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29/07/2005 | FRANCE | N°05/03987

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 1, 29 juillet 2005, 05/03987


COUR D'APPEL DE DOUAI CHAMBRE 2 SECTION 1 ARRÊT DU 29/07/2005 Au cours de l'année 1995, la Communauté Urbaine de la Métropole de LILLE a souhaité étendre son réseau de tramways, dont l'exploitation est assurée par la société TRANSPOLE ; dans le cadre de ce projet, elle a commandé 60 rames de type "VAL 208" à la société MATRA TRANSPORT devenue MATRA TRANSPORT INTERNATIONAL et aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société SIEMENS AG ; Afin d'honorer cette commande, la société MATRA TRANSPORT a eu recours à plusieurs sous-traitants parmi lesquels les sociétés VEVEY et F

CB, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la COMPAGNIE DE FIV...

COUR D'APPEL DE DOUAI CHAMBRE 2 SECTION 1 ARRÊT DU 29/07/2005 Au cours de l'année 1995, la Communauté Urbaine de la Métropole de LILLE a souhaité étendre son réseau de tramways, dont l'exploitation est assurée par la société TRANSPOLE ; dans le cadre de ce projet, elle a commandé 60 rames de type "VAL 208" à la société MATRA TRANSPORT devenue MATRA TRANSPORT INTERNATIONAL et aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société SIEMENS AG ; Afin d'honorer cette commande, la société MATRA TRANSPORT a eu recours à plusieurs sous-traitants parmi lesquels les sociétés VEVEY et FCB, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la COMPAGNIE DE FIVES LILLE ; Le 14 décembre 1998, la société SIEMENS AG a signé avec chacune des sociétés VEVEY et FCB une convention de sous-traitance ayant pour objet de définir leur champ d'intervention et comportant une clause compromissoire ; Les 60 rames de tramway ont fini d'être livrées à la Communauté Urbaine de la Métropole de LILLE le 6 décembre 2000 ; Courant 2003, la société TRANSPOLE a découvert des marques de corrosion sur certains véhicules et en a informé la société SIEMENS AG qui a elle-même alerté, par courrier du 8 octobre 2003, la société FCB ; la société SIEMENS AG a fait appel à Monsieur Bruno Z... qui, après avoir examiné deux rames, a établi une note technique communiquée à FCB le 26 avril 2004, le Commandant Alfred SMITH ayant été désigné par elle pour y répondre ; En 2005, les parties se sont rapprochés pour tenter d'aboutir à un règlement amiable de leur différend ; le 31 mars 2005 elles se sont réunies dans les entrepôts de la société TRANSPOLE à VILLENEUVE D'ASCQ avec leurs conseillers techniques personnels afin de procéder séparément à un examen de la corrosion affectant trois véhicules ; elles ont ultérieurement envisagé de recourir à une médiation technique ;
Par exploit du 25 avril 2005, la COMPAGNIE DE FIVES LILLE a fait assigner en référé la société SIEMENS AG et la société TRANSPOLE devant le Président du Tribunal de Commerce de ROUBAIX-TOURCOING aux fins de voir nommer, sur le fondement de l'article 145 du Nouveau Code de Procédure Civile, un expert chargé d'apprécier notamment l'étendue et les causes de la corrosion et de donner son avis sur les procédures de réparation et leur coût éventuel ; Le 9 mai 2005, la société SIEMENS AG a déposé une demande d'arbitrage auprès du secrétariat de la CCI ;
Par ordonnance du 17 juin 2005, le Président du Tribunal de Commerce de ROUBAIX-TOURCOING a dit n'y avoir lieu à référé, renvoyé les parties à se pourvoir devant les juges du fond et réservé les dépens ; Appel de cette décision a été relevé par la COMPAGNIE DE FIVES LILLE le 29 juin 2005 ;
Par ordonnance du 29 juin 2005, le Premier Président de la Cour de céans a autorisé la COMPAGNIE DE FIVES LILLE à assigner à jour fixe la société SIEMENS AG et la société TRANSPOLE pour l'audience du 25 juillet 2005 ;
PRETENTIONS DES PARTIES : La COMPAGNIE DE FIVES LILLE, par ses dernières conclusions signifiées le 25 juillet 2005, demande à la Cour, sur le fondement de l'article 145 du Nouveau Code de Procédure Civile, de désigner un expert chargé d'effectuer toutes investigations utiles à l'appréciation de l'étendue et la cause de la corrosion éventuellement constatée et de donner son avis sur les solutions et procédures de réparation des rames ainsi que sur leur coût éventuel ; elle sollicite la condamnation de la société SIEMENS AG à lui payer la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens ; Elle fait notamment valoir que la nomination d'un expert est fondamentale en l'espèce, s'agissant d'un litige technique complexe afin d'éclairer le Tribunal arbitral qui, une fois constitué, aura à déterminer les causes et les responsabilités de la corrosion alléguée ; elle ajoute que seule cette expertise judiciaire sera opposable à la société TRANSPOLE qui n'est pas partie à la convention contenant la clause compromissoire ; elle insiste sur le risque réel de disparition des éléments de preuve compte tenu de la campagne de réparation engagée ; elle rappelle que l'existence d'une clause compromissoire ne fait pas obstacle à l'application de l'article 145 du Nouveau Code de Procédure Civile qui n'est soumise à aucune condition d'urgence et souligne que le Tribunal arbitral n'est pas encore constitué ; elle soutient que la société SIEMENS AG ne peut se prévaloir de la clause de conciliation figurant dans la convention de sous-traitance puisqu'elle y a elle-même renoncé en déposant sa demande d'arbitrage ; La société SIEMENS AG, par ses dernières écritures signifiées le 22 juillet 2005, demande à la Cour de constater l'incompétence du jugé étatique des référés, l'irrecevabilité de la demande formée par la COMPAGNIE DE FIVES LILLE ou, subsidiairement, de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle l'en a déboutée, l'appelante étant condamnée à lui verser la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens ; Elle soutient principalement que les parties sont liées par une clause compromissoire et que, le tribunal arbitral ayant été saisi, les tribunaux étatiques sont incompétents ; elle expose que le contrat de sous-traitance prévoit un préliminaire de conciliation et que sa méconnaissance constitue une fin de non recevoir dont le défendeur peut se prévaloir en tout état de cause ; elle souligne que la COMPAGNIE DE FIVES LILLE n'a pas tenté de rechercher un accord amiable avant toute action judiciaire ou, pour le moins, n'a pas notifié par écrit à la concluante qu'elle mettait fin à la procédure de conciliation comme l'article 18 du contrat de sous-traitance le lui imposait et qu'ainsi sa demande doit être déclarée irrecevable ; elle fait enfin valoir que la COMPAGNIE DE FIVES LILLE ne justifie pas d'un motif légitime au soutien de sa demande comme l'exige l'article 145 du Nouveau Code de Procédure Civile, la cause du sinistre étant établie depuis deux ans et seules restant à déterminer les responsabilités des parties, tâche que ne peut revenir qu'au juge du fond, en l'espèce le tribunal arbitral, et non à un expert ; elle précise enfin qu'un dépérissement des preuves n'est pas à craindre, la procédure de réparation ne devant débuter qu'en novembre prochain et s'étendre sur une longue période durant laquelle le tribunal arbitral aura le temps de rendre sa décision ; Bien que citée par acte délivré à personne habilitée le 4 juillet 2005, la société TRANSPOLE n'a pas constitué avoué ; il convient de statuer par arrêt réputé contradictoire en application des dispositions de l'article 474 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
CECI EXPOSE, LA COUR, Qui se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, à la décision déférée et à leurs écritures ;
SUR L'EXCEPTION D'INCOMPETENCE :
Attendu que la société SIEMENS AG fait valoir que les deux parties sont liées par une convention d'arbitrage figurant à l'article 18 du contrat de sous-traitance et que, le tribunal arbitral étant saisi, les tribunaux étatiques sont manifestement incompétents en application de l'article 1458 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Mais attendu que l'existence d'une convention d'arbitrage ne fait pas obstacle au pouvoir reconnu au juge des référés par l'article 145 du Nouveau Code de Procédure Civile, la prescription d'une mesure d'instruction in futurum ne préjugeant en rien de la solution que pourra donner ultérieurement la juridiction arbitrale, saisie du fond du litige ; Que la saisine des arbitres consiste dans le fait de soumettre le litige à un tribunal arbitral ; qu'elle suppose que le tribunal arbitral est constitué ce qui implique que les arbitres pressentis ont accepté la mission qui leur est confiée ; Que tel n'est pas le cas en l'espèce, l'arbitre désigné par la société SIEMENS AG, contesté par la COMPAGNIE DE FIVES LILLE, n'ayant pas été confirmé par la CCI; Qu'enfin le fait pour les parties de se soumettre au règlement d'arbitrage de la CCI n'emporte pas renonciation aux mesures d'administration de la preuve ordonnées en référé sur le fondement de l'article 145 du Nouveau Code de Procédure Civile, l'expertise, qui tend à sauvegarder le droit à la preuve contre un risque de dépérissement, ne s'imposant pas au juge étatique ou arbitral et devant être assimilée à une mesure de caractère provisoire dont la demande à l'autorité judiciaire est expressément autorisée par l'article 23-2 du règlement d'arbitrage de la CCI ; Qu'il convient en conséquence de rejeter l'exception d'incompétence ; SUR LA FIN DE NON RECEVOIR :
Attendu que la clause d'un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire préalable à la saisine du juge constitue une fin de non recevoir qui s'impose au juge si une partie l'invoque ;
Attendu que la société SIEMENS AG fait valoir qu'en application de l'article 18 du contrat de sous-traitance les parties étaient tenues de procéder à une tentative de conciliation qui était effectivement en cours et que FCB aurait dû, avant de saisir le juge des référés, notifier à l'intimée l'échec de la négociation ;
Mais attendu qu'il n'est pas nécessaire de constater l'impossibilité de se concilier avant de saisir le juge de la demande d'une mesure d'instruction in futurum sur le fondement de l'article 145 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Qu'au surplus, la société SIEMENS AG, qui a déposé une demande d'arbitrage devant le secrétariat de la CCI le 9 mai 2005 a de fait elle aussi renoncé à se prévaloir de la clause de conciliation ; Qu'il convient en conséquence de rejeter la fin de non recevoir présentée par la société SIEMENS AG ;
SUR L'EXISTENCE D'UN MOTIF LEGITIME :
Attendu que le demandeur à la mesure d'instruction fondée sur l'article 145 du Nouveau Code de Procédure Civile doit rapporter la preuve d'un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige ; que la finalité de cette procédure est de faciliter l'administration de la preuve ; qu'elle n'est pas applicable si le demandeur possède déjà des éléments suffisants ou s'il n'existe aucun risque de dépérissement des preuves ; que le recours à une mesure d'instruction préventive n'est pas admissible s'il conduit à aborder le fond du litige déjà né, l'objet de la mesure étant alors en fait d'appréhender la portée juridique de certains éléments de fait par exemple par la recherche d'un lien de causalité et un établissement des responsabilités ; qu'enfin les dispositions de l'article 145 du Nouveau Code de Procédure Civile sont inapplicables lorsqu'il est avéré que le stade du simple différend est dépassé ;
Attendu en l'espèce que l'existence de points de corrosion est connue de l'appelante depuis 2003 ; que des investigations poussées ont déjà été menées, des constatations établies, deux notes techniques rédigées par des spécialistes, échangées et commentées de part et d'autre ; que les parties se sont réunies à plusieurs reprises dont une fois sur le site de l'exploitant ; qu'une médiation technique a sérieusement été envisagée voire engagée avant d'échouer ; qu'ainsi le stade de l'établissement des preuves apparaît dépassé, les investigations demandées portant davantage sur la détermination des causes et des responsabilités ; que, compte tenu de la continuité du service public de transport, les réparations ne seront effectuées que successivement sur les véhicules durant une longue période au cours de laquelle les arbitres auront la faculté d'effectuer ou d'ordonner toute investigation complémentaire, le risque de dépérissement des preuves étant ainsi écarté ; qu'enfin la COMPAGNIE DE FIVES LILLE ne peut sérieusement soutenir que l'expertise judiciaire est le seul moyen de faire entrer la société TRANSPOLE dans la cause alors qu'elle n'a pas jugé utile de faire assigner la société BOMBARDIER venant aux droits de la société VIVEY, ni le propriétaire des véhicules ; Qu'il convient, au vu de ces éléments, de considérer que la COMPAGNIE DE FIVES LILLE ne justifie pas d'un motif légitime à l'appui de sa demande et de confirmer en conséquence l'ordonnance déférée qui l'en a déboutée ; sa demande et de confirmer en conséquence l'ordonnance déférée qui l'en a déboutée ; Attendu que la COMPAGNIE DE FIVES LILLE, succombant supportera la charge des dépens engagés tant en première instance qu'en cause d'appel ;
Attendu que, la COMPAGNIE DE FIVES LILLE succombant, il serait inéquitable de laisser à la charge de son adversaire les frais irrépétibles supportés par elle ; que la Cour condamnera la COMPAGNIE DE FIVES LILLE à payer la somme de 3 000 euros à la société SIEMENS AG au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
PAR CES MOTIFS, La Cour, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire mis à la disposition au greffe, en dernier ressort, Rejette l'exception d'incompétence et la fin de non recevoir ;
Confirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a débouté la COMPAGNIE DE FIVES LILLE de sa demande d'expertise fondée sur l'article 145 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Condamne la COMPAGNIE DE FIVES LILLE à payer à la société SIEMENS AG la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Condamne la COMPAGNIE DE FIVES LILLE aux dépens engagés tant en première instance qu'en cause d'appel et dit qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER
LE PRÉSIDENT
C. BERQUET
J.C. MONIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 1
Numéro d'arrêt : 05/03987
Date de la décision : 29/07/2005

Analyses

REFERE - Applications diverses - Arbitrage - Mesures d'instruction.

L'existence d'une convention d'arbitrage ne fait pas obstacle au pouvoir reconnu au juge des référés par l'article 145 du nouveau Code de procédure civile, la prescription d'une mesure d'instruction in futurum ne préjugeant en rien de la solution que pourra donner ultérieurement la juridiction arbitrale saisie du fond du litige. En outre, le fait pour les parties de se soumettre au règlement d'arbitrage n'emporte pas renonciation aux mesures d'administration de la preuve ordonnées en référé sur le fondement de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile, l'expertise, qui tend à sauvegarder le droit à la preuve contre un risque de dépérissement, ne s'imposant pas au juge étatique ou arbitral et devant être assimilée à une mesure de caractère provisoire dont la demande à l'autorité judiciaire est expressément autorisée par l'article 23-2 du règlement d'arbitrage

MESURES D'INSTRUCTION - Sauvegarde de la preuve avant tout procès - Motif légitime.

Le demandeur à la mesure d'instruction fondée sur l'article 145 du nouveau Code de procédure civile doit rapporter la preuve d'un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige. La finalité de cette procédure est de faciliter l'administration de la preuve. Elle n'est pas applicable si le demandeur possède déjà des éléments suffisants ou s'il n'existe aucun risque de dépérissement des preuves. Le recours à une mesure d'instruction préventive n'est pas admissible s'il conduit à aborder le fond du litige déjà né, l'objet de la mesure étant alors en fait d'appréhender la portée juridique de certains éléments de fait. Enfin, les dispositions de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile sont inapplicables lorsqu'il est avéré que le stade du simple différend est dépassé


Références :

Code de procédure civile (Nouveau), article 145

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2005-07-29;05.03987 ?
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