendants ou réglés entre les mêmes parties (action en
révocation de gérant débutée le 14.3.2001 ; action en régularisation de démission débutée le 15.6.2001 et connue de la Cour selon arrêt du 16.12.2004 ; désignation d'un expert sur la gestion de M. B... par acte du 23.7.2001 ; action en opposabilité des actes du 13.3 et 7.7.2000 ; actions diverses entre filiales, notamment pour des paiements de charges et des actes de concurrence déloyale) , et aussi de la réitération des mêmes difficultés pour les assemblées de 2002 et de 2003.
La partie intimée, la S.A.R.L. MERCADEAL, a conclu le 02.02.2005. Elle demande la confirmation du jugement critiqué en ce qu'il a déclaré valable les deux assemblées litigieuses. Elle demande par voie d'appel incident, le constat que M. Y... en sa qualité de co-gérant n'a pas respecté son obligation de gérer et d'administrer la société MERCADEAL. Enfin, l'intimée réclame 75.000 euros pour procédure abusive et 7.000 euros pour frais irrépétibles de procédure. Sur le litige-même dont est ici saisie la Cour, l'intimée affirme qu'elle a envoyé les documents préparatoires à l'assemblée du 12.12.2000, qu'ils n'ont pas été renvoyés par la Poste et ont donc été reçus par M. Y... comme celui-ci en convenait jusqu'à la naissance du litige ; qu'ainsi que l'ont énoncé les premiers juges, M. Y... est de toute façon porteur de 50 p.100 des parts de la SARL et a donc accès à l'information (art.21 des statuts de la société et art.33 du décret du 23.3.1967) et peut même convoquer lui-même les assemblées car il est statutairement co-gérant. La même argumentation est développée à propos de l'assemblée du 29.3.2001. Sur sa demande reconventionnelle en matière de responsabilité pour faute, dont les premiers juges ont fait litière, l'intimée ne développe pas d'argumentation. Sur la demande fondée sur la procédure abusive, l'intimée s'insurge contre la volonté de M. Y... de nuire à la SARL depuis plusieurs années et de faire appel sans motifs
et en reprenant simplement ses conclusions de première instance. SUR QUOI LA COUR, - Au principal
Attendu que par courrier recommandé du 17 novembre 2000 (pièce no 20-1 de l'appelant), MERCADEAL, sous une signature illisible dénommée "La gérance", a déclaré avoir le plaisir de convoquer Monsieur I. Y... ..." ; que l'ordre du jour annoncé comportait la lecture du rapport de gérance, l'approbation des comptes de l'exercice clos au 31 décembre 1999 et le quitus aux gérants, enfin l'affectation des résultats de l'exercice ;
Que cette lettre de convocation, émanant selon toute vraisemblance de M. B..., qui s'y présente comme le gérant de la société, ne vise aucune pièce jointe ;
Qu'il faut encore relever pour répondre à l'intimée, qui produit un courrier du 28 novembre 2000 ainsi libellé (pièce no 32 de l'intimée) : "tu trouveras ci-joints les documents de l'assemblée du 12-12, comptes annuels, résolutions, etc.", que cette lettre n'ayant pas été recommandée, il est impossible d'affirmer qu'elle a été envoyée à une date déterminée ;
Attendu que par application de l'article 36 du décret du 23 mars 1967, en cas de convocation d'une assemblée prévue à l'article L 223-26 alinéa 1o du Code de commerce pour l'approbation du rapport de gestion et des comptes annuels, le texte des résolutions proposées, le rapport de gestion, les comptes annuels, les comptes consolidés et le rapport des commissaires aux comptes sont adressés aux associés quinze jours au moins avant la date de l'assemblée ;
Que par application de l'article 37 du même décret, l'envoi du rapport de gestion, du rapport des commissaires aux comptes et des résolutions est prévu en vue des autres types d'assemblées ;
Que ces textes sont tous deux applicables à la cause, l'assemblée litigieuse ayant eu pour objet à la fois l'approbation des comptes et l'affectation de résultats ;
Qu'il appartient à celui qui convoque l'assemblée et sur qui pèse l'obligation légale et réglementaire, de justifier qu'il s'en est acquitté, sans pouvoir invoquer des circonstances ou des moyens équivalents qui lui auraient permis d'escamoter la contrainte des textes ; que de ce point de vue, la prétention de MERCADEAL, qui a emporté la décision des premiers juges, de renvoyer M. Y... au bénéfice des droits ou facilités qu'il tiendrait de sa position de co-gérant est, --à supposer même cette position de co-gérant établie--, tout-à-fait dénuée de fondement juridique ;
Attendu que la sanction de ces textes peut être, dès lors que l'associé privé de documents ne renonce pas d'une manière dénuée d'ambigu'té au bénéfice de la règle, la nullité de l'assemblée, sans préjudice de sanctions pénales éventuelles prévues à l'article 53 du décret du 23 mars 1967 ;
Qu'en l'espèce, loin de renoncer à la nullité de l'assemblée, M. Y... a immédiatement protesté par courriers adressés par son conseil le 27 novembre 2000 et par lui-même le 7 décembre 2000 (pièces no 14 et sans no de l'appelant), attestant de la sorte qu'il avait été convoqué efficacement mais qu'il entendait recevoir les documents nécessaires pour préparer l'assemblée ; que n'ayant pas eu satisfaction, il ne s'est pas rendu à ladite assemblée laquelle, selon le procès-verbal (mal daté ; pièce no 33-1 de l'intimée) qui en a été dressé, a été repoussée faute de quorum ;
Que la nullité de l'assemblée générale tenue nonobstant ces réserves du principal associé, sera prononcée, non seulement en raison de la gravité objective du manquement déploré -s'agissant de l'omission d'adresser les comptes avant une réunion destinée à les approuver-,
mais encore en raison de la tension qui existait déjà entre les associés et qui devait inviter l'auteur de la convocation à la plus grande vigilance formelle ;
Attendu que du tout, il résulte que l'assemblée du 12 décembre 2000 ne s'est pas valablement tenue et que la Cour estime devoir la déclarer nulle ; en quoi le premier jugement doit être réformé ;
Attendu que l'assemblée du 29 mars 2001 n'a eu de cause juridique qu'en raison de l'absence de quorum à l'assemblée du 12 décembre 2000 ;
Que celle-ci étant annulée, l'assemblée du 29 mars 2001 perd sa cause et est nulle à son tour, sans qu'il soit besoin de relever le caractère simple de la lettre de convocation, l'absence de preuve en conséquence de la communication préalable des documents requis par les articles 36 et 37 du décret du 23 mars 1967 ;
Que le jugement de première instance sera aussi infirmé sur ce point ;
Attendu que M. Y... ne peut demander expressément à la Cour d'ordonner la tenue d'une assemblée générale régulière, avec communication préalable des documents exigés par la loi et le règlement ; qu'en effet, pareille exigence d'application pure et simple de la loi doit être opposée au gérant ou aux gérants de la S.A.R.L, l'arrêt de la Cour ne pouvant ajouter au texte applicable ; Demande reconventionnelle
Attendu que l'influence néfaste qu'auraient les diverses procédures en cours entre les mêmes parties, sont invoquées par l'intimée, du moins dans le corps de ses conclusions, au soutien de la demande de dommages et intérêts rejetée en première instance ;
Attendu qu'il n'est pas permis à la Cour, saisie présentement d'un seul litige, et quels que soient les éléments qui lui sont fournis sur d'autres litiges, de déduire du tout que M. Y...
développerait une stratégie procédurale dolosive contre le groupement auquel il a appartenu ou appartient encore ;
Qu'autrement dit, la procédure qui se termine avec le présent arrêt, ne traduit pas une volonté de nuire ou une négligence coupable de la part de l'appelant, mais simplement la mise en oeuvre de prérogatives, certes formalistes mais établies par le législateur ; que ce droit d'agir est d'autant plus fondé que l'appelant triomphe finalement sur l'essentiel ;
Que les premiers juges, en ne donnant pas satisfaction à MERCADEAL, serait-ce pour un motif de preuve plutôt que de principe, ont appliqué la loi à bon escient ;
Attendu que si la demande est, comme le dispositif des conclusions le laisse penser, fondée plutôt sur l'abstention de M. Y... de jouer un rôle ou son rôle dans la S.A.R.L. à partir d'un certain moment, alors et autant que de besoin, la Cour relèvera que la participation de M. Y... à la gestion de la SARL MERCADEAL, ou au contraire son insuffisante participation, n'ont pas un lien de connexité suffisant avec la demande principale en annulation d'assemblées générales ;
Que la nullité d'assemblées met en oeuvre des règles formelles qui protègent tout associé, tandis que la responsabilité d'un mauvais gérant évoque des éléments concrets de la vie sociale et les relations au sein du groupe dirigeant ; - Accessoires
Attendu que, succombant sur l'essentiel du principal, l'intimée supportera la charge des dépens du présent appel et ceux de première instance par voie de réformation;
Qu'au titre des frais exposés devant les deux degrés de juridiction successivement et non compris dans les dépens, la partie condamnée aux dépens paiera à l'autre par application de l'article 700 NCPC la somme de mille (1000) euros ; PAR CES MOTIFS La Cour, statuant
publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, en dernier ressort, Confirme le premier jugement en ce qu'il a débouté la SARL MERCADEAL de sa demande de dommages et intérêts contre M. Y... et au besoin la déclare irrecevable faute de lien suffisant avec la demande principale ;
Infirme pour le surplus le jugement rendu le 17 juin 2003 par le Tribunal de commerce de Valenciennes et statuant à nouveau, déclare nulles et de nul effet les assemblées générales de la SARL MERCADEAL tenues les 12 décembre 2000 et 29 mars 2001 ; Déclare irrecevable la demande reconventionnelle de dommages et intérêts présentée par MERCADEAL contre M. Y... ; Déboute l'appelant de sa demande de nouvelle convocation et de communication préalable de documents ; Condamne l'intimée à payer les dépens de première instance et d'appel, outre la somme de mille (1000) euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Accorde aux avoués constitués le bénéfice de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIER
LE PRÉSIDENT
C. A...
T. Fossier