[P] [X] née [K]
C/
[I] [N]
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE DIJON
1re chambre civile
ARRÊT DU 30 JUILLET 2024
N° RG 23/00187 - N° Portalis DBVF-V-B7H-GD2W
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : jugement du 02 février 2023,
rendu par le juge des contentieux de la protection de Mâcon - RG : 11-22-00285
APPELANTE :
Madame [P] [X] née [K]
née le 13 Juin 0196 à [Localité 4] (71)
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentée par Me Georges BUISSON, membre de la SELARL CABINET COTESSAT-BUISSON, avocat au barreau de MACON
INTIMÉE :
Madame [I] [N]
née le 11 Mai 1952 à [Localité 8] (58)
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Anne DESORMEAUX, membre de la SELARL FIDACT, avocat au barreau de MACON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 avril 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :
Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre,
Sophie BAILLY, Conseiller,
Leslie CHARBONNIER, Conseiller,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier
DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 04 Juin 2024 pour être prorogée au 09 juillet 2024 puis au 30 Juillet 2024,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon bail du 29 octobre 2004, ayant pris effet le 1er décembre 2004, Mme [P] [K] épouse [X] a loué à Mme [I] [N] une maison située [Adresse 7], à [Localité 5] (71), en contrepartie d'un loyer mensuel hors charges d'un montant de 550 euros, révisable annuellement.
Lors de l'entrée dans les lieux, Mme [N] a versé un dépôt de garantie de 1 100 euros.
Par jugement du 9 septembre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Mâcon a notamment :
- constaté la résiliation du bail à la date du 28 décembre 2020,
- condamné Mme [N] à payer à Mme [X] une somme de 6 964 euros au titre des loyers et charges échus impayés,
- condamné Mme [N] à payer à Mme [X] une indemnité d'occupation équivalente au loyer et charges courants, du 1er janvier 2021 au 18 mars 2021, cette seconde date étant celle de l'audience à laquelle Mme [N] a remis à Mme [X], la clef de la porte principale d'entrée dans la maison, à l'intérieur de laquelle se trouvaient les autres clefs, circonstances qui ont conduit le juge a retenir cette date comme étant celle de la libération effective des lieux,
- condamné Mme [N] à payer à Mme [X] une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toute demande contraire,
- condamné Mme [N] aux dépens.
Mme [X] a fait dresser un constat de l'état des lieux le 12 octobre 2021.
Par acte du 10 mai 2022, Mme [X] a fait citer Mme [N] afin essentiellement d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :
- 37 000 euros au titre des réparations locatives,
- 7 150 euros à parfaire à titre de dommages intérêts pour préjudice d'immobilisation.
A titre principal, Mme [N] a conclu au débouté des demandes de Mme [X] et à titre subsidiaire à l'octroi de délais de paiement pour régler les sommes qui seraient mises à sa charge.
Par jugement du 2 février 2023, le juge des contentieux et de la protection du tribunal judiciaire de Mâcon a :
- condamné Mme [N] à payer à Mme [X] la somme de 1 592,32 euros au titre des dégradations locatives, déduction faite du dépôt de garantie,
- autorisé Mme [N] à s'acquitter de cette somme par trois virements mensuels successifs minimum de 500,00 euros chacun et un quatrième et dernier versement égal au solde de la dette, en principal, frais et intérêts,
- dit que le premier versement devra intervenir avant le 15 du mois suivant la date de la signification du jugement et les suivants le 15 de chaque mois,
- précisé qu'à défaut de paiement d'une seule échéance à son terme exact, la totalité des sommes restant dues deviendra, quinze jours après une mise en demeure restée infructueuse, à nouveau immédiatement exigible,
- débouté Mme [X] de sa demande au titre du préjudice d'immobilisation,
- condamné Mme [N] à payer à Mme [X] la somme de 350 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [N] aux dépens de l'instance ne comprenant pas le coût du constat de Maître [E],
- rejeté toutes autres demandes contraires ou plus amples des parties,
- rappelé que l'exécution provisoire du jugement est de droit.
Par déclaration du 8 février 2023, Mme [X] a relevé appel de ce jugement dont elle critique expressément tous les chefs.
Aux termes du dispositif de ses conclusions notifiées le 30 août 2023, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien de ses prétentions, Mme [X] demande à la cour au visa de l'article L.213-4-4 du code de l'organisation judiciaire et des articles 1731 et 1732 et 1240 du code civil, de
- juger recevable et bien fondé son appel,
- rejeter toutes demandes et conclusions adverses contraires,
- infirmer la décision attaquée en toutes ses dispositions,
Statuant de nouveau :
- condamner Mme [N] à lui payer les sommes suivantes :
. 37 000 euros au titre des dégradations dont elle doit répondre en sa qualité de locataire,
. 7 150 euros sauf à parfaire au titre des dommages-intérêts, pour préjudice d'immobilisation,
. 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles,
- condamner Mme [N] en tous les dépens qui comprendront le coût du procès-verbal établi par Maître [E],
- y ajoutant, condamner Mme [N] en tous les dépens d'appel et à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d'appel.
Aux termes du dispositif de ses conclusions notifiées le 19 juillet 2023, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien de ses prétentions, Mme [N] demande à la cour, au visa des 1731 et 1732 et 1343-5 du code civil, de :
- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,
- subsidiairement, et si la cour réforme la décision entreprise, lui accorder les plus larges délais de paiement,
- condamner Mme [X] aux entiers dépens et à lui payer la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La clôture a été prononcée le 7 mars 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les réparations locatives
En l'espèce, les parties s'accordent sur les éléments suivants :
- aucun état des lieux n'a été réalisé à l'entrée de Mme [N] en décembre 2004, si bien qu'elle est présumée les avoir reçus en bon état de réparations locatives,
- Mme [N] a restitué les clefs de la maison le 18 mars 2021, date à compter de laquelle elle n'y a plus eu accès,
- Mme [N] n'a, postérieurement au 18 mars 2021, jamais été convoquée à la réalisation d'un état des lieux contradictoire de sortie ; elle n'a pas davantage pris l'initiative de faire convoquer Mme [X] à cette fin.
Le constat dressé le 12 octobre 2021 révèle l'état des lieux de la maison à cette date, soit presque 7 mois après leur restitution par Mme [N] à Mme [X]. La cour relève qu'il ressort de ce constat que les lieux n'ont manifestement ni été clandestinement occupés, ni été vandalisés durant cette période, si bien que leur état au 12 octobre 2021 doit être regardé comme reflétant pour l'essentiel leur état au 18 mars 2021, sous réserve de ce qui sera dit ci-dessous.
Mme [X] fonde sa demande en paiement de 37 000 euros de dommages-intérêts exclusivement sur un devis établi le 14 avril 2022 par une entreprise de plâtrerie - peinture et revêtements de sols, d'un montant global de 36 540,25 euros TTC (pièce 23 du dossier de l'appelante) qu'il convient d'analyser poste par poste.
La cour relève notamment qu'elle ne présente aucune demande au titre de la réfection de clefs pourtant reconnues comme perdues par Mme [N].
' sur le désencombrement de l'immeuble
Il ressort du constat du 12 octobre 2021 que les lieux n'ont pas été restitués vides de tout effet mobilier. Mme [N] le confirme d'ailleurs dans son courrier du 20 mars 2021 à Maître [G] (pièce 31 du dossier de l'appelante).
Si elle soutient que les biens laissés dans la maison étaient déjà présents à son entrée dans les lieux, elle ne le démontre pas, alors qu'elle est présumée avoir reçu la maison en bon état, soit vide d'effets appartenant à la bailleresse, qui par ailleurs n'admet pas avoir laissé des biens mobiliers dans la maison lors de sa délivrance à Mme [N].
En conséquence, le coût du désencombrement évalué à 1 360 euros HT doit être supporté par Mme [N].
' sur le remplacement de la porte de la salle de bains
Il ressort du constat du 12 octobre 2021 que cette porte a été dégradée (cf photo page 12) : le bois est éclaté au niveau de la serrure qui a été enlevée.
Dans son courrier du 20 mars 2021, Mme [N] expose que cette porte était restée coincée et qu'elle n'avait pas pu faire intervenir un professionnel pour la décoincer.
Dans ces circonstances, l'état de cette porte au 12 octobre 2021 s'explique aisément et doit être imputé à une faute de la locataire sortante.
Le remplacement de cette porte d'un coût de 265 euros HT doit donc être supporté par Mme [N].
' sur le remplacement d'un vitrage cassé dans une des pièces de l'étage
Mme [N] reconnaît que cette dégradation, constatée et illustrée en pages 24 et 25 du constat du 12 octobre 2021, lui est imputable.
A l'instar du premier juge, la cour met donc à sa charge la réfection du vitrage évalué à 150 euros HT.
' sur le remplacement d'une crémone de fenêtre dans une des pièces de l'étage
Il ressort du constat du 12 octobre 2021 que le verrouillage de cette fenêtre est cassé : page 26 du constat.
Le remplacement de la crémone évalué à 180 euros HT constitue une réparation à laquelle Mme [N] est tenue : cf annexe au décret n°87-712 du 26 août 1987.
' sur le remplacement de la porte du séjour au rez de chaussée et de trois portes à l'étage
Aucune mention du constat du 12 octobre 2021 n'est relative à l'état de la porte du séjour au rez de chaussée et les mentions relatives aux portes de l'étage ne révèlent aucune dégradation justifiant qu'il soit procédé à leur remplacement.
' sur la réfection des planchers de l'étage et de l'escalier
Selon l'annexe au décret n°87-712 du 26 août 1987 relatif aux réparations locatives, les locataires ne sont tenus que de l'encaustiquage et de l'entretien courant de la vitrification des parquets.
En l'espèce, le constat du 12 octobre 2021 révèle que Mme [N] a manifestement manqué à son obligation d'entretien courant des parquets du premier étage dont elle admet dans son courrier du 20 mars 2021 qu'ils étaient tâchés dans deux pièces.
Le coût de la réfection des planchers de l'étage est évalué à 4 046 euros HT. Ce coût correspond à une remise à neuf alors que Mme [N] a occupé les lieux pendant plus de 16 ans et que, même si elle avait parfaitement entretenu les parquets de l'étage, elles les auraient restitués a minima usagés.
En conséquence, la cour confirme le jugement déféré en ce qu'il a mis à la charge de Mme [N] la somme de 2 161,20 euros HT, disposition que Mme [N] ne critique pas.
En revanche, la preuve d'un manquement de Mme [N] à son obligation d'entretien courant de l'escalier en bois n'est pas suffisamment rapportée par le constat, non contradictoire, du 12 octobre 2021, qui fait certes état de marches 'très sales', appréciation subjective qui n'est objectivée par aucune photographie.
' sur la remise en peinture des murs, plafonds, boiseries et radiateurs
Mme [X] reproche à Mme [N] d'avoir laissé la maison sale.
Sur ce point, la cour relève que 7 mois d'inoccupation et d'absence d'aération de la maison ont naturellement conduit au constat de la présence de toiles d'araignées, de mouches dont les excréments ont provoqué des salissures, de poussière dans l'ensemble de la maison et de mauvaises odeurs.
En toute hypothèse, Mme [X] ne demande pas à obtenir une indemnité correspondant au coût d'un simple nettoyage. Elle demande la réfection totale des embellissements dans toutes les pièces et dégagements de la maison. Or, ainsi que le soutient Mme [N], après plus de 16 ans d'occupation, ceux-ci étaient totalement vétustes lorsque Mme [X] a repris possession de la maison, étant précisé qu'aucun des travaux que l'appelante justifie avoir accompli par la production de factures ne concerne les embellissements.
Il résulte de ce qui précède que Mme [X] est fondée à obtenir la condamnation de Mme [N] au paiement d'une somme globale TTC de 4 527,82 euros, soit (1 360 euros + 265 euros + 150 euros + 180 euros + 2 161,20 euros) + 10 % de TVA.
Il convient de déduire de cette somme le montant du dépôt de garantie conservé par Mme [X], soit 1 100 euros.
En conséquence, par infirmation du jugement déféré, la cour condamne Mme [N] à payer la somme de 3 427,82 euros, outre intérêts au taux légal à compter du jugement du 2 février 2023 sur le principal de 1 592,32 euros et à compter de ce jour sur le principal de 1 835,50 euros.
Sur le préjudice d'immobilisation
La période d'immobilisation comprise entre le 18 mars et le 7 octobre 2021 n'est nullement imputable à une quelconque faute de Mme [N] qui avait certes laissé des effets dans la maison mais qui avait clairement signifié à Mme [X] qu'elle n'entendait pas les reprendre dès lors qu'en restituant les clefs, elle était empêchée d'y accéder, ce qu'elle a confirmé par son courrier du 20 mars 2021, dans lequel elle a indiqué qu'elle ne se considérait pas propriétaire desdits effets.
Les seules dégradations imputables à Mme [N], notamment celles affectant la porte de la salle de bains et les planchers de l'étage et la nécessité de débarrasser les biens qu'elle avait abandonnés n'étaient de nature à différer l'entrée dans les lieux d'un nouveau locataire, que le temps d'un mois correspondant à la durée maximale des travaux, ce d'autant que le différé de leur réalisation pour des raisons de trésorerie ne peut peser sur Mme [N], eu égard à la modicité de leur coût, déjà partiellement compensé par le dépôt de garantie, et aux revenus locatifs nets générés par la maison pendant plus de 16 ans.
En conséquence, il est alloué à Mme [X] une indemnité d'immobilisation de 550 euros.
Sur les délais de paiement
Aux termes du premier alinéa de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
En l'espèce, Mme [X] fait valoir à juste titre qu'elle ne dispose que de faibles revenus.
Toutefois, les conditions dans lesquelles le jugement du 9 septembre 2021 a été exécuté révèlent que Mme [N] ne peut pas acquitter la somme mise à sa charge en une seule fois.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a alloué des délais de paiement à Mme [N] qui continuera à s'acquitter de sa dette par mensualités de 500 euros.
Sur les frais de procès
Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, les dépens de première instance et d'appel doivent être supportés par Mme [N]. La cour confirme sur ce point le jugement déféré, y compris en ce qu'il a précisé que le coût du constat du 12 octobre 2021 n'était pas compris dans les dépens de première instance.
Les conditions d'application de l'article 700 du code de procédure civile ne sont donc réunies qu'en faveur de Mme [X], à laquelle la cour alloue, en sus de l'indemnité procédurale de 350 euros accordée par le premier juge et confirmée, la somme de 850 euros.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement déféré en ses dispositions ayant
- accordé des délais de paiement à Mme [I] [N], sauf à les aménager comme précisé ci-dessous,
- statué sur les dépens de première instance et l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
Infirme les autres dispositions du jugement déféré,
Statuant à nouveau et ajoutant,
Condamne Mme [I] [N] à payer à Mme [P] [X] les sommes suivantes :
- au titre des réparations locatives, 3 427,82 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 2 février 2023 sur le principal de 1 592,32 euros et à compter de ce jour sur le principal de 1 835,50 euros,
- au titre du préjudice d'immobilisation, 550 euros outre intérêts au taux légal à compter de ce jour,
Déboute Mme [X] de ses plus amples demandes indemnitaires,
Dit qu'il convient de déduire de ces sommes les règlements effectués par Mme [N] au titre de l'exécution provisoire du jugement dont appel,
Dit qu'elle pourra régler sa dette par mensualités de 500 euros exigibles au plus tard le 15 de chaque mois à compter de septembre 2024,
Précise qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité à bonne date, l'intégralité du solde de la dette redeviendra de plein droit immédiatement exigible,
Condamne Mme [I] [N] :
- aux dépens d'appel,
- à payer à Mme [P] [X] la somme de 850 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Le greffier Le président