[L] [P]
SCI GADIEL
C/
[I] [X]
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE DIJON
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 30 JUILLET 2024
N° RG 23/01483 - N° Portalis DBVF-V-B7H-GJ2V
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé rendue le 22 novembre 2023,
par le Président du tribunal judiciaire de Dijon - RG : 23/00429
APPELANTES :
Madame [L] [P]
née le 26 Octobre 1979 à [Localité 7] (21)
[Adresse 4]
[Localité 1]
SCI GADIEL, représentée par son représentant légal en exercice domicilié es qualités au siège :
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentées par Me Maxence PERRIN, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 108
INTIMÉ :
Monsieur [I] [X]
[Adresse 5]
[Localité 1]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2023/8589 du 29/12/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 6])
représenté par Me Pauline SIX, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 142
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 mars 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Bénédicte KUENTZ, Conseiller. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :
Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre,
Sophie BAILLY, Conseiller,
Bénédicte KUENTZ, Conseiller,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT,
DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 14 Mai 2024 pour être prorogée au 02 Juillet 2024 puis au 30 Juillet 2024,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [L] [P], ostéopathe, est gérante de la SCI Gadiel.
La SCI Gadiel a acquis dans un immeuble situé [Adresse 2] à Dijon un appartement destiné à l'exercice de la profession de Mme [P].
Selon devis accepté du 1er janvier 2022, Mme [P] a confié à M. [I] [X] les travaux d'aménagement de cet appartement en un cabinet d'osteopathie. Ces travaux étaient de différente nature : démolition, plâtrerie - peinture, plomberie - sanitaire - ventilation, menuiseries ; ils ont été évalués à 16 805,94 euros HT, soit 20 167,13 euros TTC, la TVA étant de 20 %.
M. [X] a débuté les travaux et émis les 7 et 28 janvier et 1er mars 2022, trois factures de situation d'un montant global HT de 12 477,10 euros, soit 14 972,53 euros TTC, qui ont été payées.
Par lettre recommandée du 25 mai 2022, le conseil de Mme [P] mettait M. [X] en demeure d'achever les travaux pour le 15 juin 2022, après lui avoir rappelé que 'bien qu'aucune date n'a été mentionnée dans le devis, il était convenu (et établi par les différents échanges de SMS) que les travaux devaient être achevés au plus tard le 30 avril 2022" ; il pointait par ailleurs sept difficultés d'exécution.
Par lettre recommandée du 22 juin 2022, doublée d'un courriel, Mme [P] a mis M. [X] en demeure de cesser toute intervention sur le chantier, de retirer l'ensemble de son matériel et de lui remettre les clefs du local sans délai.
M. [X] s'est exécuté et dès le 23 juin 2022, la SCI Gadiel faisait établir par huissier de justice un constat des lieux, hors la présence de M. [X] qui n'avait pas été invité à y assister.
Pour terminer les travaux, la SCI Gadiel et Mme [P] ont fait appel à deux autres entreprises :
- BE.Plomberie dont l'intervention a été facturée le 6 décembre 2022 à hauteur de 2 420 euros HT, soit 2 904 euros TTC,
- la SARL Ben, entreprise de papier peint, peinture, plâtrerie, revêtement de sols et murs, isolations en tout genre, dont l'intervention a été facturée les 18 juillet et 31 août 2022 à hauteur de 7 375,50 euros TTC.
Après avoir curieusement adressé le 14 juin et le 18 juillet 2023, à M. [X], deux mises en demeure d'avoir à terminer les travaux, objet du devis du 1er janvier 2022, la SCI Gadiel et Mme [P] ont fait assigner M. [X] en référé, par acte du 8 août 2023, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 22 novembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Dijon a :
- déclaré l'action de la SCI Gadiel recevable,
- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande d'expertise de Mme [P] et de la SCI Gadiel en l'absence de motif légitime,
- débouté en conséquence Mme [P] et la SCI Gadiel de leur demande d'expertise,
- condamné Mme [P] et la SCI Gadiel à payer à M. [X] la somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [P] et la SCI Gadiel aux dépens et autorisé Maître [G] [K] à recouvrer directement ceux dont elle a fait l'avance en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration du 25 novembre 2023, la SCI Gadiel et Mme [P] ont interjeté appel de cette ordonnance, dont elles critiquent expressément toutes les dispositions à l'exception de celle ayant déclaré recevable l'action de la SCI Gadiel.
Aux termes du dispositif de leurs conclusions notifiées le 24 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions, la SCI Gadiel et Mme [P] demandent à la cour, au visa des articles 1846, 1848, 1849 et 1231-1 du code civil et des articles 31 et 145 du code de procédure civile, de :
- confirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a déclaré recevable l'action de la SCI Gadiel,
- pour le surplus, réformer l'ordonnance dont appel,
- statuant à nouveau, ordonner une expertise qui sera confiée à tel expert qu'il plaira 'au tribunal' avec pour mission de :
. convoquer les parties,
. se rendre sur les lieux, [Adresse 3], en présence de chacune des parties,
. se faire remettre tous documents qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission,
. vérifier l'existence des désordres visés dans l'assignation,
. décrire les désordres affectant les travaux effectués par M. [X], propriété de la SCI Gadiel, représentée par Mme [P],
. décrire les non-façons et malfaçons affectant les travaux effectués par M. [X], propriété de la SCI Gadiel, représentée par Mme [P],
. rechercher l'origine de ces désordres,
. déterminer les responsabilités techniques encourues,
. dire que l'expert aura notamment également pour mission de rechercher d'éventuelles causes des désordres,
. entendre tout sachant pour l'accomplissement de sa mission,
. chiffrer le montant des travaux de remise en état des travaux de Mme [P],
. proposer une évaluation distincte du trouble de jouissance subi par Mme [P],
. déterminer ainsi l'ensemble des préjudices matériels et immatériels subis par Mme [P],
. en cas d'urgence, autoriser Mme [P] à exécuter tous travaux rendus nécessaires, sous le contrôle de l'expert et pour le compte de qui il appartiendra,
. dire qu'il devra déposer son rapport dans un délai de 6 mois à compter de sa désignation,
. fixer le montant de la provision qui lui sera due,
. en cas d'urgence reconnue ainsi qu'indiqué ci-dessus, l'autoriser à déposer un pré-rapport de ses opérations,
- rejeter toutes demandes, fins et conclusions contraires,
- réserver les dépens.
Aux termes du dispositif de ses conclusions notifiées le 8 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien de ses prétentions, M. [X] demande à la cour au visa des articles 31 et 145 du code de procédure civile, de confirmer l'ordonnance dont appel en toutes ses dispositions et y ajoutant, de :
- débouter les appelantes de l'ensemble de leurs demandes formulées en cause d'appel,
- condamner les appelantes :
. aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître [G] [K] en application de l'article 699 du code de procédure civile,
. à lui verser, chacune, la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
A titre très subsidiaire,
- lui donner acte de ce que, tous droits et moyens des parties demeurant expressément réservés, il ne s'oppose pas à la désignation d'un expert judiciaire aux frais avancés par les requérantes,
- lui donner acte de ce qu'il formule toutefois toutes protestations et réserves sur sa mise en cause,
- réserver les dépens.
La clôture a été prononcée le 5 mars 2024 juste avant l'ouverture des débats.
MOTIVATION
A titre liminaire, la cour constate que n'est pas critiquée la disposition de l'ordonnance dont appel ayant déclaré recevable l'action de la SCI Gadiel.
Sur la demande d'expertise
Il résulte de l'article 145 du code de procédure civile que toute personne, justifiant d'un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, peut obtenir en référé qu'une mesure d'instruction soit ordonnée.
En l'espèce, il est constant que les travaux ayant permis d'aménager l'appartement acquis par la SCI Gadiel en un cabinet d'ostéopathie sont terminés et que les désordres et malfaçons imputés à M. [X] ne peuvent plus être constatés.
Les appelantes écrivent d'ailleurs ceci en page 11 de leurs conclusions : 'Il est vrai que les désordres et malfaçons provoqués par M. [X] ne se trouvent plus en l'état dans lequel celui-ci les avait laissés, toutefois un procès-verbal de constat a été dressé par un huissier de justice le 23 juin 2023. Ce document prouve l'existence du travail défectueux de M. [X].' La cour relève en outre que Mme [P] a fait dresser un second constat le 15 décembre 2023, par lequel un commissaire de justice a extrait de son téléphone portable, diverses photographies datées du chantier.
Ainsi, les appelantes ne justifient pas d'un motif légitime tendant à la désignation d'un expert judiciaire aux fins de décrire les désordres et malfaçons affectant les travaux effectués par M. [X] et de chiffrer le montant des travaux permettant d'y remédier.
S'agissant de la cause de ces désordres et malfaçons, les appelantes exposent en page 18 de leurs conclusions, qu'il est possible de déceler les travaux qui n'ont pas été réalisés correctement par M. [X] en analysant et comparant les factures qu'il a émises avec celles émises par les entreprises qui ont terminé les travaux. Cette analyse comparative pourra a priori être réalisée par le juge qui sera éventuellement saisi au fond d'une action en responsabilité engagée par les appelantes à l'encontre de M. [X], ce d'autant que les désordres et malfaçons dénoncés constituent pour l'essentiel des non conformités : cf notamment la marque du WC installé différente des marques précisées dans le devis, la pose de cloisons ne présentant pas une haute performance acoustique malgré ce qui était indiqué dans le devis.
La question des non-façons est liée au respect de l'éventuel délai d'exécution des travaux objet du devis du 1er janvier 2022 et à la légitimité de la résiliation du contrat dont les appelantes ont pris l'initiative le 22 juin 2022.
Elle est d'ordre juridique et ne peut pas relever des compétences d'un homme de l'art.
Enfin, il ressort de la pièce 10 du dossier des appelantes qu'elles ont d'ores et déjà pu chiffrer leurs préjudices qui sont exclusivement d'ordre financier et qui sont constitués
- d'une part du surcoût des travaux, révélé notamment par la différence entre le montant du devis du 1er janvier 2022 et le montant de la somme effectivement payée à M. [X] et aux deux autres entreprises qui sont intervenues pour reprendre et terminer les travaux,
- et d'autre part d'un préjudice de jouissance, Mme [P] exposant avoir reçu un congé l'obligeant à quitter le local professionnel qu'elle louait et avoir dû négocier avec le bailleur un délai pour quitter ce local, d'où une charge de loyers supplémentaires.
L'évaluation de ces préjudices ne nécessite pas a priori de recourir aux compétences d'un technicien.
Dans ces circonstances, il convient de confirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a débouté la SCI Gadiel et Mme [P] de leur demande d'expertise.
Sur les frais de procès
Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, les dépens tant de première instance que d'appel doivent être supportés par la SCI Gadiel et Mme [P].
Maître [G] [K] ne peut prétendre à l'application de l'article 699 du code de procédure civile, ni en première instance dès lors que le ministère d'avocat n'était pas obligatoire devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Dijon, ni en cause d'appel dans la mesure où elle intervient au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale accordée à M. [X].
Les conditions d'application de l'article 700 du code de procédure civile ne sont réunies
- en première instance qu'en faveur de M. [X] mais l'équité conduit la cour à laisser à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'il a exposés,
- et en cause d'appel qu'en faveur du conseil de M. [X] qui ne présente aucune demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant dans les limites de sa saisine,
Sur la demande d'expertise,
Confirme l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a débouté la SCI Gadiel et Mme [L] [P] de cette demande,
Sur les dépens,
Confirme l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a condamné la SCI Gadiel et Mme [L] [P] aux dépens de première instance,
Infirme l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a autorisé Maître [G] [K] à recouvrer directement les dépens de première instance dont elle a fait l'avance en application de l'article 699 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau sur ce point et ajoutant,
Condamne la SCI Gadiel et Mme [L] [P] aux dépens d'appel,
Déboute Maître [G] [K] de sa demande tendant à l'application de l'article 699 du code de procédure civile, tant en première instance qu'en cause d'appel,
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
Infirme l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a condamné la SCI Gadiel et Mme [L] [P] à payer à M. [X] la somme de 600 euros sur le fondement de ce texte,
Déboute M. [X] des demandes présentées à ce titre.
Le Greffier, Le Président,