[H] [U]
C/
SARL DOMICILE BONHEUR
SCP PIERRE BRUART
SELARL YVES-JEROME KREBS - VINCENT SUTY - [V] [M] - ADMINISTRATEURS JUDICIAIRES ASSOCIES
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE DIJON
2ème Chambre Civile
ARRÊT DU 22 AOUT 2024
N° RG 21/01497 - N° Portalis DBVF-V-B7F-F2KH
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : au fond du 08 novembre 2021,
rendue par le tribunal judiciaire de Dijon - RG : 19/1625
APPELANT :
Monsieur [H] [U]
né le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 8] (55)
domicilié :
[Adresse 1]
[Localité 9]
représenté par Me Florent SOULARD, membre de la SCP SOULARD- RAIMBAULT, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 127
INTIMÉES :
SARL DOMICILE BONHEUR, prise en la personne de son gérant domicilié de droit au siège représentée par la SCP PIERRE BRUART ès qualité de liquidateur judiciaire
[Adresse 3]
[Localité 9]
SCP PIERRE BRUART, ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL DOMICILE BONHEUR
[Adresse 6]
[Localité 5]
non représentées
SELARL YVES JEROME KREBS VINCENT SUTY [V] [M], administrateurs judiciaires associés, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège :
[Adresse 7]
[Localité 4]
représentée par Me Jean-Hugues CHAUMARD, membre de la SCP CHAUMARD TOURAILLE, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 96
assistée de Me Yves-Marie LE CORFF, membre de l'association d'Avocats FABRE GEUGNOT, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 07 décembre 2023 en audience publique devant la cour composée de :
Marie-Pascale BLANCHARD, Président de Chambre,
Sophie BAILLY, Conseiller,
Bénédicte KUENTZ, Conseiller,
Après rapport fait à l'audience par l'un des magistrats de la composition, la cour, comme ci-dessus composée a délibéré.
MINISTERE PUBLIC : l'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par M. Philippe Chassaigne, avocat général.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG,
DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 15 Février 2024 pour être prorogée au 28 Mars 2024, 02 Mai 2024, 23 Mai 2024, 20 Juin 2024 puis au 22 Août 2024,
ARRÊT : réputé contradictoire,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Marie-Pascale BLANCHARD, Président de Chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [H] [U] était le gérant, depuis 2008, d'une société spécialisée dans le service d'aide à la personne à domicile, dénommée SARL Domicile Bonheur, implantée à [Localité 9] et [Localité 4].
Par jugement du 9 janvier 2017, le tribunal de commerce de Chaumont a admis la société Domicile Bonheur au bénéfice de la procédure de sauvegarde et désigné la SELARL Yves-Jérôme Krebs - Vincent Suty - [V] [M], prise en la personne de Maître [V] [M], en qualité d'administrateur judiciaire avec mission d'assistance du gérant pour tous les actes de gestion, ainsi que Maître [B] [X] en qualité de mandataire judiciaire.
Le 11 janvier 2017, Maître [M] a sollicité la clôture des anciens comptes professionnels débiteurs de la société Domicile Bonheur.
Par ordonnance du 13 février 2017, le juge commissaire a déclaré irrecevable la société qui demandait d'enjoindre à la Caisse d'épargne la continuation de la convention et de l'autorisation de découvert sous astreinte.
Après prolongation de la période d'observation le 20 février 2017 puis le 15 mai 2017, il a été mis fin à la procédure de sauvegarde suivant jugement du 10 juillet 2017.
Par acte du 27 mai 2019, la société Domicile Bonheur et M. [H] [U] ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Dijon la SELARL Yves-Jérôme Krebs - Vincent Suty - [V] [M] aux fins d'engager sa responsabilité dans le cadre de l'exercice de son mandat et de voir indemniser leur préjudice.
Par jugement du 25 novembre 2019, la société Domicile Bonheur a été placée en liquidation judiciaire et la SCP Pierre Bruart désignée comme liquidateur.
Par jugement du 8 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Dijon a :
- débouté la SCP Pierre Bruart, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Domicile Bonheur, et. M. [H] [U] de leurs demandes tendant à mettre en cause la responsabilité de la SELARL Yves-Jérôme Krebs - Vincent Suty - [V] [M] et des demandes financières en découlant,
- débouté la SELARL Yves-Jérôme Krebs - Vincent Suty - [V] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire,
- condamné in solidum la SCP Pierre Bruart, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Domicile Bonheur, et M. [H] [U] à verser la somme de 2 000 euros à la SELARL Yves-Jérôme Krebs - Vincent Suty - [V] [M],
- condamné in solidum la SCP Pierre Bruart, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Domicile Bonheur, et M. [H] [U] aux dépens.
Le 25 novembre 2021, M. [H] [U] a relevé appel de ce jugement.
Il a fait signifier sa déclaration d'appel à la SCP Pierre Bruart le 24 janvier 2022.
Le 11 mars 2022, il a également fait signifier à cette dernière son premier jeu de conclusions.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 2 septembre 2022, M. [H] [U] demande à la cour, au visa notamment des articles 1991 et suivants du code civil, de :
- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il :
l'a débouté de ses demandes tendant à mettre en cause la responsabilité de la SELARL Yves-Jérôme Krebs - Vincent Suty - [V] [M] et des demandes financières en découlant,
l'a condamné in solidum avec la SCP Pierre Bruart, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Domicile Bonheur, à verser la somme de 2 000 euros à la SELARL Yves-Jérôme Krebs - Vincent Suty - [V] [M],
l'a condamné in solidum avec la SCP Pierre Bruart, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Domicile Bonheur, aux dépens,
Statuant à nouveau,
- le dire et le juger, avec la SARL Domicile Bonheur, recevable et bien fondé en son action,
- dire et juger que la SELARL Yves-Jérôme Krebs - Vincent Suty - [V] [M] Administrateurs judiciaires Associés a commis des fautes dans l'exercice de son mandat engageant sa responsabilité,
- condamner la SELARL Yves-Jérôme Krebs - Vincent Suty - [V] [M] Administrateurs judiciaires Associés à lui payer :
la somme de 60 000 euros au titre de son préjudice financier,
la somme de 30 000 euros au titre de son préjudice moral,
- débouter la SELARL Yves-Jérôme Krebs - Vincent Suty - [V] [M] Administrateurs judiciaires associés de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la SELARL Yves-Jérôme Krebs - Vincent Suty - [V] [M] Administrateurs judiciaires associés à lui payer la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SELARL Yves-Jérôme Krebs - Vincent Suty - [V] [M] Administrateurs judiciaires associés aux entiers dépens.
En ses dernières conclusions notifiées le 19 mai 2022, la SELARL Yves-Jérôme Krebs - Vincent Suty - [V] [M] demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris,
- dire et juger que M. [U] ne rapporte pas la preuve d'une faute de l'administrateur judiciaire dans l'exercice de sa mission en lien causal direct avec un préjudice indemnisable né, actuel et certain,
En conséquence,
- débouter M. [U],
Reconventionnellement,
- condamner M. [U] à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamner M. [U] à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
La SCP Pierre Bruart n'a pas constitué avocat.
Le ministère public a rendu le 14 septembre 2023 un avis tendant à confirmation du jugement du tribunal judiciaire de Dijon du 8 novembre 2021.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées des parties pour un exposé complet de leurs moyens.
La clôture de la procédure a été rendue le 7 novembre 2023.
MOTIFS
Il sera à titre liminaire relevé que la SCP Pierre Bruart, ès qualités de liquidateur de la SARL Domicile Bonheur, ne s'associe pas au recours introduit par M. [U] pour solliciter en appel l'indemnisation d'un préjudice qui aurait pu être subi par cette société.
De même, la SELARL Yves-Jérôme Krebs - Vincent Suty - [V] [M] ne forme pas d'appel incident s'agissant du rejet de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive présentée à l'encontre de la SARL Domicile Bonheur, représentée par son liquidateur.
- Sur la responsabilité de l'administrateur judiciaire
En vertu des dispositions de l'article L. 622-1 du code de commerce, le tribunal peut, dans le cadre de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, désigner un ou plusieurs administrateurs qu'il charge de surveiller le débiteur dans sa gestion ou de l'assister pour tous les actes de gestion ou pour certains d'entre eux. Dans sa mission d'assistance, l'administrateur est tenu au respect des obligations légales et conventionnelles incombant au chef d'entreprise.
Conformément au droit commun de la responsabilité civile, l'administrateur judiciaire engage sa responsabilité en raison des négligences ou fautes qu'il aurait commises à l'occasion de l'exécution du mandat qui lui est confié, cette responsabilité étant de nature délictuelle dès lors que l'administrateur tient ses pouvoirs de la loi et sa désignation du juge.
Il est ainsi tenu à réparation si le demandeur établit l'existence d'une faute, celle d'un dommage et un lien de causalité entre la faute et le dommage.
Sur la dénonciation de l'autorisation de découvert et des concours bancaires de la société Domicile Bonheur
L'article L. 622-7 I du code de commerce dispose que le jugement ouvrant la procédure de sauvegarde emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes. Le jugement emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d'ouverture, non mentionnée au I de l'article L. 622-17.
Selon l'article L. 622-13 I, II et IV de ce même code, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut, nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, résulter du seul fait de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde.
L'administrateur a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur.
Au vu des documents prévisionnels dont il dispose, l'administrateur s'assure, au moment où il demande l'exécution du contrat, qu'il disposera des fonds nécessaires pour assurer le paiement en résultant. S'il s'agit d'un contrat à exécution ou paiement échelonné dans le temps, l'administrateur y met fin s'il lui apparaît qu'il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant.
A la demande de l'administrateur, la résiliation est prononcée par le juge-commissaire si elle est nécessaire à la sauvegarde du débiteur et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant.
Dans sa demande d'ouverture de sauvegarde datée du 3 janvier 2017, M. [U] a fait état d'une baisse du chiffre d'affaires de la société Domicile Bonheur engendrant des problèmes de trésorerie qui ne s'amélioraient pas, et a mentionné une utilisation des découverts consentis par la Caisse d'Epargne Lorraine Champagne Ardennes et le CIC à hauteur de respectivement 23 288,60 euros sur un total autorisé de 30 000 euros, et de 2 725,97 euros sur un total autorisé de 5 000 euros.
Par la suite, après l'ouverture le 9 janvier 2017 d'une procédure de sauvegarde avec désignation d'un administrateur judiciaire en la personne de Maître [M], des opérations ont été enregistrées au crédit mais également au débit des deux comptes afin de régler les salaires des employés, portant le solde débiteur de ceux-ci à 29 411,93 euros et 4 194,87 euros.
Maître [M] a alors sollicité de la Caisse d'Epargne et du CIC, le 11 janvier 2017, l'ouverture de comptes professionnels de sauvegarde pour la société fonctionnant exclusivement en position créditrice, les opérations débitrices nécessitant la signature conjointe de la société Domicile Bonheur et de l'administrateur judiciaire, ainsi que la clôture des anciens comptes professionnels.
M. [U] reproche à la SELARL Yves-Jérôme Krebs - Vincent Suty - [V] [M] cette dénonciation des conventions de compte conclues avec les deux banques, en faisant valoir que leur suppression totalement injustifiée a généré un préjudice évident pour la société, dont la gestion a été largement compliquée dans la mesure où plus aucune banque n'a par la suite accepté de lui accorder une ouverture de compte et encore moins une autorisation de découvert.
Il ajoute que les protocoles de remboursement des découverts qu'il a pu négocier par la suite ont été soumis à sa caution personnelle, et que l'avance en compte courant d'associé qu'il a pour le surplus consentie s'est concrétisée par une contribution financière personnelle de plus de 10 000 euros.
Il convient tout d'abord de rappeler que, conformément aux dispositions de l'article L. 622-13 du code de commerce, l'exercice du droit d'option constitue une prérogative appartenant exclusivement à l'administrateur judiciaire, lequel peut exiger la poursuite des contrats indispensables au maintien de l'activité de l'entreprise, à condition que celle-ci soit en mesure d'y faire face financièrement, ou au contraire décider d'y mettre fin.
Contrairement aux affirmations de l'appelant, la décision de résiliation des conventions de compte prise le 11 janvier 2017 par l'administrateur judiciaire, en ce compris les autorisations de découvert établies, n'a pas été de nature à priver la société Domicile Bonheur de ses facilités de trésorerie lui permettant de payer les créances en cours et à venir, dès lors que les plafonds de découvert étaient en tout état de cause proches d'être atteints. Elle a en outre permis d'éviter de créer un passif supplémentaire, à concurrence du modeste solde encore disponible, préservant de ce fait les intérêts de la société.
Cette décision était par ailleurs conforme aux prescriptions de l'article L. 622-7 du code de commerce, dès lors que toute opération inscrite au crédit des comptes bancaires litigieux aurait nécessairement constitué un paiement d'une créance antérieure à l'ouverture de la procédure de sauvegarde.
Ainsi, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la dénonciation par la SELARL Yves-Jérôme Krebs - Vincent Suty - [V] [M] des conventions de compte avec autorisation de découvert consenties par la Caisse d'Epargne et le CIC à la société Maison Bonheur ne pouvait être qualifiée de fautive.
Au surplus, M. [U] ne justifie pas du préjudice personnel qui lui aurait été causé par ces résiliations.
Il ressort en effet des décisions du tribunal de commerce de Chaumont des 20 février 2017 et 15 mai 2017 que la trésorerie de la société Domicile Bonheur s'est améliorée au cours de la période d'observation, le jugement du 10 juillet 2017 ayant mis fin à la procédure de sauvegarde au vu de la trésorerie positive et de la signature d'un nouveau contrat important.
Il s'est par la suite écoulé plus d'une année avant que l'appelant soit amené à réaliser, entre les mois de septembre et de novembre 2018, des apports personnels en compte courant d'associé à concurrence de 8 900 euros, dont on ignore au demeurant s'ils ont ou non été remboursés.
De même, l'engagement solidaire de M. [U] stipulé dans le protocole de remboursement de découvert conclu entre ce dernier et la Caisse d'Epargne le 30 octobre 2018 n'a pas été exigé par la banque à l'occasion de l'établissement dudit protocole, mais résulte de l'engagement de caution de l'appelant lors de l'autorisation de découvert. Au surplus, M. [U] ne justifie pas plus des montants qu'il aurait pu être amené à régler en exécution de ce cautionnement.
Ainsi, faute pour l'appelant de justifier du préjudice qu'il aurait pu subir consécutivement aux résiliations litigieuses, il est de plus fort justifié de rejeter la demande indemnitaire qu'il présente de ce chef.
Sur la rétrocession des salaires versés aux employés de la société Domicile Bonheur
M. [U] reproche à la SELARL Yves-Jérôme Krebs - Vincent Suty - [V] [M], alors que les salaires des mois de décembre 2016 étaient payés depuis le 11 janvier 2017, d'avoir oeuvré pour que les banques des salariés extournent leurs virements de salaires, et ce pour préserver la créance de la Caisse d'Epargne.
Il précise que cette manoeuvre totalement illégale a mis la société Domicile Bonheur, et lui-même en sa qualité de gérant, en grande difficulté vis-à-vis des salariés, et notamment de Mme [I] qui, suivie par d'autres, a initié une procédure prud'homale en instrumentalisant la procédure de sauvegarde de son employeur.
L'intimée conteste les affirmations de M. [U], soutenant au vu des pièces produites que c'est au contraire ce dernier qui a orchestré le rappel de salaires sans que l'on comprenne bien pour quelle raison, si ce n'est sa volonté de reconstituer sa trésorerie au détriment de ses salariés.
S'il est établi au vu des pièces produites que la Caisse d'Epargne a contacté les banques des salariés de la société Domicile Bonheur pour obtenir leur accord afin qu'ils restituent les salaires virés en janvier 2017, les attestations versées aux débats par M. [U] comportent des indications contradictoires s'agissant de la personne à l'initiative de cette demande.
Certaines attestations (Mme [J]) mentionnent en effet la société Domicile Bonheur, sans que l'on puisse déterminer si c'est par l'intermédiaire de son administrateur judiciaire ou de son gérant. Mme [I] met quant à elle directement en cause M. [U], tandis que Mme [G] et Mme [Y] imputent l'initiative litigieuse à la SELARL Yves-Jérôme Krebs - Vincent Suty - [V] [M], qui aurait fait état d'une erreur de calcul.
La version divergente de Mme [I] peut s'expliquer par une incompréhension de cette dernière ou par sa relation conflictuelle avec son employeur, comme l'indique Mme [G], d'autant que M. [U] justifie s'être rapidement ému des difficultés causées à ses salariés par cette opération auprès de sa banque puis du procureur de la République.
Pour autant, même en tenant pour acquis que l'administrateur judiciaire a bien été à l'origine de la demande de rétrocession des salaires, suite à une erreur de calcul ou pour toute autre raison, il n'est pas démontré, comme l'ont justement motivé les premiers juges, que cette 'manoeuvre', qui a été refusée par la majorité des salariés, aurait précipité l'employeur en liquidation judiciaire.
Au surplus, c'est à juste titre que la SELARL Yves-Jérôme Krebs - Vincent Suty - [V] [M] fait valoir que la perte de valeur des parts sociales ne constitue pas pour M. [U] un préjudice indemnisable.
L'action en responsabilité engagée par un associé à l'encontre du mandataire judiciaire ne peut en effet tendre qu'à la réparation d'un préjudice personnel et distinct de celui causé à la personne morale. Or, le préjudice financier allégué par M. [U] résulte de la dépréciation des parts de la société Domicile Bonheur qu'il détenait, ce préjudice étant nécessairement absorbé par le préjudice social et ne constituant ainsi pas un préjudice personnel de l'appelant.
Enfin, M. [U] ne justifie pas du préjudice moral qu'il invoque, résultant de la détresse psychologique de son épouse, qu'il aurait été contraint de licencier pendant la période d'observation. En tout état de cause, dans la mesure où les difficultés financières de la société Domicile Bonheur, et leur conséquences sur l'emploi des salariés, ne peuvent être imputées à un comportement fautif de l'administrateur judiciaire, cette demande ne saurait prospérer.
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté M. [U] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires.
- Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts
La SELARL Yves-Jérôme Krebs - Vincent Suty - [V] [M] conclut à la condamnation de M. [U] au paiement d'une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, compte tenu des allégations fallacieuses et infondées de ce dernier portant atteinte à son honneur et à sa probité.
L'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constituent toutefois, en principe, un droit et ne dégénèrent en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts qu'en cas de faute caractérisée, étant rappelé que l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute.
Au vu des circonstances de la présente affaire, l'action de M. [U] n'a pas dégénéré en faute susceptible de justifier l'allocation de dommages et intérêts à la SELARL Yves-Jérôme Krebs - Vincent Suty - [V] [M].
- Sur les frais de procès
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné M. [U] ' in solidum avec la SCP Pierre Bruart ès qualités de liquidateur de la société Domicile Bonheur ' aux entiers dépens de l'instance, et au paiement de la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par la SELARL Yves-Jérôme Krebs - Vincent Suty - [V] [M].
En cause d'appel, M. [U], qui succombe en son recours, sera condamné aux dépens et à payer à l'intimée, qui peut seule y prétendre, une indemnité de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement du 8 novembre 2021 en toutes ses dispositions critiquées,
Y ajoutant,
Condamne M. [U] aux dépens de la procédure d'appel,
Condamne M. [U] à payer à la SELARL Yves-Jérôme Krebs - Vincent Suty - [V] [M] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
Le Greffier, Le Président,