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27/06/2024 | FRANCE | N°21/01454

France | France, Cour d'appel de Dijon, 2 e chambre civile, 27 juin 2024, 21/01454


SARL MENUISERIE LOUET



C/



SELAFA MJA











































































































Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON


>2ème Chambre Civile



ARRÊT DU 27 JUIN 2024



N° RG 21/01454 - N° Portalis DBVF-V-B7F-F2ED



MINUTE N°



Décision déférée à la Cour : au fond du 21 janvier 2021,

rendue par le tribunal de commerce de Dijon - RG : 18/6097









APPELANTE :



SARL MENUISERIE LOUET, agissant poursuites et diligences de ses représentants domiciliés en cette qualité au siège :

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée par Me...

SARL MENUISERIE LOUET

C/

SELAFA MJA

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON

2ème Chambre Civile

ARRÊT DU 27 JUIN 2024

N° RG 21/01454 - N° Portalis DBVF-V-B7F-F2ED

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : au fond du 21 janvier 2021,

rendue par le tribunal de commerce de Dijon - RG : 18/6097

APPELANTE :

SARL MENUISERIE LOUET, agissant poursuites et diligences de ses représentants domiciliés en cette qualité au siège :

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Florent SOULARD, membre de la SCP SOULARD- RAIMBAULT, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 127

INTIMÉE :

SELAFA MJA, prise en la personne de Maître [C] [X], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL BIDAULT

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Patrice CANNET, membre de la SARL CANNET - MIGNOT, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 81

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 novembre 2023 en audience publique devant la cour composée de :

Marie-Pascale BLANCHARD, Président de Chambre,

Michèle BRUGERE, Conseiller,

Bénédicte KUENTZ, Conseiller,

Après rapport fait à l'audience par l'un des magistrats de la composition, la cour, comme ci-dessus composée a délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG,

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 01 Février 2024 pour être prorogée au 04 Avril 2024 au 16 Mai 2024 au 13 Juin 2024 puis au 27 Juin 2024,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Marie-Pascale BLANCHARD, Président de Chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Suivant devis accepté le 30 mars 2017, la SARL Menuiserie Louet a commandé à la SARL Bidault pour un prix de 27.818,11 euros TTC, diverses menuiseries et huisseries destinées à l'exécution de son lot dans un marché de construction.

Le 8 juin 2017, deux lettres de change de 13.909,05 euros ont été émises à échéance des 15 août et 15 septembre 2017 et acceptées par la société Menuiserie Louet.

A son échéance, le premier de ces effets est demeuré impayé à hauteur de 11.353,63 euros.

Le second a été intégralement honoré.

Par courrier du 6 octobre 2017, la société Bidault a vainement mis en demeure la société Menuiserie Louet de lui payer le solde avant de faire procéder à une saisie conservatoire à son encontre et de la faire assigner en paiement devant le juge des référés, puis au fond devant la juridiction commerciale par assignation du 3 septembre 2018.

Par jugement du tribunal de commerce de Paris du 7 février 2019, la société Bidault a été placée en redressement judiciaire en février 2019, converti en liquidation judiciaire en avril 2019.

Par jugement du 21 janvier 2021, le tribunal de commerce de Dijon a :

- rejeté la demande de la société Menuiserie Louet (SARL) d'ajouter au dossier des documents à l'appui de leurs observations et ce, postérieurement à la mise en délibéré ;

- dit que la société MJA est bien fondée à intervenir a l'instance a'n de défendre les intérêts de la société Bidault (SARL), alors en liquidation judiciaire ;

- condamné la société Menuiserie Louet (SARL) à payer à la société Bidault (SARL) la somme de 11.353,63 euros correspondant au solde de la lettre de change due, outre les intérêts au taux légal et ce, à compter de l'assignation réalisée en date du 3 septembre 2018 ;

- débouté la société Menuiserie Louet (SARL) de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de la société Bidault (SARL) ;

- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire ;

- condamné la société Menuiserie Louet (SARL) au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Menuiserie Louet (SARL) en tous les dépens de l'instance.

Suivant déclaration au greffe du 15 novembre 2021, la société Menuiserie Louet a relevé appel de cette décision, en toutes ses dispositions ainsi qu'elle les a énumérées dans son acte d'appel.

Prétentions de la société Menuiserie Louet :

Au terme de ses écritures notifiées par voie électronique le 7 février 2022, la société Menuiserie Louet demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau :

- dire que la lettre de change discutée est dépourvue de cause et n'a pas été librement consentie,

en conséquence,

- débouter la SARL Bidault de ses demandes, fins et prétentions dirigées contre la SARL Menuiserie Louet,

à titre reconventionnel,

- fixer la créance de la SARL Menuiserie Louet au passif de la SARL Bidault à la somme de 11.353,63 euros TTC en réparation de l'inexécution contractuelle,

à titre subsidiaire,

- constater la compensation entre les créances connexes des parties,

- en conséquence,

- débouter la SARL Bidault de toutes ses demandes, fins et conclusions,

en toutes hypothèses :

- dire que la liquidation de la SARL Bidault conservera à sa charge ses frais irrépétibles et ses dépens y compris les frais des deux procédures de référé de première instance et des deux procédures de saisie conservatoire,

- condamner SELAFA MJA, es qualité de liquidateur de la SARL Bidault, à payer à la SARL Menuiserie Louet la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Prétentions de la société MJA, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Bidault :

Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 avril 2022, la société MJA, ès qualités, entend voir, au visa des articles L.511-31 et suivants du code de commerce :

- confirmer la décision en ce qu'elle a :

dit la société SELAFA MJA, bien-fondé à intervenir à l'instance afin de défendre les intérêts de la société Bidault, en liquidation judiciaire ;

condamné la société Menuiserie Louet à payer à la société Bidault, la somme de 11.353,63 euros, correspondant au solde de la lettre de change ;

débouté la société Menuiserie Louet de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de la société Bidault ;

condamné la société Menuiserie Louet, au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la société Menuiserie Louet en tous les dépens de l'instance ;

- réformer la décision, en ce que le tribunal a fait courir les intérêts à compter du 03 septembre 2018 ;

- dire que les intérêts courront à compter de l'échéance du 15 août 2017 ;

y ajoutant,

- condamner la société Menuiserie Louet à verser à la société SELAFA MJA, es qualités de liquidateur judiciaire de la société Bidault, une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en voie d'appel ;

- condamner la société Menuiserie Louet aux entiers dépens d'appel.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 24 octobre 2023.

A l'audience, la cour a constaté que l'intimée ne s'est pas acquitté du timbre fiscal et a relevé d'office la sanction de l'irrecevabilité encourue.

MOTIFS DE LA DECISION

1°) sur la fin de non recevoir :

Malgré un rappel formalisé par message électronique du greffe de la cour du 10 novembre 2023, la société MJA, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Bidault, n'a pas justifié s'être acquittée du timbre fiscal prévu par l'article 1635 bis du code général des impôts.

Dans un courrier adressé à la cour le 25 février 2022, la société MJA a indiqué que la liquidation judiciaire de la société Bidault était impécunieuse.

En conséquence, ses conclusions et pièces, ces dernières n'ayant au demeurant pas été déposées à la cour, doivent être déclarées irrecevables.

L'intimé constitué n'ayant pas conclu est cependant réputé s'approprier les motifs du jugement de première instance.

2°) sur la demande en paiement de la lettre de change :

La lettre de change en litige a été tirée le 8 juin 2017 pour un montant de 13.909,05 euros sur la société Menuiserie Louet qui l'a acceptée.

Il résulte des pièces produites que par instructions données à son établissement bancaire le 11 août 2017, la société Menuiserie Louet n'a procédé au règlement que de la somme de 2.555,42 euros à l'échéance du 15 août suivant.

La société Menuiserie Louet s'oppose au paiement en faisant valoir que la lettre de change est dépourvue de cause et qu'elle a été obtenue sous la contrainte.

Pour écarter ces contestations, le tribunal a retenu que selon les termes de l'article 511-19 du code de commerce le tiré par son acceptation s'oblige à payer la lettre de change à l'échéance et qu'à défaut, le porteur même s'il est le tireur, a contre l'accepteur une action directe résultant de la lettre de change pour tout de qui peut être exigé en vertu des articles L511-45 et L511-46 du même code.

Il a également considéré que l'accepteur devait élever toutes ses contestations avant d'endosser l'effet.

- sur l'absence de consentement :

La cour relève dans un premier temps que la lettre de change litigieuse n'a pas été endossée au profit d'un tiers et que le tireur en est demeuré le porteur.

En outre, il est de principe que le tiré accepteur peut toujours invoquer les vices de son consentement, notamment résultant du dol ou de la violence (contrainte) à l'encontre de leur auteur.

La société Menuiserie Louet se prévaut de la contrainte exercée par son cocontractrant pour obtenir d'elle l'acceptation de la lettre de change.

Il résulte des pièces produites que la société Bidault n'a pas été en mesure de lui livrer les menuiseries commandées dans les délais prévus, qu'elle a procédé elle-même à leur enlèvement dans les locaux de la société Bidault le 8 juin 2017, que le retard induit sur le chantier a conduit le maître d'oeuvre à menacer la société Menuiserie Louet de résiliation de son marché et de l'application de pénalités de retard dans un courriel du 3 mai 2017.

Ces éléments sont cependant insuffisants à établir la contrainte exercée par la société Bidault elle-même pour conditionner la remise des menuiseries à l'acceptation, par leur acquéreur, de lettres de change émises en paiement.

- sur l'absence de cause :

La société Menuiserie Louet considère que la société Bidault n'ayant pas rempli ses obligations contractuelles de livraison dans le délai attendu, de marchandises conformes au devis et complètes, elle ne pouvait se prévaloir d'une créance certaine à son encontre.

Si l'acceptation de la lettre de change présume de la constitution de la provision pour la date d'échéance, cette présomption peut être combattue par le tiré accepteur par les moyens de défense tirés de ses rapports avec le tireur, dès lors que ce dernier est demeuré porteur de l'effet.

Il résulte des pièces produites par la société Menuiserie Louet que le devis accepté par elle le 30 mars 2017 portait sur la fourniture d'huisseries en aluminium pour 18 fenêtres à double ventaux, 8 chassis fixes et 3 portes extérieures, ainsi que deux volets roulants, que par courriel du 2 mai 2017, la société Bidault faisait état d'une livraison le 4 mai suivant, s'excusant pour le retard, que le 3 mai, le maître d'oeuvre rapellant que les menuiseries auraient dû être posées à compter du 26 avril, puis du 2 mai, mettait la société Menuiserie Louet de procéder à cette pose à compter du jeudi 4 mai sous peine de résiliation de son contrat, qu'en l'absence de livraison à la date annoncée, la société Menuiserie Louet a pris possession des huisseries dans les locaux de son fournisseur le 8 juin 2017.

L'acceptation de la lettre de change est donc pourvue d'une cause s'agissant d'assurer le paiement des fournitures que l'acquéreur a reçu.

Selon son courriel du 8 juin et les attestations de ses anciens salariés Mme [F] et M. [Y], les huisseries lui ont été remises non montées et par un courriel du 27 juin 2017, elle a réclamé à la société Bidault la livraison des volets roulants et des vitrages isolants.

S'il n'est pas justifié par le fournisseur de la délivrance des volets roulants commandés, ce qui constitue un défaut de constitution de la provision correspondante à hauteur de 727,10 euros (302,96 ht x 2 + TVA 20 %), la réclamation des vitrages isolants est en contradiction avec les témoignages des anciens salariés qui font état du montage des vitrages sur les huisseries, avec les termes du courriel du 8 juin 2017, qui ne font pas état de vitrages manquants, et avec les propres conclusions de la société Menuiserie Louet qui, en page 8, indiquent que : « le 27 juin, la SARL Menuiserie Louet ne disposait pas des portes fenêtres et volets roulants », de telle sorte qu'au delà de ces derniers, l'imprécision de la réclamation ne permet pas de renverser utilement la présomption de provision de la lettre de change, constituée par le tireur pour l'échéance de la lettre de change.

En conséquence, la société Menuiserie Louet est tenue de payer la lettre de change à concurrence de 13.181,95 euros (13.909,05 ' 727,10). S'étant déjà acquittée de la somme de 2 555,42 euros, elle sera condamnée à verser le solde soit 10.626,53 euros, ce qui conduira la cour à réformer le jugement des premiers juges en ce sens.

3°) sur la demande reconventionnelle de la société Menuiserie Louet :

La société Menuiserie Louet fait valoir que le retard dans la livraison l'a contrainte à engager des frais qu'elle a facturés à la société Bidault qui ne les a pas contestés, que la mauvaise exécution du contrat lui a causé un préjudice et qu'elle détient à l'encontre de la société Bidault une créance connexe autorisant la compensation.

Il est établi par les pièces que par le retard de la société Bidault a conduit le maître d'oeuvre à mettre en demeure la société Menuiserie Louet d'avoir à exécuter ses obligations contractuelles et que pour pallier la carence de son fournisseur et ne pas retarder le chantier, cette dernière a procédé à la pose de cadres et panneaux provisoires, ce que confirme également le maître d'oeuvre dans un courriel du 16 juin 2017, qu'après prise de possession des huisseries, elle a été contrainte de réaliser elle-même leur finition par l'assemblage des éléments (cadres, vitrages, tapées, joints, parecloses).

Ces opérations ont généré pour elle des frais indûs justifiant ses trois devis des 3, 18 mai et 8 juin 2017 transmis à la société Bidault, et restés sans contestation de sa part, et sa facture du 31 juillet 2017 pour un total de 11.353,63 euros TTC.

Le jugement sera infirmé et il sera dit que cette créance, dont il n'est pas contesté qu'elle a fait l'objet d'une déclaration au passif de la procédure collective de la société Bidault, est due par cette dernière.

Par ailleurs, l'article 622-7 I du code de commerce écartant l'interdiction de paiement des créances nées antérieurement au jugement d'ouverture d'une procédure collective pour le paiement par compensation de créances connexes et les créances réciproques des parties résultant de l'exécution du même contrat de fourniture d'huisseries du 30 mars 2017, le paiement par l'effet de la compensation pourra être effectué.

PAR CES MOTIFS

Constate le défaut de paiement du timbre fiscal,

Déclare irrecevable les conclusions et les pièces de la SELAFA MJA,

Infirme le jugement du tribunal de commerce de Dijon en date du 21 janvier 2021 en ses chefs de dispositif soumis à la cour,

Statuant à nouveau,

Condamne la SARL Menuiserie Louet à payer à la SARL Bidault la somme de 10.626,53 euros,

Dit que la SARL Bidault est débitrice de la SARL Menuiserie Louet pour une somme de 11.353, 63 euros TTC,

Dit que ces créances réciproques seront payées par compensation,

Rejette la demande de la SARL Menuiserie Louet fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que chaque partie conservera la charge des dépens dont elle a fait l'avance.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : 2 e chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/01454
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;21.01454 ?
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