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11/07/2024 | FRANCE | N°22/00397

France | France, Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 11 juillet 2024, 22/00397


[V] [H] veuve [P]





C/



Caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or (CPAM)











Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée le 11/07/24 à :

-CPAM de la Côte d'Or(LRAR)













C.C.C délivrées le 11/07/24 à :

-[V] [H] veuve [P](LRAR)

-Me RUTHER



















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE DIJON


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ARRÊT DU 11 JUILLET 2024



MINUTE N°



N° RG 22/00397 - N° Portalis DBVF-V-B7G-F65B



Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Pole social du TJ de DIJON, décision attaquée en date du 10 Mai 2022, enregistrée sous le n° 19/61





A...

[V] [H] veuve [P]

C/

Caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or (CPAM)

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée le 11/07/24 à :

-CPAM de la Côte d'Or(LRAR)

C.C.C délivrées le 11/07/24 à :

-[V] [H] veuve [P](LRAR)

-Me RUTHER

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 11 JUILLET 2024

MINUTE N°

N° RG 22/00397 - N° Portalis DBVF-V-B7G-F65B

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Pole social du TJ de DIJON, décision attaquée en date du 10 Mai 2022, enregistrée sous le n° 19/61

APPELANTE :

[V] [H] veuve [P]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Maître Eric RUTHER, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉE :

Caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or (CPAM)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Dispensé de comparaître en vertu d'une demande adressée par mail le 04 avril 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Avril 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Fabienne RAYON, chargé d'instruire l'affaire et qui a fait rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Fabienne RAYON, Présidente de chambre,

Olivier MANSION, Président de chambre,

Katherine DIJOUX-GONTHIER, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Jennifer VAL,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Fabienne RAYON, Présidente de chambre, et par Jennifer VAL, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Le 2 mars 2016, Mme [H] veuve [P], a déposé, en sa qualité d'ayant-droit de M. [P], décédé des suites d'un cancer le 16 février 2016, une demande de reconnaissance de maladie professionnelle sur la base d'un certificat médical initial du docteur [D] du 22 février 2016 mentionnant un « cancer des voies urinaires chez un patient ayant travaillé 32 ans dans une carrosserie industrielle (peinture') ».

La caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or (la caisse) a diligenté une enquête et, considérant que la pathologie ne relevait d'aucun tableau de maladies professionnelles et, eu égard au taux d'incapacité en résultant, a transmis le dossier au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) de [Localité 3].

Le 13 avril 2017, ce comité a émis un avis défavorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée.

Par notification du 14 avril 2017, la caisse a refusé de prendre en charge l'affection déclarée au titre de la législation professionnelle.

Mme [H] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable (cra), qui a rejeté son recours par avis du 25 octobre 2017 qu'elle a porté devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Dijon.

Par jugement avant dire-droit du 25 juin 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Dijon auquel la procédure a été transférée, a ordonné la saisine du CRRMP de Lyon aux fins de :

-préciser si la maladie déclarée peut répondre à un tableau de maladie professionnelle (15 ter, 16 bis) et, dans ce cas, dire si les conditions administratives de ce tableau sont réunies ;

-préciser, dans le cas d'une pathologie hors tableau, si celle-ci a été essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime.

Ce CRRMP ayant fait connaître son impossibilité d'assurer cette mission, la juridiction, devenue tribunal judiciaire de Dijon, a désigné par jugement du 12 janvier 2021, le CRRMP de la région Grand Est pour y procéder, lequel a émis un avis défavorable le 19 mai 2021.

Par jugement du 10 mai 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Dijon a :

-dit que la pathologie (cancer des voies urinaires) présentée par M. [P], déclarée le 2 mars 2016, ne peut être prise en charge au titre de la législation sur les maladies professionnelles ;

-débouté la demanderesse, ès qualité d'ayant-droit de la victime, de son recours à l'encontre de l'avis rendu par la cra de la caisse le 25 octobre 2017 ;

-dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.

Par déclaration enregistrée le 10 juin 2022, Mme [H] a relevé appel de cette décision.

Mme [H] a repris ses conclusions notifiées le 05 octobre 2022 aux termes desquelles elle demande :

°premier chef de jugement critiqué : l'absence de prise en charge de la pathologie de M. [P] au titre de la législation sur les maladies professionnelles,

-infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la pathologie présentée par M. [P] déclarée le 2 mars 2016 ne peut être prise en charge au titre de la législation sur les maladies professionnelles ;

-déclarer qu'il existe un lien direct et essentiel entre la maladie présentée par M. [P] et l'activité professionnelle exercée ;

-déclarer que cette pathologie doit être prise en charge au titre des maladies professionnelles avec toutes les conséquences de droit ;

°deuxième chef de jugement critiqué : le rejet du recours à l'encontre de l'avis rendu par la cra de la caisse,

-infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de son recours à l'encontre de l'avis rendu par la cra de la caisse ;

-juger recevable et bien fondée la demande relative à la prise en charge au titre de la maladie professionnelle de l'affection de son époux, M. [P] ;

°troisième chef de jugement critiqué : la prise en charge des dépens,

-infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens ;

-condamner la caisse aux dépens de première instance et d'appel.

La caisse a repris ses conclusions notifiées le 14 mars 2024 à la cour aux termes desquels elle demande de :

-rejeter la demande tendant à voir reconnaitre en maladie professionnelle la pathologie déclarée par M. [P] décédé le 16 février 2016,

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la pathologie présentée par M. [P] déclarée le 2 mars 2016 ne peut être prise en charge au titre de la législation sur les maladies professionnelles.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.

SUR CE :

L'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, dispose, dans sa version applicable à la date de dépôt de la demande de reconnaissance de maladie professionnelle, que :

« Les dispositions du présent livre sont applicables aux maladies d'origine professionnelle sous réserve des dispositions du présent titre. En ce qui concerne les maladies professionnelles, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle est assimilée à la date de l'accident.

Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1. 

Les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d'origine professionnelle, dans les conditions prévues aux quatrième et avant-dernier alinéas du présent article. Les modalités spécifiques de traitement de ces dossiers sont fixées par voie réglementaire. »

Mme [H] prétend que son défunt époux, atteint d'une tumeur des voies urinaires, a été exposé tant aux amines aromatiques qu'au goudron de houilles de 1972 à 2005 alors qu'il travaillait comme peintre préparateur au sein de la société carrosserie [5].

Saisi par la caisse, le CRRMP de [Localité 3], dans son avis défavorable du 13 avril 2017, a considéré que l'existence d'un lien direct et essentiel entre la pathologie présentée par M. [P] (« cancer des voies urinaires ») déclarée comme maladie professionnelle hors tableau le 2 mars 2016 sur la foi du certificat médical rédigé le 22 février 2016 et ses activités professionnelles exercées dans le même emploi chez le même employeur entre le 6 novembre 1972 et le 21 mars 2005, à savoir comme « aide menuisier puis carrossier peintre automobile avec la notion d'utilisation de différents solvants industriels, diluants, de différentes peintures synthétiques, acryliques et polyuréthane, ainsi que des peintures bitumeuses à l'occasion des chassis », ne pouvait être retenue.

Désigné par le tribunal aux fins de préciser, si la maladie déclarée peut répondre à un tableau de maladie professionnelle (15 ter, 16 bis) et, dans ce cas, dire si les conditions administratives de ce tableau sont réunies et, dans le cas d'une pathologie hors tableau, si celle-ci a été essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime, le CRRMP région Grand Est a considéré, dans son avis du 19 mai 2021, s'agissant en particulier de l'activité de peintre préparateur en carrosserie de M. [P], que celle-ci « l'avait probablement exposé à divers peintures et solvants et potentiellement à des produits bitumineux dérivés de houilles. Les éléments présents au dossier ne permettent toutefois pas d'une part, d'attester d'une exposition à des amines aromatiques en lien avec les peintures, d'autre part, d'une exposition certaine aux produits bitumineux dérivés de houille. » et qu'en « l'absence d'exposition avérée aux amines aromatique répertoriées dans le tableau 15 ter, la maladie déclarée ne répond pas au tableau de maladie professionnelle 15 ter. De même, en l'absence d'exposition avérée aux dérivés de houille la maladie déclarée ne répond pas au tableau de maladie professionnelle 16 bis. Par ailleurs, l'étude du dossier dans le cadre des maladies hors tableaux ne met pas en évidence d'exposition avérée à des cancérogènes professionnels identifiables dans la littérature en lien avec les cancers de l'épithélium urinaire. En conséquence, les membres du CRRMP estiment qu'un lien direct et essentiel ne peut être établi entre la maladie présentée et l'activité professionnelle exercée. ».

Mme [H] conteste en premier lieu, l'avis rendu par le CRRMP de [Localité 3] Bourgogne Franche-Comté, en faisant valoir que son défunt époux a nécessairement, au cours de sa carrière professionnelle au sein de la carrosserie [5], d'abord été soumis, comme aide menuisier chargé de travaux de rabotage, de ponçage, d'aménagement, avec du bois exotique, du chêne, du contreplaqué et du hêtre, à des poussière de bois, puis, comme peintre au pistolet chargé de peindre les châssis dessous avec des produits qui lui retombaient dessus, été exposé à différentes solvants industriels, spirit, diluant de nettoyage et synthétique, peinture de carrosserie synthétique et polyuréthane, Blackson, et au bichromate, comme l'atteste M. [J] qui a travaillé 29 ans dans cette société avec M. [P].

Mme [H] conteste également l'avis rendu par le CRRMP du Grand Est à qui il reproche d'être insuffisamment motivé en ayant, faute de considérer l'ensemble des éléments versés aux dossiers, dont le certificat médical du médecin du travail du 22 octobre 2002, sous-estimé les produits nocifs auxquels M. [P] était exposé au sein de la carrosserie [5] et son silence sur l'absence de protection dans les tâches qu'il y réalisait, ne pouvant être discuté que certaines substances chimiques, notamment celles utilisées dans les carrosseries se concentrent dans l'urine et provoquent des cancers des voies urinaires, et fait grief aux premiers juges d'avoir repris cet avis pour retenir qu'elle n'apportait pas la preuve de la composition des produits utilisés quotidiennement, alors que la quasi-totalité des produits utilisés par M. [P] dans le cadre de son activité comportait des amines aromatiques et qu'il utilisait un produit dénommé Blackson contenant du goudron de houille.

La caisse fait valoir que les avis défavorables des deux CRRMP s'imposent à elle, alors qu'aucun élément ne vient les contredire.

Les amines aromatiques et leurs sels susceptibles de provoquer des lésions prolifératives de la vessie sont énumérées au tableau 15 ter et les affections cancéreuses, dont la tumeur primitive de l'épithélium urinaire, provoquées par les goudrons de houille, les huiles de houille et les brais de houille, sont visées au tableau 16 bis qui dresse une liste limitative des travaux en lien avec la houille et des bitumes goudrons.

Les premiers juges ont retenu à juste titre que les éléments versés au dossier de M. [P] permettaient d'établir, contrairement à l'avis du CRRMP de la région Grand Est, qu'il avait été exposé au produit Blackson, soit du goudron de houille, mais qu'en toute hypothèse, aucun des travaux en lien avec la houille susceptible de provoquer le cancer primitif de la vessie limitativement énumérés au tableau 16 bis n'étant en cause en l'espèce, la maladie déclarée ne pouvait donc être prise en charge au titre de ce tableau.

Par ailleurs, Mme [H] se borne à évoquer la présence d'amines aromatiques dans les peintures de carrosserie, sans fournir la moindre précision pour permettre d'identifier, au sein de la société carrosserie [5], une exposition aux amines aromatiques listées dans le tableau 15 ter.

Ainsi, les conditions des tableaux 15 ter et 16 bis correspondant à la maladie déclarée n'étant pas remplies, c'est donc seulement en établissant que la maladie a été directement causée par le travail habituel de M. [P], qu'elle peut être prise en charge.

Or, les éléments médicaux versés aux débats sont insuffisants à rapporter la preuve d'un tel lien.

En effet, d'une part les certificats du médecin de travail, des 4 juin et 22 octobre 2022 dans lesquels celui-ci évoque une exposition aux poussières de bois, ainsi qu'à différents solvants et au bichromate de plomb, n'apportent aucune précision tant sur les produits utilisés que même, à en rester à une famille de produits en général, son lien avec le cancer de la vessie, aucune littérature médicale imputant ce cancer à l'exposition de la poussière de bois ou à des solvants et au bichromate de plomb n'étant produite.

Ensuite les certificats du docteur [N], oto-rhino-laryngologiste, des 20 juin et 16 septembre 2002, sont étrangers à la maladie déclarée.

Et enfin le certificat du docteur [D] du 16 février 2022, docteur en médecine générale et non spécialiste ni des cancers de la vessie, ni des maladies professionnelles, qui estime que M. [P] a été en contact avec des solvants aromatiques, compte tenu des visites régulières de la médecine du travail sur son lieu de travail, qui devrait permettre selon lui, compte tenu de la durée d'exposition de plus de 5 ans de faire reconnaître la tumeur des voies urinaires dont M. [P] est décédé comme maladie professionnelle tableau 15, ne repose que sur des suppositions.

Il convient donc de de confirmer le refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la pathologie de M. [P] déclarée le 2 mars 2016 et de rejeter les demandes de Mme [H].

Le jugement déféré sera par conséquent confirmé en toutes ses dispositions.

Mme [H] supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant en audience publique, par décision contradictoire,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [H] aux dépens d'appel ;

Le greffier Le président

Jennifer VAL Fabienne RAYON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/00397
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-11;22.00397 ?
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