Société [5]
C/
URSSAF de Bourgogne
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée le 29/08/24 à :
-Me SOULARD
C.C.C délivrées le 29/08/24 à :
-Me COLLOMB-LEFEVRE
-Société [5] (LRAR)
-URSSAF de Bourgogne(LRAR)
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 29 AOUT 2024
MINUTE N°
N° RG 22/00429 - N° Portalis DBVF-V-B7G-F7HC
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de DIJON, décision attaquée en date du 24 Septembre 2019, enregistrée sous le n° 19/309
APPELANTE :
Société [5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Edith COLLOMB-LEFEVRE de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
URSSAF de Bourgogne
[Adresse 4]
[Localité 2]
représenté par Me Florent SOULARD de la SCP SOULARD-RAIMBAULT, avocat au barreau de DIJON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Avril 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Katherine DIJOUX-GONTHIER, Conseiller chargé d'instruire l'affaire et qui a fait rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :
Fabienne RAYON, Présidente de chambre,
Olivier MANSION, Président de chambre,
Katherine DIJOUX-GONTHIER, Conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Jennifer VAL,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Fabienne RAYON, Présidente de chambre, et par Jennifer VAL, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
La société [5] (la société) a reçu une lettre d'observations adressée le 28 octobre 2015 puis une lettre rectifiée le 3 décembre 2015, après un contrôle diligenté par l'union de recouvrement des cotisations de la sécurité sociale et des allocations familiales de Bourgogne (l'URSSAF) portant sur les années 2012 à 2014.
Une mise en demeure lui a été adressée le 16 décembre 2015 d'un montant de 18 490 euros, soit 16 024 euros au titre des cotisations, et 2 466 euros au titre des majorations de retard.
La commission de recours amiable a rejeté le recours de la société qui a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Dijon, en contestation du chef de redressement n°2 relatif à l'avantage en nature véhicule d'un montant de 6 933 euros.
Par jugement du 24 septembre 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Dijon a :
- déclaré le recours recevable;
- débouté la société de ses divers moyens;
- condamné la société à verser à l'URSSAF la somme de 2 458 euros,correspondant au solde de la mise en demeure du 16 décembre 2015;
- rejeté le surplus des demandes;
- condamné la société aux dépens.
Par déclaration enregistrée le 23 octobre 2019, la société a relevé appel de cette décision.
Par un arrêt en date du 12 mai 2022, la cour de céans prononce la radiation de l'affaire du rôle de la Cour.
Par avis de réinscription en date du 24 juin 2022, la cour de céans a procédé à la réinscription de l'affaire sous le n° RG 22/00429.
La société demande, aux termes de ses conclusions n°2 adressées le 12 février 2024 au conseil de l'intimé et à la cour, de :
- infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Dijon ' pôle social du 24 septembre 2019,
- annuler le redressement opéré par l'URSSAF sur le point n°2 de la lettre d'observations du 28 octobre 2015 relatif aux avantages en nature véhicule ainsi que la mise en demeure subséquente,
- condamner l'URSSAF à la rembourser au titre du point n°2 de la lettre d'observations du 28 octobre 2015,
- condamner l'URSSAF à lui verser la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter l'URSSAF de l'ensemble de ses demandes.
Aux termes des conclusions déposées à l'audience, l'URSSAF demande, à la cour et au conseil de l'appelant, de :
- avant dire-droit :
- constater l'acceptation par la société du jugement du 24 septembre 2019 portant sur la régularité des délégations de compétence,
- à titre principal:
- déclarer le présent appel recours recevable,
- recevoir l'URSSAF en toutes ses demandes, fins et conclusions;
- débouter Ia société de ses demandes;
- confirmer Ie jugement rendu par Ie tribunal de grande instance du 24 septembre 2019 dans son intégralité,
- confirmer la décision de la CRA ce qu'elle rejette, par décision du 22 mai 2018, la demande de la société ;
- valider la mise en demeure en date du 16 décembre 2015 pour son entier montant;
- déclarer le point 2 du redressement bien-fondé pour un montant en principal de 6 933 euros en cotisations et contributions sociaies et les majorations de retard afférentes.
- débouter Ia demande en condamnation de l'URSSAF à Ia somme de 2 000 euros
sur Ie fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
- à titre reconventionnel :
- condamner Ia société aux entiers dépens de |'instance;
- condamner la société à verser à l'URSSAF une somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens des parties, à leurs dernières conclusions aux dates mentionnées ci-dessus.
MOTIFS
Il sera relevé liminairement que le jugement déféré n'est pas remis en cause en ce qu'il a retenu que l'URSSAF avait compétence au vu de la convention générale de réciprocité produite, pour effectuer le contrôle.
- Sur la demande principale
L'article L 242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 01 janvier 2013 au 23 décembre 2015, dispose que :
'Pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire. La compensation salariale d'une perte de rémunération induite par une mesure de réduction du temps de travail est également considérée comme une rémunération, qu'elle prenne la forme, notamment, d'un complément différentiel de salaire ou d'une hausse du taux de salaire horaire.
L'avantage correspondant à la différence définie au II de l'article 80 bis du code général des impôts est considéré comme une rémunération lors de la levée de l'option. En revanche, sont exclus de l'assiette des cotisations mentionnées au premier alinéa du présent article les avantages mentionnés au I des articles 80 bis et 80 quaterdecies du même code si l'employeur notifie à son organisme de recouvrement l'identité de ses salariés ou mandataires sociaux auxquels des actions ont été attribuées au cours de l'année civile précédente, ainsi que le nombre et la valeur des actions attribuées à chacun d'entre eux. A défaut, l'employeur est tenu au paiement de la totalité des cotisations sociales, y compris pour leur part salariale. Il en est de même lorsque l'attribution est effectuée par une société dont le siège est situé à l'étranger et qui est mère ou filiale de l'entreprise dans laquelle l'attributaire exerce son activité.
Il ne peut être opéré sur la rémunération ou le gain des intéressés servant au calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, de déduction au titre de frais professionnels que dans les conditions et limites fixées par arrêté interministériel. Il ne pourra également être procédé à des déductions au titre de frais d'atelier que dans les conditions et limites fixées par arrêté ministériel.'
L'article 3 alinéa 1 de l'arrêté du 10 décembre 2002 relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations de sécurité sociale dans sa version applicable au litige dispose que '' Sous réserve des dispositions de l'article 5 ci-dessous, lorsque l'employeur met à la disposition permanente du travailleur salarié ou assimilé un véhicule, l'avantage en nature constitué par l'utilisation privée du véhicule est évalué, sur option de l'employeur, sur la base des dépenses réellement engagées ou sur la base d'un forfait annuel estimé en pourcentage du coût d'achat du véhicule ou du coût global annuel comprenant la location, l'entretien et l'assurance du véhicule en location ou en location avec option d'achat, toutes taxes comprises.
Les dépenses réellement engagées sont évaluées comme suit :
- en cas de véhicule acheté, elles comprennent l'amortissement de l'achat du véhicule sur cinq ans, l'assurance et les frais d'entretien et, le cas échéant, les frais de carburant. Si le véhicule a plus de cinq ans, l'amortissement de l'achat du véhicule est de 10 % ;
- en cas de location ou de location avec option d'achat, elles comprennent le coût global annuel de la location, l'entretien et l'assurance du véhicule et, le cas échéant, les frais de carburant.
Les dépenses sur la base d'un forfait sont évaluées comme suit :
- en cas de véhicule acheté, l'évaluation est effectuée sur la base de 9 % du coût d'achat et lorsque le véhicule a plus de cinq ans sur la base de 6 % du coût d'achat. Lorsque l'employeur paie le carburant du véhicule, l'avantage est évalué suivant ces derniers pourcentages auxquels s'ajoute l'évaluation des dépenses du carburant à partir des frais réellement engagés ou suivant un forfait global de 12 % du coût d'achat du véhicule et de 9 % lorsque le véhicule a plus de cinq ans;
- en cas de véhicule loué ou en location avec option d'achat, l'évaluation est effectuée sur la base de 30 % du coût global annuel comprenant la location, l'entretien et l'assurance du véhicule. Lorsque l'employeur paie le carburant du véhicule, l'avantage est évalué suivant ce dernier pourcentage auquel s'ajoute l'évaluation des dépenses de carburant à partir des frais réellement engagés ou suivant un forfait global de 40 % du coût global annuel comprenant la location, l'entretien, l'assurance du véhicule et le carburant.'
Il s'en déduit que lorsque l'employeur met un véhicule dont il est propriétaire à la disposition permanente d'un salarié, l'évaluation de l'avantage en nature correspondant s'effectue soit sur la base de dépenses réellement engagées, soit sur la base d'un forfait ; que le forfait annuel correspondant s'établit à 9 % du coût d'achat du véhicule de moins de 5 ans (6 % si le véhicule a plus de 5 ans) auxquels s'ajoutent, le cas échéant, les dépenses réelles de carburant utilisé à des fins personnelles mais payées par l'entreprise ou à 12 % du coût d'achat du véhicule (9 % si le véhicule a plus de 5 ans) si l'employeur paie le carburant; que le coût d'achat à retenir est le prix d'achat TTC, effectivement réglé par l'entreprise.
Le procès-verbal dressé par l'inspecteur du recouvrement fait foi jusqu'à preuve du contraire, et il appartient à l'employeur qui se prévaut d'un usage strictement professionnel ou privé des dépenses engagées par le salarié d'en rapporter la preuve, par la production de tout document utile.
En l'espèce, l'inspecteur du recouvrement a relevé que la société évalue l'avantage en nature consistant en la mise à disposition permanente d'un véhicule de mission, et d'une carte carburant sur la base du 9 % du prix d'achat TTC remisé, alors que la société ne peut justifier que les salariés disposant d'un véhicule de mission prenaient en charge les frais de carburant dans le cadre de l'utilisation du véhicule à titre privé.
Il a ainsi revalorisé l'avantage en nature, décompté pour les salariés concernés, sur la base forfaitaire de 12 %.
La société conteste cette évaluation en se prévalant du suivi systématique de l'utilisation des cartes carburant des salariés par un prestataire extérieur, du taux d'anomalies potentielles inférieurs à 1,5 % de cette utilisation, et de la consommation de la baisse de consommation de carburant de l'ordre de 45 % en août de chaque année, démontrant que ces derniers conservent à leur charge leurs dépenses de carburant lors de leur déplacement privé.
Toutefois, il ressort des éléments produits aux débats par la société que :
- deux notes de service internes du 28 janvier 2011 et du 16 janvier 2013 relatives en outre aux dépenses de consommation de carburant, demandent aux bénéficiaires de véhicule de mission de conserver les justificatifs de leurs dépenses pour les déplacements privés durant le week end et sur le temps personnel, congés pris en France ou à l'étranger (pièces n°5 et 6). Or aucune facture n'est produite par les dits salariés.
- le tableau de la consommation de carburant par salarié de 2012 à 2014 indique le total de carburant consommé, le total en anomalies potentielles sur ces années.
Cependant, il ne s'agit pas d'un tableau démontrant la réalité des anomalies détectées par la société mais des possibles anomalies, ce qui rend le tableau inexploitable, sans indication sur le mode de calcul de ces anomalies, et sans vérification avec d'autres pièces.
- les trois listings annuels de 2012 à 2014 permettent de rechercher l'utilisation de carburant les week-end, les jours fériés, les congés et la prise de carburant un vendredi et un lundi consécutif (pièces n°15-1 à 15-3).
Mais ces documents restent inexploitables en l'absence d'explication sur les prises de carburant le vendredi soir et d'indication sur le kilométrage parcouru des véhicules.
- des tableaux récapitutalifs individuels pour les salariés M. [P] et Mme [C] [F] (pièces n°13-1 à 13-6) mentionnent les justificatifs des déplacements des salariés (réunion de service, salon et rendez vous client) le week end ou le vendredi et le lundi consécutif.
Mais ces éléments ne sont pas probants des déplacements professionnels en l'absence de justificatifs sur les kilomètres parcourus.
- les tableaux retrançant la prise de carburant pour M. [E] le vendredi et mentionnant le kilomètrage du véhicule (pièces n°19 à 25) ne sont pas fiables en raison des incohérences sur les relevés kilométriques du véhicule (par exemple le 23 mars 2010 33 6000 km et cinq mois plus tard le 15 octobre 2010 aucun kilomètrage).
De plus, la société ne peut étendre cette analyse à l'ensemble des salariés.
- les tableaux de prise de carburant pour l'année 2012 concernant les salariés [B], [K], [T] et [S] (pièces n°27 à 30) qui correspondent à l'utilisation de la carte carburant à la veille de leur départ en congés et à leur retour, ne peuvent justifier un déplacement professionnel.
- les deux délibérations de la commission de recours amiable de l' URSSAF pour le même établissement, et pour l'établissement [5] situé à [Localité 3] pour la période de contrôle de 2016 à 2018, ayant annulé le redressement (pièces n°32 et 33 ) ne peuvent être prises en compte dans la mesure où la société avait justifié par des courriels le remboursement de carburant, et avait donné des informations sur le kilométrage des véhicules lors de la prise des carburants, ce qui n'est pas le cas pour le présent redressement.
Par ailleurs, la société ne produit pas les justificatifs sollicités par l' URSSAF, dans sa lettre d'observations, concernant le kilomètrage effectué à titre privé par les salariés à savoir le carnet des carnets de bord des véhicules, les carnets de visite ou rendez vous clients tenus par les salariés ainsi que leur justificatifs de leur dépenses personnels.
Ainsi, dès lors que n'ont pas été remis aux inspecteurs du recouvrement, les éléments permettant de déterminer la réalité et le quantum des trajets effectués par les salariés attributaires d'un véhicule, à titre professionnel d'une part, et à titre personnel d'autre part, c'est à juste titre que l'évaluation de l'avantage en nature ainsi accordé a pu être effectuée sur la base d'un pourcentage du coût d'achat des véhicules utilisés.
C'est en conséquence, à juste titre, que l'inspecteur du recouvrement a procédé à la régularisation querellée.
Le jugement déféré sera confirmé dans ses dispositions qui valident le chef de redressement.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Le jugement sera confirmé en ses dispositions condamnant la société aux dépens et rejetant la demande de la société au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dont il sera en revanche fait application à hauteur de cour en faveur de l' URSSAF à qui la société sera condamnée à verser la somme de 1 000 euros, outre qu'elle supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par décision contradictoire,
Confirme le jugement du 24 septembre 2019 en ses dispositions soumises à la cour;
Y ajoutant :
Condamne la société [5] à verser à l'union de recouvrement des cotisations de la sécurité sociale et des allocations familiales de Bourgogne la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société [5] aux dépens d'appel.
Le greffier Le président
Jennifer VAL Fabienne RAYON