S.M. A. MMA IARD
C/
[N] [O]
S.A.R.L. CHALON LAVAGE
CPAM DE SAONE ET LOIRE
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE DIJON
1ère chambre civile
ARRÊT DU 03 SEPTEMBRE 2024
N° RG 21/00883 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FXQ2
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : au fond du 13 avril 2021,
rendue par le tribunal judiciaire de Chalon sur Saône - RG : 19/0681
APPELANTE :
S.M.A. MMA IARD prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis :
[Adresse 3]
[Localité 8]
représentée par Me Myriam KORT CHERIF, membre de la SELARL BLKS & CUINAT AVOCATS ET ASSOCIES, avocat au barreau de MACON
INTIMÉES :
Madame [N] [O]
née le [Date naissance 5] 1983 à [Localité 10] (Etats Unis)
domiciliée :
[Adresse 1]
[Localité 9]
représentée par Me Lucie BOURG, membre de la SELARL MATHIEU & BOURG, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE
S.A.R.L. PRO LAVAGE venant aux droits de la SARL CHALON LAVAGE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège :
[Adresse 6]
[Localité 4]
assistée de Me Fabien BLONDELOT, membre de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de l'AUBE, plaidant et représentée par Me Nicolas CHRISMENT, membre de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE, postulant
PARTIE INTERVENANTE :
CPAM DE SAONE ET LOIRE
[Adresse 2]
[Localité 7]
non représentée
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 mai 2024 en audience publique devant la cour composée de :
Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre,
Leslie CHARBONNIER, Conseiller,
Bénédicte KUENTZ, Conseiller,
Après rapport fait à l'audience par l'un des magistrats de la composition, la cour, comme ci-dessus composée a délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier
DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 03 Septembre 2024,
ARRÊT : réputé contradictoire,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 17 janvier 2017, Mme [N] [O] s'est rendue à la station de lavage automobile exploitée par la SARL Chalon Lavage sous l'enseigne 'L'eléphant bleu'. Elle a stationné son véhicule sur une des pistes de lavage puis elle est sortie de son véhicule pour se diriger vers le distributeur de jetons de lavage. Elle a alors glissé et a chuté.
Elle a été conduite à l'hôpital de [Localité 9].
Le certificat médical initial mentionne un traumatisme crânien, une entorse bénigne du rachis cervical et une contusion musculaire de la région lombaire. Un arrêt initial de travail d'une durée de 7 jours a été prescrit à Mme [O].
Par la suite, Mme [O] a souffert notamment d'importants maux de tête. Elle a consulté un neurologue qui a constaté un syndrome post-commotionnel.
Par acte du 22 mars 2018, elle a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Chalon sur Saône aux fins d'obtenir l'organisation d'une expertise médicale et la condamnation de la SARL Chalon Lavage au paiement d'une provision indemnitaire.
Par ordonnance du 26 juin 2018, toutes ses demandes ont été rejetées.
Par actes des 28 février, 4 et 13 mars 2019, Mme [O] a fait citer la SARL Chalon Lavage et son assureur les MMA, ainsi que la CPAM de Saône et Loire devant le tribunal de grande instance de Chalon sur Saône, afin que la première soit déclarée entièrement responsable des préjudices causés par sa chute et qu'avant dire droit au fond, une expertise médicale soit ordonnée et une provision indemnitaire lui soit allouée.
Par jugement du 13 avril 2021, le tribunal judiciaire de Chalon sur Saône a :
- déclaré la SARL Chalon Lavage entièrement responsable du préjudice subi par Mme [O] suite à la chute du 17 janvier 2017,
- condamné en conséquence la SARL Chalon Lavage à réparer l'intégralité du préjudice subi par Mme [O] suite à la chute du 17 janvier 2017,
- constaté qu'aucune demande n'a été formulée à l'encontre de la société MMA Iard, assureur de responsabilité civile de la SARL Chalon Lavage,
- avant dire droit, ordonné, aux frais avancés de Mme [O], une expertise médicale afin de déterminer la nature et l'importance de son préjudice en lien de causalité avec sa chute du 17 janvier 2017,
- condamné la SARL Chalon Lavage à payer à Mme [O] la somme de 800 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice,
- déclaré le jugement commun à la CPAM de la Saône et Loire,
- réservé les dépens et sursis à statuer sur les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 2 juillet 2021, la SA MMA Iard a interjeté appel de ce jugement, le critiquant expressément en ce qu'il a :
- déclaré la SARL Chalon Lavage entièrement responsable du préjudice subi par Mme [O] suite à la chute du 17 janvier 2017,
- condamné en conséquence la SARL Chalon Lavage à réparer l'intégralité du préjudice subi par Mme [O] suite à la chute du 17 janvier 2017,
- ordonné avant dire droit une expertise médicale sur la personne de Mme [O],
- condamné la SARL Chalon Lavage à payer à Mme [O] la somme de 800 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice.
Son recours n'a pas été dirigé à l'encontre de la CPAM de Saône et Loire.
Par arrêt avant dire droit du 28 novembre 2023, la cour a, au visa de l'article 552 du code de procédure civile et de l'indivisibilité du litige, révoqué l'ordonnance de clôture rendue le 5 octobre 2023 et invité la SA MMA Iard à appeler en la cause la CPAM de Saône et Loire, ce qu'elle a fait par acte du 9 janvier 2024, lui signifiant notamment sa déclaration d'appel et ses conclusions.
La SARL Pro Lavage, qui justifie venir aux droits de la SARL Chalon Lavage, a également assigné la CPAM de Saône et Loire par acte du 4 janvier 2024, lui signifiant également ses conclusions.
Aux termes du dispositif de ses conclusions notifiées le 1er octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien de ses prétentions, la SA MMA Iard demande à la cour, au visa des articles 1242 et 1101 et suivants du code civil et de l'absence de toute justification quant aux conditions de survenance de la chute de Mme [O], d'infirmer le jugement querellé en ce qu'il a déclaré la SARL Chalon Lavage entièrement responsable du préjudice subi par Mme [O] suite à la chute du 17 janvier 2017, et statuant à nouveau, de :
- dire et juger que les conditions de la responsabilité de la SARL Chalon Lavage ne sont pas réunies,
- en conséquence, débouter Mme [O] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner Mme [O] en tous les dépens et à lui payer une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes du dispositif de ses conclusions notifiées le 22 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien de ses prétentions, la SARL Pro Lavage demande à la cour au visa de l'article 1242, des articles 1101 et suivants et de l'article 1231-1 du code civil, de :
- annuler sinon réformer le jugement déféré en ce qu'il :
. l'a déclarée entièrement responsable du préjudice subi par Mme [O] suite à la chute du 17 janvier 2017,
. l'a condamnée en conséquence à réparer l'intégralité du préjudice subi par Mme [O] suite à la chute du 17 janvier 2017,
. a ordonné avant dire droit une expertise médicale sur la personne de Mme [O],
. l'a condamnée à payer à Mme [O] la somme de 800 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice,
Statuant de nouveau,
- à titre principal, rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions de Mme [O],
- à titre subsidiaire, juger que la SA MMA Iard devra la garantir, en sa qualité d'assureur, de toutes condamnations prononcées à son encontre,
- en tout état de cause, condamner Mme [O] aux entiers dépens et à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes du dispositif de ses conclusions notifiées le 15 avril 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien de ses prétentions, Mme [O] demande à la cour au visa des articles 1242 et 1217 et suivants du code civil, de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,
En conséquence,
- débouter la société MMA Iard de l'intégralité de ses demandes,
- débouter la société Pro Lavage de l'intégralité de ses demandes,
Ajoutant,
' Subsidiairement, dans l'hypothèse où la responsabilité quasi-délictuelle ne serait pas reconnue,
- déclarer la société Pro Lavage entièrement responsable de l'accident dont elle a été victime le 17 janvier 2017, sur le fondement de la responsabilité contractuelle,
En conséquence,
- condamner solidairement la compagnie MMA Iard et la société Pro Lavage à l'indemniser de son entier préjudice,
- condamner solidairement la compagnie MMA Iard et la société Pro Lavage à lui payer la somme de 4 000 euros à titre d'indemnité provisionnelle à valoir sur la réparation intégrale de son préjudice,
- débouter la compagnie MMA Iard et la société Pro Lavage de l'ensemble de leurs demandes,
' En tout état de cause,
- dire et juger que la compagnie MMA Iard sera tenue de garantir la société Pro Lavage des condamnations prononcées à son encontre,
- renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire de Chalon sur Saône aux fins de liquider ses préjudices,
- condamner solidairement la compagnie MMA Iard et la société Pro Lavage :
. à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
. en tous les dépens, dont recouvrement au profit de Maître Lucie Bourg conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Alors que les actes des 4 et 9 janvier 2024 ont été remis à une personne habilitée à les recevoir, la CPAM de Saône et Loire n'a pas constitué avocat.
La clôture a été prononcée le 7 mai 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, la cour relève que la société Pro Lavage ne développe aucun moyen au soutien de sa demande d'annulation du jugement dont appel.
En conséquence, elle n'est saisie que d'une demande d'infirmation de ce jugement.
Sur la responsabilité de la SARL Pro Lavage
Mme [O] agit en responsabilité à l'encontre de cette société à titre principal, sur le fondement de la responsabilité délictuelle du fait des choses et à titre subsidiaire sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
Malgré cette présentation, la cour doit d'abord examiner le bien fondé de la demande de Mme [O] en ce qu'elle tend à engager la responsabilité contractuelle de la société Pro Lavage, exclusive de toute responsabilité délictuelle.
Il ressort des éléments du dossier que Mme [O] s'est arrêtée dans la station de lavage avec l'intention d'y nettoyer sa voiture mais elle a chuté alors qu'elle se dirigeait vers le distributeur de jetons de lavage. Ainsi lors de sa chute, elle n'avait pas encore adhéré aux conditions de vente de la prestation, et notamment au prix de celle-ci. Elle aurait pu finalement après avoir pris connaissance de ces conditions en lisant les indications figurant sur ou à côté du distributeur de jetons de lavage, choisir de ne pas contracter et de partir sans laver sa voiture.
En conséquence, ainsi que le soutiennent les appelantes, le contrat n'avait pas encore été conclu lors de la chute de Mme [O] si bien que la responsabilité contractuelle de la société Pro Lavage ne peut pas être engagée.
Il résulte de l'article 1242 du code civil que l'on est responsable du dommage causé par le fait des choses que l'on a sous sa garde.
En l'espèce, il est certain, et il n'est d'ailleurs pas discuté, que les pistes de lavage sont sous la garde de la société qui les exploite.
S'agissant d'une chose inerte, il appartient à Mme [O] d'établir que la piste de lavage sur laquelle elle a stationné son véhicule puis s'est déplacée n'était pas dans une 'position normale' et que pour cette raison, elle est à l'origine de sa chute.
Sur ce point, il convient d'emblée de préciser que :
- il est normal que le sol d'une station de lavage soit mouillé, voire gelé en janvier,
- l'audit technique de la station de lavage réalisé en septembre 2017 (pièce 4 du dossier de la société Pro Lavage) ne peut pas, en raison de sa date et des points de contrôle objet de l'audit, utilement renseigner la cour sur la situation de la piste de lavage empruntée par Mme [O] le 17 janvier 2017.
Il ressort des pièces du dossier que la station de lavage est équipée de plusieurs pistes de lavage et que le sol de certaines de ces pistes est parfaitement plan alors que celui d'autres pistes comporte en sortie une partie inclinée, que doivent nécessairement emprunter les clients pour se rendre au distributeur de jetons de lavage après avoir stationné leur véhicule.
Mme [O] indique qu'elle s'était garée sur une de ces pistes, ce que ne contredit pas le salarié de la société Pro Lavage dont le témoignage est produit aux débats, salarié qui n'a certes pas vu la chute se produire mais est allé secourir Mme [O] et sait donc parfaitement à la sortie de quelle piste elle est tombée.
Il est évident que le risque de glisser sur un sol mouillé, voire gelé, est plus important lorsque le sol n'est pas plan.
Or, il ressort également des pièces du dossier que les pistes dont le sol comporte en sortie une partie inclinée ne font l'objet d'aucune signalétique particulière et ne sont pas, au moins dans la partie inclinée, dotées d'un revêtement spécial destiné à limiter le risque de glissade.
Ainsi, malgré leur spécificité et le risque inhérent à celle-ci, les pistes dont le sol comporte en sortie une partie inclinée sont dans une situation identique aux pistes dont le sol est plan, ce qui suffit à caractériser leur situation anormale.
Dans ces circonstances, même si la présence de verglas initialement alléguée par Mme [O] n'est pas établie, la cour, à l'instar du premier juge, retient que la responsabilité délictuelle de la société Pro Lavage, assurée auprès des MMA qui ne dénie pas sa garantie, est engagée.
Le jugement dont appel doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a condamné la société Chalon Lavage, aux droits de laquelle vient la société Pro Lavage, à réparer l'intégralité du préjudice subi par Mme [O] suite à sa chute du 17 janvier 2017, la cour ajoutant que les MMA devront garantir la société Pro Lavage des condamnations prononcées à son encontre.
Sur l'indemnisation de Mme [O]
La cour confirme également le jugement dont appel en ce qu'il a ordonné avant dire droit sur ce point, une expertise médicale de Mme [O] afin de déterminer la nature et l'importance des différents postes de son préjudice corporel.
En l'état des éléments dont elle dispose, la cour n'augmente pas le montant de la provision indemnitaire allouée par le premier juge à Mme [O].
Sur les frais de procès
Ceux de première instance ont été justement réservés dès lors que le tribunal judiciaire de Chalon sur Saône reste saisi de l'instance dans laquelle a été rendu le jugement dont appel.
Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, les dépens d'appel doivent être supportés par la SA MMA Iard, le conseil de Mme [O] pouvant prétendre au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
Les conditions d'application de l'article 700 du code de procédure civile ne sont réunies qu'en faveur de Mme [O], à laquelle la cour alloue la somme 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés en cause d'appel, somme mise à la charge de la SA MMA Iard.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la SA MMA Iard à garantir la société Pro Lavage de toutes les condamnations prononcées à son encontre,
Condamne la SA MMA Iard aux dépens d'appel, Maître Lucie Bourg étant autorisée à recouvrer directement à son encontre ceux dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision,
Condamne la SA MMA Iard à payer à Mme [N] [O] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes, plus amples ou contraires,
Rappelle que le tribunal judiciaire de Chalon sur Saône reste saisi de l'affaire enrôlée sous le n°RG 19 / 681 et renvoie les parties devant cette juridiction aux fins de liquidation du préjudice de Mme [O] après le dépôt du rapport d'expertise médicale,
Déclare le présent arrêt commun et opposable à la CPAM de Saône et Loire.
Le Greffier, Le Président,