S.A.S.U. SANITAIRE, THERMIQUE, ELECTRICITE (SANITEL)
C/
ENTREPRISE GENERALE LEON GROSSE
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE DIJON
1re chambre civile
ARRÊT DU 30 JUILLET 2024
N° RG 21/01432 - N° Portalis DBVF-V-B7F-F2BI
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : jugement du 07 octobre 2021,
rendu par le tribunal de commerce de Dijon - RG : 2020 005698
APPELANTE :
S.A.S.U. SANITAIRE-THERMIQUE-ELECTRICITE (SANITEL)
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Marie-Aude LABBE, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 47
INTIMÉE :
S.A. ENTREPRISE GENERALE LEON GROSSE dont le siège est situé [Adresse 1], prise en son établissement secondaire situé [Adresse 2]
Représentée par Me Jean-Hugues CHAUMARD, membre de la SCP CHAUMARD TOURAILLE, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 96
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 23 janvier 2024 en audience publique devant la cour composée de :
Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre,
Leslie CHARBONNIER, Conseiller,
Bénédicte KUENTZ, Conseiller,
Après rapport fait à l'audience par l'un des magistrats de la composition, la cour, comme ci-dessus composée a délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier
DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 19 mars 2024 pour être prorogée au 21 mai, au 25 juin, au 09 juillet et au 30 juillet 2024,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes d'un contrat de sous-traitance du 30 novembre 2010, la société Entreprise Générale Léon Grosse (la société Léon Grosse), entreprise générale de bâtiment, a confié à la société Santiaire-Thermique-Electricité (la société Sanitel) la réalisation du lot électricité pour la construction de l'éco-quartier [Adresse 5] à [Localité 4].
Après régularisation de deux avenants les 28 novembre 2011 et 27 décembre 2013, le montant total du chantier a été porté à la somme de 1 195 564,26 euros.
A l'issue de multiples échanges entre la société Sanitel et la société Léon Grosse entre le mois d'octobre 2018 et le mois d'octobre 2019, la société Sanitel a mis en demeure le 21 juillet 2020 la société Léon Grosse de lui régler la somme de 100 382,28 euros.
Dans un courrier en réponse du 13 août 2020, la société Léon Grosse a invoqué la prescription des sommes réclamées, sur le fondement de l'article L. 110-4 du code de commerce.
Par acte du 16 novembre 2020, la société Sanitel a fait attraire la société Léon Grosse devant le tribunal de commerce de Dijon pour obtenir le paiement du solde du chantier.
Par jugement du 7 octobre 2021, le tribunal de commerce de Dijon a :
- dit la SASU Sanitaire, Thermique, Electricité irrecevable en sa demande formée à l'encontre de la SA Entreprise Générale Léon Grosse, son action étant prescrite,
- débouté la SASU Sanitaire, Thermique, Electricité de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la SASU Sanitaire, Thermique, Electricité à payer à la SA Entreprise Générale Léon Grosse la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SASU Sanitaire, Thermique, Electricité aux entiers dépens, en ce compris les frais de greffe,
- dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tous cas mal fondées, et les en a déboutées.
La société Sanitel a relevé appel de ce jugement le 5 novembre 2021.
En ses dernières conclusions notifiées le 2 février 2022, la société Sanitel demande à la cour, au visa des articles 1103 et 2240 du code civil, de :
- la recevoir en ses écritures les disant bien fondées,
- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite son action,
- réformer le jugement dont appel en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,
- réformer le jugement dont appel en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
Et statuant de nouveau,
- condamner la société Léon Grosse à lui payer la somme de 100 382,28 euros en principal,
- condamner la société Léon Grosse à lui payer la somme de 96 307 euros, au titre des intérêts de retard arrêtés au 10 novembre outre les intérêts à parfaire à compter du 11 novembre 2020 jusqu'au jour de la décision à intervenir,
- débouter la société Léon Grosse de toutes ses demandes, fins et prétentions,
- condamner la société Léon Grosse à lui payer la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Léon Grosse aux entiers dépens.
Aux termes de ses écritures notifiées le 3 mai 2022, la société Léon Grosse demande à la cour de :
- dire et juger la société Sanitel mal fondée en son appel, son action étant prescrite,
- débouter la société Sanitel de ses demandes,
- confirmer la décision entreprise,
Y ajoutant
- condamner la société Sanitel à lui payer la somme de 5 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Subsidiairement,
- dire et juger la société Sanitel mal fondée en toutes ses fins et demandes,
- débouter purement et simplement la société Sanitel de toutes ses demandes,
- condamner la société Sanitel à lui payer la somme de 3500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Sanitel aux entiers dépens.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées des parties pour un exposé complet de leurs moyens.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 21 décembre 2023.
MOTIFS
Sur la prescription de la créance
L'article L. 110-4, I du code de commerce dispose que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.
En l'absence de précision de ce texte s'agissant du point de départ de la prescription, il convient de se référer aux dispositions de l'article'2224 du code civil qui fixe celui-ci au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action concernée.
En matière de paiement de travaux, il y a lieu de prendre en compte la date de la connaissance des faits permettant au professionnel d'exercer son action laquelle est caractérisée, hormis les cas où le contrat ou la loi en disposent autrement, par l'achèvement des travaux ou l'exécution des prestations, cette circonstance rendant sa créance exigible.
En l'espèce, la dernière situation visée par la société Sanitel dans son décompte général et définitif (situation 30) est datée du 31 janvier 2014, et les parties ne contestent pas que cette date correspond à celle de l'achèvement des travaux commandés au sous-traitant.
Dès lors qu'il s'est écoulé un délai supérieur à cinq années entre cette date et celle de l'assignation, délivrée le 16 novembre 2020 (la mise en demeure du 21 juillet 2020 évoquée par la société Léon Grosse et retenue par les premiers juges étant sans effet sur le cours de la prescription), l'action en paiement de la société Sanitel se trouve en principe prescrite.
L'appelante invoque toutefois les dispositions de l'article 2240 du code civil, dont il résulte que la prescription est interrompue par la reconnaissance que le débiteur ou le possesseur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait.
Elle précise que selon une jurisprudence constante, la reconnaissance, même partielle, que le débiteur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait entraîne, pour la totalité de la créance, un effet interruptif qui ne peut se fractionner.
Elle fait en effet valoir que, lorsqu'elle a fait l'objet de relances, la société Léon Grosse n'a pas contesté les factures mais a invoqué une compensation avec de prétendues pénalités de retard qu'elle ne lui avait jamais notifiées auparavant, et qui sont dépourvues de tout fondement.
Elle considère ainsi que les courriels échangés entre les parties permettent de caractériser une reconnaissance par la société Léon Grosse de ce que les sommes litigieuses sont dues. Elle ajoute que dans son courrier du 13 août 2020, la société Léon Grosse ne conteste pas les factures et n'invoque aucune compensation, se contentant de se prévaloir de la prescription.
Elle conclut dès lors qu'il existe bien une reconnaissance de la dette par son donneur d'ordres, laquelle a interrompu la prescription.
La société Léon Grosse soutient en réplique que sa prétendue absence de contestation des factures émises n'est pas suffisante pour constater la reconnaissance d'une dette à l'égard de la société Sanitel.
Elle précise que les échanges de courriels entre octobre 2018 et octobre 2019 démontrent au contraire qu'elle a contesté la réclamation de l'appelante, en demandant des justificatifs et explications tant sur son principe que sur son quantum, avant de critiquer le DGD finalement établi par la société Sanitel.
Elle ajoute que les observations formulées au sujet d'une éventuelle dette liée à des pénalités de retard sont sans incidence sur le principe selon lequel il revient à la société Sanitel de rapporter la preuve que les factures émises correspondent à une prestation réalisée et devant être payée.
La reconnaissance émanant du débiteur telle que visée par l'article 2240 du code civil n'est soumise à aucune exigence de forme. Elle doit en revanche, pour produire un effet interruptif, être dépourvue d'équivoque.
En l'espèce, il ressort des échanges de courriels intervenus entre les parties que, alors que la société Sanitel s'est rapprochée en octobre 2018 de la société Léon Grosse pour demander le paiement du solde du chantier, cette dernière a fait part de son étonnement et sollicité des précisions, indiquant ne pas voir à quoi correspondait la somme réclamée. Après obtention du DGD établi début novembre 2018 par son sous-traitant, la société Léon Grosse a par ailleurs contesté les situations 29 et 30, déclarant n'en avoir jamais été destinataire.
Si l'intimée a par la suite évoqué l'existence de pénalités de retard qui auraient selon elle dû être appliquées à la société Sanitel, cette seule référence à des indemnités susceptibles de se compenser avec le solde de travaux réclamé par l'appelante ne saurait être considérée comme une reconnaissance non équivoque de ladite créance, par ailleurs expressément contestée dans ses précédents courriels.
De même, le fait de soutenir dans un courrier en réponse à une mise en demeure que la dette est prescrite, ne vaut pas reconnaissance non équivoque de l'existence de celle-ci, étant précisé qu'en tout état de cause, ce courrier daté du 13 août 2020 ne saurait avoir aucun effet interruptif sur une prescription acquise.
En conséquence, en l'absence de reconnaissance non équivoque par la société Léon Grosse de la créance invoquée par la société Sanitel, c'est à juste titre que le tribunal de commerce de Dijon a déclaré cette dernière irrecevable en ses demandes, son action étant prescrite.
Sur les frais de procès
Le jugement dont appel mérite confirmation en ce qui concerne ses dispositions statuant sur les dépens et les frais irrépétibles exposés en première instance.
La société Sanitel, partie perdante, sera en outre condamnée aux dépens d'appel, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
Elle sera également condamnée à payer à la société Léon Grosse, qui peut seule y prétendre, une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 de ce même code.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement du tribunal de commerce de Dijon du 7 octobre 2021 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société Sanitel au dépens de la procédure d'appel,
Condamne la société Sanitel à payer à la société Léon Grosse la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par cette dernière en cause d'appel.
Le greffier Le président