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20/10/2005 | FRANCE | N°JURITEXT000006947265

France | France, Cour d'appel de Douai, Ct0094, 20 octobre 2005, JURITEXT000006947265


COUR D'APPEL DE DOUAITROISIÈME CHAMBREARRÊT DU 20/10/2005*No RG :

03/03277Tribunal de Grande Instance de BÉTHUNEdu 01 Avril 2003REF :

EM/CCAPPELANTS Maître Pierre X... demeurant

... 06000 NICEreprésenté par la SCP MASUREL-THERY-LAURENT, avoués à la Cour assisté de Me DENIS substituant Me Bertrand MEIGNIE, avocat au barreau de DOUAILES MUTUELLES DU MANS ASSURANCESayant son siège social

10 Boulevard Alexandre Oyon72030 MANSreprésentée par la SCP MASUREL-THERY-LAURENT, avoués à la Courassistée de Me DENIS substituant Me Bertrand MEIGNIE, avocat au barrea

u de DOUAIINTIMÉSAPPELANT INCIDENT Monsieur Jean Claude Y... Z... né le 10 Mai 1950 à ...

COUR D'APPEL DE DOUAITROISIÈME CHAMBREARRÊT DU 20/10/2005*No RG :

03/03277Tribunal de Grande Instance de BÉTHUNEdu 01 Avril 2003REF :

EM/CCAPPELANTS Maître Pierre X... demeurant

... 06000 NICEreprésenté par la SCP MASUREL-THERY-LAURENT, avoués à la Cour assisté de Me DENIS substituant Me Bertrand MEIGNIE, avocat au barreau de DOUAILES MUTUELLES DU MANS ASSURANCESayant son siège social

10 Boulevard Alexandre Oyon72030 MANSreprésentée par la SCP MASUREL-THERY-LAURENT, avoués à la Courassistée de Me DENIS substituant Me Bertrand MEIGNIE, avocat au barreau de DOUAIINTIMÉSAPPELANT INCIDENT Monsieur Jean Claude Y... Z... né le 10 Mai 1950 à AMIENS (80000)demeurant ... représenté par la SCP COCHEME-KRAUT, avoués à la Courassisté de Me Robert LEPOUTRE, avocat au barreau de LILLE APPELANT INCIDENT Monsieur Jean-Louis A... né le 01 Février 1951 à DOUAI (59500) demeurant ... NICE représenté par la SCP COCHEME-KRAUT, avoués à la Courassisté de Me Robert LEPOUTRE, avocat au barreau de LILLE Maître Antoine B... demeurant

... LILLE représenté par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Courassisté de Me Jean Louis POISSONNIER, avocat au barreau de LILLECOMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉMadame MERFELD, Président de chambreMonsieur GAIDON, ConseillerMadame CONVAIN, Conseiller---------------------GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame GAMEZ DÉBATS à l'audience publique du 07 Septembre 2005, Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 20 Octobre 2005 (date indiquée à l'issue des débats) par Madame MERFELD, Président, et Madame GAMEZ, Greffier, auquel la minute de la

décision a été remise par le magistrat signataire.OBSERVATIONS ÉCRITES DU MINISTÈRE PUBLIC : visa du 13 juin 2005ORDONNANCE DE CLÈTURE DU : 19 mai 2005

Par actes des 27, 28 et 29 janvier 1999 Monsieur Jean-Claude C... et Monsieur Jean-Louis A... ont fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance de Béthune Maître Antoine B..., avocat au barreau de Lille, Maître Pierre X..., alors avocat au barreau de Nice et l'assureur de celui-ci la MUTUELLE DU MANS ASSURANCE aux fins de les voir condamner in solidum à leur verser la somme de 1.000.000 F. Ils exposaient :- que dans le courant de l'année 1993 les parties sont intervenues à titres divers à l'occasion de négociations pour la cession de la clinique du Belvédère et de la clinique Saint Antoine, toutes deux implantées à Nice, que pour des raisons de discrétion ces négociations ont été menées par le Docteur C... agissant en qualité de mandataire de Monsieur A..., chirurgien et de Monsieur GUILLUY, Président du Conseil d'Administration de la société GOODWILL RESEARCH,- que par actes des 23 janvier et 4 février 1993 une promesse synallagmatique de cession des actions de la clinique du Belvédère a été conclue entre la société PKF et Monsieur C..., que la clinique de CIMIEZ s'est substituée à Monsieur C... pour cette acquisition et a versé un dépôt de garantie de 2.000.000 F,- que par acte du 5 mai 1993 Monsieur C..., agissant comme mandataire de Messieurs A... et GUILLUY concluait avec la société PKF une promesse d'achat de la clinique Saint Antoine pour laquelle il versait à la société PKF un dépôt de garantie de 1.500.000 F,- que ces opérations ne se sont pas réalisées, que Monsieur C... réclamait donc à la société PKF le remboursement des sommes qu'il avait versées, soit 3.500.000 F au total,- que par acte du 6 septembre 1993 la société

PKF d'une part, Monsieur C... et la société GOODWILL RESEARCH d'autre part, ont signé un protocole d'accord transactionnel prévoyant que la société PKF verserait à Monsieur C... la somme de 3.500.000 F en remboursement des sommes réglées par lui et celle de 500.000 F à titre de dommages et intérêts, que Monsieur C... et la société GOODWILL RESEARCH acceptaient ces sommes à titre de règlement transactionnel et définitif, que l'article 4 du protocole stipulait :

La somme de 4.000.000 F sera remise à la signature du présent protocole transactionnel entre les mains de Maître Antoine B..., avocat au barreau de Lille, demeurant ... 59800 Lille, à titre de séquestre amiable pour être déposée sur son compte CARPA et demeurera entre ses mains jusqu'à la date du 1er octobre 1993, date à laquelle les cessions aux SA Cimiez et Clinique Saint Georges des actions et des parts dans les SA Sofimed, du Belvédère, de la Clinique Saint Antoine et la SCI Villa Marie auront été réalisées.

A la date du 1er octobre 1993 les fonds ainsi remis au séquestre seront automatiquement libérés sans qu'une demande à cet effet ne soit nécessaire et remis par le séquestre à Monsieur C... que la cession des actions ait ou non été réalisée à cette date,- que la société GOODWILL RESEARCH qui intervenait pour moitié dans l'opération aux côtés de Monsieur A... a demandé que la moitié de la somme de 2.000.000 F soit déposée sur le compte de son conseil, Maître X..., à la CARSAN de Nice,- que par lettre du 7 octobre 1993 Maître B... a adressé un chèque de 1.000.000 F à Maître X... en lui indiquant cette somme devra demeurer séquestrée sur votre compte CARSAN à hauteur de 900.000 F et ce dans l'attente d'une garantie bancaire à première demande à hauteur d'un million de francs souscrite en faveur de Monsieur Jean C... en garantie du

risque résultant de la procédure qui l'oppose à la clinique de Cimiez,- que par jugement du 11 avril 1995 confirmé par arrêt du 30 avril 1997 le Tribunal de Commerce de Boulogne-Sur-Mer a condamné Monsieur C... à restituer à la clinique de Cimiez le dépôt de garantie de 2.000.000 F avec intérêts au taux légal à compter du 28 juin 1993, que selon protocole d'accord du 22 janvier 1998 Monsieur A... s'est engagé à rembourser cette somme à Monsieur C...,- que Messieurs C... et A... se sont adressés à Maître X... pour obtenir le versement de la somme de 1.000.000 F séquestrée entre ses mains, que cependant il est apparu que Maître X... s'était dessaisi des fonds contre remise par la société GOODWILL RESEARCH d'une garantie à première demande souscrite le18 octobre 1993 par la Médical Trusty Bank, que cette société n'a pas garanti le remboursement, que la société GOODWILL RESEARCH a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif et que les fonds ont été définitivement perdus.

Par jugement du 1er avril 2003 le Tribunal de Grande Instance de BÉTHUNE a :- débouté Monsieur A... et Monsieur C... de leur action dirigée contre Maître B...,- déclaré Maître X... entièrement responsable du préjudice subi par Monsieur A... et Monsieur C...,- condamné in solidum Maître X... et la société MMA à payer à Monsieur A... et à Monsieur C... la somme de 152.449,02 ç avec intérêts au taux légal à compter du jugement ainsi que 300 ç en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Les premiers juges ont considéré que Maître X..., en s'adressant à la Médical Trusty Bank et en assurant son confrère Maître B... qu'il avait obtenu la garantie exigée dans la constitution de séquestre conclue entre eux et matérialisée par l'envoi du chèque de 1.000.000 F et la lettre de Maître B... du 7 octobre 1993 a commis un grave

manquement à son obligation générale de diligence et plus spécialement à son obligation de choisir des garanties sérieuses et solvables et d'assurer, en tant que séquestre, la représentation des fonds confiés à ces deux avocats par leurs clients, qu'il a en outre commis une faute en distribuant les fonds qu'il détenait alors qu'il devait au préalable s'assurer que la Médical Trusty Bank était une banque sérieuse et fiable et qu'elle garantissait effectivement la représentation de la totalité de la somme séquestrée.

En revanche le Tribunal a dit que le comportement de Maître B... ne constituait pas une négligence caractérisée, qu'il n'y avait pas de lien de causalité direct entre ce comportement et le préjudice des demandeurs et que Maître B... n'avait pas engagé sa responsabilité, en relevant notamment que les rapports entre avocats ne peuvent être fondés que sur le minimum de confiance que les professionnels doivent avoir les uns dans les autres, faute de quoi ils seraient systématiquement obligés de vérifier, comme s'il s'agissait d'une mission confiée à eux-mêmes, tous les actes et faits relevant de la mission confiée à leurs confrères.

Maître X... et la société MMA ont interjeté appel de ce jugement le 30 mai 2003. Monsieur C... et Monsieur A... ont relevé appel incident.

Maître X... et la société MMA demandent à la Cour d'infirmer le jugement, de dire que Maître X... n'a commis aucune faute ni manquement de quelque nature que ce soit en relation avec le préjudice allégué par les consorts C... et A..., de les débouter ainsi que Maître B... de toutes leurs demandes et de les condamner à leur verser la somme de 2.286,74 ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Maître X... fait valoir :- que le Tribunal a déformé les termes de l'accord passé par les avocats, que les parties par l'intermédiaire

de leurs avocats avaient accepté de substituer au séquestre de la somme de 900.000 F sur son compte CARSAN une garantie bancaire à hauteur de 1.000.000 F qui devait être fournie par sa cliente, la société Goodwill Research,- que contrairement à ce qu'à considéré le Tribunal il ne lui appartenait pas d'obtenir lui même pour le compte de son confrère une garantie bancaire, que la seule obligation qu'il avait était de transmettre à Maître B... la garantie bancaire qui devait être recherchée par la société Goodwill Research,- qu'il a donc eu un rôle extrêmement limité et n'a jamais assuré à son confrère Maître B... qu'il avait obtenu la garantie exigée,- qu'il n'a pas garanti personnellement la signature de l'établissement financier qui s'était engagé à titre de caution bancaire et que le travail de vérification dont le Tribunal fait état dans son jugement ne lui incombait pas puisqu'il n'était pas l'avocat du client bénéficiaire de la garantie bancaire,- que la seule cause du non respect par la Médical Trusty Bank de ses obligations contractuelles était le défaut d'agrément de la banque centrale d'Irlande qui n'avait pas autorisé cette société à exercer des activités bancaires, que dès lors la discussion relative à la conservation de la somme de 150.000 F sur le compte CARSAN est totalement inopérante, d'autant plus que dès le 4 novembre 1993 la société Médical Trusty Bank a bien confirmé à la société Goodwill Research que la garantie prenait effet à compter de cette date, en accusant réception des fonds,- qu'il n'avait aucune raison objective de soupçonner une quelconque inefficacité de la garantie de la société Médical Trusty Bank, établissement financier situé dans un état de la communauté européenne.

Monsieur C... et Monsieur A... ont sollicité la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de Maître X... et l'a condamné avec son assureur au paiement de la somme

de 152.449,02 ç. Par voie d'appel incident ils demandent également la condamnation de Maître B... au paiement de cette somme avec intérêts à compter du 23 janvier 1998 ainsi que des dommages et intérêts supplémentaires à hauteur de 15.000 ç et la somme de 4.500 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

A l'appui de leur appel incident du chef de la responsabilité de Maître B... ils font valoir que cet avocat a commis une faute en acceptant de se départir du dépôt de garantie au profit du conseil de la société Goodwill Research, qu'il a ainsi manqué à son obligation de séquestre et à son obligation de conseil.

Maître B... sollicite la confirmation du jugement et la condamnation de Maître X... et de la MMA à lui payer la somme de3.000 ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Subsidiairement il demande à être garanti de toutes condamnations par Maître X... et son assureur.

Il soutient :- qu'après le 6 septembre 1993, date de signature de la transaction, un désaccord sur la répartition de la somme de 4.000.000 F est apparu, que le 30 septembre 1993 la société Goodwill Research ayant pour avocat Maître X... a fait opposition sur la somme de 4.000.000 F par lui séquestrée, qu'il a diligenté une procédure de référé pour obtenir main-levée de cette opposition, que par lettre du 6 octobre 1993 adressée à la CARPA de Lille Maître X... a donné main-levée de cette opposition, suite à l'accord trouvé,- que l'avocat n'est tenu qu'à une obligation de moyen, de prudence normale, qu'il ne pouvait imaginer que Maître X... ne respecterait pas les consignes qu'il lui avait données et qu'il débloquerait les fonds sans conserver une somme suffisante pour permettre la mise en jeu de la garantie à première demande,- que lui même n'avait pas l'obligation de s'assurer du bon encaissement par le garant de la

somme de 150.000 F, que cette vérification incombait à Maître X...,- que la lettre du 4 novembre 1993 n'a jamais existé et qu'en tout cas elle ne lui a jamais été adressée en son temps.

Par arrêt du 2 décembre 2004, la Cour a enjoint à Monsieur A... et à Monsieur C... de chiffrer distinctement leur préjudice et a invité les parties à s'expliquer sur l'emploi des fonds en principal et intérêts séquestrés sur le compte CARPA de Maître B... en exécution de la convention du 6 septembre 1993, sur le montant des sommes versées par Monsieur A... et éventuellement par la société GOODWILL RESEARCH au titre des dépôts de garantie réglés pour les promesses de vente des deux cliniques, sur les sommes dont Monsieur A... a obtenu le remboursement et sur celles lui restant dues, sur les sommes éventuellement réglées à titre personnel par Monsieur C... et sur celles lui restant dues et sur le protocole d'accord conclu par Messieurs A..., C..., D... et la société GOODWILL RESEARCH le 16 août 1993.

Vu les conclusions de Maître B... du 12 janvier 2005,

Vu les conclusions de Monsieur C... et de Monsieur A... du 9 mars 2005 par lesquelles Monsieur A... chiffre son préjudice à 152.449,02 ç en principal avec intérêts à compter du 23 janvier 1998 et à 15.000 ç à titre de dommages-intérêts complémentaires et Monsieur C... chiffre son préjudice à 19.258 ç.

Vu les conclusions de Maître X... du 10 mars 2005.

Vu la communication du dossier au Ministère Public qui y a apposé son visa.SUR CE

Attendu que le 6 septembre 1993, la société P.K.F. d'une part, Monsieur C... et la société GOODWILL RESEARCH d'autre part, ont signé un protocole d'accord transactionnel prévoyant que la société P.K.F. verserait à Monsieur C... la somme de 3.500.000 Frs en remboursement des sommes réglées par lui à titre de dépôt de

garantie pour l'acquisition de la clinique du Belvédère et de la clinique Saint-Antoine et celle de 500.000 francs à titre de dommages-intérêts ; que l'article 4 du protocole stipule que la somme de 4.000.000 Frs sera remise entre les mains de Maître Antoine B..., avocat au barreau de LILLE, à titre de séquestre amiable, pour être déposée sur son compte CARPA et demeurera entre ses mains jusqu'au 1er octobre 1993, date à laquelle elle sera remise par lui à Monsieur C... ;

Attendu que se prévalant d'un protocole d'accord signé le 16 août 1993, la société GOODWILL RESEARCH a fait opposition, par acte d'huissier du 30 septembre 1993, sur la somme de 4.000.000 Frs entre les mains de Maître B... et de la CARPA de LILLE ;

Attendu que le 7 octobre 1993, Maître B... s'est dessaisi de la somme d'un million de francs entre les mains de son confrère, Maître X..., conseil de la société GOODWILL RESEARCH en lui demandant de séquestrer cette somme sur son compte CARSAN à hauteur de 900.000 Frs dans l'attente d'une garantie bancaire à première demande pour un million de francs souscrite en faveur de Monsieur C... en garantie du risque résultant de la procédure qui l'opposait à la clinique de Cimiez ;

Que le 21 octobre 1993 Maître X... a réparti la somme de 850.000 Frs entre la société GOODWILL RESEARCH, Monsieur D... et Monsieur E... et a versé 150.000 Frs sur le compte de la S.C.P. X...-SIVAN ;

Que la garantie à première demande accordée le 18 octobre 1993 par la Medical Trusty Bank à la société GOODWILL RESEARCH n'a pas fonctionné ; que la Medical Trusty Bank, société irlandaise, n'était pas autorisée par la Banque Centrale d'Irlande, à réaliser des opérations de banque et a été dissoute le 17 juin 1994 ; que la société GOODWILL RESEARCH a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire le

21 avril 1995 convertie en liquidation judiciaire le 2 juin 1995 puis clôturée pour insuffisance d'actif le 27 septembre 2002 ; que les fonds versés par Maître B... à Maître X... n'ont pas pu être récupérés ;

1o) Sur la faute

a)de Maître X...

Attendu que le tribunal a jugé que Maître X... en s'adressant à la Medical Trusty Bank et en assurant son confrère, Maître B... qu'il avait obtenu la garantie exigée dans la constitution de séquestre conclue entre eux et matérialisée par l'envoi du chèque de 1.000.000 Frs et la lettre de Maître B... du 7 octobre 1993 a commis un manquement à son obligation générale de diligence et plus spécialement à son obligation de choisir des garanties sérieuses et solvables et d'assurer, en tant que séquestre, la représentation des fonds confiés à ces deux avocats par leurs clients ; que les premiers juges ont ajouté que Maître X... a commis une faute en distribuant les fonds qu'il détenait alors qu'il devait au préalable s'assurer que la Medical Trusty Bank était une banque sérieuse et fiable et qu'elle garantissait effectivement la représentation de la totalité de la somme séquestrée ;

Attendu qu'à l'appui de son recours, Maître X... soutient que son rôle s'est limité à transmettre à Maître B... la garantie bancaire qui devait être recherchée par la société GOODWILL RESEARCH et qu'il n'a jamais assuré à son confrère qu'il avait obtenu la garantie exigée ;

Que ce raisonnement ne peut être admis ; que l'accord entre Maître B... et Maître X... a été conclu dans le cadre de la procédure de référé que Maître B... avait engagée pour obtenir la main-levée de

l'opposition de la société GOODWILL RESEARCH ; que la lettre de Maître B... du 7 octobre 1993 matérialisant cet accord est ainsi rédigée :

"Conformément à nos accords, je vous prie de bien vouloir trouver ci-joint chèque d'un montant de 1.000.000 F.

Cette somme devra demeurer séquestrée sur votre compte CARSAN à hauteur de 900.000. F. et ce, dans l'attente d'une garantie bancaire à première demande à hauteur d'un million de francs souscrite en faveur de Monsieur Jean C... en garantie du risque résultant de la procédure qui l'oppose à la clinique de Cimiez"

Attendu qu'en acceptant le chèque de 1.000.000 Frs, Maître X... acceptait en contrepartie le rôle de séquestre qui lui était conféré avec les obligations que cette mission comporte et notamment celle de prendre toute mesure utile pour s'assurer de l'efficacité de la garantie bancaire à première demande qui était exigée pour permettre le dessaisissement des fonds ;

Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu la faute de Maître X... sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;

b) de Maître B...

Attendu que tout en retenant que Maître B... aurait pu procéder à des vérifications complémentaires et que son comportement révèle "un certain manque de curiosité" le tribunal a toutefois jugé qu'il n'avait commis aucune faute car les rapports entre avocats ne peuvent être fondés que sur le minimum de confiance que les professionnels doivent avoir les uns envers les autres, faute de quoi ils seraient systématiquement obligés de vérifier, comme s'il s'agissait d'une mission confiée à eux-mêmes, tous les actes et faits relevant de la mission confiée à leurs confrères ;

Mais attendu que Maître B... a reçu les fonds en qualité de

séquestre et devait les restituer à Monsieur C... ;

Qu'en application de l'article 1960 du code civil le dépositaire chargé du séquestre ne peut être déchargé avant la contestation terminée que du consentement de toutes les parties intéressées ou pour une cause jugée légitime ;

Que Maître B... ne justifie pas de l'accord de Monsieur C... pour le dessaisissement de la somme de 1.000.000 Frs au profit de Maître X... ou de la société GOODWILL RESEARCH ; qu'à supposer qu'un tel accord ait pu être donné il appartenait alors à Maître B... de s'assurer personnellement de l'efficacité de la garantie bancaire à première demande sans pouvoir se contenter de faire confiance à son confrère ;

Que l'opposition pratiquée par la société GOODWILL RESEARCH ne peut constituer une cause légitime de dessaisissement des fonds dès lors que cette société agissait en vertu d'un protocole d'accord du 16 août 1993 antérieur à celui du 6 septembre 1993 par lequel elle avait accepté que la somme de 4.000.000 Frs soit séquestrée entre les mains de Maître B... jusqu'au 1er octobre 1993 puis versée à Monsieur C... ; que toute difficulté sur ce point devait être tranchée par le juge ;

Attendu qu'il convient d'infirmer le jugement et de retenir également la faute de Maître B... ;

2o) Sur le préjudice

a) de Monsieur A...

Attendu que Monsieur A... a versé le dépôt de garantie de 1.500.000 Frs pour l'acquisition de la clinique Saint-Antoine et en vertu d'un protocole d'accord du 22 janvier 1998 a remboursé à Monsieur C... la somme de 2.000.000 Frs qu'il a été condamné à

restituer à la clinique de Cimiez au titre du dépôt de garantie versé pour l'acquisition de la clinique du Belvédère ;

Attendu que la société P.K.B. qui avait encaissé ces deux dépôts de garantie, a restitué la somme de 3.500.000 Frs le 6 septembre 1993 et a versé une indemnité de 500.000 Frs à titre de réparation forfaitaire définitive de tout préjudice dont Monsieur C... et la société GOODWILL RESEARCH personnellement ou es qualités auraient pu souffrir ;

Attendu que sur les 4.000.000 Frs versés à la CARPA de LILLE, Monsieur A... a obtenu :- le 6 octobre 1993 : 1.000.000 Frs + 1.000.000 Frs (soit 754.601 Frs + 245.399 Frs versés à Maître B... à titre d'honoraires),- le 9 juin 1994 : 1.000.000 Frs- le 27 juin 1994 :

25.150,71 Frs à titre d'intérêts ;

Attendu que si Maître B... et Maître X... n'avaient pas commis de faute, Monsieur C... aurait pu obtenir la restitution de la somme de 1.000.000 Frs qui a été remise à Maître X... ;

Que par arrêt du 2 décembre 2004, la Cour a invité les parties à conclure sur le montant des sommes versées par Monsieur A... et éventuellement la société GOODWILL RESEARCH au titre des dépôts de garantie ; que Monsieur C... a indiqué, sans être contredit par Maître X... qui était le conseil de la société GOODWILL RESEARCH que le chèque de 1.000.000 Frs que cette société avait remis n'a pas été encaissé et qu'il a été remplacé par une traite à échéance du 31 décembre 1993 qui n'a pas été honorée de sorte que la société GOODWILL RESEARCH n'a pas participé au financement des dépôts de garantie et n'a donc subi aucun préjudice pouvant lui permettre de se faire attribuer partie de l'indemnité de 500.000 Frs versée par la société P.K.B. ;

Qu'en l'absence de faute des deux avocats la somme de 1.000.000 Frs soit 152.449,02 ç serait donc revenue en intégralité à Monsieur

A... ;

Attendu qu'en conséquence, Maître B..., Maître X... et la société Mutuelles du Mans Assurances seront condamnés in solidum à verser cette somme de 152.449,02 ç à Monsieur A... avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2003, date du jugement ; que Monsieur A... qui a perçu la somme de 25.150,71 Frs à titre d'intérêts le 27 juin 1994 et se voit allouer l'intégralité de l'indemnité de 500.000 Frs versée par la société P.K.B. ne justifie d'aucun préjudice à l'appui de sa demande de dommages-intérêts ou d'intérêts compensatoires à compter du 23 janvier 1998 qui sera rejetée ;

B) de Monsieur C...

Attendu que Monsieur C... demande à titre de dommages-intérêts la somme de 19.258 ç correspondant à une remise de dette qu'il a consentie à Monsieur A... et qui trouverait selon lui son origine dans la faute commise par les avocats ;

Que cependant Monsieur C... ne précise pas à quelle dette se rapporte la remise ainsi consentie et ne fournit aucun élément de preuve permettant à la Cour de vérifier le lien de causalité entre le préjudice invoqué et la faute retenue à l'égard des avocats ; qu'il sera débouté de sa demande ;

3o) Sur l'appel en garantie de Maître B... à l'égard de Maître X... et son assureur

Attendu que les circonstances de la cause sus relatées conduisent à faire supporter à Maître X... et à son assureur la charge finale de la réparation du préjudice de Monsieur A... ; qu'il convient de faire droit à l'appel en garantie formé par Maître B... ;* * *

Attendu que Maître B..., Maître X... et la société Les Mutuelles du Mans Assurances seront condamnés in solidum à verser à Monsieur A... la somme de 2.500 ç au titre de l'article 700 du nouveau

code de procédure civile pour des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Attendu qu'il serait inéquitable de prononcer d'autres condamnations au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;PAR CES MOTIFSLa Cour, statuant en audience publique et contradictoirement,Confirme le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de Maître X... dans le préjudice subi par Monsieur A...,L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau,Déclare Maître B... responsable in solidum avec Maître X... du préjudice subi par Monsieur A...,Condamne in solidum Maître B..., Maître X... et la société Les Mutuelles du Mans Assurances à verser à Monsieur A... la somme de 152.449,02 ç à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 1ER avril 2003,Déboute Monsieur A... de sa demande de dommages-intérêts pour le surplus,Déboute Monsieur C... de sa demande de dommages-intérêts,Condamne in solidum Maître X... et la société Les Mutuelles du Mans Assurances à garantir Maître B... des condamnations prononcées à son encontre en principal, intérêts, frais et indemnité procédurale,Condamne in solidum Maître B..., Maître X... et la société Les Mutuelles du Mans Assurances aux dépens de première instance et d'appel avec, pour ces derniers, droit de recouvrement direct au profit de la S.C.P. COCHEME KRAUT, avoués,Condamne in solidum Maître X... et la société Les Mutuelles du Mans Assurances à garantir Maître B... de ces condamnations aux dépens avec, pour les dépens d'appel, droit de recouvrement direct au profit de la S.C.P. DELEFORGE-FRANCHI, avoués,Condamne in solidum Maître B..., Maître X... et la société Les Mutuelles du Mans Assurances à verser à Monsieur A... la somme de 2.500 ç en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,Rejette les demandes au titre de l'article 700 du nouveau code

de procédure civile pour le surplus.Le Greffier,

Le Président,

V. F...

E. MERFELD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Ct0094
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006947265
Date de la décision : 20/10/2005

Analyses

AVOCAT - Responsabilité - Faute - Négligence.

L'avocat a l'obligation de choisir des garanties sérieuses et solvables et d'assurer, en tant que séquestre, la représentation des fonds confiés par ses clients. Il commet une faute en distribuant les fonds qu'il détenait alors qu'il devait au préalable s'assurer de la fiabilité de la banque, qui devait pouvoir ga rantir effectivement la représentation de la totalité de la somme séquestrée

AVOCAT - Responsabilité - Faute - Négligence.

En application de l'article 1960 du code civil le dépositaire chargé du séque stre ne peut être déchargé avant la contestation terminée que du consentem ent de toutes les parties intéressées ou pour une cause jugée légitime.A supposer qu'un accord ait pu être donné, il appartient à l'avocat de s'assurer personnellement de l'efficacité de la garantie bancaire à première demande sans pouvoir se contenter de faire confiance à un confrère


Références :

Articles 1382, 1960 du code civil

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : M. MERFELD

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2005-10-20;juritext000006947265 ?
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